et finalement, la peur || Nessecho

 Tout était étrange. Il te semblait que chaque fois qu'une belle chose arrivait, elle avait son pendant cruel. L'équilibre était devenu si extrême, que tu ne passais plus un moment sans avoir en bouche un bonbon, un gâteau ou une sucette. Tu en avais constamment dans tes poches, dans ton sac, et tu en achetais les week-ends quand tu te rendais à Pré-au-lard. Ton ventre te semblait vide, souvent, alors tu le remplissais sans discontinuer, quitte à dormir assise car tu n'es plus capable de tenir allongée. Tout partait dans tous les sens et ce chaos tu ne pouvais pas le contrôler. Soupirant lourdement, tu étais à la recherche d'une seule personne : Nessie. Cela faisait des jours que tu n'avais pas eu l'occasion de croiser ton amie. Tu ignorais ce qu'il s'était passé - tu savais seulement qu'Aurora avait disparu. Elle avait quitté Poudlard, laissant derrière elle plus d'interrogations que de réponse.

Quant à Nessie, elle vous évitait, simplement. Mais tu avais décidé qu'il en était assez - cette journée tu avais pris sur toi de la suivre partout où elle se rendait, cherchant le moment parfait pour pouvoir t'assoir à ses côtés et l'écouter. Savoir enfin ce qu'il se tramait dans son esprit et pouvoir l'aider. La soutenir. Ou simplement être là à l'écouter. Tu la suivis dans ses recherches, ses cours, la bibliothèque, la Grande salle, mais jamais assez longtemps pour une conversation en privé. Tu ne voulais pas - non plus - la prendre face au reste des élèves. Tu ignorais ce qu'il se tramait mais tu espérais pouvoir respecter son intimité. Et si jamais elle devait lâcher des émotions, qu'elle soit en confiance pour le faire.
Finalement, en fin de journée, c'est dans le parc que tu arrivais à la suivre. Il faisait froid - l'hiver s'installait doucement - et c'est pourquoi tu étais plus qu'heureuse de porter le manteau vert et noir que ton frère t'avait fait envoyé deux jours avant. Doublé de laine de mouton irlandais, il te tenait incroyablement chaud. Et surtout, il était assez grand pour être étendu en couverture et contenir deux corps plutôt qu'un.

Tu trouvais Nessie face au lac noir. Seule. Enfin. Arrivant derrière elle, tu avisais l'absence de personne proche - ce qui vous permettrez de parler en toute liberté. Hey Ness Lanças-tu, comme si tu passais là par hasard - mais comme tu étais mauvaise actrice, tu doutais pas qu'elle comprendrait le stratagème. Tu veux un bonbon ? Demandas-tu, sortant le paquet de caramels pétillants de ta poche. Je me suis dis qu'on pouvait papoter - j'ai l'impression de ne pas t'avoir croisé depuis des jours.

Elle est perdue. Depuis quelques semaines, il semble que sa vie parte à vau-l’eau. Elle fait de son mieux pour essayer de remonter la pente, de revenir à la surface. Elle se répète en boucle les paroles réconfortantes de son frère dans son esprit. Et ça fonctionnait, au début… elle récupérait cet espoir et l’envie d’avancer. L’envie de démontrer qu’elle vaut bien plus que cette détestable performance lors de la sortie à Waterford. Nessie est l’une des seules élèves de Poudlard à avoir dû faire un séjour à Sainte-Mangouste et elle s’en veut terriblement pour ça. Parce que ça n’aurait jamais dû arriver, elle n’aurait jamais dû défaillir à ce point-là devant une acromentule. Alitée, elle a eu le temps de se poser énormément de questions. Est-elle finalement si douée qu’elle le pense ? Est-elle si incapable de gérer le stress en situation réelle ? Va-t-elle devoir subir les regards de déception dans les yeux de sa famille ? Venant de son père, elle doute être capable de le supporter. Alors dès son autorisation de sortie de l’hôpital, c’est vers Orthos qu’elle se tourne. Son frère a trouvé les mots justes pour rappeler sa combativité et sa motivation. Ça ne revient pas instantanément, il y a du travail avant qu’elle ne récupère la confiance qui était la sienne avant l’examen. Et elle sentait qu’elle aurait besoin de la présence de son aîné à ses côtés pour cela. Pour affronter sa période d’assistanat, pour prouver qu’elle a les capacités requises pour être ce qu’elle désire.

Et elle sent que c’est faisable, qu’elle peut y arriver parce qu’elle est entourée… jusqu’à ce qu’un nouvel événement vienne suspendre cette remontée, la faisant même reculer de quelques pas. Aurora est partie. Sa meilleure amie est partie. Comme ça, du jour au lendemain. Du mois, c’est ce qu’affirment les rumeurs. Nessie, elle, a une toute autre version qu’elle garde bien pour elle – pas par honte mais par incompréhension. Elle pensait que c’était l’évidence même mais il faut croire que la Slughorn n’était pas de cet avis. Pourtant, elle n’a fait que répondre à une impulsion, un désir ancré en elle depuis des semaines, un désir qu’elle ne parvenait pas à identifier et qui a fini par devenir limpide aux conclusions de certaines conversations. Elle a fini par aller voir Ora et délicatement, ses lèvres se sont posées sur les siennes… sans que la réaction espérée ne soit celle qui se produise. Ora a pris peur, elle en est certaine. Elle est partie à cause de cela. D’un simple baiser aux conséquences désastreuses : Nessie a perdu sa meilleure amie, celle avec qui tout était étonnement si simple. Aurora passait pour un monstre auprès de la majorité des personnes mais pas avec la Shacklebolt. Et elle a cru, que peut-être… est-ce qu’elle s’est trompée ? Est-ce qu’elle l’a perturbée au point qu’elle abandonne tout et surtout, ses plans de mariage avec Orpheus qui comptaient pour elle ? Des questions qui devront rester sans réponse, à moins qu’elle n’ait un jour la chance de la revoir.

Pour l’heure, Nessie ressent ce besoin d’être seule. De s’éloigner de son groupe d’amies, au moins le temps de faire le point sur sa situation personnelle. Si elle le joue finement, elles ne remarqueront même pas son absence. Volontairement mise de côté, elle en vient à se réfugier dans ce qu’elle connaît le mieux : les études, le travail. Depuis quelques jours, elle n’apparaît qu’en cours, lors des repas et parfois dans la salle commune de Serpentards ou le dortoir des septièmes années mais sinon, elle trouve des recoins cachés dans le château ou ses alentours. Ce n’est certainement pas correct vis-à-vis de ceux qui lui sont proches mais elle ressent le besoin de cette distance et de ce temps pour elle – quitte à devoir ruser pour éviter les filles. Et durant un temps, ça fonctionne. Elle fait bien attention à ne pas croiser l’une d’entre elles – élaborant des stratagèmes qui ont le mérite d’occuper son esprit pour qu’elle ne se perde pas trop dans ses pensées. Seulement, il y a cette journée. Cette seule journée durant laquelle elle baisse sa garde – ne tenant pas compte du fait qu’une personne la suit. Elle mène sa routine comme elle le fait depuis toujours, suivant ses cours, travaillant à la bibliothèque, sans oublier ses repas dans la Grande Salle. Ce n’est que vers la fin de la journée qu’elle finit par s’apercevoir d’une présence derrière elle sans pour autant trop s’en inquiéter, ne ressentant aucune hostilité particulière. Peu désireuse de converser dans les couloirs austères du château, Nessie prend la direction des alentours pour aller se planter face au lac noir. Le froid approchant, les élèves sont peu nombreux à venir ici en fin de journée. Ce qui en fait l’endroit idéal pour un peu d’intimité.

Elle attend, vêtue de sa cape chaude verte et argent, d’un foulard également aux couleurs des Serpentards et d’une bonne paire de moufles. Dans cet accoutrement, elle peut tenir au moins une ou deux heures à observer les eaux calmes et sombres du lac. « Salut, Echo. », dit-elle doucement en relevant la tête vers son amie, peu surprise de se retrouver face à elle. Nul besoin de demander la confirmation quant à la personne qui a passé son temps à la suivre aujourd’hui. Echo est mauvaise actrice mais c’est inutile d’en faire la remarque. Ainsi se contente-t-elle d’adresser un sourire un peu triste. « Je veux bien, s’il te plaît. », répond l’Africaine en avisant avec envie le paquet de caramels pétillants que son amie tient dans les mains. Des sucreries, voilà ce qu’elle aurait dû prendre avec elle pour passer le temps. Sa cadette en a toujours sur elle et peut-être devrait-elle en faire autant, surtout en ce moment. Le sucre, c’est toujours réconfortant. « C’est pas qu’une impression. J’avais besoin de… de tranquillité, ces derniers jours. Je suis désolée si ça t’a blessée. De quoi tu veux, hm, parler ? », elle ne veut blesser aucune d’entre elles mais elle a besoin de ce temps pour se retrouver.