Daemon rentre chez lui après une longue journée. Il se laisse tomber sur son canapé dans un soupir bruyant, bien qu’il soit seul chez lui. Il y a eu beaucoup de cas de magie dans le monde mordu, sans qu’il puisse expliquer pourquoi. Il faut dire que depuis Samhain, il a l’impression de ne pas avoir arrêté une seule seconde. Cela fait déjà cinq semaines maintenant et décembre a déjà commencé à rafraîchir l’atmosphère. Et pourtant, il a l’impression que depuis ce jour, rien n’est pareil. Ce soir, il a donc prévu une soirée tranquille, et prévoit également une bonne nuit de sommeil. Il en a besoin, les cernes marquent son visage, sa barbe de quelques jours n’est pas rasée, il porte vraiment la fatigue sur lui. L’épuisement. Il se relève pour aller se changer et mettre des vêtements plus confortables. Un bas de jogging et un sweat à capuche, tous deux noirs. Il se passe de l’eau sur le visage pour se réveiller un minimum et retourne à sa cuisine afin de se préparer un repas.

Il se prépare des lasagnes, qu’il met au four, quand on toque à sa porte. Curieux, il fronce les sourcils et gueule un « j’arrive ! ». Il met rapidement ses lasagnes au four, s’essuie les mains et se dirige en grandes enjambées vers son entrée. Il ouvre la porte, et se trouve d’autant plus surpris.

« Aramis ? » Il se décale pour le laisser passer. « Entre, fais comme chez toi. Tu veux manger un bout ? »

Demande-t-il avant de retourner à sa cuisine, où les lasagnes viennent de commencer à cuire. Il s’assoit à sa table, invitant Aramis à faire de même en face de lui. Il tente d’ignorer les battements erratiques de son cœur, en vain. Cela fait longtemps qu’ils ne se sont pas vus seuls, juste eux deux. Il y a eu les réunions de groupe, puis Samhain, et le boulot prenant de Daemon, aucune réelle occasion pour eux deux.

« Je te sers un truc à boire ? Il est rien arrivé de grave, hm ? Tout va bien ? »

Parce que si Aramis vient chez lui, il se dit que c’est peut-être grave. Il a eu sa sœur par correspondance aujourd’hui, il sait qu’elle va bien. Il espère qu’Aléa aussi.

Cela fait quelques semaines qu’il a l’impression que tout part à vau-l’au. En fait, depuis Samain, les choses n’ont fait qu’empirer un peu plus chaque jour pour le faire arriver où il en est aujourd’hui. Entre les problèmes qui ont gâché la fête des morts et les disparitions de Felix, Roan et Cassie, difficile de savoir où donner de la tête. Même ses chasses qui arrivent habituellement à l’occuper ne lui permettent pas de calmer son esprit. Il cogite, beaucoup – et son entourage sait que ce n’est habituellement pas quelque chose qu’il prend la peine de faire. Aramis est un instinctif, un impulsif qui réagit sur des pensées rapides ou des envies fugaces du moment. Il n’aime pas rester trop longtemps sur un problème – excepté pour des traques longues – mais cette fois-ci, ça le concerne de très près alors il ne parvient pas à faire autrement. Il se met à émettre des hypothèses et la première d’entre elles et de naturellement penser que les événements de Samain et l’absence de son petit-frère et de ses amis sont possiblement liés. Comment ne pas l’envisager ? C’était si énorme, ce qui s’est passé… plus d’un mois a passé depuis et pour ce qu’il en sait, personne n’est encore parvenu à fournir ne serait-ce qu’un début d’explication à tout ceci.

Mais plus le semi-vampire essaye de trouver des explications qui lui semblent logiques, plus il encaisse des maux de crâne carabinés et plus il consomme des potions pour s’en défaire. Un cercle vicieux qui, fatalement, finit par impacter ses résultats lors de son travail. Ses cibles lui échappent plus facilement, elles en viennent même à le narguer à l’occasion et si ça l’exaspère, Aramis comprend que ses ennemis réagissent ainsi. Lui-même n’hésiterait pas à ricaner en voyant un de ses adversaires patauger lamentablement. Finalement, ces quelques expériences ont au moins le mérite de servir de déclic au Dragomir. Il ne peut pas rester embourbé dans cette situation – il en va de sa réputation et par extension, de sa vie. Ses inquiétudes ne vont pas se régler en un claquement de doigts, il en a parfaitement conscience. Mais il peut au moins espérer se détendre un peu, ne serait-ce que le temps d’une soirée.

Et pour cela, il y a bien une personne à laquelle il songe, une qu’il a envie de voir. Aramis n’a pas revu Daemon depuis la sortie de Samain – ce qui n’est évidemment pas un dernier bon souvenir. Et puis, il ne sait pas… quand il pense à ça et à la dernière soirée qu’ils ont eu en tête-à-tête, il y a comme un pincement qui se fait ressentir au creux de son estomac. Une sensation trop inconnue pour qu’il parvienne clairement à l’identifier mais elle se fait assez puissante pour qu’Aramis y accorde de l’attention. Il décide donc de prendre sa soirée, de remettre sa traque à plus tard pour rendre une visite improvisée à son ami. Il connaît son adresse et d’un coup de transplanage, le semi-vampire se retrouve dans sa porte, toquant avant même de pouvoir envisager un demi-tour. Il entend rapidement une réponse puis quelques pas avant que la porte ne s’ouvre sur un Daemon bien évidemment surpris de le voir débarquer aussi tard et à l’improviste. « Salut, Dem ! Merci, je dis pas non pour manger un bout. Même si t’as que des restes, je prends, j’ai rien mangé depuis ce matin. », débite-t-il tout en pénétrant dans l’appartement du MacFusty.

À l’intérieur, une odeur de lasagnes arrive jusqu’aux narines du Dragomir qui vient s’en lécher les lèvres. Ce n’est pas un fait volontaire mais il semble avoir choisi la bonne soirée pour débarquer chez son meilleur ami. Et quand ce dernier l’invite à prendre place à la table, Aramis n’hésite pas une seule seconde pour tirer une chaise et s’asseoir en face de Dem. C’est quelque chose d’assez étrange pour eux qui ne se sont pas vus sobres et seuls depuis un certain temps. Depuis le Drunk Broom, à chaque fois qu’ils ont passé du temps ensemble, c’était en compagnie du reste du groupe. Pas que leurs réunions déplaisent à Aramis, au contraire – il est toujours ravi de passer du temps avec ses meilleurs amis. « Qu’est-ce que tu me proposes comme boisson ? », demande-t-il, curieux de voir ce qui se trouve dans ses placards. « Non, ça va. Les autres vont bien, je t’assure. », il en est certain pour Lolan et Aléa mais malgré leur lien, il n’est pas pour autant sûr de savoir comment Cal a vécu leur petite escapade à Stonehenge. Tout comme il ignore si elle a dit quelque chose à ce propos à son jumeau. Dans le doute, mieux vaut taire cette sortie. « J’aurais dû chasser ce soir… mais j’en avais pas envie. Je me suis rendu compte que je voulais une soirée tranquille et je me suis dit que j’allais venir te voir, pour la passer avec toi. C’est idiot, hein ? Mais ça fait un moment qu’on s’est pas retrouvés juste tous les deux. », en étant aussi normaux que possible. Aramis tente de diminuer discrètement la connexion avec le groupe, sachant qu’il ne suffirait que d’une incursion dans son esprit pour s’apercevoir qu’il n’est pas aussi serein qu’à l’accoutumée.