Smooth criminal ϟ Percival

Au vu des couleurs hivernales dont se parent Londres et ses environs, je ne peux dès lors que constater mon absence quant aux vœux de nouvelle année, que j'aurais pu énoncer à mon très cher frère et à ma très chère sœur. Enfin, le superlatif très, n'est pas une formule que j'emploie très souvent, surtout en vue de mes quelques accointances. Cependant, je ne peux renier ce sang qui coule dans mes veines et que je partage depuis quelques années, avec ma fratrie.
Être l'enfant du milieu demeure une pénitence dont je porte la croix depuis près de quatre décennies, désormais. Et, en venir à saluer celui qui demeure mon aîné au regard du monde, reste une priorité. Et une bien belle aberration.

... en plus de nourrir une idée qui s'est instauré dans mon esprit, depuis fort longtemps, déjà. À savoir le fait pur et simple de remplacer l'actuel Directeur du Département des Mystères, celui où j'officie avec une forme d'abnégation propre à cette envie manifeste de toujours faire briller le nom des Gaunt. Je ne pouvais décemment opter pour un emploi qui ne serait aucunement de ma valeur. Et même si ma fille unique reste toujours prompte à me décevoir depuis sa naissance, j'espère qu'elle sera en mesure de rendre pérenne notre nom. Même si je compte personnellement sur mes deux neveux, qui eux, sont pour ce faire, un réel enchantement.

Si je salue Percival et lui octroie mes meilleurs vœux en ce mois de janvier, je ne peux me résoudre à passer outre, concernant Luke. Ce jeune homme ayant eu sa place parmi les érudits des Bleu et Bronze, -là où ma chère Alanah a fait ses classes-, je ne peux que l'encourager à poursuivre cette carrière qui semble lui plaire et lui coller au derme comme une forme de seconde peau. Au moins, je peux acclamer le succès de mon neveu au sein d'une équipe de Quidditch ...
Avec un soupir, je fais tourner ma chevalière qui représente un serpent, -témoignage de ma filiation à ce cher Salazar-, autour de mon annulaire droit, geste qui traduit mon ennui naissant et une forme de sentiment dont je ne peux identifier ni la teneur, ni la certitude.

Parce que je sais, mieux que quiconque, que je n'ai pas les meilleures relations qui soient avec Percival et Bethsabée, nos opinions étant à même de diverger sur certains points. Mais, je dois être crédule. Non. J'ai juste une envie de faire appuyer ma candidature par mon frère. N'est-ce pas là, une volonté de me rapprocher ? Certainement. Or, connaissant mon voyant de grand frère, je me doute qu'il saura lire en moi, comme dans un grimoire ouvert.
Après tout, je n'ai strictement rien à cacher. Strictement rien à cacher.

Apposant ma signature sur un dernier formulaire que je range avec un mouvement fluide de ma baguette, je décide de descendre au troisième niveau, là où se trouve le Département de mon futur interlocuteur. Nul besoin d'avoir une quelconque interaction avec les collègues dans l'ascenseur, je ne suis pas présent pour ces frivolités.
J'ai un objectif en tête et il reste non moins certain que je l'atteindrais. Que Percival soit en réunion, ou non. Occupé avec un subalterne ? Je n'en avais strictement rien à faire.

M'annonçant sur la lourde porte en bois sombre de son bureau en la tapotant avec ma chevalière, -je suis pétri toutefois de quelques manières-, je pénètre néanmoins dans son antre. Son sanctuaire. Mon regard argenté accrochant tout ce qu'il peut avant de s'attarder sur le corps de mon aîné, privé de la vision.

- Percival. Commence-je d'une voix doucereuse qu'il lui est si aisé de reconnaître. Tandis que je prends place, -sans y être invité et à quoi bon attendre ?-, sur l'un des fauteuils. Jambes croisées, mes mains se positionnant avec force sur les accoudoirs. ... ton frère est venu t'offrir ses vœux pour cette nouvelle année qui s'entame. Sont-ils sincères ou ne sont-ils que du vent ? Un peu des deux, bien que je m'en vais dans quelques instants lui formuler mon questionnement.

Mais nullement dans l'immédiat. J'étais homme à faire quelque peu durer le plaisir.

- Grand frère, comment te portes-tu ? Ainsi que mon adorable neveu ? Ai-je une certaine hâte d'avoir la réponse à ces quelques questions ? Seul l'avenir nous le dira.

Les fêtes de fin d’année viennent de se terminer – Noël a été calme avec la seule compagnie habituelle de son fils et le réveillon du Nouvel An s’est avéré une petite sauterie plus qu’intéressante en bien des points – et la saison hivernale est plus entamée que jamais. Si Percival ne peut contempler le manteau blanc de Londres, il n’est toutefois pas naturellement protégé contre le froid mordant qu’il ne peut combattre qu’en se munissant de vêtements chauds soigneusement mis de côté par Solène, son elfe de maison aussi verbalement assassine qu’elle sait se montrer efficace dans son travail. Néanmoins, une fois à l’intérieur du Ministère, celui-ci est assez chauffé pour que le chef des réparateurs puisse se délester de quelques couches d’habits – grand bien leur en a pris de l’allumer, il ne se sentait pas particulièrement d’exercer sa fonction avec sa grosse écharpe et son épais manteau de laine tombant presque au niveau de ses chevilles.

La journée se fait étrangement calme malgré les nombreux dossiers en suspens – certains plus importants et complexes que d’autres – qui traînent dans la paperasse spécifiquement rédigée en braille de Percival. La plupart de ses équipes sont sur le terrain et il va sans dire que c’est également là que le Gaunt aurait préféré se trouver en cet instant – parce qu’il aurait été dans son élément avec une maigre possibilité d’être dérangé par des visiteurs indésirables. Mais les papiers font partie de sa fonction : Percy savait à quoi s’attendre dès qu’il a pris le poste tout comme il n’ignorait pas que ça ne lui plairait pas mais que c’était nécessaire. Être chef, c’est aussi savoir déléguer – comprendre par là : envoyer ses troupes à l’action, sur les points de crise tandis qu’il doit régler les procédures administratives.

Et puis, au-delà de ces quelques contraintes, Percival ne peut nier le prestige d’un tel poste. Le pouvoir que ça lui apporte dans la société autant que sur les sorciers qui composent ses unités. Certains ne le savent simplement pas mais il arrive parfois qu’ils servent les intérêts de la Confrérie bien plus que ceux du Ministère de la Magie – bien sûr, Percival œuvre simultanément pour le bien de ces deux institutions mais se servir de sa place pour permettre à la Cause de devenir une réalité demeure sa plus grande priorité. Secrètement, c’est bel et bien à l’héritage de Morgane qu’il a fait serment d’allégeance et non à un univers de politiciens corrompus, cela qu’importe leur bord – et il est bien placé pour le savoir. Percival n’a cependant rien contre la corruption… tant que ceux qui acceptent les pots de vin sont de son côté. Ne dit-on pas que la fin justifie les moyens, après tout ?

Quand il n’est pas dans son bureau – parce qu’il faut bien qu’il sorte de temps à autre –, il croise quelques collègues, la plupart prenant la peine de lui adresser rapidement un « bonne année » parfois agrémenté d’un « meilleurs vœux » auxquels le Gaunt répond tout aussi poliment par simple automatisme. Ces souhaits, il n’y a jamais réellement cru et n’a donc pas non plus pris la peine de donner les siens à, par exemple, sa propre famille. Cette dernière ne lui en tient pas rigueur car ses membres ne sont guère plus attachés que lui à ces vieilles traditions. Les Gaunt ont bien leur propre façon de faire, leurs coutumes qu’ils respectent scrupuleusement mais celle-ci n’en fait pas partie. Prendre son frère et sa sœur dans ses bras, leur murmurer toute la réussite du monde pour la nouvelle année… rien que d’y penser, des frissons viennent parcourir sa colonne vertébrale.

Tous les trois des descendants du même grand sorcier et pourtant, malgré un illustre nom partagé, leurs opinions respectives rendent leurs relations quelque peu conflictuelles. Et cela donne parfois lieu à des discussions houleuses lorsqu’ils se laissent aller à des divagations. Au moins, l’ennui n’est pas un concept familier chez les Gaunt.

De retour dans son bureau après une énième réunion, Percival profite d’avoir imposé au moins une une ou deux heures de répit pour se pencher sur certains dossiers, faire le tri dans certaines nouvelles informations que ses équipes ont pu recueillir. Il s’apprête à se mettre au travail lorsque des coups retentissent sur la porte, le faisant grogner. « Il me semble avoir prévenu que je ne voulais pas être dérangé ! », phrase qui doit apparemment se traduire dans l’esprit de l’impertinent par « je vous en prie, entrez » puisque malgré l’avertissement, la porte s’ouvre. Et lorsque cette voix qu’il reconnaîtrait entre mille retentit – aussi mielleuse qu’elle lui semble empli de fiel – pour prononcer son prénom, Percival sait à qui il a à faire sans émettre le moindre doute. Et si ça avait été le cas, son intuition se serait confirmée lorsque le cuir des fauteuils se met à grincer sous le poids de l’indésirable qui s’installe sans y avoir été convié au préalable. « J’ai bien un frère, en effet. Mais je n’ai pas souvenir qu’il ait déjà pris l’habitude de venir m’offrir ses vœux. », il voit – étonnement – très clair dans la manière de procéder de son interlocuteur qui doit  lui-même bien se douter qu’il n’ira pas amadouer Percival avec des jolis mots. « Évite les questions dont les réponses ne t’intéressent pas. Pour le reste, Luke va très bien. Permets-moi de te retourner l’interrogation : comment va ma nièce ? », Eurydice a un potentiel certain et il est tout à fait cocasse que de son père et de son oncle, ce soit l’aveugle qui parvienne à le remarquer. « A quoi dois-je exactement ta venue, Emrys ? »

Si je dois faire un tant soit peu le bilan de cette nouvelle année qui s'entame, force est de constater que l'achèvement de l'ancienne s'est vue avoir son lot de surprises. Jamais, je n'aurais pensé être à la fois témoin d'une rencontre plus que détestable assortie d'une personnalité pour le moins ambitieuse. Et ce, sous mon propre toit.
Ma très chère fille, Eurydice, s'est laissée convaincre d'inviter dans ma demeure, ce jeune homme au profil quelque peu atypique et pour le moins discutable. Un jeune individu opportuniste qui ne jouit pas encore de la majorité sorcière au fait de son âge moindre mais qui, à fortiori semble pourtant être l'Héritier de sa branche. Celle des Yaxley, en l'occurrence.

Parce qu'il est somme toute évident, qu'au vu de ce cercle de Sang-Purs dans lequel je m'illustre, que la désertion de l'aîné des Yaxley, n'a point été mise de côté, bien au contraire. On dit du premier né, qu'il fut maudit. Au vu de ses accointances et de sa volonté de courir les bordels en ville, plutôt que d'honorer sa fiancée en lui octroyant des noces dignes de ce nom exemplaire que son ascendance a porté, jadis.
De ce fait, l'exil de Persée Yaxley, -voilà que je me remémore son identité-, a conduit mon invité indésirable à devenir le Chef de cette famille aux aspirations bien peu louables.

Orpheus, -ici, je préfèrerais oublier ce prénom-, a été donc recueilli par ma descendance contrainte de me faire vivre une cohabitation bien peu désirée.
Or, le dit Yaxley s'est montré quelque peu ... intéressant.

Cela est cette pensée pourtant fugace qui me traverse l'esprit, alors que je m'installe sans nulle vergogne dans ce siège, face au bureau de Percival. Évidemment, j'ai pour ainsi dire opté pour une invitation implicite venant de sa part, même si le souhait de ne pas être dérangé a été émis, d'une voix bien peu tendre.
En même temps, cela est notre moyen de communication, à nous les Gaunt. Nulle étreinte  salvatrice, nulles palabres réconfortantes. Rien que le fait d'y songer, m'octroie une raideur dans la mâchoire et un frisson peu plaisant dans l'échine.

À ces mots que je viens d'entendre, provenant des lèvres même du Gaunt, je ne peux qu'esquisser un sourire. Ce dernier s'intensifiant à la mention de notre lien fraternel, gage qu'il me connait de ce fait, un peu trop bien, si j'en crois ses dires.
Aveugle, donc. Mais pas pour tous les prismes de son existence.

- Tu me prêtes directement des intentions peu louables, Percival. Siffle-je doucement, mon regard d'argent s'étant paré d'une lueur diffuse de malice. Que mon vis-à-vis n'est pas assuré de voir, de toute manière. Il y a un début à tout. N'est-ce point la nouvelle année, après tout ? Le questionne-je, avec un léger haussement de sourcils, même si -ironiquement-, il perçoit avec merveille mon simulacre bienveillant.

Et, de presque en venir à me saisir au collet. Sentiment ô combien désagréable qui se profile éhontément, par ailleurs.

- Cela me semble être une explication très succincte en ce qui concerne mon très cher neveu, mon aîné. J'opère un silence, ce dernier se brisant avec le bout de mes doigts qui jouent sur les accoudoirs. Luke est mon petit protégé, j'ai besoin de savoir.

Quand l'interrogation s'attarde sur Eurydice, je ne peux réprimer cette grimace qui se dessine sur mes traits froids et implacables. Ce qui m'amène à repenser à cet exploit dont elle est l'instigatrice manifeste et qui est survenu dès lors, quelques jours plus tôt.
Sauver un Yaxley de la misère. Ou du moins, lui laisser un peu de répit avant que la Fortune s'en mêle.

- Ta nièce dans son immense mansuétude, a jugé opportun de me faire vivre une rencontre quelque peu ... à part, au sein même de mon propre foyer. Rencontre qui, au fil des minutes s'est révélée être ... Par Salazar, que cela en vient à me brûler les lèvres, d'opérer un tel compliment à l'initiative du descendant Yaxley sans pour autant le mentionner. ... intrigante et intéressante.

Par le plus illustre de mes aïeuls et que ce dernier m'en soit témoin, elle se trouve ici mon action louable opérée à la face même du monde.
Et, pour le reste ...
... Percival a cette propension d'y voir -encore de l'ironie- dans mes stratagèmes.

- Hum. Fort bien. Jetant un regard au plafond, j'inspire, avant de poursuivre. À quoi bon, ne pas entrer dans le vif du sujet ? ... j'aimerais que tu me soutiennes dans cette campagne, pour que je devienne le Directeur de mon Département. Un silence. J'ose espérer compter sur un frère aîné et un Gaunt. Le prestige de notre nom est sans égal, et savoir que Percival Gaunt est un de mes soutiens indéfectibles fera pencher la balance en ma faveur. N'est-il pas ?