Au milieu des ténèbres, tu es là. Cole & Fleamont

Tu essayes désespérément de faire comme si tout allait bien mais personne n'est dupe. Surtout ceux qui ne savent pas pour Euphémia se posent la question de ton esprit ailleurs ces derniers temps, du fait que tu prends moins de temps pour travailler et assurer la protection des politiciens comme tu voulais le faire après la guerre. Tu n'es plus capable d'être un auror, pas parce que tu n'aimes pas ton métier mais simplement parce que tu as fait assez, tu as donné assez au ministère et à la protection des sorciers et maintenant tu aspires à quelque chose de plus tranquille, un métier où tu es certain de ne pas rentrer en deux morceaux une fois le soir venu simplement car tu auras rencontré des mages noirs dans l'après midi. Et démantelé un réseau de trafics de créatures en fin de journée. C'était épuisant d'être auror et il est temps pour toi de laisser la place aux petits jeunes, ceux qui peuvent encore se battre et dont le regard n'est pas voilà parce qu'ils pensent à tous ceux qu'ils ont perdus ces dernières années. Voilà la raison de ton arrêt aussi, tu as perdu beaucoup de tes amis lors de la guerre. Des camarades, des frères d'armes qui sont tombés face à des mangemorts cruels et dont il ne reste rien si ce n'est leur souvenir dans les mémoires. Pour toi ce n'est plus assez tout le monde est heureux de savoir que la guerre a été gagnée mais on oublie facilement à quel prix celle-ci est une réussite.

Et puis il y a Harry, la perte de celui que tu croyais être un fils mais qui s'est révélé être ton petit-fils a mis un coup de massue à ton moral déjà parfois trop bas. Parce que tu as vécu son sacrifice comme une seconde perte, la mort nouvelle de ton premier fils dont tu ne t'es jamais relevé réellement. Alors quitter ta place d'auror était la meilleure chose à faire si ce n'est que tu voulais être garde du corps pour les politiciens et que maintenant, même ça tu finis par le négliger. Et pour cause, ta femme est malade. Euphémia a la RocheLune, une maladie terrible qui calcifie les os et change lentement le sorcier en pierre et dont il n'y a aucun remède. Juste une solution temporaire, à savoir user de moins en moins de magie car c'est cette dernière qui dévore... Mais comment demander à une sorcière qui ne connaît que ça, d'user de sa magie en derniers recours ? C'est presque cruel et ironique de savoir que ta femme a arrêtée et envoyée en prison des mangemorts là où elle aurait dû mourir dix fois face à des sortilèges de mort mais qu'aujourdhui, ce qui va la tuer c'est un vulgaire mal sans remède, sans vaccin, sans solution. Ca te ferait rire si l'histoire n'était pas si tragique et si on ne parlait pas de la mort de ta femme, l'amour de ta vie, celle sans qui rien n'a de sens.

Alors tu as acheté une maison que l'on nomme chaumière aux coquillages, une maison ancienne dans laquelle vous veniez passer vos vacances quand James était un petit garçon. Euphémia adore cet endroit et tu l'as acheté pour le retaper avec tes mains mais aussi un peu de magie pour t'aider et une fois fait tu le lui as offert. Ici vous finirez vos jours, ici elle arrêtera d'user de magie et les deux ans qu'on lui donne se transformeront en six ans. Trop peu mais bien plus que le pronostic actuel, tu dois te contenter de ça toi aussi et surtout ne pas y penser pour ne pas déprimer. Tu es assez tombé ces dernières semaines, il te faut relever la tête maintenant. Surtout que Euphémia va démissionner et elle va avoir besoin de toi pour ne pas se laisser tomber dans les affres de l'ennuie, après une vie comme auror elle risque vraiment de tourner en rond pendant les premières semaines. Il te faudra lui trouver de quoi s'occuper.

Pour aujourd'hui elle est encore au bureau le temps de trouver un remplaçant adéquat qui prendra sa place et toi, tu te trouves aux Trois Balais pour prendre un verre avec ton cousin. Voilà longtemps que tu n'as pas eu de lettre de la part de Cole mais quand il t'a fait passer une missive alors tu as compris que cette fois-ci c'était grave, important et que tu ne pouvais pas te permettre de ne pas répondre. Surtout à Cole, vous vous êtes toujours entendus si ce n'est que la vie vous a occupée loin l'un de l'autre pendant longtemps. Tu as su pour son fils, désolé d'apprendre une telle chose et tu as su aussi pour son poste de professeur. C'est un homme fort qui a su se relever et combattre les adversités de la vie, tu l'admires car toi tu as combattu même si ces derniers mois tu sens que tu marches sur un fil tendu au dessus des limbes. Et que tu pourrais tomber facilement. Ainsi quand tu arrives tu commande une bierraubeurre et tu t'installes à une table avant de grignoter des olives offertes par le patron. Avec ta choppe pleine du liquide orange et légèrement caramélisé. La porte d'entrée s'ouvre, un petit coucou en bois sort de sa cage et siffle l'arrivée d'un nouveau clients. Toi tu ne te retournes pas, tu devrais car ton cousin vient d'arriver. Et ça fait presque une vie que tu ne l'as pas vu.

 

La fin de la guerre aurait dû être une bonne nouvelle. Elle aurait dû sonner le glas de bien des problèmes et permettre à chacun de se reconstruire dans l’optique de savourer une nouvelle ère de paix. Elle aurait dû.
Durant un instant, il y a cru, à cette possibilité. Il a cru qu’il serait capable de se relever et de tout affronter. C’est dans cette optique qu’il est devenu professeur, pour elle aussi qu’il enseigne en encourageant les jeunes esprits à penser par eux-mêmes, à développer leurs propres avis, à voir le monde à leur manière. Parce que même si ce n’est pas une garantie, des esprits ouverts sur le monde, qui savent réfléchir, c’est avancer vers un monde qui évolue dans le bon sens. C’est envisager qu’il soit possible de ne plus vivre des horreurs comme la guerre. C’est idéaliste – utopique, diront certains – mais ils sont nombreux, les éléments qui lui permettent d’y croire. Et surtout, c’est la moindre des choses à faire pour honorer le souvenir de ceux qu’ils ont perdu. Parce qu’aujourd’hui, c’est tout ce qu’il peut faire, c’est tout ce qu’il doit faire. C’est une mission qu’il se fixe et qu’il avait bien entamé, lors de cette rentrée en septembre. Cette fameuse rentrée pleine de surprises en tous genres. Mais surtout, il y a eu cet événement. Cette rencontre – non, ces retrouvailles – qui a fait palpiter son cœur, qui l’a embrasé. Un sentiment qu’il n’avait plus connu depuis des années. Un premier signe de l’univers, comme pour lui dire que tout irait bien et qu’il a le droit à cette nouvelle chance. Qu’il a assez donné et que même si ce n’est pas fini, voilà qu’il peut désormais jouir d’un certain bonheur retrouvé. Tout n’est pas parfait mais à cet instant, il a envie de se laisser tenter. De se dire que c’est une chance qu’il ne peut laisser passer. Parce qu’il suffirait d’un rien pour qu’elle s’envole de nouveau.

Il a voulu tout concilier. Être plus proche d’elle, passer un maximum de temps à ses côtés sans pour autant oublier pourquoi il est à Poudlard – pour les générations futures. Et savoir qu’elle est là, avec lui, procure un regain d’espoir. Oh, ça ne lui fait pas oublier ni les derniers mois, ni les dernières années. Cole balance à qui veut l’entendre qu’il va bien, qu’il est fort et capable de se relever, qu’il ne laisse rien tomber. La vérité est un peu plus complexe mais il est très fort pour ne rien laisser paraître. Il l’a toujours été, restes d’une éducation allant en ce sens. Il ne faut rien montrer, jamais ; au risque de voir ses ennemis capter ces faiblesses et s’en servir pour contre-attaquer. Une leçon apprise et jamais oubliée – un peu trop puisque cela s’est parfois répercuté dans sa vie personnelle. Il n’a pas besoin d’aide. De personne. Il est capable de surmonter tous ses chagrins, toutes ses difficultés peu importe ce que c’est.

Mais à trop prétendre être ce qu’on est pas, on finit par oublier qu’au fond, on est simplement un être humain. Et que tôt ou tard, si on ne prend pas la peine de demander de l’aide, la vie finit par se rappeler à nous. Il se sentait remonter la pente pourtant. Durant deux mois et demi, les plus beaux passés à ses côtés. Quelques semaines durant lesquelles il s’est persuadé que rien ne pourrait plus les séparer. Une fois de plus, il a eu tort. Et cette fois-ci, il ignore comment remonter. Il l’ignore alors qu’il doit toujours gérer ses élèves… et deux enfants pour ne pas qu’ils se retrouvent sans parents. Mais lui ? Qui pour aider un Cole qui se démène pour les autres sans jamais rien demander à personne lorsque ça le concerne ? Épuisé, il finit par contacter un de ses cousins. Il prend sur lui, beaucoup, pour envoyer cette lettre à Fleamont. Pour lui faire comprendre qu’il doit absolument lui parler – sans se douter un seul instant que le Potter est également en difficultés. Ils doivent se rejoindre aux Trois Balais, à Pré-au-Lard pour prendre un verre.

Cole se prépare rapidement, à la fin de son dernier cours. Il a hâte de souffler, d’être une personne avec qui il sait pouvoir parler librement. Alors dès que son heure se termine, il passe vite se changer avant de prendre la direction de Pré-au-Lard, espérant ne pas être trop en retard. Il n’a pas vu Fleamont depuis un certain temps mais ils se sont toujours bien entendus. Le seul bémol dans leur relation étant d’avoir été séparé après Poudlard, leur vie prenant des tournants différents. Même si ça n’a pas empêché Cole d’être désigné comme parrain de son fils. Un rôle qu’il a toujours pris très à cœur, tentant d’en être digne en se faisant présent dans la vie de James. Mais ces dernières années, ça a été compliqué pour tout le monde. Les pensées affluent dans son esprit tandis qu’il se retrouve enfin devant le pub. Poussant la porte et pénétrant à l’intérieur, il cherche son cousin du regard. Persuadé d’avoir reconnu sa silhouette de dos, Cole se dirige vers lui. « Flem ? », demande-t-il prudemment. Puis, quand il reconnaît le visage de son ami, il ne résiste pas à l’envie de lui faire une franche accolade – de celles qu’il ne se permet qu’avec ses proches. « Merci d’être venu, ça me fait plaisir. J’espère que je t’ai pas fait trop attendre ? », son visage se fend d’un sourire sans joie tandis qu’il s’installe face au Potter, avisant le verre et le bol d’olives qui se trouvent déjà sur la table. « Rosmerta ! Une bièreaubeurre, s’il te plaît ! », une fois qu’il a la confirmation que sa commande est prise en compte, l’Abbot reporte son attention sur Fleamont. « Je suis content de te voir. Vraiment. », ça n’a peut-être l’air de rien mais ça compte énormément pour le professeur.

Tu attends, calme et si discret que personne ne semble te voir au milieu des étudiants et ça te convient, ça te permet d'observer ceux qui seront les sorciers de demain, qui feront briller la cause magique et qui peut-être permettront à cette dernière d'oublier les horreurs que fut cette guerre. Tu es confiant et en même temps tu sais que le bonheur ne restera pas bien longtemps, car il y a toujours eu des mages noirs et il y en aura toujours qui s'éveilleront, qui voudront prendre la place des autres et qui voudront les asservir pour en faire des pantins. C'est injuste mais la nature humaine est ainsi faites, finalement malgré ce que les puristes peuvent dire alors vous n'êtes pas mieux que les moldus qui se tapent dessus à la moindre contrariété, qui se font des guerres qui viennent massacrer des familles entières ou raser des villages. Voldemort a laissé une trace dans le cœur de nombreux sorciers et si beaucoup se persuadent qu'il faut continuer à vivre, qu'il faut avancer et ne pas se lamenter alors toi tu dois avouer que tu as du mal. Parce que tu en as vu beaucoup des morts, tu as perdu de nombreux frères et des batailles à tel point que tu ne peux plus les compter. Tu es fatigué car le pire reviendra, il y aura d'autres massacres et tu n'es pas certain que cela ne se produise pas bientôt avec le Conseil des Purs qui siège fièrement à Poudlard, prêt à faire tomber sa rage et son intolérance sur cette jeune génération qui se trouve là devant toi aujourd'hui.

Les jeunes qui boivent et rient trop fort, t'arrachant un sourire en coin car tu étais le même à leur âge, ne réalisent pas qu'ils sont passés à côté du pire et ceux qui ont assistés aux combats ont une lueur triste et lointaine dans le regard, malgré le rictus amusé qui n'est pas totalement franc et qui se dessine sur leur bouche. Tu parviens à le voir sur eux, la mélancolie de quelqu'un qui a déjà vu des choses trop choquantes pour son esprit et qui parvient quand même à vivre avec, à faire comme si... Tu étais le même et pendant une seconde tu leur envies cette capacité à vivre quand même, toi tu commences à approcher des 50 ans et de la fatigue qui viennent avec cela, des douleurs au dos et du sentiment d'être plus loin du début que tu ne l'es de la fin. Alors la découverte de la maladie d'Euphémia te donne le sentiment qu'il faut vivre vite et dès maintenant avant qu'il ne soit trop tard certes, mais ça ne t'enlève pas le sentiment que tu as d'être dépassé, en décalage, comme hors de toutes les scènes que tu vois se dérouler devant toi. Tu essayes de te dire que ça va passer et c'est aussi pour cela que tu as quitté ton boulot d'auror, tu ne t'en sentais plus capable. Mais jusqu'à quand auras-tu ce sentiment ? Pour ne plus le ressentir il faudrait que tu t'oublies, ce que tu parviens à faire au profit de ta femme qui a drastiquement besoin de toi. Parce qu'elle a peur de la maladie et qu'elle a besoin d'être rassurée, de savoir que toi tu es confiant. En réalité tu es terrifié mais tu ne dois rien lui montrer et lui répéter comme une devise que tout ira bien... En espérant te convaincre toi aussi.

Soudainement on t'appelle et tu te retournes vers un Cole toujours aussi charmant, au regard pétillant et au sourire bien plus agréable que le rictus qui tord trop souvent ton visage ces derniers temps. « Cole, je suis heureux de te voir ! » Que tu laisses échapper en te levant pour l'enlacer brièvement. Voilà longtemps que tu as perdu de vue ton cousin, apprenant par le biais d'autres sorciers que tout allait bien pour lui et que son boulot lui plaisait mais en dehors de cela, vous n'avez pas eu le temps. La guerre encore et toujours et surtout le souhait de ne mettre personne en danger, t'a vraiment éloigné de tout le monde. « Non du tout, j'observais notre future génération qui parle de filles, de magie et de créatures magiques. Tout cela... Dans cet ordre là ! » Dis-tu en désignant un groupe de Gryffondor non loin qui, étrangement, te font penser à la bande ton fils quand il était étudiant ici. Rosmerta s'exécute et c'est une bièraubeurre fraîche qui est servie à ton cousin alors que tu pioches une olive avec un cure-dent. « Moi aussi, ça fait longtemps ! Je suis désolé mais entre mon boulot d'auror et le reste... J'ai eu du mal à toucher terre pendant des mois. » Le reste à savoir son rôle dans l'Ordre, comme Lieutenant chargé d'entraîner les nouveaux et de débusquer les mangemorts. Cela lui a valu quelques cicatrices qu'il ne regrette pas. « Ta missive semblait urgence et angoissée, qu'est ce qu'il se passe ? » En bon Gryffondor tu n'as jamais été vraiment patient et tu préfères toujours connaître le pire dès l'instant où tu peux en parler, c'est moins angoissant que de faire mariner.

Tu prends ta bièraubeurre et tu fais claquer ton verre contre celui de ton cousin, comme pour trinquer à vos retrouvailles et ce moment en tête à tête puis, tu en avales une gorgée tiède car c'est ainsi que tu les aimes le plus. « Comment ça se passe à Poudlard, depuis la rentrée ? Surtout avec... Eux. » Ce Conseil des Purs qui est l'exemple même de l’intolérance le tout enrobé d'un beau sourire hypocrite.