Les grandes annonces ♦ Seleus

@Orpheus Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse
Avec un bon quart d'heure d'avance sur son heure de rendez-vous Selena remonte la rue principale de Pré-au-Lard en direction des Trois Balais. Le fait qu'elle manque d'être bousculée par des gamins d'une dizaine d'années qui courent partout lui montre bien que le train en provenance de Poudlard est arrivé au village. S'ils pouvaient faire un peu plus attention à ce qui les entoure, ça arrangerait la sang-pur qui aimerait ne pas avoir à slalomer entre petits humains trop agités à son goût, mais ils sont visiblement trop excités par toutes les boutiques qu'ils vont pouvoir découvrir pour cela. Lorsqu'elle passe devant Honeydukes, elle ne peut d'ailleurs pas éviter l'un des deux morveux qui en sortent en brandissant leurs bonbons et en riant sans regarder où ils vont. Se retenant de rouler les yeux, elle secoue sa chevelure blonde pour dissiper son agacement et lisse sa robe là où elle a été cognée, avant de reprendre son chemin en les ignorant. De toute façon, elle est presque sûre qu'ils n'étaient même pas en train de s'excuser mais simplement de babiller comme des idiots. Ce que ces gosses peuvent être mal éduqués, c'est aberrant ! Les siens ne seront pas comme ça, c'est une chose qu'elle se promet – bien que pour l'instant leur existence ne soit qu'hypothétique, et ne soit vraiment pas prévue tout de suite.

À présent installée à une table du pub le plus prisé de Pré-au-Lard, Selena ne peut pas s'empêcher de se dire que ce lieu manque terriblement de standing. Elle sait pertinemment que c'est un incontournable du village magique, mais ça ne le rend pas plus élégant pour autant. Le bar paraît sombre malgré le soleil de mi-septembre, tout semble terne du fait du manque de couleur de la décoration – un point très important, selon la Yaxley – et le mur du fond décoré de têtes animales est loin d'être à son goût. Et puis cette Rosmerta qui se tient derrière le comptoir et se dandine presque... Elle manque tout autant de classe que son établissement. Non vraiment, si cela ne tenait qu'à elle, la sang-pur n'aurait pas donné rendez-vous à son frère ici. Mais elle a laissé le choix à Orpheus lorsqu'elle lui a envoyé une lettre l'invitant à profiter de la sortie des élèves de Poudlard pour se voir. Et, pour être honnête, elle n'est pas vraiment étonné qu'il ait choisi les Trois Balais plutôt que le salon de thé de Madame Pieddodu – au moins il n'a pas proposé la Tête de Sanglier comme Persée l'aurait fait. Et elle espère aussi qu'il soit à l'heure, qu'il réussisse à merveille son début de sixième année à Poudlard et qu'il soit ravi de ses fiançailles avec Aurora... Elle a peut-être beaucoup d'attentes envers son petit frère, la Yaxley.

Tenue :

@Orpheus Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

Si le pub des Trois Balais est loin d'être son établissement préféré à Pré-au-Lard, l'arrivée de son frère le rend tout de suite bien plus agréable. « Salut Nana ! » « Salut Orphe' ! » Elle renchérit, ses lippes s'étirant doucement, et ce d'autant plus lorsqu'il vient embrasser sa joue. Elle a bien remarqué qu'il avait deux minutes de retard mais il a le privilège de ne pas avoir le droit à une remarque acerbe à ce sujet. Pour cette fois uniquement, car ils ne sont que deux – il n'y a donc qu'elle pour savoir qu'il n'est pas fichu d'être ponctuel – et ont d'autres choses plus importantes à discuter. Des sujets qu'elle n'a pas encore abordés lorsqu'il esquisse ce sourire si caractéristique que Selena adore malgré elle, et qu'il se penche alors légèrement sur la table. « Contente de toi ?  T’aurais pu me prévenir quand même ! » Bien sûr qu'elle est contente d'elle. Comment ne pas l'être ? Elle a dégoté pour son frère une fiancée au nom de famille aussi puissant que synonyme de richesse – et le fait qu'elle soit sa chère protégée en faisait d'ors et déjà une femme de goût et une alliée intéressante avant cette idée de fiançailles. Indéniablement, la Yaxley est fière d'elle, parce qu'elle a de quoi l'être. « N'est-elle pas parfaite ? » Elle l'est, bien entendu, et n'ose pas imaginer que son frère puisse penser le contraire. « Te prévenir aurait gâché la surprise, » affirme-t-elle alors. Orpheus la connaît bien, cependant : les surprises n'ont en réalité jamais été du goût de sa sœur qui aime tant avoir le contrôle des choses, raison pour laquelle elle ne tarde pas à ajouter : « En réalité j'ai promis à Aurora de lui laisser l'honneur de t'en parler. Pour que vous puissiez en discuter tous les deux, notamment. » L'honneur d'annoncer au futur chef de famille – qui l'est déjà, théoriquement, mais dans les faits son aînée endosse bien plus les responsabilités du rôle que lui – qu'il se retrouve à présent fiancée à une véritable princesse de sang-pur. La jeune Slughorn est absolument parfaite pour ce rôle, Selena en est plus que convaincue, néanmoins si elle a invité son frère c'est aussi pour avoir son avis sur la question. « Je suppose que c'est pour ça que tu ne m'as pas prévenu qu'elle te l'avait annoncé. » Elle reconnaît bien là son frère et son petit coté rancunier – de sale gosse. « Qu'en penses-tu ? » Elle sait déjà que s'il émet des réticences elle tentera à tout prix de le convaincre d'accepter – et réussira, car elle a raison, n'est-ce pas ? –, mais elle veut croire que son frère se montre raisonnable. Qu'il sache faire preuve du bon sens qui a manqué à Persée, car elle refuse de voir son cadet emprunter le même chemin de perdition.

@Orpheus Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

Lorsque son frère et elle ont discuté possibles fiançailles cet été, Selena savait déjà qu'elle ferait tout pour lui trouver le meilleur parti possible. Bien sûr, elle savait aussi que ce ne serait pas une mince affaire : malgré son mariage qui a été plutôt réussi – si on oublie la mort tragique de son époux dont certaines rumeurs la sifflaient coupable, quelle drôle d'idée –, leur famille porte sur son dos le poids de nombreuses erreurs passées qu'il est impossible de réparer et difficile de faire oublier. Cette idée n'avait fait qu'exacerber la détermination de la Yaxley, en réalité : les siens méritent mieux que cela, elle en est persuadée. Son frère mérite un beau mariage, avec une épouse digne de ce nom – et une fortune à acquérir par la même occasion – avec qui il aurait de charmants héritiers pour perpétuer leur nom. Le défi était de taille : indéniablement, la réputation ternie des siens a refroidi nombre de potentielles familles avec lesquelles s'unir. Puis lui est venue l'idée d'en parler à Aurora, sa protégée depuis Poudlard mais aussi une Slughorn –plus précisément la seule héritière de sa branche depuis la mort de ses deux sœurs aînées. Elle était la prétendante parfaite sans l'ombre d'un doute, mais encore fallait-il qu'elle soit enchantée par l'idée – Orpheus a son lot de défauts, même sa sœur ne peut le nier – et puisse convaincre ses parents – de cela, la Yaxley doutait moins, sachant combien elle peut être persuasive.

Après avoir relevé un tel défi en si peu de temps, Selena est assurément fière d'elle et ne tient pas à le cacher, quand bien même elle n'affiche pas de grands sourires comme le feraient certains. Ses yeux en disent bien assez, surtout pour son frère qui la connaît bien malgré quelques zones d'ombre. Elle aurait même aimé annoncer cette incroyable nouvelle à Orpheus elle-même, pour voir la tête qu'il ferait. Si elle ne l'a pas fait, c'est uniquement parce qu'Aurora et elle ont convenu qu'il serait plus judicieux que sa future fiancée – potentielle, à ce moment-là – le fasse. Une décision que son cadet a décidé de lui faire payer en ne la gratifiant même pas d'une lettre pour lui annoncer qu'il avait accepté. Sale gosse. « Touché. C’est donnant donnant, soeurette. Mais je savais que tu l’apprendrais bien assez vite. » Elle se laisse aller à un léger roulement d'yeux, avant de souffler du nez en repensant à cette soirée où elle avait dû faire comme si elle savait – heureusement qu'elle est bonne actrice. « Tu n'as pas idée du nombre de personnes qui sont venues me féliciter des fiançailles de mon frère et de la petite princesse Slughorn, » assure-t-elle avec un léger amusement dans la voix, citant les autres invités pour les trois derniers mots. C'est quelque chose qu'elle adore, ces réceptions auxquelles son mariage lui a donné accès – et auxquelles elle se permet encore d'aller quand bien même elle a repris son nom de jeune fille, refusant l'idée de perdre ce privilège en même temps que son mari.

Quand bien même Selena est déjà persuadée que son frère ne pourrait être fiancée à un meilleur parti qu'Aurora, elle tient quand même à avoir son avis sur la question. En partie pour savoir sur quel point elle devra potentiellement le convaincre, sans doute – son argumentaire est bien rodé depuis cet été, construit notamment aux côtés de sa protégée qui, elle, a dû en parler à ses parents, à son père particulièrement. « Elle sait ce qu’elle veut. » N'est-ce pas là une qualité ? C'en est une, selon la Yaxley, et c'est sûrement ce qui explique qu'Aurora et elle soient devenues proches malgré les années d'écart : elles ont ce point commun de ne rien laisser se placer entre leurs objectifs et elles. C'est quelque chose qui manque à Orpheus, si vous voulez l'avis de sa sœur, mais elle ne lui fera pas l'offense de répondre que lui devrait le savoir un peu plus. « Mais c’est un parti qu’on ne peut décemment pas refuser, donc t’en fais pas pour ça. Je ne suis pas stupide. » Le léger hochement de tête qu'elle esquisse trahit son approbation. « Je suis ravie de te l'entendre dire. » C'est ce genre de paroles qui la rassurent quant au fait qu'il ne suive pas la voix dangereuse de leur frère aîné, en réalité. Car s'il y a une chose que la sang-pur craint terriblement, c'est de perdre son dernier frère comme elle a perdu le premier : à cause de choix idiots et irréfléchis. « Je suis sûre que ça se passera très bien entre vous. » Il a intérêt à tout faire pour, en tout cas, car Selena exècrerait l'idée d'avoir à recommencer ses recherches, sans parler du fait de ne plus avoir Aurora comme belle-sœur. « Et puis vous avez encore deux ans pour apprendre à vous connaître un peu plus. » Leur mariage ne sera célébré qu'une fois leurs études terminées, ce qui leur laisse bien assez de temps pour cela. « Et de ton côté, comment se passe ce début de mois ? » Lorsqu'Orpheus alpague la serveuse, la blonde en profite pour commander un rhum groseille avant de lui répondre. Car elle aussi, a une grande annonce à faire. « Et bien pour tout te dire, ton mariage ne sera sans doute pas le prochain que nous fêterons dans la famille. » La transition était toute trouvée, alors elle ne se gêne pas pour s'en servir. « Je ne sais pas si tu te souviens d'Adriel Mulciber, qui était dans la promotion d'Evan et Allegra Rosier. » Un peu plus âgés qu'Orpheus, donc, mais il a dû les connaître à Poudlard, au moins de vue. Il était difficile de ne pas entendre leurs noms dans les couloirs, surtout dans la maison Serpentard. « Nous sommes fiancés. » Et si Adriel ne se montre pas aussi stupide que son défunt premier mari, il n'y a aucune raison qu'un accident l'emporte lui aussi.

@Selena Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

J’avais notion que, faute de l’avoir appris par le biais d’une lettre comme elle l’aurait dû, ma chère frangine avait dû l’apprendre le week-end suivant notre accord comme tous les autres : par le biais de l’annonce de la mère d’Aurora. Ce qui était très incorrect de ma part, en toute objectivité et justement c’était bien l’effet recherché. Une petite vengeance personnelle, dirons-nous… Je ne pus retenir un sourire narquois lorsqu’elle évoqua les félicitations qu’elle avait reçues, imaginant fort bien la satisfaction qu’elle avait dû ressentir. Elle adorait ça, Nana, les flatteries. En outre, je me doutais aussi qu’il y avait dû avoir quelques grognements et bien des insatisfaits, même si elle se gardait de m’en parler. J’étais loin d’être dupe, ce n’était pas parce qu’elle était tolérée plus qu’admise dans ces fichues soirées de bonimenteurs que les Yaxley étaient de nouveau en odeur de sainteté, loin de là. Nous avions encore bien des ennemis, et je savais que j’allais en attirer un certain nombre sur moi avec ces fiançailles, tout autant que des alliés de circonstances et d’intérêt. Un pur jeu de politique.

La discussion fila bon train, ma soeur s’assurant de l’avis positif que je pouvais avoir sur sa protégée. Je réprimais un sourire crispé à la mention des deux années que nous avions encore avant le mariage. Deux années avec une chaîne à la cheville et une fiancée qui refusait tout contact, ça allait être pénible. Pourvu qu’elle se décoince un peu avec le temps, cette princesse !
Gardant ce commentaire pour moi, je prenais commande tout en changeant de sujet. Et la discussion prit alors une tournure particulièrement… déplaisante. Sans que je ne m’en rende compte aussitôt.
Un mariage ?  J’arquai un sourcil, conscient qu’il s’agissait forcément d’elle, puisqu’il n’était plus question de Persée depuis bien longtemps et qu’on avait jamais eut de lien avec le reste de la famille.

« Et qui est l’heureux élu ? » demandais-je tout naturellement.

Heureux élu, qui sonnait avec beaucoup d’ironie dans la tête quand on savait comment avait fini le précédent. Si je n’avais pas de preuve concrète de la culpabilité de ma soeur dans sa funeste disparition, j’étais cependant persuadé qu’elle était loin d’être innocente. Mais Selena n’en restait pas moins ma soeur, quelqu’un que je chérissai, et je ne comptais pas mettre davantage mon nez dans cette histoire. La suite de ses propos, cependant, me firent presque bondir de ma chaise. Si j’avais déjà eu ma bière, nul doute que je l’aurais recrachée.

« Pardon… qui ?! »

Une part de moi espérait sans doute que j’avais mal compris, ou que ma perfide soeurette me jouait un sale tour pour se venger de celui que je lui avais fait. Mais non, son expression était sans équivoque, et la sentence tomba avec : « Nous sommes fiancés. ». Comme un couperet.
Moi, je restais un court instant hagard, à la fixer comme si j’attendais encore le dénouement d’une plaisanterie qui ne voulait pas venir. Puis je finis par éclater.

« Mulciber ?  Sérieurement ?! Comment tu peux vouloir te marier à ce scrout à pétard ?! »

La phase de la surprise était passée, même si j’arrivais toujours pas à digérer la nouvelle, et à présent était venue celle de la colère, alors que les souvenirs de nos années communes à Poudlard avec lui et son troll cramoisi de pote Rosier me revenaient en pleine face. Comme plusieurs piques et coups que j’avais pris autrefois, d’ailleurs. Alors me retrouver avec cette ordure dans la famille ?  Jamais de la vie !

« Tu vaux mieux que ça, Nana !  Trouves-en un autre ! »

Ma soeur elle était belle, intelligente… elle avait beau avoir de sacrés défauts et un nom qui lui collait à la peau, elle avait sans doute moyen de trouver meilleurs parti que celui-ci, et je voulais m’en persuader.

@Orpheus Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

Si Selena n'avait pas apprécié la cachotterie de son frère et encore moins le fait d'apprendre l'officialisation de ses fiançailles par d'autres personnes que lui, elle était cependant bien trop satisfaite de sa décision pour lui en tenir rigueur très longtemps. Sans parler du fait que cette grande annonce faite par la mère d'Aurora a poussé tout un tas de personnes à venir féliciter la sœur du principal concerné, et c'est bien quelque chose qu'elle adore : qu'on lui accorde de l'attention et qu'on flatte son ego, même par le biais de son petit frère et de ses merveilleuses fiançailles. Et il y a effectivement eu dès cette première soirée beaucoup de discussions à ce sujet, au grand plaisir de la blonde qui n'a pas manqué de laisser traîner ses oreilles partout où elle le pouvait. Et si elle a en réalité entendu du bien comme du mal au sujet de cette union, les détracteurs des Yaxley ne manquant pas, c'est bien une information qu'elle se passe de donner à son cadet. Comme toujours, elle préfère garder la tête haute et ne parler que de ce qui va dans son sens.

Lorsque son frère lui demande comme s'est passé son début de mois, Selena ne peut que sauter sur l'occasion pour lui annoncer sa grande nouvelle. Une fois que l'un a commandé une bièraubeurre et l'autre un rhum groseille, sa langue se délie. Si le mariage d'Orpheus et Aurora attendra leur sortie de Poudlard, d'ici là l'aînée de la famille – car c'est ce qu'elle est devenue au départ de Persée – aura de nouveau la bague au doigt. Elle fait durer un peu le suspens, bien sûr, amusée par l'air intrigué de son cadet. « Et qui est l’heureux élu ? » Prononçant finalement le nom du fameux heureux élu – qui le sera s'il se tient à carreaux, ce qui ne semble pour l'instant pas être une option envisageable par le rebelle Mulciber, malheureusement –, elle peut voir la surprise se répandre dans le regard et les traits d'Orpheus comme un Lumos qui éclairerait son visage. « Pardon… qui ?! » Elle ne peut croire qu'il ait mal entendu le prénom et le nom qu'elle lui a donnés, pas alors qu'elle a même situé l'ancien Serpentard auprès de deux autres étudiants que son frère connaît lui aussi. Elle ne se répète donc pas, confirmant simplement ce statut devenu officiel : Adriel et elle sont fiancés, et ce malgré la discussion houleuse qu'ils ont eu il y a quelques jours. Une seconde s'écoule dans le silence complet, puis deux, trois peut-être avant que le visage d'Orpheus ne se transforme de nouveau. Cette fois il n'est plus étonné, il est furieux et sa sœur le comprend avant même qu'il n'élève la voix. « Mulciber ?  Sérieurement ?! Comment tu peux vouloir te marier à ce scrout à pétard ?! » Si le terme est plutôt exact, la question prouve surtout à quel point son frère ne comprend pas grand chose des enjeux et des difficultés de trouver un fiancé. « Cesse donc de crier, » siffle-t-elle, l'intimant de baisser d'un ton car ils sont en public – heureusement dans un lieu où elle espère ne croiser personne qu'elle estime, puisque Les Trois Balais étaient le choix de son cadet et non le sien. « Tu vaux mieux que ça, Nana !  Trouves-en un autre ! » Sur ce point, elle pourrait reconnaître être d'accord avec lui : le Mulciber manque de classe, de décence et de tout un tas de qualités que la sang-pur aurait aimé trouver chez son second époux. Néanmoins, il est avant tout l'héritier d'une grande famille et c'est à ça qu'elle s'accroche fermement, à l'idée d'obtenir tout ce que les parents de l'irrévérencieux Serpentard lui ont promis. C'est ainsi qu'elle se retrouve à exposer les arguments qui l'ont poussée à prendre cette décision, utilisant – contrairement à son frère – une voix toujours égale et qui ne sera pas entendue par le pub tout entier. « Je sais bien qu'il n'est pas... parfait. » C'est peu dire, en réalité, et leur première discussion en tant que jeunes fiancés le lui a malheureusement confirmé qu'il méritait amplement sa réputation. « Mais il est l'héritier d'une grande famille. Les Mulciber sont puissants, infiniment riches, et j'ai pu convenir d'un arrangement avec ses parents qui nous aidera grandement, » assure-t-elle d'un air convaincue. Il n'y a pas une décision que la Yaxley prend sans penser avant tout à sa famille, alors elle n'aurait pu convenir de fiançailles qui mettrait les siens en difficultés – bien que l'était actuel d'Orpheus laisse entrevoir qu'elle a oublié de considérer leur passé commun dans ses plans. « Tu sais, c'est loin d'être facile d'en trouver un autre comme tu le dis si bien. Peu de familles sont prêtes à marier leur héritier à une femme qui est veuve à vingt-et-un ans, encore moins une Yaxley, » affirme-t-elle, secouant la tête d'un air presque agacée face à ce qui lui a semblé être une accusation – si elle avait pu en trouver un autre, ne pense-t-il pas qu'elle l'aurait fait ? Non seulement elle porte un nom de famille souvent décrié durant les soirées où elle est enfin parvenue à se faire une place, mais s'est ajoutée à cela la réputation de veuve noire qui entre forcément en compte lorsqu'il s'agit de discuter mariage. Bien sûr, Selena clame son innocence comme elle l'a toujours fait, arguant – à raison – que ce ne sont que des accusations qui n'ont jamais été prouvées, mais cette réputation lui colle à la peau depuis qu'elle a enterré son premier époux. « Mais les parents d'Adriel m'ont acceptée, je ne peux pas refuser cette chance. » Ce serait de la folie, or Selena se targue d'être une personne saine d'esprit. « Et puis s'il devient trop encombrant et bien... Je m'arrangerai. » C'est ce qu'elle a fait avec Amaury, après tout : elle s'est arrangée pour qu'il ne fasse plus partie du décor.

@Selena Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

Parmi les qualités que je pouvais sans concessions accorder à ma soeur, il y avait celle de stratège. Lorsqu’il s’agissait de régir sa vie ou celle de ses proches, Selena était un redoutable chef de guerre qu’il ne fallait en aucun cas sous-estimer. Ses coups, et ceux des autres, elle les anticipait généralement avec brio, et finissait généralement par arriver  à ses fins. Même gamin c’était quelque chose que j’avais pu remarquer. C’était d’ailleurs un régal à observer, ses petites combines, et essayer de deviner où elle comptait arriver lorsque l’once d’un changement se mettait en place. Et autant je pouvais lui accorder le fait qu’il était difficile de trouver meilleur parti avec la famille Slughorn, autant les Mulciber…?!

Si la stupéfaction avait habité mes traits un court instant, elle avait très rapidement laissé place à de la colère. Je pouvais lui concéder beaucoup de choses, à Selena. Parce qu’elle était mon aînée, ma sœur, et que j’l’aimais, mais ça…?  Certainement pas !  La seule chose pire qu’Adriel aurait été un impur !  Et là encore j’en étais à me demander si un sang-mêlé ne valait pas mieux comme mari qu’un mufle pareil. Malgré toute la déchéance que pouvait impliquer un mariage avec un impur -chose à laquelle Nana ne consentirait jamais.

Intimée au silence par celle qui voulait éviter un scandale, je ravalais bon gré mal gré un bon lot d’insultes et me tassais dans ma chaise. Bras croisés, je toisais ma soeur d’un regard incendiaire alors qu’elle tentait de m’expliquer en quoi ce choix était judicieux. Balivernes !  Elle n’avait qu’à miser sur un peu moins riche et puissant et je ne doutais en aucun cas du fait qu’elle puisse trouver chaussure à son pied. Sauf qu’elle était comme ça, Nana. Elle visait tout ce dont on avait privés, et je ne pouvais que la comprendre au fond… Mais pas jusqu’à ce genre de concessions !

« Amaury aussi était l’héritier d’une famille riche. » sifflais-je un ton plus bas.

Et je n’avais aucun scrupule à remuer le couteau dans la plaie. Bien sûr, je savais que la richesse du défunt mari et celle des Mulciber n’avait pas grand chose de comparable… Mais par Merlin, pourquoi viser si haut ?!  Je glissai un regard de travers à ma soeur lorsqu’elle évoqua la difficulté de se marier en étant veuve si jeune. Attendait-elle réellement que je la plaigne ?!  Sérieusement… elle l’avait cherché, cette situation !  Même si les choses n’avaient jamais été concrètement dites, je connaissais assez mon aînée pour être persuadé du fait qu’elle ait joué un rôle dans le décès d’Amaury. Pas que je compte pleurer ce type qui ne m’était d’aucune sympathie, mais hors de question que j’accorde une once de pitié à Selena quant à cette situation.

Silencieux, j’attendis que la serveuse dépose nos commandes, la remerciant d’un bref sourire, avant de revenir à notre sujet. Une fois la belle éloignée, je me penchai légèrement vers l’avant, fixant ma soeur droit dans les yeux.

« Pense pas qu’ce type soit aussi mollasson que le précédent. Il est dangereux, Nana. Crétin, mais dangereux. »

A Poudlard, je n’avais pas vraiment de pouvoir d’action. Si je devais convaincre ma soeur de renoncer -et je doutais malheureusement de cette possibilité- ça ne me laissait que peu de marge de manœuvre. Et… ouais, outre l’animosité réelle et personnelle que j’avais envers Mulciber -et je ne parlais même pas de Rosier-, je m’inquiétais de ce qu’il pourrait advenir de ma soeur si elle se retrouvait avec lui. Et si c’était lui qui devenait veuf au bout du compte ?!  Cette simple pensée me nouait les tripes.

« Jure-moi d’faire gaffe. Et de briser ces fiançailles de m*rde si ça craint trop. »

@Orpheus Yaxley
mi-septembre 1980 - Les Trois Balais, Pré-au-Lard, Écosse

Selena aime son petit frère du plus profond de son cœur, mais elle n'aurait pas à beaucoup réfléchir si on lui demandait de citer tous ses défauts. En tête de liste, elle mentionnerait sans nul doute cette impulsivité qui lui rappelle terriblement Persée. Comme lui, Orpheus réagit au quart de tour, sort de ses gongs pour un rien et a bien du mal à contenir ses émotions. Il élève la voix même lorsqu'elle voudrait qu'il reste calme et raisonné, comme à cet instant précis. Quel que soit son avis sur son nouveau fiancé, il est prié de ne pas faire d'esclandre. Il est absolument hors de question qu'il leur donne l'image de personnes incapables de bien se tenir dans un lieu public. D'autant plus qu'il n'a pas la moindre raison de s'emporter de la sorte puisqu'elle sait parfaitement ce qu'elle fait. Adriel Mulciber n'a rien d'un homme modèle ni même d'un fiancé parfait, mais son nom jouit d'un pouvoir et d'une richesse dont elle compte bien tirer profit dès qu'ils seront mariés. « Amaury aussi était l’héritier d’une famille riche. » Lorsque son frère, digne Serpentard, mentionne son défunt époux qui, lui aussi appartenait à une riche famille, elle n'a pas de mal à comprendre ce qu'il insinue. Parce qu'il ne sait pas – il se doute seulement, et surtout il ignore les raison qui l'aurait poussée à faire cela. « Il l'était. Et j'ai récupéré la part qui m'était due. » Elle aurait obtenu bien plus s'il n'était pas mort, mais ça aurait signifié cracher sur son honneur.

Selena a préféré trouver quelqu'un d'autre, trouver mieux – un patronyme plus prestigieux, plus riche, plus puissant. Avec cet objectif en tête, le supporter ne lui semble pas être la mer à boire, quand bien même il ne soit qu'un imbécile prétentieux aussi méprisable que détestable. Veuve à seulement vingt-et-un ans, dotée d'un nom qui – malgré tout l'amour qu'elle lui porte – fait fuir bon nombre de familles au sang pur, elle serait la plus grande des idiotes de cracher sur l'arrangement que lui ont proposé les parents de son fiancé actuel. Et elle n'en est pas une, assurément, argumentant son choix auprès de son petit frère tant qu'il est le seul à pouvoir l'entendre. La menace de ses derniers mots à peine dissimulée, juste avant que sur leur table ne soient posées les boissons qu'ils ont commandés. Elle remercie à peine la serveuse d'un regard, préférant rester concentrée sur son cadet dont l'air grave ne s'est toujours pas adouci. « Pense pas qu’ce type soit aussi mollasson que le précédent. Il est dangereux, Nana. Crétin, mais dangereux. » « Je le sais, je ne suis pas inconsciente, » assure-t-elle en secouant légèrement la tête de droite à gauche, avant de porter son verre à ses lèvres. C'est bien pour ça qu'elle espère que cette fois elle n'aura pas à en venir à de telles extrémités. Elle a plus de recul sur l'idée du mariage arrangé, prête à plus de compromis – en tout cas c'est ce qu'elle se répète pour se convaincre qu'elle a pris la bonne décision en acceptant cet arrangement. « Jure-moi d’faire gaffe. Et de briser ces fiançailles de m*rde si ça craint trop. » Malgré sa vulgarité, elle le trouverait presque mignon, à s'inquiéter de la sorte pour sa grande sœur. « Tu sais bien que je ne fais jamais les choses au hasard, Orphe. » Il devrait la connaître mieux que ça, songe-t-elle tout en prenant une nouvelle gorgée de son rhum groseille. Le but de son nouveau mariage arrangé n'est pas de finir entre quatre planches mais dans un palace, ou au moins dans un magnifique bureau au Ministère. « Je te jure que je serai prudente. Et qu'au moindre souci, je saurai... éliminer le souci. » Briser ses fiançailles par contre, c'est absolument hors de question.