Loud and clear (Rhodius)

Gamin étendu sur le sol de sa chambre, la nuit couverte s'infiltrant à travers le jour intentionnel des épais rideaux fermés par un geste maternel réfléchi. Dans les mains, la baguette acquise quelques jours plus tôt et enfermée à double tours depuis. Baguette chapardée dans les bagages qui attendent l'aurore dans le vestibule. Demain est un grand jour, demain marque ses premiers pas à Poudlard, ce qui lui arrache toutes tentatives de sommeil. Du bout des doigts, il l'examine, tente de l'apprendre dans ses moindres détails. Comme chaque enfant, il attendait ce jour avec impatience. Sa propre baguette. La curiosité suppléante toutefois la joie, dans son cas. La chaleur d'avoir trouver sa nouvelle amie s'enfuit dès qu'il se tourne, tout sourire, vers son père à la mine sombre. Vers son parrain ombrageux. La main retombe le long du corps et provoque le mouvement vers l'avant, comme pour rattraper le bout de bois que le gamin négligerait, sans aucun doute. Rien ne lui appartient, dans ce monde. Ça ne l'empêche pas de s'endormir de la sorte, baguette contre le coeur, risques ignorés. 

Scolarité qui se volatilise trop vite pour qu'il prenne pleinement conscience de la douceur de ces moments volés au temps, loin du domicile familial. Oisillon qui bat des ailes seul, pour la première, seconde, troisième, énième fois. Pourtant, il ne s'éloigne pas trop de ses habitudes, n'en profite pas pour découvrir les enfants de rang moindres. Verts et argents lui suffissent, aiguisent l'arrogance déjà cultivée, pour découvrir la vie, laisser les appareils osculaires se toucher dans la joie, la peine, les promesses et mensonges d'adolescent·e·s. La leçon apprise avant même son entrée le limite toutefois, l'image des Nott à défendre autant que possible, tant que les excès émotifs ne l'emportent dans leur tourbillon irréfléchie de violence divine. Le sentiment de puissance qui libère le coeur, lui insuffle la sensation d'exister au-delà de l'identité empruntée. Pas de lumière pour le faire rayonner sous un autre jour, lui donner une autre consistance aux yeux paternels. Il s'efface un peu plus dans l'ombre de ce qu'il aurait pu, aurait dû être, Rhodius le deuxième. La présence du benjamin achale, n'arrange rien, lui arrache des soupirs et des heures tassé sur les tables de la bibliothèque pour tenter d'éviter la disparition la plus pure. Les matières choisies pour convaincre l'autre figure masculine qu'il n'est pas totalement inutile, pour tenter de négocier une place dans un atelier qui ne fera jamais parti de son destin. La leçon tordue, extrapolée pour finir par lui ressembler, ressembler à sa rage.

Noir funeste de rigueur, la mère désormais sainte, sans tort, rejoint le rang de celleux qui les hante par les traces qu'elle a laissées derrière elle. Un canapé dans lequel iels se sont blotti·e·s, un livre d'enfant sur ses genoux, un conte énigmatique sur les lèvres. Un coin de couloir dérobé, éloigné du salon principal, dans lequel il n'a fait que lantiponner sur ses futurs choix de carrière avant qu'elle ne soupire et s'en occupe, joue d'un réseau insoupçonné pour son fils fougueux, jeune mais pas bien méchant. Avec la vie devant lui, lui. Sans elle, les hommes de la maisonnée ne semblent plus qu'ombres, chacun dans les préoccupations qui lui sont propres. Des portes closes qui le demeurent puisqu'elle ne les ouvrira plus de la manière espiègle qui la caractérisait lorsqu'elle cherchait l'un ou l'autre de ses fils pour mettre à bien un plan stupide qui concernait entre autre son mari. Combien de baguettes brisées entre ses douces mains mais jamais celle de Rhodius, comme si elle savait la tempête qui grondait rien qu'à l'idée. Le goût amer d'un séjour à l'étranger, sur le continent, qu'il ne pourra jamais lui offrir alors que c'étaient leurs vacances à tous deux. Alors, il conserve ce qu'il peut pour s'en rappeler, oblitérant les mauvais moments de sa mémoire : une place au Ministère dont il ne sait que faire, un oeil distrait sur une famille dont il ne sait que faire, un courant de pensées dont il ne sait que faire, tenté par d'autres extrêmes pour se distinguer.