« Dis Hera, tu crois que mère m'aime ? » Les mots franchirent les lèvres du petit garçon, assis derrière la rambarde de l'escalier tandis qu'il balançait ses jambes dans le vide. En contrebas, l'immense hall de leur manoir londonien s'étendait devant lui, orné d'une rosace éblouissante qui fleurissait sur le sol. L'elfe de maison, observateur silencieux, fixait la scène de ses grands yeux ronds, attentif au moindre mouvement du jeune Leofric.
« Pourquoi en serait-il autrement monsieur ? » Le jeune Pembroke haussa vaguement les épaules, ignorant les raisons profondes derrière les comportements de ses parents. Il était bien conscient de la différence entre le regard empreint de tendresse de son père autrefois et celui plus distant que sa mère lui réservait. Pourquoi Ellen n'avait-elle jamais un geste tendre envers son seul enfant ? Il s'était longuement questionné sur ce qu'il pouvait bien faire de mal, sur tous les échecs qui entachaient son apprentissage, et sur le fait que jamais ses efforts ne semblaient suffisants pour répondre aux attentes placées en lui.
« Elle ne le dit jamais... » Depuis qu'ils avaient emménagé chez les grands-parents, il remarquait que sa mère était encore plus froide que d'habitude. Au début, il pensait que c'était parce que son mari lui manquait. Après tout, elle avait tout quitté par amour pour lui, et maintenant, elle se trouvait contrainte de revenir en arrière. L'elfe de maison rejoignit instantanément le petit garçon sur le balconnet, son visage exprimant une compassion silencieuse alors qu'il lui offrait un sourire réconfortant.
« Allons mon enfant, Madame est sans doute trop réservée pour le dire de vive-voix ! Ne vous faites pas de mouron pour cela et profitez donc de ce moment libre pour vous amuser à la place ! Ce ne sont pas des tracas pour un enfant. » Il acquiesça doucement, se laissant gentiment convaincre que ne pas dire ces mots ne signifiait pas qu'on ne les pensait jamais. Pourtant, son père les lui disait, avant qu'un incendie ne l'emporte, lui, le pompier courageux.
« Oui, merci Hera. » Son père lui manquait chaque jour un peu plus.
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Le temps s'était comme suspendu, pendant une longue minute. Une minute où tous les regards étaient fixés sur lui, attendant avec une anticipation presque palpable. C'était le temps qu'il fallait pour déposer sur sa tête l'artefact qui allait décider de la maison où il passerait toute sa scolarité. C'était le grand débat, déjà en cours dans les cabines du Poudlard Express, entre les futurs élèves, lançant des paris sur qui irait dans quelle maison. Leofric observait le jeu avec intérêt, même si il n'avait pas la moindre idée de sa propre destinée, se laissant emporter par l'excitation de l'inconnu. Il savait simplement qu'il avait attendu avec impatience le moment de monter à bord de ce train et de s'éloigner du domicile familial. Depuis l'explosion de cette colère, depuis que ses pouvoirs s'étaient manifestés si clairement, il avait l'impression de n'avoir plus connu un seul instant de répit. Il se souvenait avoir tout envoyé valser, quittant leur demeure sur un coup de tête. Il avait fini par se perdre dans des rues de Londres qu'il ne connaissait pas, mais il avait obstinément refusé de demander de l'aide pour rentrer chez lui. Il avait fait une peur bleue à sa famille, ou du moins à ses grands-parents, mais heureusement, on l'avait retrouvé. Et les choses avaient repris leur cours. Poudlard représentait donc l'occasion parfaite pour lui d'être enfin celui qu'il voulait être, sans le poids des aspirations d'une autre personne. Il se doutait bien qu'il ne finirait pas chez les Poufsouffle, et d'ailleurs, personne n'avait parié là-dessus. La Grande Salle paraissait tellement silencieuse en attendant le verdict. Leofric n'avait pas de préférence, mais il était convaincu que s'il finissait chez les Serdaigle, comme sa mère, il allait entendre cette dernière s'étendre à foison sur les têtes bien faites qui composaient leur famille. « Gryffondor ! » hurla le Choixpeau en guise de réponse, mettant ainsi fin à ses réflexions. Le jeune Pembroke se leva, satisfait, et se dirigea vers la table des rouges et or. Il était certain de se faire une place à leurs côtés.
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La discussion battait son plein autour de la table, dans une ambiance parfaitement adaptée à l'approche des fêtes. Leofric remplissait son assiette avec bon appétit, se mêlant à toute cette effervescence. « Si tu manges trop, je ne te traînerais pas, ni ne te porterait jusqu'au terrain d'entraînement comme la dernière fois », plaisanta quelqu'un à côté de lui. Le jeune Pembroke jeta un œil à son assiette, puis resta un instant en pleine réflexion avant de reprendre une aile de poulet. Il adressa ensuite un immense sourire à son camarade en guise de réponse. « Très cher, c’est uniquement parce que tu avais perdu un pari. » Il savait pertinemment qu'il gagnerait. Toujours au coude à coude dans leurs résultats scolaires, ils s'amusaient constamment à se défier sur ce terrain, mais il était plus souvent gagnant que lui. Ils étaient plutôt proches, un lien que sa meilleure amie ne parvenait pas à comprendre. Ils se retrouvaient souvent à en discuter pendant les cours d'Études des Runes, l'un des rares sujets qui ne passionnait pas vraiment le jeune homme.
« En cours de Soins aux Créatures magiques, vous êtes tout le temps collés l'un à l'autre, il n'y a même pas la place de glisser une baguette entre vous deux ! Et tu trouves ça normal ? » Leo fit de son mieux pour ne pas parler trop fort et faire se retourner l'enseignant. Ils en avaient déjà parlé mille fois mais visiblement ce n’était pas encore assez.
« Je n’ai aucun sentiment de ce genre à son égard si c’est ce que tu sous-entend. On est juste très bons amis, je ne vois pas où est le problème. ». Un long soupir lui répondit et la petite rousse leva les yeux au ciel avant de le pointer de sa plume.
« Et tu crois naïvement qu’il en va de même pour lui ? Tout le monde pense qu'il est ... enfin tu vois quoi... » Sauf que Leofric est bien placé pour savoir à quels points les rumeurs se répandent et surtout se déforment entre les murs de ce château alors il ne s’en formalisa pas et haussa les épaules. Il effaça de ses pensées les mots de son amie avant de rejoindre les gradins du stade de Quidditch. Il s’abrita en-dessous quand quelques gouttes vinrent à tomber.
«Ah, te voilà.» Comme toujours, oui. Les précipitations s’accentuèrent tellement qu'il n'entendait presque plus son camarade parler, et bientôt le tonnerre retentit également. Ils ne pourraient pas jouer par un temps pareil, c’était trop dangereux. Ils allaient devoir retourner au château, et sans courir. Leo fit un pas en avant pour sortir de sous les gradins, mais son ami avait enroulé ses bras autour de ses épaules.
« Attends un peu, tu ne m’as pas entendu ? » Non, il n'avait pas fait attention avec le bruit environnant. Il se tourna alors vers lui.
« Non. Qu’est-ce que tu disais ? » Il avait gardé ses bras autour de lui, en profitant pour se rapprocher et l'embrasser. Surpris, il avait fini par se dégager et avait sorti sa baguette comme pour se défendre
« Ne t'approches plus de moi ! » mais avant qu'ils n'aient pu avoir une discussion, Leo avait fini par tourner le dos et s'en aller sous la pluie battante, les gouttes étouffant le début d'un
« Je croyais que tu...» Il s'était peu être emporté un peu vite, personne ne les avait vu après tout. Heureusement. Il n'était pas fier de l'avoir abandonné comme ça, en colère, mais il n'était pas intéressé. Pas pour le moment. Il eut du mal à l'éviter le reste du temps mais leur relation était devenue tendue après cela. Quelque chose s'était brisé, chez l'un comme chez l'autre.
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« Tu pourrais faire carrière dans le Quidditch.» « C’est uniquement une distraction, je ne tiens pas à en faire mon métier.» mais les années passaient et ils réfléchissaient de plus en plus à ce qu'ils souhaitaient faire une fois diplômés de Poudlard. Leo était bon élève et pourrait avoir accès à des postes intéressants si il s'orientait vers ces derniers mais il avait des ambitions bien moins poussées que sa mère et ses grands-parents. Son père n'était plus là pour lé guider depuis bien des années dorénavant, quant à sa mère, le sorcier faisait tout son possible pour la contrarier un maximum. Si bien qu'il ne cherchait pas spécialement à faire de ses capacités quelque chose qui puisse valoriser la famille. Il ne rêvait plus comme quand il était gamin à avoir sa place dans le bureau de son grand-père parmi les distinctions de la famille, à espérer que plus tard sa baguette soit mise sous cadre avec les autres et transmises aux générations suivantes. Son meilleur refuge quand sa mère le cherchait partout, c'était dans le vieux cabinet de sa grand-mère avec tous les anciens livres qu'elle avait entreposé.
« J'aimerai être libraire ou bibliothécaire ! » Il s'était mis à lire pendant qu'il se cachait, il s'était même endormi de nombreuses fois entre les ouvrages aux couvertures de cuir.
« Soit tu n'as aucun instinct de survie, soit tu aimes souffrir ! Ta mère va détester. » « Soit je suis extrêmement optimiste ! » « Oui... en tout cas, bonne chance ! » « Maintenant si tu veux bien continuer ce qu'on a commencé... » parce qu'il commençait sérieusement à s'impatienter et qu'il allait finir par prendre les choses en main si son amie ne se pressait pas un peu. Après un énième questionnement pour savoir si il était bien certaine de vouloir faire cela et une réponse toujours similaire, Leo sentit un poids disparaître brusquement. Il regarda sur le sol les mèches brunes qui lui appartenait cinq minutes plus tôt avant de chercher où contempler son nouveau reflet.
« Parfait. Merci.»-*-*-*-*-*-*-*-*-*-
Le printemps était délicat, avec ses bourgeons qui s'épanouissaient timidement sous le doux baiser du soleil, ses fleurs qui éclosaient dans une explosion de couleurs et ses brises légères qui apportaient avec elles le parfum enivrant des premières herbes fraîchement coupées. Leofric se tenait debout dans son costume trois pièces, son allure élégante reflétant sa tranquillité alors qu'il attendait avec anticipation le début de l'événement. Une petite voix lui murmura doucement :
« Il est encore temps de s'enfuir. Je fais diversion si tu veux. » Ce commentaire le fit rire doucement, appréciant l'humour léger dans un moment qui pouvait être tendu. La jeune femme a ses côtés continuait de se faire du souci pour lui même dans des moments pareils. Surtout dans des moments pareils.
« Je suis sérieuse, tu n'as qu'un mot à dire ...» Au premier rang, se tenait la mère de Leofric, son regard vide trahissant une certaine détresse, et elle soupirait toutes les cinq minutes, témoignant de son état d'esprit. Si elle avait pu éviter d'être là, elle l'aurait fait, mais elle se devait néanmoins de préserver un minimum les apparences. Leo l'avait invité uniquement pour la forcer à passer sa journée ici... loin de tout ce qu'elle aimait. C'était son petit plaisir coupable.
« Je n'ai aucune intention de fuir mon mariage. » « ... mais tu ne l'aimes pas ! » « Je crois que si... » « Non mais tu t'entends ? » mais Leofric lui jeta un regard la suppliant de se taire. La mariée venait d'apparaître. Son corsage de dentelle délicate orné de motifs floraux épousait parfaitement ses formes, les manches transparent s'étiraient gracieusement le long de ses bras lui donnant une touche romantique. Leofric la trouvait parfaite et qu'importe ce qu'en disait sa meilleure amie, il appréciait la jeune femme. C'était tout ce qui comptait, d'avoir une amie pour la vie à ses côtés, non ?
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Ses doigts tiennent fermement la baguette argentée devant lui, alors qu'il se tient immobile, écoutant chaque murmure de la nuit. Dans l'obscurité, il perçoit des bruits de pas, des pas rapides et paniqués. Sans hésiter, il s'avance pour intercepter les gamins en proie à la terreur. Sa voix, aussi calme que possible malgré l'urgence de la situation, tente de les rassurer rapidement, de les guider vers un endroit sûr, loin de la menace qui rôde dans l'obscurité. Il les protège comme il le peut, conscient de ne pas être le meilleur des combattants, mais déterminé à faire de son mieux. Chaque geste, chaque parole est empreinte d'une volonté farouche de les garder en sécurité, de les éloigner du danger. Alors qu'il tente d'aider un groupe de jeunes, l'une d'entre elles perd complètement pied et ne peut retenir les pleurs, qui résonnent contre les parois du château, risquant ainsi d'attirer du monde sur leur position. Paniqué mais déterminé à maintenir le calme, il pose une main réconfortante sur l'épaule de la jeune fille, lui murmurant des mots apaisants pour la rassurer, tout en cherchant des solutions pour éviter d'alerter davantage l'ennemi. Sa patience étant limitée et préférant ne prendre aucun risque, il voit qu'elle n'est pas capable de se calmer. D'un geste rapide et déterminé, il pointe sa baguette vers elle. « Silencio ! » Qu'importent les regards qu'on lui jettera ou ce qu'on en pensera, Leofric pense avant tout à leur sécurité. Il les emmène dans une salle de classe après avoir vérifié que personne ne s'y trouve et leur ordonne de se cacher et de ne plus faire de bruit. Il allait revenir, normalement, s'il ne lui arrivait rien de fâcheux. Et il était revenu, en moins bon état mais il était de retour avec une autre de leur camarade. Il se souvenait encore de la longueur de cette nuit et de l'angoisse qu'elle avait provoqué chez lui. Et ce n'était pourtant que le début des complications. Des clans se forment et il va falloir se positionner. Il n'avait rien pu faire lors du Tournoi des Sorciers.
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Un tapotement persistant contre le verre réveilla l'homme qui contempla la chambre d’un oeil indiscret. Là, derrière la fenêtre se trouvait une chouette effraie qu'il ne reconnaissait pas particulièrement.
« Oui oui, j’ai compris...» soupira le sorcier devant l’impatience de l’animal. Un grognement à ses côtés lui fit tourner la tête et il se fit plus silencieux. Lentement, il s’extirpa des draps et se couvrit rapidement pour ouvrir la fenêtre. Attaché à la patte de l’oiseau, une missive qu’il reconnut aussitôt. Leofric étouffa un cri d’étonnement, ainsi que des mots peu convenables. D’un geste efficace, il défit l’attache et descendit à l’étage du dessous en quatrième vitesse avant que …
« LEOFRIC BARTHOLOMEW PEMBROKE ! » Leo tenta d’empêcher l’enveloppe rouge de s’époumoner plus fort encore en essayant de mettre ses mains devant la bouche de papier mais l’idée était ridiculement futile. La voix tonitruante reprit après une pause des plus théâtrales alors que le sorcier répétait des
« shh» comme si la lettre magique pouvait l’entendre. Beaucoup de bavardages tournant principalement sur le devoir conjugual et sur le déshonneur envers les siens pendant qu’il cherchait dans quelle poche il avait rangé sa baguette. Il entendit qu'il devait rentrer immédiatement si il ne voulait pas d'un divorce sur les bras. Chose à laquelle il ne pouvait se résoudre. Leofric lança un
« incendio » sur la Beuglante tandis que le grincement du plancher à l'étage faisait battre son coeur deux fois plus vite. Les pas descendirent l'escalier et il rangea précipitamment sa baguette dans une poche.
« J'ai cru entendre une autre voix... » Il secoua négativement la tête, innocent. Il aurait déjà quitté la maison si ce n'était le fait que son compagnon s'était réveillé.
« On dirait qu'il y a une odeur de brûlé. » Le brun prétendit ne pas comprendre, ni ne rien sentir de tel. Il s'excusa de l'avoir réveillé, il ne voulait pas le sortir de son sommeil de sitôt mais il se devait de partir de toute manière.
« Tu pourrais manger quelque chose avant de t'enfuir Leo. » « Ce n'était pas ce qu'on s'était dit et je dois vraiment m'en aller. » Entre les relations parfois tendues avec sa femme et Poudlard qui devenait une arène, Leofric avait parfois besoin d'avoir la tête ailleurs mais ça ne pouvait jamais durer bien longtemps.