Une fois de plus, les Avery étaient absents depuis déjà quelques jours, abandonnant leur demeure et leur enfant à la garde de Murlay, leur elfe de maison. Richard et Anya avaient un train de vie particulièrement fastueux, pris par leur travail et les soirées qu’ils ne rataient jamais, sauf lorsqu’ils partaient à l’étranger sans s’encombrer de leur jeune fils. Cet enfant, ils l’avaient voulu, il était nécessaire pour perpétuer leur lignée, pour poursuivre leur héritage, mais était encore bien trop jeune pour les suivre dans leurs péripéties.
Caché sous sa couverture, dans cette chambre si grande, le petit garçon tendait l’oreille. La maison de ses parents était vaste, sombre, ancienne, recelant de mystères et de parts d’ombre pour le gamin qu’il était. Et si la journée il n’avait guère de crainte à l’explorer en l’absence de ses géniteurs, la nuit les choses prenaient une toute autre tournure. C’était comme si les ombres s’étiraient, que la maison prenait vie. Elle grondait, craquait, et semblait prête à avaler quiconque s’aventurerait là où il ne fallait pas. Et cet endroit, Rayleigh savait qu’il s’agissait du grenier, deux étages au-dessus de sa tête. Un lieu proscrit, qu’il n’avait vu que de jour et qui lui avait déjà fait forte impression. C’était là, le coeur de la maison, la demeure des cauchemars, le repère des monstres qui venaient ensuite se cacher dans l’ombre des lits.
Prenant une forte inspiration, la petite tête blonde se dégagea de sous la couverture avec un regard dans lequel se mêlait angoisse et détermination. Son plan, il se l’était répété peut-être cent fois. Il n’était pas sans failles, mais ne saurait être meilleur qu’il n’était actuellement. Après avoir vérifié que rien ne se cachait sous son sommier, il mit pieds au sol et s’équipa. Capeline sur les épaules, batte dans une main et couvercle de marmite dans l’autre en guise de bouclier, il sortit de sa chambre et avisa les escaliers menant à l’étage.
Cette nuit, il allait affronter le monstre, et le vaincre.
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« He, Ezio ! Ramène-toi, on se fait un deux contre deux. » Septième année. La dernière. Il en avait parcouru un beau chemin, l’Avery ! Réparti à Serpentard après une longue hésitation du Choixpeau, il s’était assez vite démarqué par son côté assez flamboyant qu’on attribuait aux Lions. Éduqué dans des valeurs puristes, il n’hésitait pas à les remettre en question face à ses comparses, dans une simple volonté d’émettre un point de vue différent et de voir au-delà de ce qu’on avait pu lui enseigner. Bien qu’absents, ses parents avaient voulu en faire un digne héritier de leur nom, et dès qu’il fut en âge, ils l’avaient amené à cotoyer d’autres familles au nom influent. Le garçon avait su se faire bien voir de ses pairs, mais cultivait le libre arbitre, tant et si bien qu’il compta rapidement dans ses camarades davantage de sang-mêlés que de sorciers issus de lignées pures. Rayleigh ne fuyait pas pour autant ses pairs, mais estimait qu’il n’avait pas à s’arrêter simplement à leur compagnie pour les beaux yeux de ses parents.
Elève brillant, il se démarquait par sa facilité à apprendre et sa rapidité d’exécution dans le domaine des sortilèges, là où les matières plus théoriques lui faisaient un peu plus défaut. Le domaine où il excellait ? Les Défenses contre les Forces du Mal et le duel, dont il devint président du club à sa 6ème année.
C’est lors de la dernière rentrée qu’il fit la connaissance d’un élève nouvellement arrivé à l’école, dans la maison des Jaunes et Noirs. D’un naturel sociable, Ray était rapidement allé à sa rencontre. Très rapidement, il y eut une sorte d’alchimie entre les deux étudiants, une amitié qui ne fit que gagner en profondeur. Pour l’unique fils Avery, Ezio était le frère qu’il n’avait jamais eu, celui avec lequel il n’y avait pas toujours besoin de mots pour se comprendre.
Arrivé d’Italie pour cette rentrée, le Grimaldi n’était pas venu seul à Poudlard mais accompagné de deux sœurs à la crinière flamboyante. C’est pour Chiara, la plus âgée des deux, que le Serpentard eut un coup de foudre. Si la première approche avait été sciemment maladroite et provocante, et conclue d’un lamentable échec, elle n’avait pas fait perdre espoir à Rayleigh, tout au contraire. Cette demoiselle lui avait volé son cœur, et il comptait bien lui rendre la pareille.
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Dans un grincement, Rayleigh repoussa la vieille porte qu’il venait de déverrouiller d’un sort. Face à eux, dans la pénombre et la poussière, un bien étrange spectacle s’offrait à eux. Vieux grimoires, bocaux contenant des choses étranges dans un liquide aux teintes verdâtres, crânes d’animaux divers, plantes séchées ça et là… Accompagné de son meilleur ami, Rayleigh s’aventura dans cette nouvelle pièce de la ruine qu’ils venaient de découvrir.
« Par Merlin… regarde-moi ça ! » souffla l’étudiant en se saisissant d’une sorte d’orbe parfaite taillée dans une pierre particulièrement sombre.
C’était loin d’être la première fois qu’ils faisaient ce genre d’expériences et de découvertes avec Ezio. Si ces deux-là étaient toujours fourrés ensembles, ça ne s’était guère amélioré depuis la fin de Poudlard. Respectivement dans des études d’auror pour Ezio et de tireur d’élite pour Rayleigh, il était peu dire que les deux jeunes sorciers profitaient de leur première année de liberté. Les derniers mois les avaient plus encore rapprochés d’une certaine façon, car la belle Chiara avait fini par offrir son coeur à l’Avery, qui passait bien plus de temps auprès des Grimaldy que de ses parents, trouvant au sein de cette famille une ouverture d’esprit qui faisait largement défaut à la sienne.
Mais Chiara était encore à Poudlard, au cœur de sa septième année, et c’était l’occasion pour les deux garçons de faire quelques sorties audacieuses tant qu’ils le pouvaient.
C’est un craquement qui fit subitement tourner la tête au jeune sorcier, juste à temps pour voir deux éclairs fuser droits vers eux. S’il eut le temps de faire apparaître un bouclier de justesse, ce ne fut guère le cas d’Ezio, pris en traitre, qui fut projeté contre la roche.
« EZIO ! »Rayleigh n’eut que le temps de voir son ami retomber lourdement, inerte, avant d’avoir à se protéger de nouveaux assauts. Obligé de se défendre, il était dans l’incapacité d’attraper son frère pour transplaner hors d’ici. Obligé à faire face à plusieurs adversaires tapis dans l’ombre. Obligé de vaincre, s’il voulait pouvoir le sauver.
Très rapidement, les sorts fusèrent de part en part, éclairant brièvement les murs de pierre, les interstices, et les assaillants au nombre de trois. Un bombarda aurait sans doute vite réglé le problème, mais la structure était tellement dans une salle état qu’ils risquaient de se retrouvés ensevelis également. C’est après avoir bloqué deux nouveaux sorts qu’il parvint à neutraliser un de ses adversaires en envoyant un lourd chaudron sur lui, avant de lui-même faire un vol plané. Retombant lourdement contre une table dont il renversa les fioles s’y trouvant, le jeune tireur d’élite eut le souffle coupé. S’il eut le temps de lancer un stupefix à l’un des mages s’approchant trop près d’Ezio, ce fut juste avant de lui-même lâcher sa baguette. Le souffle coupé par une douleur intense au niveau de sa poitrine, il porta la main à son coeur qui s’emballait en se laissant glisser sur le sol. Des chandelles venaient ça et là de s’allumer, mais devant les yeux de Ray c’étaient bien trop d’ombres qui se profilaient alors que son coeur pulsait à un rythme effréné. Incapable de se défendre lorsque le dernier sorcier vint le redresser en le saisissant par les cheveux, c’est seulement une voix lointaine qui lui parvint alors qu’il menaçait de sombrer dans l’inconscience :
« Vous avez foutu un sacré bordel, p’tits merdeux… mais j’n’ai besoin que d’un cobaye. »La seule image qui s’imposa alors à son regard fut le visage de Chiara, la seule qui persista alors que les ombres s’emparaient de lui. Jusqu’à ce qu’un choc violent le projetta de nouveau au sol et qu’une main vint le secouer. Il entendit son nom. Une fois, deux fois, trois fois… et l’air, brûlant, regagna ses poumons.
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Pour la seconde fois, elle lui disait “oui”. Oui, elle voulait être sa femme, jusqu’à la fin de leurs jours.
Si Rayleigh avait fait preuve d’une certaine impatience lorsqu’ils étaient plus jeunes pour demander sa main, sa compagne avait su le tempérer quelque peu par la suite. Pas besoin de précipitation, puisqu’ils filaient le parfait amour. Et aujourd’hui, face à leurs proches et amis, ils scellaient enfin leur union. L’Avery aimait Chiara d’un amour sincère et sans limite, pourtant il restait une ombre à ce tableau parfait : l’absence de ses parents à ce mariage. Richard et Anya avaient plus d’une fois fait part de leur désaccord avec le choix de leur seul enfant de se lier à une impure. Une lubie qui lui passerait, espéraient-ils, mais jusque-là le temps ne leur avait guère donné raison. Il y avait eu dispute la veille, entre le père et le fils, et les choses avaient été claires : l’enfant que portera Chiara ne pourrait avoir le nom d’Avery, et ne toucherait rien de leur fortune. A l’inverse de sa compagne lorsque la colère parlait, Rayleigh n’était pas de feu mais de glace, rappelant à son père qu’il était déjà bien plus proche du crépuscule de sa vie que de son aube, et que l’avenir ne dépendrait bientôt plus de lui.
Si ce déchirement pouvait habiter le coeur du jeune sorcier, cette journée restait leur et irradiait de bonheur. Essuyant d’un pouce la larme qui s’égarait le long de la peau diaphane de Chiara, il prononça à son tour ses voeux à celle qui, à jamais, habiterait son coeur.
« Moi, Rayleigh Avery, je te prends toi, Chiara Grimaldi, pour épouse, à partir de ce jour, pour te protéger, pour rire avec toi dans la joie, pour partager avec toi les moments de tristesse, pour grandir avec toi dans l’amour et pour t’être fidèle, tous les jours de notre vie. »☽ ☽ ☽
« J’ai une totale confiance en vos capacités pour mener à bien cette mission, Rayleigh. »Se tenant debout dans le bureau de son supérieur, le tireur d’élite se contenta de légèrement acquiescer. Le regard sombre, il passa en revue le flot d’informations que venait de lui fournir l’homme du Ministère. Il était question d’un groupuscule assez politisé que la cellule d’information du Ministère voulait garder à l’oeil. Bémol, ils faisaient partis de ces puristes dit “extrémistes” dans leurs modes de pensée et de ce fait étaient regardant sur le nom de ceux les approchant. Si les positions de Rayleigh étaient assez nuancées, son nom, lui, était plus que largement affilié à ceux prônant la supériorité des sang-purs. Et formé à l’Occlumencie, il pouvait aisément protéger des informations qu’il pourrait juger compromettantes.
« Évidemment, vos proches ne devront pas être au courant, et vous devrez faire en sorte de gagner la confiance des meneurs de ce groupe. »Ca coulait de source dans l’esprit du blond, qui acquiesça une fois de plus. Pour l’heure il ne s’agissait que d’intégrer et surveiller un groupe extrémiste parmi tant d’autre, ce qui n’avait rien de bien méchant. Une mission parmi tant d’autres, et qui n’avait rien d’exceptionnel.
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« Vous vous rendez compte de ce que vous me demandez, monsieur le Directeur ?! »Voilà à présent plusieurs mois, plus d’une année complète, qu’un nouveau tatouage ornait l’avant-bras du tireur d’élite. Un de plus parmi ceux qui couvraient déjà sa peau. Mais celui-ci, il le partageait avec de trop nombreuses autres personnes. Il agissait tel un poison, une brûlure, dont l’Avery aurait bien voulu se débarrasser. Ce groupe qu’on lui avait demandé d’espionner, il prenait des proportions effrayantes, et une direction qui faisait froid dans le dos de l’agent-double. Jusque là, il s’était tenu à sa mission sans sourciller, mais ce que venait de lui annoncer son supérieur lui avait fait l’effet d’une douche froide.
« J’ai conscience que je vous en demande beaucoup, Rayleigh, mais vous êtes le mieux placé pour y parvenir. Vous êtes déjà dans le nid du serpent. »Poursuivre la mission, à ce stade, c’était s’engager sur une pente glissante. Une voie à sens unique. La mâchoire crispée, Rayleigh toisa tour à tour son supérieur et l’autre homme se trouvant dans la pièce.
« Selon le déroulé des événements, il se peut également que nous devions prendre des dispositions vis-à-vis de votre poste officiel. Évidemment il y aura des compensations financières, n’en doutez pas. »Les iris clairs du sorcier se posèrent sur le contrat magique qui venait d'apparaître devant ses yeux, et ses pensées se dirigèrent instantanément vers son fils avec qui il devait passer l’après-midi comme tous les vendredis. Face à ce qui se profilait, il ne pouvait que s’inquiéter pour son avenir, et celui de sa famille de façon globale. L’Avery ne voulait pas qu’Eros grandisse dans un monde régi par la violence et la peur, une ère qui semblait pourtant approcher peu à peu avec l’agrandissement des rangs de celui qui se faisait appeler le Seigneur des Ténèbres.
« Vous connaissez votre travail, Rayleigh, faites ce qu’il faut pour que cette organisation s’écroule. Vous ne serez évidemment pas seul, mais nous ne pouvons pas vous communiquer le nom de ceux qui seront vos alliés. »Faites ce qu’il faut… cette pensée arracha un rire ironique au tireur d’élite.
« Je devrais tuer des innocents, monsieur. Vous en êtes conscient ? »Et l’homme acquiesça.
« Je préfère que ça soit par vous, pour atteindre notre objectif, que par d’autres pour faire le mal. »Cette réponse-là lui donna presque la nausée, mais il ne pouvait pas contredire la réalité derrière les mots de l’homme du Ministère. Pour avoir une couverture parfaite et atteindre le coeur même de l’organisation, il allait devoir aller à l’encontre de toutes ses convictions, et devenir l’opposé de ce qu’il avait toujours été. Un masque qu’il avait déjà commencé à se forger auprès des partisans de Voldemort depuis des mois.
Dans un soupir rageur, il se saisit de la plume que lui tendait son supérieur, et applique sa signature en bas du document. Celui-ci se désagrégea alors, ne laissant plus aucune trace de ce qui s’était tramé ici, autre que dans l’esprit des trois personnes présentes.
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Il arrivait souvent à Rayleigh d’avoir des horaires très décalés avec son travail de tireur d’élite, de rentrer au beau milieu de la nuit lorsque tout le monde dormait, ou de partir avant l’aube. Comme bien souvent, ce soir-là il n’était pas rentré. Enfin… du moins sa femme et son fils ne le savaient-ils pas. Appuyé dans l’encadrement de la porte de la chambre d’Eros, il observait en silence l’enfant dormir. Cette nuit serait sans doute la dernière avant longtemps, où il pourrait contempler l’innocence de son enfant. La dernière où il pourrait embrasser sa femme. A son avant-bras, une douleur à la fois vive et lancinante émanait de son tatouage dont l’encre semblait lentement se mouvoir. Cette nuit marquerait un tournant, le début de l’avènement d’une ère qui devrait au plus vite prendre fin. Se détachant du cadre de bois, Rayleigh se dirigea d’un pas silencieux vers la chambre conjugale, où sa femme dormait paisiblement. Le coeur lourd, il observa ses traits d’une beauté inégalable, venant replacer une mèche avant de déposer un baiser sur sa tempe.
« Je t’aime, Chiara. Puisses-tu un jour me pardonner… » souffla-t-il.
Et le sorcier s’éclipsa pour les rejoindre, pour cette première nuit d’horreur qui mettrait le nom du Seigneur des Ténèbres sur toutes les lèvres. Rayleigh savait que suite à ce premier massacre, sa vie changerait à jamais. Ses proches comprendraient ce nouveau symbole qu’il arborait depuis trop longtemps, et ça serait comme une traînée de poudre, un feu qui dévorerait tout sur son passage. Cette nuit, plus que n’importe quelle autre, il signerait son engagement dans cette folle mission qui allait sans doute tout lui coûter. Un aller simple pour l’Enfer.
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Avoir un ancien tireur d’élite, c’est comme avoir un as dans sa manche lorsque l’on est un groupe de terroristes. Ca Rayleigh l’avait rapidement compris. Bien souvent, dès lors qu’il s’agissait de missions nécessitant ou risquant de l’affrontement, on le mettait de la partie, et on comptait sur ses compétences pour aisément se débarrasser d’éléments gênants. Agissant de sang-froid et avec une grande rapidité d’exécution, l’Avery avait acquis une réputation de bourreau auprès de ses comparses mangemorts. Jusqu’à lors, il n’avait connu aucune défaite, et ne dénombrait plus ses victimes. Sinistre réputation que la sienne, et qui assombrissait ses pensées, mais l’agent-double avait su se faire une place de choix parmi les partisans du Seigneur des Ténèbres. Il était écouté de ses pairs, et bénéficiait de la confiance de la plupart d’entre eux, c’était tout ce qui importait. Tout ce qui comptait, pour discrètement mais efficacement semer les graines de la discorde. Tant et si bien que lorsque les premiers doutèrent, il ne fit qu’alimenter bien subtilement leur défiance, sans jamais prendre part aux rebellions ou réunions. Si le Colosse de pierre n’avait pas encore des pieds d’argile, sa structure semblait malgré tout lentement s’effriter.
L’aube allait bientôt se lever, et le Marqué jouait un petit paquet en papier craft. Dans un soupir, il prit l’apparence d’un grand rapace au plumage clair, pouvant rappeler certains oiseaux de proie de la région. D’un large battement d’aile, il s’envola.
C’est sur le rebord d’une fenêtre de son ancienne maison que l’oiseau se posa. Ses iris d’ambre scrutèrent l’intérieur de la chambre de l’enfant encore endormi, qui fêtait aujourd’hui son cinquième anniversaire. Il laissa là le modeste présent qu’il avait amené, un petit pendentif taillé dans du bois, et allait s’envoler lorsqu’un cri tout particulier attira son attention. Les braillements d’un nourrisson. La surprise manqua de faire basculer le rapace de son maigre perchoir, alors que l’esprit du sorcier s’en trouvait chamboulé. Reprenant son vol, il fit le tour de la maison, et vint se poser sur une branche à plusieurs mètres de là. Mais la vue d’une buse est perçante, et c’était bien assez pour qu’il puisse voir ce qu’il cherchait. Là, dans la chambre conjugale, Chiara tenait contre elle un tout petit être. Un bébé de quelques semaines.
Dans le coeur de glace du mangemort, quelque chose s’était fendu. Et le temps s’était comme suspendu alors que ses iris d’ambre observaient la scène d’une mère et son enfant. Son enfant à lui. Un bébé dont il n’avait même pas connaissance, dont il ne connaissait pas même le nom. Un si petit être, qui marquait en un instant l’horreur qu’était devenue sa vie, loin des siens. C’était dans cette chambre qu’il aurait dû se trouver, auprès de sa femme et de ce bébé, à réveiller son fils pour lui souhaiter un anniversaire digne de ce nom. Pas à suivre cette scène de loin, comme un étranger, un banni. Et pourtant… c’était bien ce qu’il était devenu.
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Un épais brouillard s’était formé à leur arrivée, entourant l’arène, prémisse du massacre qui allait suivre. Un masque d’argent couvrant son visage de glace, Rayleigh vit le premier sort frapper de plein fouet un étudiant étranger, le tuant avant-même qu’il ne touche le sol. Il y eut un silence pesant, d’une fraction de seconde, et qui pourtant sembla durer une éternité, avant que l’affrontement de la finale du Tournoi des Sorciers ne reprenne. Sauf que les mangemorts s’étaient ajoutés à l’équation, et qu’en peu de temps tout tourna au massacre.
La simple idée de tuer des enfants lui faisait horreur, aussi, l’Avery se contenta d’en mettre hors d’état de nuire, les mettant hors combat et ainsi peut-être hors de danger. Mais bien rapidement, tout devint hors de contrôle, des adultes venant s’ajouter à l’affrontement pour protéger ce qu’il restait à protéger. Parmi la multitude, un sort vint frapper le mangemort en plein visage, faisant voler son masque et dévoilant un sorcier au regard froid, inexpressif, tranchant avec la ferveur dévastatrice des autres bourreaux l’accompagnant.
Et il ne fallut que quelques secondes supplémentaires pour qu’il ne la voit. Chiara, qui s’était figée en rencontrant son regard. Imperceptiblement, il crispa sa mâchoire. Qu’est ce qu’elle faisait ici au milieu de cet affrontement ?! S’il se doutait de la présence d’Ezio en tant qu’auror, ce n’était pas le cas de sa cadette ! Le regard du sorcier se fit instantanément plus dur, alors qu’elle semblait prête à le rejoindre. A aucun moment elle ne devait l’approcher, et d’un pas, il recula, avant d’envoyer un sort d’un geste précis sur un sorcier. Le message se devait d’être clair, et il fut bien reçu par celle qu’il aimait. Figée dans une colère sourde, ses traits se firent incandescents, et elle attaqua de tout son coeur.
Fermé, Rayleigh n’avait guère besoin de plus. Ses camarades appelaient à la retraite, alors il se contenta de parer les boules de feu qui fonçaient vers lui et transplana. Simplement.
A présent, l’un des bourreaux au masque d’argent avait un nom. Celui d’un ancien tireur d’élite émérite, et radié de son travail, banni et recherché mort ou vif.
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Plus de quatre années, pour que le colosse ne finisse par s’effondrer.
Il s’en était passé des choses, durant tout ce temps.
Assis sur le haut du rempart d’un château en ruine où, avec quelques mangemorts, ils avaient élu temporairement domicile, Rayleigh observait les prémisses de l’aube à l’horizon. Le dos posé contre la pierre d’une ancienne tour, une jambe dans le vide, il scrutait le ciel qui prenait une teinte plus rosée sans même que le soleil ne se soit encore levé.
Voldemort n’était plus, et c’était comme un poids qui s’était ôté de ses épaules, sans pour autant alléger sa peine. Sa mission, bien qu’ayant connu une avancée inédite, n’était pas encore achevée, et ne le serait pas tant que des mangemorts étaient encore libres de leurs mouvements.
Mais beaucoup de choses avaient changé…
Fignus Montignac, son supérieur qui lui avait fait signer ce maudit contrat, était mort quelques mois plus tôt, emportant avec lui ses secrets. L’unique autre détenteur, il n’en connaissait que les traits, mais parlerait-il en sa faveur le moment venu ? Et croirait-on un mangemort avéré ? Autant de questions qui se posaient dans l’esprit du blond, mais effacées par bien d’autres. A l’Aube de cette paix, une réhabilitation serait-elle seulement possible ? Car si Rayleigh n’était pas certain que ses proches lui accordent un quelconque pardon, il n’était pas même sûr de le mériter. Lui-même estimait avoir commis bien trop d’atrocités, car s’il avait perdu le compte des morts qu’il avait donné, il n’en oubliait pas les visages.
Cependant, un nouveau jour s’était levé alors que les premiers rayons du soleil irradiaient dans le ciel de fin d’été. Une nouvelle page à écrire, la fin d’une histoire qui prendrait encore des semaines, des mois ou des années. Rayleigh avait encore un travail à accomplir, avant que ne sonne la rédemption… ou le glas.