Une traînée de poudre | Paige & Orpheus

Hier, j’eus l’impression que le ciel m’était tombé sur la tête. Un truc brutal, de ce genre de cataclysme qui te change la vie pour le meilleur et pour le pire, et que je n’avais absolument pas vu venir.
Ca ne faisait pas 24h, et pourtant je n’en revenais toujours pas vraiment. A dire vrai, pour le moment les choses n’avaient pas trop changé dans mon quotidien, à part quelques regards entendus échangés avec la concernée. L’information n’avait pas encore fuité, mais je savais que d’ici peut-être deux jours, les premiers bruits de couloir se feraient entendre. Et pour cause, ce samedi il y aurait encore une de ces soirées mondaines de sang-purs, et les parents d’Aurora, ma nouvellement promise, allaient forcément vendre la mêche. Et là, ça serait comme une étincelle sur une traînée de poudre, qui exploserait tôt ou tard à Poudlard. A partir de là, ça allait être un sacré bordel, je ne me faisais pas d’illusions.

Je n’avais même pas pris la peine de prévenir ma mère par lettre, et encore moins Selena alors que c’était elle qui avait tout orchestré. Pourquoi ?  Parce qu’elle-même n’avait pas pris la peine de me prévenir, alors elle pouvait toujours espérer : elle l’apprendrait par les rumeurs, comme tout le monde, quoiqu’en dise Aurora.
Mais s’il y en avait bien une que je tenais à prévenir avant tout, avant qu’elle ne le sache par un autre biais, c’était bien Paige.

A la sortie du cours de potions, je l’attrapais par le bras pour l’écarter du groupe. Il allait être midi, ce qui nous laissait largement le temps de discuter avant tout autre cours.

« Pi, viens, faut que j’te cause. »

Pas plus d’explications de prime abord, ce n’était pas mon genre. J’entrainais la demoiselle à l’écart sans plus de cérémonie, attendant que les derniers élèves finissent de passer pour rejoindre la Grande Salle.

« Ca va ? » demandais-je simplement en attendant que l’on soit seuls dans ce fichu couloir.

Je ne pouvais pas dire que j’étais particulièrement serein à l’annonce que j’allais lui faire. Pas que je m’inquiétais vraiment de sa réaction, ça restait sans doute la personne dont j’étais le plus proche à Poudlard, mais… moi, fiancé ?  J’avais déjà du mal à digérer moi-même la nouvelle. Le regard un temps fuyant, je cherchais par où commencer, avant de finalement mettre les pieds dans le plat.

« Bon ça va te paraître invraisemblable, et… ça l’est je crois. Mais je voulais que tu sois la première au courant, avant qu’tout le monde n’en parle. Je… »

Je quoi ?  Allez accouche, Yaxley !  Elle va pas te bouffer.

« J’suis fiancé. Depuis hier en fait. C’était pas vraiment prévu mais voila. »

Dire que c’était le bordel dans ma tête était un euphémisme. A tel point que j’en oubliais même de préciser qui était l’heureuse élue. A dire vrai, c’était plutôt l’inverse puisque c’était elle qui avait fait la demande, mais ça ce n'était qu'un détail. Est ce que j’avais un peu subi le déroulé des choses ?  Oui, totalement, mais je ne l’avais pas refusé pour autant. C’était une opportunité que je ne pouvais absolument pas refuser compte tenu de la situation.

Le cours a été un peu long aujourd’hui. Paige aime les potions, mais parfois les cours lui paraissaient rébarbatif. Il faut dire qu’en dehors des cours elle travaille aussi cette matière -sans parler de la magie rouge qu’elle s’amuse à développer de plus en plus- alors souvent les cours lui semble ennuyant parce que plus bas que son niveau réel. Du coup ce n’est pas rare qu’en fin de cours de potion, elle soit à moitié endormi à bailler aux corneilles en se demandant comment elle va tenir le reste de la journée en étant aussi fatigué et en ayant juste envie de se rouler en boule pour dormir.

« Eh ! »


Grogne-t-elle quand elle se fait aggriper le bas. Par chance pour le malotru c’est Orpheus donc il ne se fera pas boter le cul pour l’avoir attrapé comme ça. Elle se frotte juste les yeux et tente de se réveiller un peu, parce qu’il a l’air d’avoir besoin de parler sérieusement son ami. Faut qu’il apprenne à choisir ses moments pour lui faire de potentiel grande annonce. Quoi que non, parce que ça voudrait dire qu’il la ferait attendre et il en est hors de question. Elle n’a pas la patience d’attendre quand il s’agit de chose dont Phe doit lui parler.

« ça ira quand je saurai ce qui t’agite fait. »


La gamine sort de sa poche des bonbons et en tend à Orpheus alors qu’elle vient manger une petite poignée en attendant. Paige se demande ce qui peut être si important et demander autant de discrétion pour qu’ils soient contraint d’attendre que le couloir se vide. Pi observe leur camarade qui s’attarde et elle a limite envie de les pousser loin juste pour savoir enfin de quoi il en retourne, mais c’est inutile parce que le couloir se vide et que quelques minutes après ils sont enfin seul.
Enfin, ils sont seul, mais la langue de Phe ne se délie pas. Pi ne se souvient pas d’une seule fois où son ami a autant tourné autour du pot pour lui annoncer quelques choses. Elle lève un sourcil, alors qu’il galère et hésite a lui envoyer une pique pour qu’il accouche et lui dise ce qui ne va pas. Elle continue de grignoter ses bonbons en attendant pour faire montre d’un peu plus de patience, histoire de lui laisser une chance de s’exprimer avant qu’elle ne trouve un truc bien placé à dire. Et il finit par parler et elle manque de s’étouffer avec son reglisse, ses yeux s’écarquillant.

« Pardon ? »


Est-ce qu’elle a mal entendu ? Orpheus est fiancé ? Pourquoi ? Comment ? Ouah ça va trop vite pour elle. Elle est habitué à ce qu’il lui parle d’une de ses conquêtes et elle lui rend la pareille en lui parlant des siennes, mais des fiançailles c’est inattendu.  Elle toussotte pour faire passer la friandise avalé de travers et range les autres bonbons pour redevenir sérieuse une minute, parce que là c’est important qu’elle comprenne ce qui se passe.

« Alors là va falloir m’en dire plus, parce qu’au dernière nouvelle t’étais pas oiseau a te retrouver attacher à une fiancée et je ne me souviens pas que tu m’ais parlé d’une nana exceptionnelle au pieu pour que tu en fasses ta future femme. »


Paige veut en savoir plus évidemment. On parle quand même de son meilleur ami, il veut s’assurer qu’il ne lui arrive rien. Et puis elle est toujours curieuse quand sa concerne Phe. Et l’inverse est souvent réciproque entre eux non ? Toute façon, elle ne lui laisse pas le choix.

A croire que je craignais de révéler ce chamboulement à ma meilleure amie, puisque j’étais incapable de formuler correctement ce dont il était question. Tout se mélanger dans ma tête. Allait-elle bien le prendre ? Ou au contraire très mal ? Est ce qu’elle s’en foutait ? Ou, finalement, cette galère que j’avais n’était-elle pas le résultat de mon propre avis sur ces fiançailles ? Je ne les avais pas anticipées, à aucun moment. Pour moi, l’idée d’un mariage était très secondaire : je n’étais encore qu’un adolescent qui faisait ses études, pas même un adulte. Et c’était sans parler de la réputation dont jouissaient les Yaxley. Tout ça mit bout à bout faisait que j’en étais le premier à être tombé des nues, et qu’au lendemain de la nouvelle je n’avais toujours pas vraiment digéré la chose. Je ne savais ni comment me comporter avec Aurora, ni même avec Paige. Alors qu’en dire des autres nanas ? Je n’osais même pas y penser.

Lorsqu’enfin je parvins à énoncer ce pourquoi j’avais amené la Potter à part, je crus qu’elle allait s’étouffer avec l’un des bonbons dont elle s’empiffrait. Un “pardon” naturellement sorti d’entre ses lèvres, la Poufsouffle se mit à tousser quelques instants durant lesquels je ne pipais mot. Suite à quoi elle reprit par un questionnement à la fois drôle et pertinent, mais surtout très justement formulé.
D’un geste trahissant tant de gêne que d'agacement, je passais une main derrière ma nuque en détournant le regard. Mon attention se déporta sur le couloir durant quelques instants, comme pour m’assurer une fois de plus qu’aucune paire d’oreilles n’y traînait. Mais personne, rien, pas l’ombre d’un élève car tous s’étaient probablement rendus aux alentours de la grande salle pour le repas de midi. Laissant filer un soupir, je revins alors à la Potter.

« Tu veux la meilleure ? C’est même pas une nana avec qui j’ai couché, ni même embrassée. »

Ce qui pouvait paraître être un comble aux yeux de Paige, mais n’était pas si insensé dans les faits : j’évitais généralement de m’en prendre aux filles de puristes, d’autant plus de bonnes familles ou ayant des parents influents. Trop de risques que ça me retombe dans les dents ou sur le dos de ma famille, ce que je me devais d’éviter.

« C’est un coup de Selena, elle tenait absolument à c’que j’me trouve un parti, et elle a fini par le faire pour moi. Honnêtement je pensais pas qu’elle en trouverait un vu notre réputation. »

Surtout un parti d’une telle ampleur. Ca me mettait une sacrée pression.

« C’est Aurora Slughorn elle-même qu’est venu m’l’annoncer hier. Enfin… me demander si j’étais d’accord, du moins. Et j’ai dit oui. »

Parce qu’il aurait fallu être le dernier des imbéciles pour refuser ça. Et j’avais beau être provocateur, je n’étais pas un crétin pour autant. Je savais où étaient mes intérêts et ceux des miens, et si parfois je n’en faisais pas grand cas, ce genre d’occasion je ne pouvais pourtant pas la laisser passer.