AT THE BEGINNING...- MANOIR DES BLACK, LONDRESDans la nuit du 19 juillet 1955, une petite fille voit le jour. Sortie de son cocon douillet et au premier contact de l’air frais sur sa peau humide, elle pousse un cri, ses poumons s’emplissant ensuite de sa première bouffée d’oxygène. Suspendue dans les airs l’espace d’un instant, elle se retrouve alors dans une étreinte chaude et réconfortante. Des longs doigts lui caressent la tête, remettant en place les quelques petits cheveux dorés qui lui recouvrent déjà le crâne.
« Bonjour, Narcissa. »Cette voix à la fois ferme et tendre, elle la connaît. Son visage se froisse brièvement, et lentement elle parvient à ouvrir ses yeux bleus, tombant alors nez à nez avec le visage mince d’une magnifique femme aux longs cheveux noirs et aux yeux ébène, celui de sa mère. Tout près d’elle se tient un homme ténébreux à l’air sévère, tenant la main d’une fillette aux cheveux aussi foncés que ses parents qui lui sourit. La petite Narcissa sursaute lorsque des lèvres se posent sur sa joue. Intriguée, elle tourne la tête légèrement sur le côté pour voir une autre fillette, celle-là beaucoup plus jeune que la première, et aux cheveux légèrement plus clairs. Cette dernière semble d’ailleurs ravie d’avoir ainsi attiré l’attention de sa benjamine, lui prenant doucement la main. C’est beaucoup d’information d’un coup pour le nouveau-né, qui referme par réflexe ses minuscules doigts autour de l’index de sa sœur. La famille de Druella et Cygnus, qui n’a plus à faire sa réputation, est désormais complète. Une troisième fille au sang pur, une troisième fille d’une grande beauté, une troisième héritière à éduquer dans les règles de l’art.
Derrière la porte du manoir des Black, l’éducation est stricte, mais l’amour ne manque pas. En tout cas, pas aux yeux de Narcissa, en particulier vu la relation qu’elle entretient avec ses sœurs. Bellatrix et Andromeda sont toujours là pour la protéger, la défendre et lui montrer toute sorte de choses. À ce titre, elles sont pour elle de véritables modèles. Elle adore passer du temps avec elles, aller se balader pour discuter de sujets plus ou moins sérieux, se chamailler de temps en temps comme le font toutes les sœurs depuis la nuit des temps. Toutefois, cela vient également avec son lot d’angoisse. Elle se doit d'être à la hauteur. Il faut qu'elle soit complimentée après les leçons, comme elles. De plus, comme elle est la benjamine de la famille, les yeux de ses parents sont pratiquement toujours braqués sur elle. Les doigts qui lui avaient caressé la tête à son premier jour de vie lissent quotidiennement le pan de ses robes, replaçent le col de ses chemisiers, repoussent une mèche de cheveux rebelle de devant ses yeux… elle doit toujours être parfaite.
D’ailleurs, Narcissa apprend rapidement que montrer des signes de faiblesse est une mauvaise chose. Entre les remontrances de ses parents et les moqueries de Bellatrix, la jeune blonde déteste par-dessus tout attirer l’attention, surtout pour de mauvaises raisons. Elle apprend donc à garder un visage impassible et à garder ses émotions pour elle-même. Il n’y a qu’à Andromeda qu’elle ose se confier. Il n’est pas rare pour elle d’aller cogner à la porte de sa chambre, de discuter jusqu’à très tard et de squatter le lit de sa sœur, blottie contre elle. Ces visites sont devenues de plus en plus fréquentes lorsque Bellatrix commence ses expérimentations. Sans pour autant révéler à Andromeda qu’elle ne réussit pas à fermer l’œil parce qu’elle ne cesse d’entendre les cris des pauvres animaux qui font office de cobayes, le simple fait d’être en présence de sa grande sœur suffit à la réconforter. Personne ne sait que Narcissa est témoin de quelques séances de torture, et elle perd étrangement bien vite l’habitude de suivre Bellatrix en douce.
Au fil des années, Narcissa développe une passion pour la lecture, trouvant souvent refuge au cœur de la bibliothèque familiale où elle s’installe pour s’évader. Tous les sujets l’intéressent; elle finit d'ailleurs par lire tous les livres qu'elle referme. Évidemment, la plupart sont des ouvrages portant sur des sujets sombres. Il est souvent question de traditionalisme et de puritanisme, ce qui complémentent ses leçons quotidiennes. On y trouve également quelques œuvres fictives et des recueils de légendes, ainsi que divers grimoires et manuels éducatifs qu’elle s’applique à assimiler en vue de son entrée à l’école. Son objectif principal est de faire honneur à ses parents, après tout.
SCHOOL'S IN- POUDLARD, ÉCOSSEAprès tant d’années d’anticipation, son heure était enfin arrivée. Cela faisait une semaine qu’elle peinait à fermer l’œil. Ses sœurs s’étaient montrées rassurantes : pourquoi diable serait-elle envoyée à Gryffondor? Elle n’était en rien intrépide et aimait son petit confort. Quant à Poufsouffle, selon elles, elle n’avait rien en commun avec les jaune et noir qu’elles connaissaient. Serdaigle? Elle avait une chance d’y avoir sa place, car elle était beaucoup trop obsédée par les livres. Ce n’était là que des plaisanteries, mais voilà que Narcissa avait maintenant une vraie raison de s’inquiéter. Que diraient ses parents s’ils apprenaient qu’on lui avait donné un uniforme bleu et bronze? Tous les Black avaient trouvé leur place chez les Serpentard. Quelle honte ce serait…
Le matin du départ, Narcissa était incapable d’ingérer quoi que ce soit sans le vomir instantanément, au grand damne de sa mère qui lui asséna une petite claque derrière la tête lorsqu’elle fut prise d’un énième haut-le-cœur après avoir passé la barrière du quai 9 ¾. Elle leva ses yeux vitreux vers elle, déglutissant avec difficulté.
« Narcissa, pour l’amour du ciel, reprends-toi! Tu ne veux quand même pas salir ton uniforme devant tout le monde! Pense à tes sœurs, ne leur fait pas honte! »Après une étreinte et un baiser sur son front moite, elle lui donna ses bagages avant d’embrasser ses deux autres filles, les suivant des yeux jusqu’à ce qu’elles disparaissent à l’intérieur du train. Narcissa se laissa guider par Bellatrix et Andromeda, prenant place à côté de cette dernière dans le wagon qu’elles avaient choisi pour le voyage. Au bout d’une trentaine de minutes, elle ferma les yeux et colla son front à la fenêtre froide, mordillant le coin de l’ongle de son pouce en tentant de se calmer. Elle devait avoir repris le contrôle de ses émotions avant d’arriver à l’école. Devant ses sœurs, ces petits excès d’angoisse étaient acceptables, mais devant des inconnus, il était hors de question de montrer quelque signe de faiblesse que ce soit.
Le trajet sembla durer une éternité. Lorsque le train finit par s’immobiliser, elle serra ses sœurs avant de suivre les autres petits nouveaux pour leur traditionnelle traversée du lac. Narcissa fut rassurée par le fait que ceux avec qui elle partageait sa barque semblaient aussi terrorisés qu’elle. Mais, contrairement à eux, elle affichait un visage impassible, presque supérieur. Cette expression ne la quitta pas lorsqu’elle fit son entrée dans la Grande Salle, regardant droit devant elle, ne voulant pas croiser le regard de ses sœurs. Elle était affreusement tendue. Elle se sentait trembler, mais de l’intérieur. Oh, comme elle avait peur. S’il fallait qu’elle déçoive ses parents…
« Narcissa Black! »Le temps sembla s’arrêter. Mécaniquement, elle s’avança vers le Choixpeau, se hissant sur le tabouret. Le regard toujours fixé droit devant elle, elle prit discrètement une grande inspiration lorsqu'on posa le couvre-chef au sommet de sa tignasse blonde. Celui-ci fit part de quelques commentaires, qu’elle n’entendit pas. Elle n’attendait que la conclusion, qui ne tarda pas à venir.
« Ser.. »Narcissa sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses sœurs avaient eu raison, elle s’en allait à Serdaigle. Elle avait tout raté, tout fichu en l’air. Ses parents allaient la déshériter, lui envoyer toutes les affaires qu’elle n’avait pas emporter avec elle et lui interdire de remettre les pieds dans le manoir. On allait brûler son visage et son nom sur la tapisserie familiale. On allait ensuite la traquer, vouloir l’éliminer, faire d’elle un exemple…
« …pentard! »Narcissa sursauta en entendant les exclamations provenant de la table des vert et argent, se tournant vers cette dernière alors qu’on lui retirait la source de son anxiété et qu’on le préparait pour sa prochaine victime. Elle avait réussi? Sautant du tabouret, elle essuya rapidement la petite larme au coin de son œil et se dirigea rapidement jusqu’à la table, directement vers ses sœurs entre lesquelles elle pris place sur le banc. Elle glissa ses mains froides dans celles de ses sœurs, la gauche dans celle d’Andromeda, la droite dans celle de Bellatrix. Elle avait réussi.
LOVE'S OUT TO GET ME- POUDLARD, ÉCOSSEMême si elle ne portait pas le nom d’une étoile, Narcissa étincelait de mille feux à Poudlard. Élève exemplaire, elle faisait la fierté de sa maison en récoltant régulièrement des points en répondant correctement aux questions de ses professeurs, en remettant des devoirs frôlant la perfection et en dépassant les attentes. Si elle se savait déjà supérieure à certains de ses camarades de classe grâce à son sang, elle l’était maintenant davantage grâce à ses performances académiques impressionnantes. Chez les Serpentard comme dans les autres maisons, le nom de Narcissa Black en était un bien connu. Reconnue pour son charme et sa fiabilité, c’est sans surprise qu’elle se mérita quelques avantages. Ainsi, lorsqu’elle arriva en troisième année, dans le cadre d’un travail pratique, on lui donna un privilège qui la ravit énormément : un laissez-passer pour accéder à la section interdite de la bibliothèque.
Avec fébrilité, Narcissa s’était rendue en soirée dans la bibliothèque pour en profiter. Bien calée dans un coin de la section interdite, se délectant de sa solitude. C’est ainsi qu’elle plongea dans la lecture d’ouvrages rares, un grand sourire aux lèvres. Au bout de plusieurs heures, elle leva les yeux des pages anciennes, se les frottant en baillant. Soit cette séance de lecture l’avait drainée, soit il était… tard. Cette constatation eut l’effet d’une vraie douche froide. Elle avait dépassé le couvre-feu, et comme elle était dans la section interdite, personne n'avait pensé à le lui faire remarquer. Elle se releva d’un bond, ramassa son sac et sa pile de livres et sortit rapidement, seulement pour entrer violemment en collision avec quelque chose… ou plutôt quelqu’un. C’est avec un grand fracas qu’elle et ses livres tombèrent par terre. Elle poussa un petit cri, qui fut suivi d’un ricanement.
« Tiens, tiens, Narcissa Black qui défie les règles. Mademoiselle Parfaite aurait-elle des défauts? »Piquée au vif, Narcissa leva les yeux, son visage blême virant à l’écarlate lorsque ceux-ci rencontrèrent la paire d’yeux argentés qui la toisait avec amusement. Penché au-dessus d’elle, les deux mains dans le dos, se trouvait Lucius Malefoy. Évidemment ce n’était pas un inconnu, mais ce n’était pas un ami non plus. En fait, elle le trouvait terriblement agaçant, surtout quand il se mettait à se pavaner comme un prince avec sa petite bande d’amis, dérangeant tout le monde sur leur passage. Cet instant précis ne faisait pas exception; elle réprimait l’envie de lui asséner un coup de pied dans la jugulaire, surtout quand il lui tendit la main pour l’aider à se relever. Elle la repoussa d’un coup sec, s’agenouillant pour ramasser ses livres en vitesse. Elle fouilla rapidement dans son sac, en ressortant un bout de parchemin signé, le brandissant devant son visage.
« Autorisation spéciale. J’allais justement rentrer. Tu transgresses les règles également, je te signale. »Le rire que provoqua sa remarque la fit grincer des dents. D’un air parfaitement arrogant, il avança d’un pas, tapotant l’épinglette qu’il portait à la poitrine, profitant clairement de sa grandeur pour tenter d’intimider la demoiselle.
« Ah, mais moi, je suis préfet. Je faisais une ronde pour trouver des contrevenants, et quelle prise je viens de toucher... Quand je vais raconter ça à— »Il s’arrêta net, son expression changeant du tout au tout lorsqu’il sentit l’extrémité pointue de la baguette de Narcissa s’enfoncer avec force sous son menton. Il ferma les yeux brièvement quand il l’entendit siffler comme un feu d’artifice prêt à exploser dans le ciel, des petites étincelles rouge et orange s’en échappant.
« Tu ne raconteras ça à personne, Malefoy. Tu continues ta ronde et tu me laisses retourner au dortoir. Compris? »Lucius pouffa nerveusement de rire en levant les mains en l’air. L’hilarité le quitta bien vite lorsque Narcissa fit un pas en avant, sa baguette s’enfonçant un peu plus dans sa gorge. Lucius rougit alors à son tour, déglutissant en plongeant ses yeux dans ceux de la blonde. Il comprit alors qu’il n’avait pas du tout intérêt à dire ni à faire quoi que ce soit de travers.
« Compris? »Il finit par hocher la tête, retenant un peu sa respiration. Satisfaite de sa réponse, Narcissa rangea sa baguette, lui lançant un dernier regard venimeux avant de se diriger vers la sortie. Encore un peu sonné, Lucius finit par reprendre ses esprits, la talonnant après avoir ramassé un livre qu’elle avait oublié de cueillir, le lui tendant.
« Laisse-moi au moins te raccompagner…? »« Ça ira, je connais le chemin. »---
De deux ans son aîné, Lucius Malefoy avait toujours été dans les parages. Il était assis à la table et avait été parmi ceux qui avait acclamé son arrivée au sein des vert et argent. Jusqu’alors, elle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole et ne s’était pas tellement intéressée à lui. Cette altercation avait toutefois semé une petite graine dans la tête et dans le cœur de la jeune sorcière. Et que dire de Monsieur le préfet. Il devait y avoir une malédiction sur l’un des livres qu’elle avait sorti de la section interdite, car il semblait tout simplement envoûté…
Les jours passèrent et les mois défilèrent, et la graine se mit lentement à germer, non sans peine. À la rentrée suivante, Lucius entra en mode séduction. Premier envoyé au combat, l’énorme bouquet de fleurs fut dévoré par les flammes verdâtres qui brûlaient dans l’âtre de la salle commune. L’épisode de la Beuglante poétique avait animé le château pendant des semaines alors que, couverte de honte, Narcissa avait décidé de se venger en lançant des sorts offensifs à Lucius dès qu’elle le voyait. Les multiples tentatives de rapprochements lors des sorties à Pré-au-Lard se solvaient par de cuisants échecs. Mais Lucius continua de persévérer. Et ses efforts finirent par porter leurs fruits.
Un soir, en revenant de dîner, elle trouva un livre sur son fauteuil préféré dans la salle commune. Il s’agissait d’un livre de botanique des plus banals, mais le coin d’une page avait été pliée. Curieuse, Narcissa l’ouvrit. C’était une page sur un genre de plantes herbacées vivaces,
Narcissus. Un morceau de tissu avait été plié et glissé sur la page. La jeune fille le déplia et sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Il s’agissait d’un grand châle noir sur lequel avait été brodé un petit narcisse doré. En regardant la page, elle remarqua une petite note griffonnée sous Narcissus.
La plus belle des fleurs. -L. M.Narcissa trouvait ce geste atrocement romantique. Ça en était presqu’écœurant, en fait. C’était tellement cliché! Quel grand imbécile, ce Lucius Malefoy… Il pensait peut-être l’avoir dans sa poche? Eh bien, c'était presque le cas, car quand le jeune homme entra dans la salle commune et aperçu Narcissa assise au coin du feu, le châle autour de ses épaules, en train de faire ses devoirs comme à son habitude, il sut qu’il avait réussi quelque chose : enfin, la fleur avait éclos.
IT IS ON- MANOIR DES BLACK, LONDRES
- POUDLARD, ÉCOSSELes vacances de Noël 1971 avait sans aucun doute été les pires de toutes. L’ambiance dans le manoir était à couper au couteau. Noël chez les Black était d’ordinaire plaisant; les filles rentraient de l’école, la famille se retrouvait après des mois de séparation. Les cuisiniers préparaient des mets traditionnels spéciaux, les domestiques décoraient la demeure de façon sobre, mais festive. On échangeait des cadeaux, on veillait plus tard qu’à l’habitude, on retrouvait les oncles et les tantes... C’était maintenant un temps révolu, car cette année-là, aucun Black n’avait le cœur à la fête.
Tout avait commencé en septembre quand cet idiot de Sirius avait intégré les rangs des Gryffondor. Quel scandale! À la maison, la tante Walburga était inconsolable, l’oncle Orion ne décolérait pas… Comment avait-il osé entacher le nom des Black? À Poudlard, Narcissa se contentait d’ignorer complètement son cousin. Elle était terriblement déçue, et lui en voudrait sans doute jusqu’à la mort, mais elle avait d’autres chats à fouetter, et lui aussi. Elle le dévisageait une fois de temps en temps lorsqu’elle le croisait dans les couloirs, mais ça s’arrêtait là. La coupure s’était faite naturellement.
Andromeda, par contre… jamais elle n’aurait pu prédire qu’elle s’engagerait également sur le chemin de la trahison. La situation était bien différente de celle de Sirius, car non seulement Andromeda avait-elle trahi l’ensemble de la famille, elle l’avait également trahi elle, sa petite sœur, sa confidente. Et ça, c’était comme prendre un coup d’épée acérée en plein cœur. Narcissa avait beau se poser mille questions, elle n’arrivait pas à comprendre comment tout ça était possible, comme elles en étaient arrivées là. Elles avaient toujours été proches, surtout depuis que Bellatrix s’était enfoncée davantage dans la magie noire et les ténèbres. Elles se faisaient part l’une l’autre de leurs péripéties au château. Andromeda avait eu droit à tous les détails croustillants de la saga Lucius, de tous ses états d’âme, de ses remises en question. Elle l’avait même conseillé, guidé, convaincu de l'honnêteté des sentiments que Lucius éprouvait pour elle.
Quand la relation entre elle et Lucius s’était officialisée, encore là, Andromeda était toujours aux premières loges pour connaître ses moments de bonheur, ses frustrations et ses accès de colère. Même Lucius était allé vers elle quand Narcissa se montrait particulièrement difficile ou obstinée. Et maintenant, Narcissa apprenait que, pendant tout ce temps, sa sœur vivait à peu près la même chose qu’elle, mais en secret et avec un sale sang-de-bourbe? La situation était d’une telle complexité que la psyché de la jolie blonde se scinda en deux entités distinctes qui passaient leur temps à débattre, de quoi lui filer de vilaines migraines. Elle passait d’innombrables heures enfermée dans sa chambre, recroquevillée dans un coin à essayer de mettre de l’ordre dans ses idées.
Ses parents étaient tombés sur la tête. Leur quête d’entretenir la pureté de la famille allait trop loin. Ils avaient déjà promis la main de Bellatrix à Rodolphus Lestrange, et voilà qu’ils recommençaient. Narcissa avait également appris entre les branches qu’ils l’avaient promise au benjamin de la famille Lestrange, Rabastan, mais y avait échappé après qu’elle leur avait eu officiellement présenté Lucius. Pour son plus grand bonheur, eux comme les parents de Lucius avaient approuvé la relation d’un commun accord. Après tout, la pureté sanguine était préservée, et le mariage n’allait être que bénéfique pour les deux partis. Andromeda avait elle aussi le droit de choisir avec qui elle voulait faire sa vie, ça, elle en était convaincue. Les mariages arrangés étaient archaïques; ses parents devaient absolument adopter des idéologies plus contemporaines. Par contre, choisir Ted Tonks? Voilà qui était outrageux.
Celui-ci n’était pas digne d’embrasser les lèvres pures d’Andromeda, de la serrer contre elle, de la toucher. Il n’avait aucun droit de débarquer ainsi dans sa vie et de tout foutre en l’air. Des filles de rang inférieur, il n’y avait que ça dans les couloirs de Poudlard. Pourquoi diable avait-il jeté son dévolu sur sa sœur, une fille qui lui était de loin supérieure? Et pourquoi Andromeda, cette femme fière, forte et intelligente, le laissait-elle faire? Pourquoi le défendait-il ainsi? Pourquoi était-il devenu la personne la plus chère à ses yeux? Pourquoi l’avait-il détrôné? Sa sœur, elle l’avait carrément mise de côté.
Même si la partie la plus rationnelle de son esprit lui répétait qu’elle comprenait, que si Lucius avait été un sang-de-bourbe, elle aurait probablement réagi de la même manière, l’autre partie lui rabâchait que cette hypothèse était tout simplement impossible, car jamais elle ne se serait laissé séduire par un homme indigne de son statut. Lucius était pur et noble, pas un sous-produit du monde magique, une erreur génétique qui n’aurait jamais dû se produire. Chaque larme qui roulait le long de ses joues portait un désir de vengeance et une terrible souffrance. Elle en voulait à Andromeda, oui, mais elle en voulait surtout à Ted d’exister. Et que fait-on lorsqu’on échappe une grosse tache d’encre noire sur son bureau? On l'efface,
on la supprime.
Et la tâche noire sur son cœur, elle comptait bien l’éliminer à son retour à Poudlard. C’est ainsi qu’elle commença à tourmenter le Serdaigle. Comme une commandante entourée de toute son armée, elle pouvait compter sur ses fidèles soldats et sur son lieutenant, Lucius, avec qui elle fomentait les plans les plus viles pour le faire souffrir. Si le début du combat commença par des attaques aux allures innocentes comme des coups d’épaule à la sortie d'un cours ou au détour d'un couloir, ou alors des petits tours de passe-passe comme des objets personnels mystérieusement volatilisés, le niveau de violence des assauts augmenta graduellement. Évidemment, Narcissa n’était jamais présente sur les lieux du crime; elle était beaucoup plus efficace en tirant les ficelles dans l’ombre. Elle parvint ainsi à préserver sa réputation d’élève parfaite aux yeux des professeurs, tout en faisant bien comprendre à ses camarades de classe que quiconque oserait lever le petit doigt pour venir en aide à Ted Tonks allait finir par subir le même sort. C’était d’autant plus vrai pour son cousin et sa bande d’amis; à chacune de leur intervention, Narcissa montait le ton. Et tout ça, c'était indirectement la faute de Bellatrix, qui participait à distance aux attaques, encourageant sa benjamine à poursuivre sa vendetta en alimentant la flamme vengeresse qui l’aveuglait, lui donnant même des idées de façons de faire couler le sang souillé de celui qui avait osé lui ravir sa sœur.
Lorsque Narcissa croise Andromeda, elle ne prononce aucun mot, mais tout ce qu’elle a à lui dire se trouve au fond de ses prunelles aussi glaciales que les vents boréals :
« Tu m’as brisé le cœur. Je broyerai le tien, même si ça me fait mal. »LIKE TOY SOLDIERS- MANOIR MALEFOY, WILTSHIREPourquoi avait-elle donc accepté de prêter sa demeure au Seigneur des Ténèbres et à son cercle rapproché? Lucius l’avait imploré, Bellatrix avait insisté… comment pouvait-elle résister à son mari et sa sœur aînée?
Si Narcissa avait accepté, c’était bien pour garder un œil sur son mari et sa sœur. Elle avait toujours refusé qu’on lui brûle l’avant-bras avec leur affreuse marque, et ce refus catégorique avait grandement déplu à Voldemort, qui ne lui faisait pas du tout confiance. Ce sentiment était d’ailleurs mutuel. Seulement voilà, Narcissa avait le grand avantage d’être la benjamine de sa plus proche collaboratrice, et la femme de l’un de ses plus fidèles sbires. Et ayant prouvé sa fidélité et sa fiabilité, on accorda à la blonde le privilège d’assister aux assemblées. De toute manière, le Seigneur des Ténèbres avait été bien clair : s’il s’avérait que Narcissa était une espionne, ou que leurs plans étaient révélés au grand jour, elle serait la première à être tuée, soit par son mari, soit par sa sœur.
Ce soir, Narcissa savait que les Mangemorts mettaient à exécution l’un des plans majeurs de leur maître. Plusieurs heures s’étaient écoulées depuis qu’ils avaient tous quitter la grande salle de banquet qui leur servait de quartier général, y compris sa sœur et son mari. Un silence lourd pesait sur le manoir, celui-ci seulement troublé par les quelques bruissements des domestiques qui vaquaient à leur occupation et le bruit des chaussures de Narcissa, qui faisait les cent pas dans le grand hall d’entrée. Mordillant le coin de l’ongle de son pouce, elle tentait de ne pas s’imaginer les pires scénarios. Toutefois, elle avait un terrible pressentiment. Bellatrix l’avait évité toute la journée, mais s’était montré particulièrement surexcitée. Elle tramait quelque chose, elle le savait… mais quoi donc?
Des bruits semblables à des coups de fusil retentirent à l’extérieur, la tirant de ses pensées. Elle s’immobilisa et se tourna vers les deux grandes portes d’entrée, les observant s’ouvrir dans un grincement. Une quinzaine de personnes encapuchonnées s’introduirent dans le hall, certains assez amochés. En voyant l’état de la plupart d’entre eux, Narcissa se tendit. Ses yeux se tournèrent immédiatement vers la grande silhouette qui s’avançait vers elle. Son costume était noir, mais une substance luisait sous la lumière de la lune, trahissant le fait qu’il était couvert de sang. Deux mains gantées s’emparèrent des siennes, les serrant en tremblant.
« Cissy… »Narcissa serra les mains de l’homme avant de lui retirer son masque, découvrant le visage ensanglanté de son mari. Il était lacéré, amoché, mais une partie du sang qui le recouvrait ne lui appartenait pas. Elle serra les mâchoires en fronçant les sourcils, détestant le voir dans un tel état, et surtout aussi nerveux. Elle ouvrit la bouche, mais n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu’une voix puissante et enragée retentit du haut de l’immense escalier.
« MALEFOY! »Lucius sursauta et serra d’autant plus fort les mains de sa femme. Entendre Voldemort crier ainsi n’était jamais bon signe. Narcissa se hissa sur la pointe des pieds pour venir coller son front au sien, lui embrassant rapidement les lèvres.
« Vas-y, ne le fais pas attendre. Bella…? »Son mari secoua la tête pour toute réponse, lui envoyant un dernier regard inquiet avant de lâcher ses mains à contre-cœur avant de commencer à escalader les escaliers en boitillant. Narcissa, quant à elle, se fraya un chemin entre les Mangemorts qui continuaient de transplaner devant le manoir, sortant à l’extérieur, cherchant des yeux sa sœur, visiblement paniquée. Où était-elle? Que lui était-il arrivé?
Qu’avait-elle fait?NOW WHAT...?- MANOIR MALEFOY, WILTSHIREL’été commençait à tirer sa révérence. Les nuits étaient un peu plus fraîches, bercées par le chant des grillons, des hiboux, des crapauds et autres créatures qui peuplaient le boisé qui entourait le manoir. Un petit cri se transformant en pleurs plaintifs vint troubler le calme nocturne.
C’est sans difficulté que Narcissa ouvrit les yeux et glissa hors du lit, marchant sans bruit jusqu’au landau qui se trouvait tout près. Elle se pencha au-dessus, tendit les bras et en extirpa un tout petit bébé, l’enroulant dans une petite couverture de lin avant de le serrer contre elle. Elle passa devant l’une des grandes fenêtres ouvertes de la chambre, jetant par réflexe un coup d’œil vers le jardin paisible et calme. Un petit soupir s’échappa d’entre ses lèvres alors qu’elle prit place dans un fauteuil. Elle déposa un baiser sur les cheveux blonds du garçon, le berçant lentement. Au bout de quelques minutes, ce dernier cessa de pleurer, se renfrognant momentanément avant de redevenir silencieux.
La jeune femme baissa les yeux sur son fils, le côté de son pouce caressant l’une de ses joues. Son fils. Son Drago. Il n’était là que depuis deux mois, mais elle savait qu’elle donnerait sa vie sans aucune hésitation pour lui. Il était si petit, si fragile, si innocent, si… pur, dans tous les sens du terme. Elle esquissa un sourire, mais le perdit bien vite, celui-ci remplacé par une moue inquiète. Le problème avec Narcissa, c’est qu’elle avait tendance à se perdre dans ses pensées lorsqu’elle était laissée seule dans le silence. Depuis l’arrivée de Drago, elle avait eu de (trop) nombreuses nuits pour songer à un tas de trucs.
Lord Voldemort n’était plus, et ç’aurait été un horrible mensonge de dire que Narcissa n’en était pas ravie. Sa présence dans sa demeure ne lui manquait pas. Elle aurait tellement voulu que sa disparition mette un terme à tous leurs soucis, mais évidemment, ça aurait été bien trop facile. Lucius était loin d’être tiré d’affaires; avec la chute du Seigneur des Ténèbres, il faisait partie de ceux qui devaient en quelque sorte prendre le relais. Encore beaucoup trop impliqué auprès des Mangemorts, il avait bien des choses à démêler. Et il avait la prison à éviter. Par-dessus le marché, avec le vent de changement qui soufflait sur le monde magique et le Ministère, les temps lui semblaient plus que jamais incertains. Rien n’était perdu pour les Puristes, mais…
Elle sursauta quand le visage de son mari apparu dans sa vue périphérique. Elle leva les yeux vers lui, pinçant un peu les lèvres en le voyant ainsi agenouillé devant elle.
« Qu’avons-nous fait, Lucius…? », murmura-t-elle dans un souffle.
Lucius fronça les sourcils, poussant un soupir d’exaspération. Il était bien trop tôt pour de pareils débats moraux. Il se passa la main dans le visage avant de la poser sur la cuisse de sa chère et tendre.
« Cissy… va poser Drago et reviens te coucher, arrête de te torturer inutilement l’esprit comme ça… »Narcissa serra les mâchoires davantage, dévisageant son mari. Ce dernier soutint son regard, haussant un peu les sourcils en lui désignant le grand lit de petits coups de tête. Évidemment, elle l'ignora complètement.
« Pourquoi avons-nous mis au monde une si petite chose alors que nous ne savons même pas ce que demain nous réserve? Tu pourrais te faire emprisonner, on pourrait se faire tuer, les moldus et les sang-de-bourbe pourraient avoir le fin mot de l’histoire… Et Drago dans tout ça? Il a besoin de toi, de nous… »Lucius se redressa et lui pris doucement Drago des mains, le serrant contre lui avant d’aller le déposer délicatement dans son landau. Il revint auprès de Narcissa, lui prenant la main, tirant un peu sur son bras pour l’obliger à se relever, la guidant jusqu’au lit. Il s’assit à ses côtés, sans lâcher sa main.
« Je ne peux pas prédire l’avenir ni te promettre quoi que ce soit sur ce qu’il nous réserve étant donné notre… situation. Mais je peux te garantir qu’il n’arrivera jamais rien à Drago. Tant que je serai là, même derrière les barreaux, il ne manquera jamais de rien. Et toi non plus. »Il porta sa main à ses lèvres, réussissant enfin à la faire sourire un tout petit peu. Si elle était touchée par les paroles de son bien-aimé, elle n’était pas rassurée le moins du monde. Elle l’observa se recoucher, s’allongeant à ses côtés. Elle posa les yeux sur le landau silencieux, puis sur le voile qui bougeait paresseusement au gré du vent frais d’août. Soudain, le visage d’Andromeda se matérialisa dans son esprit. Elle était mère, elle aussi. Avait-elle les mêmes inquiétudes? Si seulement elle pouvait lui parler. Narcissa referma les yeux et finit par se rendormir, bercée par ses milles préoccupations. Elle n’était plus certaine de rien…