la faiblesse || Helemew

Elle était à l'aise, dans le salon familiale de la famille Greengrass - il ne saurait en être autrement, alors qu'elle avait vécu des centaines de réunions semblables. Elle se souvenait de son père, se tenant à la place du patriarche et sourire à l'ensemble des invités, tandis que sa mère les accueillait avec des discours et des belles paroles réconfortantes. Elle se tenait, pour sa part, près d'eux comme le faisaient tous les héritiers des Greengrass. Filles comme garçons, habillés avec goût par des créateurs de talents qu'ils savaient financer pour être certains de rester privilégiés.
Ce jour-là, cependant, elle se tenait de l'autre côté, portant son nouveau nom de Mulciber. Si elle restait une Greengrass, reconnaissant facilement sa nièce, sa cousine, son oncle, elle savait aussi qu'elle portait la fierté d'une autre famille aujourd'hui. Elle représentait celle de son mari - Bartholomew et elle se tenaient proches, comme souvent quand ils étaient en public. Ils savaient donner le change, alors que dans l'intimité ils ne partageaient plus la même chambre depuis une dizaine d'années maintenant.

Ils connaissaient parfaitement les règles du jeu de cette société sorcière - ils savaient qu'ils n'étaient pas Barth et Helen - ils étaient les Mulciber, portant fièrement la pureté du sang de cette famille anglaise. Ils étaient unis, forts dans un monde qui voyait la puissance comme la plus certaine des réussites. Mais la plus fragile également - il suffirait d'un mauvais pas, d'un écart de trop, d'un instant d'égarement oublié pour que tout s'effondre. Pour qu'une rumeur, un scandale, mette à terre ce qu'ils avaient mis des dizaines d'années à établir.
Cela étant, il faudrait être parfaitement idiot pour s'en prendre au couple Mulciber, c'était une certitude qu'Helen portait sans craindre une seconde de voir son monde s'effondrer. Mais elle savait aussi reconnaitre les faiblesses de son mari - Barth était son meilleur ami, une chose qu'elle ne pouvait nier. Le mariage entre eux avait été arrangé pour leur assurer la puissance - et c'était une chose qu'ils portaient parfaitement - mais cela ne signifiait pas qu'ils étaient liés émotionnellement pour toujours. Toujours était un temps incroyablement long, après tout.

L'amour ne s'était pas étiolé, il s'était assagi. Elle ne pouvait pas nier qu'elle l'avait aimé - à moins qu'elle n'ait ressenti la passion dévorante de la nouveauté et du désir. Encore jeune, tout juste sortie de Poudlard quand ils se sont mariés, elle lui avait été fidèle et dévouée. Au début. La fidélité était une norme qu'elle n'avait pu lui assurer plus qu'une vie - leur vie était unique, après tout, et ils voulaient autre chose, tous les autres. Ils s'appartenaient, se soutenaient, formaient une parfaite équipe, et peut être était-ce pour cela qu'ils avaient conclu leur pacte. Pour rendre l'autre heureux, lui assurer cette part de liberté pour pouvoir simplement exister. Pouvoir désirer d'autres êtres librement - voila ce qu'ils s'étaient promis.
Et parce qu'ils se connaissaient par coeur, elle savait parfaitement reconnaitre ce regard. Un moment, profitant de la venue de sa nièce - Allegra - pour voir ses petits neveux, elle croise le regard de son mari. Son mari, discutant avec June Pettigrow, étoile montante du Quidditch anglais.

Un regard brillant. Colérique. Fiévreux.
June qui est arrivée aux bras de Castiel Mulciber, leur fils adoptif. Et ce regard, elle le lu rapidement, elle le comprit rapidement, et cela l'excéda. Elle attendit, parce qu'elle ne manquait pas de patience en société - elle savait se tenir longtemps. Assez pour voir Bartholomew s'échapper vers le jardin d'hiver - sans doute à la recherche d'un peu d'air. Et sa femme ne manqua pas l'occasion de le suivre, sachant qu'ils y seraient seuls et tranquille. Arrivée dans le jardin couvert, elle en ferma la porte d'accès pour éviter d'être surprise par l'entrée de quiconque. June Pettigrow ? demanda-t-elle sans attendre, croisant les bras sur sa poitrine. Le tissu fluide de sa robe suivi ses mouvements parfaitement - une tenue signée par Zero, créateur jeune et talentueux. T'as baisé la petite amie de Castiel ? Sérieusement ?
 

C'est la tradition chez les Greengrass, que de se rassembler au début de l'hiver et au début de l'été afin de petit-déjeuner ensemble pour papoter des dernières nouvelles de la famille. C'est que ces derniers vivent un peu partout et il vous est difficile de vous retrouver pour simplement prendre un café, plus encore car chacun travaille et qu'avec les enfants, pour ceux qui viennent d'accueillir des petits, l'emploi du temps est aussi chargé qu'on peut l'imaginer. De fait tu as fini par y prendre goût et ces journées se déroulent tranquillement, vous papotez de tout et de rien, tu retrouves les Greengrass que tu apprécies et tu évites la vielle tante Marge qui a tendance à te tirer la joue en te demandant comment tu vas. Dû à son grand âge, car elle étudie les potions et cela conserve très bien apparemment, tu ne dis jamais rien. Elle t'apprécie mais la garce te fait toujours très mal et puis sous son geste tu te sens comme un gamin de dix ans et pour le juge et Chef des Tireurs que tu es, ça met un coup à ton ego. Adriel va venir, ce qui te rassure car les retrouvailles avec ton unique héritier sont toujours aussi tendues et tu aimerais qu'il ne gâche pas les retrouvailles familiales en brillant par son absence. Mais tu lui fais assez confiance, il sait comme c'est important pour sa mère alors il viendra. A quelle heure ? Surprise par contre.

Castiel aussi viendra et il a une surprise, il doit vous présenter sa fiancée et jusque là il est resté silencieux et secret au sujet de son identité, de ce qu'elle fait dans la vie et tout ce qui pourrait vous intéresser. Tu es curieux mais aussi inquiet, tu espères qu'il ne va pas te ramener n'importe qui. Et surtout n'importe quoi. Alors, sourire sur le visage pour faire bien et te tenant proche de ta femme, sur une marche au dessus d'elle car vous attendez dans l'escalier que tes invités arrivent, bien vite tu te mêles aux conversations et on te glisse un café au lait dans les mains ainsi qu'un morceau de gâteau aux pommes. Tu remercies ta femme qui sait bien que tu vas parler sans manger avant d'être surpris par ton fils. Tu as à peine le temps d'avaler une gorgée que Castiel t'interrompt et pendant un instant tu marques un arrêt en voyant qui tu as devant toi. Ton amante d'un instant, rencontrée lors d'une soirée au ministère et dont la présence ici ce soir te surprend tout en te gênant profondément. Même si tu ne montres rien et pendant une seconde quand Castiel vous présente tu comprends que c'est elle la surprise. Une surprise bien désagréable qui te fait battre le cœur plus vite sous ton sourire de convenance. Quelques mots échangés et malgré les piques que tu lances à la belle, de longues minutes s'écoulent avant que tu ne t'excuses pour laisser Castiel et sa fiancée, dont le titre te donnerait presque la nausée, partent pour la présenter à d'autres.

Tu as la tête qui tourne quand tu rejoins le jardin d'hiver, composé de plantes qui résistent aux températures hivernales et d'une famille de dirico. Les Greengrass, en plus de financer des artistes et des créateurs, soutiennent les causes animales en prenant chez eux des créatures menacées le temps qu'elle se retapent. Le couple semble aller bien car ils sautillent l'un avec l'autre dans les buissons et cette image t'arrache un sourire un coin alors que tu sors une cigarette moldue de la poche interne de ton costume, pour l'allumer sans magie en claquant des doigts. La première bouffée te fait soupirer et semble te calmer, c'est une illusion qui explose comme une bulle de savon quand tu entends la voix de ta femme nommer celle qui fut ton amante d'un soir. Et la question qui suit, aussi vulgaire que possible car entre vous il n'y a plus de filtre, te fait cracher la fumée avec colère. « Je n'en savais rien. Je l'ai rencontrée au ministère et elle m'a invitée à un match. Tu imagines la suite. Castiel nous a caché son identité, je n'aurais pas fait ça si j'avais su que c'était elle. » Et tu lui jettes un regard en biais pour remarquer sa position défensive qui annonce, au passage, que tu pourrais passer un sale quart d'heure. « Quoi ? Tu penses que je l'ai fait exprès ?! Ho ça va avec tes leçons de morale, ne commence pas ! » Et moins encore si elle compte te passer une soufflante. « Et depuis quand ça te regarde, qui je me tape ? Tu as été claire il y a dix ans non ? » Sous entendu, elle n'a pas à s'occuper de tes affaires. Mais tu connais ta femme, elle ne va pas en rester là.
 

Il sort une cigarette - une habitude qu'elle n'avait pas vraiment en affection mais qui lui allait divinement bien, elle devait l'admettre. C'est pourquoi - mû par ce désir d'être aussi cool que lui à ce moment précis - elle lui en prit une également et la mena à ses lèvres. Elle fumait rarement, c'était une chose qui était bien trop moldue, trop triviale et obscène, guère digne d'elle. Elle ne renvoyait pas l'image d'une femme triviale, elle s'y refusait. Elle était née Greengrass. Elle avait grandit Mulciber. Et à présent - à présent elle quittait la foule pour faire entendre à son mari comme il avait été idiot. Elle n 'était pas stupide - elle savait que toutes les familles avaient leur travers et supposé que l'infidélité n'était pas la pire. C'était une entente parfaite entre eux et elle supposait que cela leur permettait d'être toujours plus ou moins heureux ensemble. Du moins de rester ensemble - ils n'avaient pas cette pression sur les épaules de devoir séduire et plaire à quelqu'un dont ils n'étaient pas amoureux. L'amour était une idéologie idiote - la passion était cependant réelle. Et si son mari avait une passion passagère, elle aimait autant qu'il l'assouvisse avec son consentement, dans le cadre de l'entente qu'ils avaient décidé ensemble.
Au moins il rentrait à la maison et restait avec la bague aux doigts. Il n'avait rien à perdre et elle non plus. Sauf quand son mari choisissait la mauvaise fille. Elle supposait que la chose aurait pu arriver plus tôt - mais s'étonnait quand même du choix de June Pettigrow. La gamine devait avoir la vingtaine tout juste. Je n'en savais rien. Je l'ai rencontrée au ministère et elle m'a invitée à un match. Tu imagines la suite. Castiel nous a caché son identité, je n'aurais pas fait ça si j'avais su que c'était elle. T'es sûre de toi ? Elle est jeune et jolie - apparemment c'est devenu ton style maintenant. Et elle se retint de lâcher écervelée quoi que la gamine avait bien joué ses cartes : elle avait pu approcher un homme de pouvoir très rapidement.

Parce qu'elle ne pouvait pas voir les choses autrement. Elle l'oubliait parfois - mais son mari était le pouvoir, il était la réussite, et il était séduisant. Il avait tout ce qui faisait fondre les filles idiotes et ambitieuses. Et apparemment, à présent il aimait cela. Quoi ? Tu penses que je l'ai fait exprès ?! Ho ça va avec tes leçons de morale, ne commence pas ! Tu sais que tu la mérite ma leçon de morale. Grogna-t-elle en réponse, décidée à ne pas s'excuser de parler. Parce qu'il avait eut l'audace de s'envoyer une fille sans se renseigner avant. Il avait ramené une de ses maitresses sous leur toit. Et surtout, il avait trompé leur fils adoptif. Et depuis quand ça te regarde, qui je me tape ? Tu as été claire il y a dix ans non ? J'ai été claire sur le fait que je ne voulais pas savoir qui tu te tapais. Pas que je voulais avoir une de tes maitresses à ma table. Répondit-elle. Mais jamais je n'aurai pensé que tu irais choisir une greluche de vingt ans. J'espère que ça valait le coup d'oeil - ou qu'importe le coup que tu lui as mis d'ailleurs. Rajouta-t-elle juste pour le plaisir de se l'entendre dire. Elle ne comprenait pas - sans doute était-ce une question de virilité, ou de masculinité. Une chose qui lui échappait complètement. Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? Demanda-t-elle en croisant les bras, terminant sa cigarette qui termina par terre sous son talon.
 

Pire qui te fait lever les yeux au ciel alors que tu portes la cigarette moldue à ta bouche pour tirer une bouffée de tabac. Tu vois Helen qui fume en coin et tu te rends compte que cela la rendrait diablement sexy si seulement elle savait comment faire. Le tableau n'est pas parfait, ça ne lui ressemble pas que d'avoir cette chose entre les doigts mais tu te retiens du moindre commentaire. Vous avez toujours été certain d'une chose, qu'il vous faut vivre dans votre coin vos passions pour ne pas déranger l'autre, ne pas l'empêcher de s'amuser et si en société vous devez assurer un mariage parfait et convenable, une fois chez vous ça ne regarde personne qui s'endort contre vous ou pas. D'ailleurs voilà une décennie, depuis que Adriel est parti à Poudlard, qu'il n'y a plus de ça entre vous. Ce serait comme finir avec ta meilleure amie, si tu as su le faire à l'époque à présent ce serait... Indécent et désagréable. « Venant de toi... Laisse moi rire. » Que tu réponds en tapant sur la cigarette pour jeter un peu de cendre dans le bosquet de géraniums de ta belle mère, non sans lâcher un rire moqueur. Elle adore ses fleurs que tu trouves affreuses, c'est vraiment le genre de fleurs qu'on n'imagine que dans les cimetières, pourquoi elle s'entête à en faire pousser dans ce jardin ?

« Combien de fois dois-je le dire ? Je ne savais rien de son lien avec Castiel. En plus tu peux parler, je suis certain d'avoir croisé au moins trois de tes amants au ministère. Tu me crois si idiot ? » Certes il n'est pas à ta table mais le résultat est le même, elle couche aussi ailleurs avec des hommes que tu croises parfois. Ils ne diront jamais rien car s'en prendre aux Mulciber c'est signer son arrêt de mort mais malgré tout tu sais que ta femme n'est pas là à t'attendre silencieusement dans votre grande maison, comme la femme douce et discrète qu'elle n'a jamais été. « Pourquoi, tu es jalouse ? » Pique pour surpasser la sienne, sa vulgarité va finir par appeler la tienne. Quoi que c'est déjà fait, devant tout le monde vous affichez des sourires mais entre vous c'est un match de boxe qui se joue et c'est à qui tombera le premier.

Tu jettes le mégot une fois terminé, encore dans les géraniums de belle-mère Greengrass puis tu plantes tes mains dans les poches de ton costume, tout en levant les yeux au ciel pour observer une envolée d'oiseaux migrateurs. « Tu penses que je vais l'attraper en levrette devant tout le monde au milieu de la table ? Quoi que ça pourrait faire de l'animation... » Tu lâches un rire en sachant qu'elle pourrait t'envoyer son talon dans le tibias, Helen peut cogner dur parfois. « Je ne vais rien faire du tout. On va agir comme si rien ne s'était passé. » Vraiment ? Alors que tu ne peux t'empêcher de la quitter des yeux quand elle se présente devant toi ? Tu fais taire ta conscience mais au fond de toi tu sais que tu viens de tomber dans un filet du diable qui ne te lâchera pas facilement.
 

Elle rageait, profitant de la solitude qu'ils s'étaient trouvés pour pouvoir lui dire vraiment ce qu'elle avait sur le coeur - parce que qu'importe leur relation, qu'importe qu'ils couchent ailleurs, qu'importe qu'ils ne soient pas amoureux comme d'autres prétendaient l'être, ils étaient francs l'un avec l'autre. Ils étaient honnêtes, directs, et loyaux. Loyaux - en théorie - sauf que voila que soudainement les règles du jeu venaient de changer et elle ne pouvait pas l'accepter. Elle ne voulait pas l'accepter parce qu'elle ne voulait pas les choses changent - c'était confortable de trouver cette entente avec son mari. Ils pouvaient se rendre heureux en privé et assurer une image parfaite pour le reste du monde. C'était l'équilibre nécessaire à l'existence dans le monde magique en Angleterre. Pour ne pas briser la réputation des Mulciber ou des Greengrass.
Mais il avait changé les règles du jeu et elle réalisait à peine tout ce que cela pouvait comprendre de conséquences. Combien de fois dois-je le dire ? Je ne savais rien de son lien avec Castiel. En plus tu peux parler, je suis certain d'avoir croisé au moins trois de tes amants au ministère. Tu me crois si idiot ? Et maintenant que tu sais qui elle est, tu vas faire quoi ? Demanda-t-elle sans rebondir sur la présence de ses amants au Ministère. C'était un état de fait, elle ne pouvait pas le nier. Il n'était clairement pas si idiot, comme il le disait, et elle n'aurait pas la prétention de lui dire le contraire.

Pourquoi, tu es jalouse ? De son cul de midinette qui t'a fait craquer ? Clairement. Grogna-t-elle, mordant plutôt que d'accepter qu'elle a été mordu. Elle n'était pas jaloux, elle ne pouvait pas l'être. June était une arriviste, une gamine qui venait de découvrir le monde et pensait pouvoir utiliser ses charmes de gamine pour le plier. Helen était déjà au sommet, ayant compris qu'il n'était pas nécessaire de se vendre pour faire plier les autres, mais d'être meilleure et intouchable. Cela, la gamine ne le comprendrait sans doute jamais. Tu penses que je vais l'attraper en levrette devant tout le monde au milieu de la table ? Quoi que ça pourrait faire de l'animation... Elle se retint de le frapper - l'image accolée à sa rétine l'écoeurait au plus haut point. Comme si tu en étais capable. Elle parle sans réfléchir, croisant les bras pour montrer toute la portée de son désaccord. Je ne vais rien faire du tout. On va agir comme si rien ne s'était passé. Ne rien faire. Parfait. Fais en sorte que je ne croise pas le regard de cette fille. Exigea-t-elle finalement en s'en retournant à la fête, décidée à faire la gueule à son mari pour le reste de la semaine.

to be continued.