Des dragons en papier || Lisha & Emrys

C'était une douleur violence dans la cage thoracique, l'empêchant de respirer convenablement. Il tentait de retrouver sa respiration, de garder les pieds sur terre, de se montrer sûr de lui et confiant - mais il n'était décidément pas doué pour la chose. Encore une journée avant de se lancer dans la cours des grands sans filet - pas que ce soit la première fois qu'il se retrouve devant une classe, mais jusqu'à présent c'était Piper qui menait la danse et donner les cours. Lui se contentait d'être à ses côtés, de distribuer les copies ou de nettoyer les effets néfastes des blagues des élèves. Et si jamais ils tentaient de m'ensorceler ? pensa-t-il dans une vague de panique, avant de se rappeler que c'était lui l'adulte - il s'agissait de jeunes sorciers encore en apprentissage. Ce qu'ils savaient faire, il y avait de forte chance qu'il soit meilleur à le faire encore.
Il souffla durement, relisant ses cours, encore enfermé dans le bureau qui lui était dédié. La salle d'histoire de la magie était encore décorée au goût de Piper, avec ses cartes, ses bibliothèques et ses petites statuettes venues de l'étranger. Il savait qu'il devrait sans doute changer tout cela, mais son esprit divaguait rapidement dans des méandres insupportables et il ne cessait de penser qu'il ne serait pas à la hauteur. Pas après Piper Fawley.

Finalement, incapable de tenir plus longtemps dans le silence de son bureau, il se décida à aller chercher l'aide dont il avait vraiment besoin. Il prit son dossier, l'ensemble des parchemins sur lesquels il avait écrit les données importantes à faire passer aux élèves et il se rendit à la Bibliothèque. Il connaissait assez sa soeur pour savoir qu'il y avait de forte chance pour qu'elle se trouve-là. Dimanche s'étendait dans la langueur de l'inactivité, mais quelques élèves courageux en profitaient pour étudier avant la reprise des cours le lendemain. Les vacances de fin d'année se terminaient enfin et la neige recouvrait le parc. Le château était froid, mais fort heureusement des vêtements chauds et des sortilèges suffisaient à sauver les élèves de l'hypothermie.

Arrivé à la bibliothèque, il passe rapidement devant l'accueil sans se retourné, ignorant l'appelle de son nouveau collègue. A la place, il regarde autour de lui, recherche le visage si familier de Lisha qui doit se trouver là. C'était d'une importance capitale. Il passe les étagères, surprend deux élèves en train de s'embrasser, un autre qui déchire un livre, un autre qui se bat avec le Manuel des animaux fantastiques qui a décidé de lui mordre le bras. Il passe son chemin, pas un regard en arrière, monte une volet de marche et se retrouve dans un coin plus isolé où - Enfin ! - il retrouve sa soeur qui profite de la solitude et du dimanche pour étudier. Sans égard pour le silence ou pour son occupation, il se laisse tomber sur la chaise devant elle et pose bruyamment le dossier devant lui. J'ai besoin de ton avis. Je vais me foirer. Je vais me foirer et les élèves vont m'ensorceler et j'aurai à peine dit le mot guerre des Gob que je vais me retrouver pendu au plafond par les pieds et ils vont faire la danse de la pluie autour de moi. Je commence avec les deuxièmes années demain à 9h. Alors il faut que je trouve le moyen de les captiver. Et j'ai pas une paire de seins comme Piper Fawley - et ça ne se fait pas de parler comme ça d'une femme dans le coma - Il se gifle pour reprendre ses esprits. Tu crois que je peux faire apparaitre un dragon en papier ?

T'es en train de faire une crise de panique. Tu le sais, tu le sens qui gonfle dans ta poitrine au risque de t'engloutir totalement. Tu vas tourner de l'oeil d'un moment à l'autre, une fois que tu auras perdu le contrôle de ton souffle au point de voir trouble. Ca va être ridicule - surtout au milieu de la bibliothèque. Devant ta soeur, qui manquera sans doute pas de trouver un appareil photo pour t'assurer de jamais oublier ce moment. Premièrement, on ne se gifle pas. Ca va pas la tête ? T'as déjà pas beaucoup de neurones. Respire profondément. On inspire, et et on expire. Alors tu suis les mouvements qu'elle te propose - inspire, expire, inspire, expire, inspire, expire - jusqu'à ce que ton coeur se calme autant que ta respiration et que tu te sentes capable de sourire. C'est là que la douleur sur ta joue te faire grimacer. T'as pas été doucement - et en prime ça n'a servi à rien pour t'aider à reprendre tes esprits. Heureusement, t'as été assez intelligent pour trouver ta soeur pour t'aider. J'vais mieux. J'vais mieux. Merci. Répondis-tu sur le même ton que ta soeur - histoire d'arrêter de gueuler comme un dragon au milieu de la bibliothèque. Et d'éviter d'avoir l'intérêt de la bibliothécaire qui te porte pas dans son coeur. En même temps t'as rien fait pour qu'elle t'apprécie vraiment.

T'as pas une paire de seins, mais t'as une belle gueule. Et t'es un humain incroyable. Je doute pas que les filles seront déjà captivées par toi. Et les deuxièmes années c'est pas les pires, attends de voir les 5e années. Tu pâlis à la nouvelle - parce que les 5e années tu les as le lendemain après-midi et t'es pas prêt. T'es clairement pas prêt. Tu t'imagines déjà face à une classe de quinze adolescents survoltés qui sont capables de faire de la magie et qui sont clairement plus nombreux, plus excités, et plus chaotiques que toi. Bien que tu manques pas de chaos - t'es aussi doué pour faire n'importe quoi et t'étais pas mal à ton époque. Bien que tu prenais beaucoup trop de plaisirs à réussir tes cours pour rater tes examens quand même. Tu travaillais autant que tu faisais des farces ou que tu allais embrasser des filles derrières les armures après le couvre-feu.

Faut s'amuser comme on peut. Mais t'es pas prêt - parfois tu penses bien être trop jeune pour ce job. Sauf que t'es aussi le professeur le plus proche de l'âge des élèves. Alors tu supposes que tu les comprends mieux que les autres ? Tu sais pas, tu sais plus. Ok, peut-être pas le meilleur moyen de te rassurer. Un dragon en papier c'est fun, j'ai pas eu ça en deuxième année moi. Je n'avais même pas les seins de Fawley, mais un vieux moustachu. BREF ! Dragon en papier. Il te faut beaucoup de papier. Et je peux t'aider. Tu opines, le regard complètement perdu, ouvrant la bouche et la refermant à plusieurs reprises comme un poisson hors de l'eau. Tu crois que les élèves vont me détester ? J'veux pas être le prof que les élèves détestent. Geignis-tu, sachant pas comment t'assurer d'aller mieux. Comment être certain d'avoir la bonne approche avec eux. Comment je dois m'habiller demain ? Pour pas donner l'impression d'être un rabat-joie ou un gamin ?

T'as de la chance d'avoir ta soeur à Poudlard. Au moins, quand t'es en crise, t'as une personne pour te remettre les pieds sur terre et te menacer juste assez pour que tu retrouves confiance en toi. Ou du moins que tu fasses assez bien semblant pour qu'elle y croit et te laisse gérer tes émotions merdiques convenablement. Assez pour pas montrer comme t'es terrifié - tu peux pas te permettre de faire ce genre de crise souvent ou n'importe où : t'es professeur maintenant, le prestige de la robe de sorcier va de paire avec le flot de responsabilités. T'étais pas prêt pour ça, sans doute, mais tu sais aussi comme c'est un privilège d'être à ta place à ton âge. On se reprend, Emrys Selwyn. On est des vainqueurs dans la famille. Des durs à cuir. Des victorieux. Alors arrête de penser ça. Sinon c'est moi qui te gifle. Tu déglutis, sachant qu'elle mettre sa menace à exécution assez rapidement - tu n'aurais pas le temps de dire Quidditch que tu serais déjà à terre à réfléchir à tes choix de vie.

Alors tu te calmes, t'as pas le choix, et tu essaies d'avoir des questions plus pragmatique. Comme comment t'habiller - parce que tu pourrais juste porter la robe des professeurs, mais t'es pas à l'aise là-dedans. Puis c'est pas toi. Une chemise, et un jean. Pas fermée complètement la chemise. Et le jean ample, pas serré. Décontracté, mais classe. Et ta veste en cuir que maman déteste. Pas fermée complètement ? Demandas-tu en fronçant les sourcils, te tournant vers ta soeur pour savoir si elle est vraiment sérieuse. Je vais faire craquer les élèves avec ce look. Tu veux faire de moi le professeur le plus sexy ? Pas que la chose soit vraiment difficile - quoi que le professeur Abbot avait son charme, sans doute. Mais quand même.
T'es pas certain que te faire remarquer pour ta carrure de bellâtre soit la meilleure des stratégies pour gagner des points auprès de ta nouvelle direction. Tu n'as que les deuxièmes années demain ? Comment tu comptes commencer ton cours, et le finir ? Il te faut une sorte de routine pour capter tes élèves. Tu sens ta gorge qui se sert puis tu inspires profondément et lui fait part des quelques idées que tu avais : Je pensais... commencer par un quizz-éclair. Genre, question-réponse rapide en format compétition pour faire gagner des points au maison ? Et pour la fin, demander à un élève d'résumé la teneur du cours pour m'assurer qu'ils aient saisi l'essentiel ? Un truc comme ça. Faut dire que rendre l'histoire de la magie fun c'était pas forcément gagné pour tous les élèves.

T'es conscient que c'est la matière abandonnée le plus vite dans les années supérieures. Parce qu'elle est vue comme une culture générale qui mène pas à grand chose. T'espère pouvoir changer ce postulat rapidement. Tu ne seras ni rabat-joie, ni gamin. Tu seras parfait, n'en doute pas. Tu vas tout déchirer, et le soir tu m'inviteras au Trois Balais pour fêter ça. Tu sais qu'on pourra pas sortir à Pré-au-Lard avant ce week-end hein ? J'ai beau être ton frère, je vais pas te faire oublier le couvre-feu. Bien que boire un verre serait pas de trop te concernant. Et toi, tu survis à tous tes cours ? Parce que jouer ton rôle de protecteur acharné, c'est encore ce qui te détend le mieux et te fait oublier le reste aisément.