Hannibal - Là où il passe, l'herbe ne repousse pas.

La pièce est grande et bien éclairée, il n'y a personne d'autre installé sur les bancs blancs disposés le long d'un mur immaculé si ce n'est la toile rouge qui semble donner un peu de couleur et de vie à ce lieu sobre. Le psychomage n'est pas installé là depuis longtemps et la décoration laisse encore à désirer cependant ce n'est pas ça qui attire Hannibal pour aujourd'hui mais bien une visite, la seconde du mois. Un suivi régulier pour des angoisses récurrentes avec des idées suicidaires, c'est du moins ce qui est écrit sur la prescription qui l'a envoyée ici. Pour le moment il attend jusqu'à ce que la porte du bureau s'ouvre, qu'un patient sorte et que Hannibal ne se lève pour prendre la suite. Il étire son long corps avant de sortir sa baguette de sa manche gauche puis il la dépose sur le bureau en bois d'ébène du psychomage car lors des sessions le patient ne doit pas avoir sa baguette avec lui, c'est la règle. Enfin le sorcier s'installe dans un canapé noir aux coussins blancs puis il pose ses mains sur ses genoux, sans un bruit. Le psychomage prend un carnet et s'installe en face de lui puis après avoir ensorcelé sa plume afin qu'elle écrire toute seule, il commence.

« Comment allez-vous aujourd'hui, Hannibal ? »
« Bien, docteur. »
« Vos angoisses ? »
« Toujours là. »

Le même discours bien rôdé, le fait de s'adapter à son interlocutteur vient du fait qu'il pratique cela depuis des années. Comme une seconde nature, mentir n'est plus un problème.

« Commençons par le début, vous voulez bien ? Parlez moi de votre famille, vos angoisses remontent sans doute à votre enfance. »
« Je suis un Barjow. Ma famille est connue à Londres car nous possédons Barjow&Beurk depuis plus d'un siècle. Nous sommes des sang-purs la plupart du temps mais nous nous marions avec un ou une sang-mêlée au bout de cinq générations pour renouveler notre sang. J'ai deux frères plus âgés et des neveux qui sont devenus pères jeunes. Notre nom survivra même si je suis célibataire et sans enfant, j'ai pu vouer ma vie à ma carrière sans problème. »

La plume note, Hannibal bouge les yeux et vient sa passer une main dans les cheveux. Puis un coup de langue sur ses lèvres roses pour se donner un air plus angoissé qu'il ne l'est déjà.

« J'ai eu une enfance tout à fait banale. Notre famille était aisée, je ne manquais pas d'amour quoi que je n'en demandais pas beaucoup, mes frères n'étaient pas des tyrans ou je ne sais quoi d'autre, notre père pas forcément des plus tendres sans être porté sur la ceinture et notre mère, discrète et effacée comme on l'attend d'une femme des années 30. Rien d'exceptionnel et foutrement banal, n'est-ce pas ? »

Le psychomage ne dit rien, il baisse les yeux sur le calepin et hoche la tête comme pour l'inviter à continuer.

« A 11 ans je suis rentré à Poudlard, le choixpeau a hésité pendant trois minutes entre Serdaigle et Serpentard mais il a finalement opté pour la maison des aigles. Ma curiosité était plus importante que mon ambition et je dois avouer que j'ai passé de belles années à Poudlard. J'avais accès à un savoir incroyable, des livres que je n'aurais pas pu approcher en temps normal et des cours fantastiques. Je garde un souvenir tendre de l'école où j'y ai rencontré de bons amis que je vois encore aujourd'hui. A la sortie de Poudlard mon destin était tracé, j'ai cependant pris le temps de faire une formation dans le commerce avant de reprendre le magasin de l'allée des embrumes pour le compte de ma famille. Mes frères travaillaient ailleurs, l'un au Canada et le second comme Oubliattor, il me revenait de faire tourner la boutique qui nous avait rendue célèbre n'est-ce pas ? Et puis les Beurk ne sont pas des collègues si terribles. »

Rire au fond de la gorge qui échappe au psychomage qui ne comprend pas bien ce qui est drôle là dedans. Comment pourrait-il le savoir alors que la plupart des sorciers voient cette boutique comme le lieu à fuir de Londres ?

« J'ai parcouru le monde à la recherche d'artefacts magiques pour étoffer notre belle boutique et je dois avouer, non sans fierté, que si Barjow&Beurk est si bien fournie aujourd'hui c'est grâce à moi. C'est lors de mes voyages que j'ai entendu parler de la légende des trois frères. Vous la connaissez ? Trois frères défiant la mort qui lui demandent, pour la ridiculiser, une baguette plus puissante que les autres, une pierre pour voir les défunts et une cape pour se cacher de l'inévitable. Vous savez, cette légende est vraie. »

Le professionnel semble lever les yeux au ciel, combien de patients ont bien pu lui raconter une telle chose ? Hannibal ne dit rien, il tend la main droite vers sa cheville et lentement sort, d'un étui en cuir de dragon bien caché, une longue baguette d'un sureau parfait et sombre, à la décoration étrange et inquiétante. Le psychomage va pour répliquer mais dans un sort parfaitement informulé, il se retrouve cloué à sa chaise sans pouvoir bouger ou parler.

« Elle est à moi, la baguette de Sureau. N'est-elle pas merveilleuse ? C'est un juste retour des choses après tout, notre famille descendrait, d'après notre vieil arbre généalogique, de Antioche Peverell, le premier propriétaire de la baguette. Vous savez comment je suis rentré en possession de l'une des reliques de la mort ? Je vais vous le dire ! »

L'attitude est soudainement moins guindée, Hannibal s'installe plus confortablement dans le fauteuil et fait craquer les os de sa nuque. Le patient ou du moins faux patient n'est plus, il ne reste que le sorcier ayant toujours une baguette en plus sur lui.

« Grindelwald, oui oui LE Grindelwald a perdu sa baguette face aux aurors après avoir affronté Albus Dumbledore. Figurez-vous que la baguette a été volée au ministère et c'est une fausse qui a été mise sous scellée, ingénieux n'est-ce pas ? J'ai eu un mal fou à trouver le descendant du sorcier ayant volé la baguette originelle mais j'ai fini par mettre la main dessus, non sans devoir modifier quelques souvenirs, torturer deux ou trois magiciens et évidemment, tuer le propriétaire originel à savoir, le sorcier l'ayant volé. Ce n'était pas compliqué, il était âgé et je n'ai tiré aucune gloire à sa mort mais il fallait cela pour la trouver alors... »

La baguette tourne dans ses doigts, il la regarde presque avec amour avant de glisser son index le long des runes qui parsèment le bois sombre.

« Ca fait longtemps que la Confrérie vous cherche docteur. Vous pensiez qu'on ne remarquerait pas la disparition d'un petit membre insignifiant et n'ayant jamais participé à aucune réunion cependant c'est faux, on voit et on entend tout. Vous savez qu'elle est la particularité de la maison dont je suis maître, le Capricorne ? »

Une gouttelette de sueur coule de long du front du psychomage car soudainement il comprend que le patient qui est en face de lui n'en est pas un. Il l'a cherché pendant longtemps Hannibal pour finalement le trouver ailleurs, dans un autre pays, installé incognito en pensant refaire sa vie comme simple psychomage pour des sorciers en mal de soins.

« Les Capricornes maîtrisent la mort et n'en ont plus peur. Pour devenir maître nous devons ôter la vie au maître précédent et quand nous sentons la fin venir, nous acceptons de nous sacrifier afin de permettre au maître suivant de faire ses preuves. De fait et parce que nous connaissons la mort comme une vieille amie, la Confrérie nous demande d'exécuter ceux qui nous trahissent. Nous sommes sans doute les plus craint car... Qu'est-ce qui pourrait bien nous effrayer étant donné que la mort n'est plus notre plus grande peur ? On dit que nous ne sommes pas humains et pourtant... Je peux vous assurer que je suis tout ce qu'il y a de plus mortel. Les protecteurs du Capricorne sont les Erynies, vous savez pourquoi ? Ce sont des déesses persécutrices, Mégère est la Haine, Tisiphone la Vengeance et Alecto, l'Implacable. A l'image de ces trois déesses, la Confrérie ne vous lâchera jamais, vous prendra en grippe et réclamera vengeance. Sa sentence est implacable et je suis chargé de l'exécuter. Vous commencez à comprendre ? »

Hannibal se lève et arrange son costume trois pièces d'un coup de main. Précieux et soigné, il fait toujours attention à être bien habillé surtout en mission. Là il approche du bureau et ouvre l'agenda pour ôter le rendez-vous du jour, modifier par magie le carnet afin que son nom disparaisse. Enfin il reprend sa baguette, celle laissée en entrant, pour la ranger. Là, d'un coup de magie noire, il fait disparaître les traces de son passage dans ce bureau.

« C'était un plaisir docteur Taylor. La Confrérie vous souhaite bon voyage ! »

Et dans un dernier éclair vert, le le souffle disparaît du corps de l'homme alors que Hannibal transplane à la suite. Mission accomplie, on passe à la suivante.