L'heure du thé || Caléa

En un instant elle quitte Londres, abandonnant le centre-ville et ses hurlements qui vont et viennent de tous les côtés. Le chaos ne la dérange pas - mais dans son esprit c'est déjà assez le bordel pour pas qu'elle cherche en prime à le vivre dans son quotidien. Aspirant à plus de tranquillité, elle retrouve plus facilement le chemin vers l'hôtel qu'elle connait si bien. Un peu excentré, juste assez pour ne pas avoir à subir les bruits de tous les côtés, pouvoir se concentrer sur autre chose que sur le fait de ne pas se faire tuer par un motard, un cycliste, un sorcier un peu trop pressé. Elle peut marcher tranquillement, approcher de la bâtisse en souriant - essayant de contrôler les paroles qui transpercent sa mémoire depuis plus de trois jours, l'empêchant de trouver le repos ou d'avoir un semblant de moment de sérénité.

Faut dire que si elle s'endort c'est pour revivre la scène, comme si son esprit n'arrivait pas à se remettre de l'échange qu'elle avait eut avec son père. Impossible de passer à autre chose - pour l'heure, c'est trop frais, trop récent, l'émotion se fait encore si brûlante qu'elle se réveille en sursaut en cherchant de quoi mordre pour se calmer. Elle sort tard, espérant trouver le réconfort dans l'alcool ou la danse frénétique - mais comme elle dort chez son frère pour le moment elle se permet pas d'autres plaisirs. Pas que Daemon soit pas au courant - mais son esprit est pas à ce genre de frivolité. Elle se fait plaisir dans les bars et les boites mais une fois sortie elle reste seule.
Peu de repos depuis trois jours donc et son humeur qui se fait de plus en plus sombre. Il se trouve qu'une personne capable de le saisir et de l'écouter - elle espère simplement qu'Aléa croule pas sous les clients pour le moment.

Quoi qu'en milieu de journée, elle se dit qu'il y a peut être une chance pour qu'elle ait un peu de temps à lui accorder. Entrant dans l'hôtel, avec sa classe habituelle, elle passe la réception dans un regard en arrière - Mademoiselle ! appelle la jeune femme à l'entrée sans que Cal ne se retourne pour elle. Elle traverse le couloir, les escaliers, le hall - trouvant facilement la porte du bureau d'Aléa - du moins la dernière qu'elle y était venue c'était là. Deux coups secs, et elle trouve porte close, grognant de sa malchance avant de se tourner dans le couloir en se disant qu'elle pourrait tout aussi bien la chercher ainsi - avant de se concentrer simplement, espérant pouvoir vider sa tête pour trouver l'esprit d'Aléa proche.
Mais rien à faire, l'émotion trop violente de son propre palpitant la rend aveugle et muette. Alors elle parcoure plutôt les couloirs, pendant une bonne heure - avant de revenir à l'entrée où Aléa est avec sa réceptionniste et il en faut pas plus pour que Cal se jette à son cou et la sert fort. Merlin, comme tu m'as manqué ! Bien qu'elles se voient souvent - pas assez au goût de la MacFusty qui trouve déjà plus de calme à être avec son amie. Dis moi que t'as un peu de temps pour un thé ? Je rêve de ça depuis des jours et je crois que j'en ai vraiment besoin.

Dans les bras de sa meilleure amie, elle se sentait déjà mieux. Oubliant la gamine qui lui courait après pour l'arrêter, et les employés qui semblaient vouloir la convaincre qu'elle n'avait rien à faire là, et ses pensés tortueuses qui l'avaient guidés loin de Londres, elle se laissa simplement aller contre Aléa. La jeune femme avait cette capacité folle à lui vider l'esprit, à l'apaiser en une seconde et la faire se sentir mieux. Tu m’as manqué aussi ! Souriant plus fortement encore, elle laisse le moment durer encore un peu - avant de finalement lâcher la belle sorcière pour l'observer.
Elle devinait que la journée était dure pour elle aussi - elle avait les traits plus marqués, plus tirés par les émotions qu'elle combattait. Elle avait du courage, de travailler au service des autres et de simplement subir leur mauvaise humeur. Cal n'aurait pas la patience pour cela - clairement pas. Elle partait au quart de tour. Si elle aimait se plaindre de la violence de son cousin et de son frère, elle n'était certainement pas mieux. Elle ne frappait pas avec ses poings, rarement, elle aimait mieux faire naitre la peur chez ses ennemis.
Et prendre son temps pour jouer avec. Comme un chat. Ou un dragon.

Mais pour l'heure, elle aspirait surtout à un moment au calme. Bien sûr ! J’ai besoin d’un thé, d’une pause et j’ai toujours du temps pour toi. Allez viens, suis-moi ! Elle suivit la jeune femme dans les couloirs jusqu'à rejoindre sa suite et retrouver un coin familier. Sur le canapé, elles se jettent toutes les deux, avant de se faire face et de trouver ce moment pour se plaindre et lâcher tout ce qu'elles ont sur le coeur. Parce que impossible pour Cal d'être égoïste et de ne pas laisser Aléa en faire de même. Allez explique-moi ce qui se passe ! J'suis pas capable d'arrêter de penser à mon père. A cette fucking dispute - et j'voudrais vraiment arrêter d'y penser que c'est fait, c'est fait. Les choses sont là où elles sont et c'est très bien ainsi. Sauf que de toute évidence c'est pas si bien parce que j'suis pas capable de dormir convenablement. Dit-elle, lâchant rapidement ce qui lui vient à l'esprit. J'crois que j'ai été plus blessée que je pensais parce qu'il s'est passé.

Dans la chambre de ta meilleure amie, tu t'abandonnes sur le fauteuil moelleux et tu soupires lourdement. T'es presque à la maison - comme chez chacun de tes frères et soeurs de coeur. Tu saurais pas t'en plaindre - alors que t'as perdu un foyer, il t'en reste encore cinq que tu peux parfaitement envisagé comme le tiens. Bien que tu ais posé tes valises chez ton jumeau pour le moment, t'as pas plus de mal à dormir dans le lit de Lolan ou à venir dans l'hôtel d'Aléa comme si tu étais chez toi. Tu te sens comme ça chaque fois que t'es prêt de l'un d'eux. Et tu voudrais pas voir ta vie autrement.
T'es heureuse de les avoir - dans une existence où souvent tu t'es pas sentie à ta place, t'as trouvé auprès de chacun d'eux une raison d'exister. Tu étais une batarde aux yeux de ton troll cramoisi de frère, mais t'as toujours été Envy aux yeux des autres Seven. Et t'es heureuse d'être cela pour eux, t'es heureuse d'avoir ton identité, cette image qui te suit et que t'as construit de toute pièce. Devant Eléa t'es en parfaite confiance et sécurité, assez pour parler honnêtement dès que vous êtes seules en tête à tête. Et il y a de quoi. C’est tout à fait normal que tu ais été blessée Cal ! Ton père est un con, certes, mais c’est normal que tu sois blessée par la situation … T'es touchée, rassurée par les paroles qui te parviennent - rapidement accompagnées par un gâteau que tu prends sur le plateau sans demander ton reste. Le sucre vient pétiller sur ta langue et tu fermes un moment les yeux.

Mais par contre, si ça t’empêche de dormir, ça va pas. Dormir c’est essentiel ! Ce que j'ai entendu dire alors j'tends à prouver le contraire. Que tu lâches avec sarcasme - tu tiens avec le café et d'autres trucs que tu prends auprès de tes collègues. Tu vas pas l'avouer, cela étant, comme tu sais ce qu'Aléa penserait de cette mauvaise habitude que t'es en train de prendre. Bien qu'à tes yeux c'est tout ce qu'il te faut pour pouvoir tenir - parce que sans un sommeil réparateur, t'as plus que cela pour être sûre de pouvoir traverser tes journées. C’est quoi qui te mine le plus dans toute cette histoire ? Tu réfléchis un moment, essayant de trouver des mots sur ce qui t'enrage de l'intérieur. J'pensais... je sais pas. Je voulais le faire réagir depuis longtemps, comme si... Comme si je pouvais pas simplement supporter de pas avoir d'importance à ses yeux. Alors j'ai tout tenté et voila ce qu'il en résulte - que finalement il voulait l'excuse parfaite pour me voir quitter l'île, me mettre dehors et assumer ce qu'il veut depuis longtemps : que je n'ai pas de place sur l'île, ni dans sa vie, ni dans le clan. Être une MacFusty m'a pas protégé d'être une paria. T'explique, espérant t'exprimer assez pour qu'elle saisisse ce que tu ressens en dedans - bien que tu en sois pas sûre toi-même. Je vous ai vous, et j'en suis heureuse. Mais autrement je suis quoi ? Un père qui veut pas de moi, qui m'a tourné le dos et une mère que je ne connais pas. J'ai Roa et Dae - voila tout ce qui me raccroche à mon sang. Mais j'sais pas - quelque part j'ai l'impression que c'est pas assez et je me sens comme orpheline.