Encrée en toi || Spellman

Le salon de tatouage de ta mère n'est pas loin.
C'est pour ça que tu es là, mais en même temps tu ne veux pas y aller juste pour la voir. Tu veux la voir, c'est un truc qui t'habite depuis que vous vous êtes croisées à Pré-au-lard. C'est un truc qui te quitte pas, et à mesure du temps tu commences à te dire que tu en as besoin. Tu as beau prétendre le contraire, avoir ta mère dans ta vie c'est encore un truc qui t'importe énormément.
La colère te quitte pas tant - mais en temps de vacances comme maintenant t'es plus calme, plus apaisée. T'es rentrée chez ta marraine - c'est elle qui te garde depuis que ta mère est partie. Depuis que ton père est mort. C'est une femme douce, patiente et surtout qui comprend que parfois t'as besoin de liberté. Elle vit pas loin de Soho - près du Chemin de Traverse, dans un appartement où elle vit en parfaite liberté. Bien qu'elle ait trouvé un garçon. Bien qu'elle soit en train de tombée amoureuse. Peut être que sa vie va changer.
Ca te ferait plaisir pour elle. Mais ça te montre comme la tienne stagne. Tu sais pas ce que ta vie va devenir, tu sais pas qui tu veux être, tu sais pas qui tu peux être. A Poudlard tu perds pied, tu vois pas l'intérêt de tout cela et la majorité du temps t'as juste envie de hurler et de faire exactement le contraire de ce que l'on attend de toi. En dehors de Poudlard c'est pire.

Il n'y a que le dessin qui t'apaise un peu - mais tu prends pas le temps pour cela, t'aime mieux courir partout en faisant n'importe quoi. Et ta mère est devenue ta nouvelle obsession. Tu passes pas mal de temps à Soho - la journée à trainer, le soir à aller dans les bars, usant de sortilèges pour que les moldus saisissent pas que t'as pas l'âge pour pas être là.
L'entre-deux c'est encore ce que t'aime mieux. Quand la nuit commence à tomber, que la soirée débute, mais que les travailleurs n'ont pas totalement terminé. Qu'ils commencent à fermer les commerces et les magasins. Tu sais que ta mère termine aussi autour de cette heure-là. C'est pourquoi t'es là.
Tu te le répètes, encore et encore, le coeur qui palpite et qui frappe fort. A force d'attendre, tu finis par t'approcher du salon de tatouage sans le vouloir. Ou en le voulant un peu quand même. Tu vois qu'il ne reste qu'une seule lumière, devinant qu'elle termine de fermer la boutique. Puis - puis elle sort, dans la rue, se tourne pour fermer et elle n'est plus qu'à deux mètres.

Evidemment qu'elle se tourne vers toi pour prendre son chemin et t'es complètement figée quand son regard croise le tiens. Tu lui fais un petit geste de la main, comme un geste de paix, et garde l'autre près de ton sac, parce que la raison de ta venue elle est là faut dire. Ce sont les vacances de Noël, après tout. Et peut être que finalement, tu te vois pas fêter la chose une année sans que ta mère soit là. Sans qu'il se trouve un temps suspendu qui vous appartienne, où tu peux exister comme tu le faisais sous le sapin enfant. A ouvrir les cadeaux, à manger des gâteaux ou juste à somnoler. A être heureuse - comme c'est ce qui se rapproche le plus du bonheur à tes yeux. Je voulais te souhaiter un joyeux Noël. Dis-tu quand elle arrive à être assez proche. Et c'est finalement pour cela que t'as pas été capable d'arrêter de penser à elle aujourd'hui : parce que c'est la veille de Noël.

 

Même si ce sont les vacances, Asteria a pas mal de travail. Plusieurs clients ont offert ou ce sont offert une séance de tatouage, aussi, le salon est toujours plein. Mais cela ne dérange nullement la sorcière, qui préfère ça plutôt qu'être seule dans son appartement. Sa fille lui manque terriblement comme à chaque fête de fin d'année, mais elle ne sait toujours pas comment recoller les morceaux avec Zooey. Elle aimerait pouvoir lui dire qu'elle est désolée pour ces dernières années, mais que c'était uniquement dans le but de la protéger. Mais les mots ne seront jamais assez forts pour exprimer tout cela, et dans le fond, Asteria comprend parfaitement la rancœur que sa fille peut avoir envers elle. C’est bien pour cette raison qu'elle ne lui a pas envoyé de hibou lui demandant si elle souhaitait venir pendant les vacances, étant persuadée que Zooey refuserait. Elle a tellement pris l'habitude de rester à Poudlard chez l'amie d'Asteria, que cela doit être également le cas cette année.

Ayant terminé sa journée, la tatoueuse range tout avant de s'assurer qu'elle n'a rien oublié. Comme demain c'est Noël, elle n'ouvre pas le shop, gardant sa journée pour elle. Elle ne sait pas ce qu'elle va faire encore, peut-être voir si Rhys est disponible. Ou alors elle restera chez elle tranquillement, à regarder différents bouquins ou à dessiner. Mais alors qu'elle fait quelques pas dans la rue, Asteria se fige en croisant le regard de sa fille. Jamais elle n'aurait pensé la voir là, et pourtant, Zooey est bien devant elle. Faisant quelques pas pour combler la distance qui les sépare, Asteria sourit doucement. Elle ne sait pas quoi dire sur le coup, cherchant ses mots, et c'est donc sa fille qui finit par rompre le silence qui peut sembler quelque peu gênant. « Joyeux Noël à toi aussi. » Comme chaque année, Asteria a acheté un cadeau, mais ne lui offrira pas. Elle a toujours pensé que Zooey refuserait ces derniers, si bien qu'elle les garde précieusement dans l'espoir un jour de pouvoir lui montrer qu'elle ne l'a jamais oublié. Prenant malgré tout son air de maman, Asteria lui indique la rue autour d'elle. « Tu es venue faire quelques achats pour Noël ? » Cela n'aurait rien d'étonnant, bien au contraire. Ne sachant pas lui demander comment elle va, Asteria finit pourtant par s'approcher pour lui caresser tendrement la joue comme lorsqu'elle était petite. Puis elle vient à la prendre dans ses bras, la serrant avec force afin de lui montrer qu'elle sera malgré tout là pour elle si Zooey en ressent un jour le besoin. Même si la situation est toujours compliquée, mais au côté du vampire, la tatoueuse apprend à passer au-dessus de sa vengeance. « Est-ce que... tu veux passer à l'appartement ? Je pensais que tu avais des choses de prévu pour noël, mais si jamais n'hésite pas, je serai chez moi. »

 

Joyeux Noël à toi aussi. Les paroles douces de ta mère te parviennent et tu souris malgré tout. Tu sais pas pourquoi, ça fait du bien à entendre. Tu sais pas, parce que ça t'empêche pas d'être plus en colère que jamais encore tu ne l'as été. La colère est constante, c'est une alliée avec laquelle tu sais plus vivre. Tu peux pas l'expliquer, c'est en toi et ça te dévore mais ça t'aide aussi à te lever le matin, à courir dans la rue, à t'essouffler, à te faire mal, ou à vivre plus fort. Plus durement. A ne pas compter les addictions, les expériences idiotes, et tout ce que tu peux perdre du jour au lendemain. Même si tu le perds, au moins tu l'auras vécu. Tu sais pas si c'est sain. Tu sais pas si tu devrais l'être. Tu sais pas vivre autrement. Tu as trouvé ce chemin et tu l'embrasses mieux chaque jour.
Sauf que sur ce chemin tu te sens seule, et parfois ça te fait du bien de trouver un peu de présence. Le réconfort de ta mère qui te souhaite un Joyeux Noël, s'approche de toi comme si elle allait t'enlacer. Sans le faire pour autant. Tu fais pas plus de geste vers elle, mais l'avoir si proche ça te fait battre le coeur plus vite. Tu es venue faire quelques achats pour Noël ? Tu secoues un peu les épaules, regard tourné vers le salon de tatouage. Pas vraiment. Je traine souvent ici ces derniers jours. J'aime bien le quartier. Dis-tu pour te justifier. Ton père en parlait parfois, de Soho, mais rien ne remplace l'expérience finalement. Et je voulais te voir. Ce soir. Expliques-tu en plus, avouant à demi-mot que c'est pour elle que t'es là.

Les cadeaux t'en as fait, tu lui en as fait pour elle aussi. Mais tu les as pas avec toi, t'es même pas sûre que tu les lui offriras. Sauf un peut être, qui est glissé dans ton sac à bandoulière depuis plusieurs jours. Celui-la tu voudrais le lui glisser dans une boite aux lettres, sachant pas si tu assumerais de le lui remettre dans les mains. Et quand elle touche ton visage de sa main, qu'elle t'offre cette caresse si familière, tu sens les larmes qui montent à tes yeux. Tu les ravales, au mieux, détournant le visage pour pas qu'elle te voit mais ton visage allant malgré tout chercher le contact de la mère de ta mère. Est-ce que... tu veux passer à l'appartement ? Je pensais que tu avais des choses de prévu pour noël, mais si jamais n'hésite pas, je serai chez moi. Tu réfléchis un moment à la proposition, t'imaginant seule avec ta mère dans un appartement que tu connais pas - mais qui est son quotidien maintenant. Et une bouffée d'angoisse te saisit si promptement que tu perds presque la souffle. Seules ? Toi et moi ? demandas-tu avec plus d'inquiétude dans la voix. Je sais pas si... Tu vas passer Noël toute seule ? Tu sais pas si tu aimes l'idée - mais tu sais aussi que pour ta part tu auras toujours l'occasion de passer Noël à l'école. Et même si tu aimes pas tant l'idée, tu sentais qu'elle t'inquiétait moins qu'être avec ta mère. J'ai un truc pour toi... Avoues-tu, finalement, allant d'un pied sur l'autre, la nouvelle t'échappant sans que tu puisses l'empêcher.


 

Asteria est surprise de voir sa fille aujourd’hui. Elle ne pensait sincèrement pas croiser Zooey, même s’il faut être honnête, qu’elle l’a espéré de tout son cœur. Comme chaque année d’ailleurs, alors qu’elle lui achète des cadeaux qui restent au fond d’une armoire. Elle n’arrive pas à se résoudre à lui offrir, alors qu’elle est incapable de la faire revenir à la maison. En même temps, Asteria s’est jurée de venger la mort de son époux, depuis ce jour funeste. Et tant qu’elle n’aura pas obtenu justice, nul doute qu’elle ne pourra pas passer au-dessus. Du moins c’est ce qu’elle pensait, jusqu’au jour où elle a rencontré Rhysand. Le vampire l’a fait tout oublier et la rend heureuse. Il faudra d’ailleurs qu’elle tente de les présenter tous les deux, si Zooey accepte un jour de venir à l’appartement. Indiquant la rue autour d’elles, Asteria lui demande si elle est venue faire des achats. C’est une possibilité, surtout en vue de Noël. La tatoueuse s’apprête à répondre, mais elle est surprise lorsque sa fille lui annonce qu’elle est là pour elle. Pour la voir. Elle ne peut s’empêcher de sourire, alors qu’elle sent son cœur qui bat bien plus vite. « Je suis vraiment ravie que tu sois venue. » Comblant la distance qui la sépare de sa fille, Asteria vient à passer doucement sa main sur son visage, comme lorsqu’elle était enfant. Reprenant la parole, la tatoueuse vient à lui demander si elle souhaite passer à l’appartement à l’occasion. Asteria sera heureuse de l’y accueillir, mais elle ne veut nullement la forcer. C’est peut-être trop tôt, alors qu’elles recommencent seulement à avoir une relation. La tatouée sait qu’elle ne pourra pas rattraper le temps perdu, mais elle espère que dans les semaines à venir, Zooey acceptera sa présence à ses côtés. Hochant la tête pour lui confirmer, Asteria tente de cacher ses émotions. Elle a bien remarqué le souffle plus rapide de sa fille, la terreur dans ses yeux. Et son cœur de maman souffre à l’idée d’effrayer ainsi sa fille. Elle voit bien que sa fille n’a nullement envie de passer un tel moment avec elle. « Oui je vais passer Noël seule, mais ce n’est pas un problème. » Elle en a l’habitude. Elle ira peut-être au bar ou restera enfermée chez elle à dessiner. Asteria ne sait pas encore réellement ce qu’elle va faire, n’ayant pas pris de décision. « Mais si tu n’as pas envie, tu n’es pas obligée de venir d’accord ? Je ne t’en voudrais pas … » Elle préfère rassurer sa fille sur ce point. Un sourire se fait sur les lèvres de la tatoueuse, alors qu’elle est vraiment touchée de l’attention. « Tu n’étais pas forcée de faire un cadeau mais … j’ai aussi quelque chose pour toi. » Elle ne l’a pas sur elle, mais le geste est là. Si Zooey ne veut pas aller chez elle, Asteria peut très bien aller le récupérer et lui offrir dans une rue ou un café. C’est vraiment étrange pour la tatoueuse de se comporter ainsi avec sa fille, mais elle ne veut pas la brusquer ni la forcer à faire quelque chose qu’elle ne souhaite pas. « Je peux aller le chercher, si tu ne veux pas venir à l’appartement. J’en ai pour une petite demi-heure je pense. »

 

Je suis vraiment ravie que tu sois venue Tu mentirais en prétendant le contraire - toi aussi t'es contente d'être proche de ta maman. C'est étrange entre vous, comme deux étrangères vous restez loin mais des gestes de douceur viennent se glisser malgré tout dans votre échange. Tu vas pas t'en plaindre, ils te rappellent des souvenirs que tu gardes cachés pour être sûre de pas les perdre. Tu as eu une enfance heureuse, si heureuse que de tout voir s'effondrer t'as brisé plus que tu peux le dire aujourd'hui. Ta confiance est bafouée, t'es pas certaine même de l'accorder à quiconque aujourd'hui. Sans doute pas - sauf peut être Milena, à qui tu parles à coeur ouvert sans trop de difficulté.
Après la dernière rencontre que tu as eu avec ta mère, tu t'étonnes de réussir à rester proche d'elle sans hurler ou sans vouloir lui faire mal. Tu savoures la caresse de sa main sur ta joue, la chaleur de son corps si proche du tiens et la familiarité de son sourire, de ses gestes, de ses paroles. Elle reste prudente - tu le sais bien - mais t'es pas sûre de pouvoir la rassurer et lui donner envie d'être plus sûre d'elle te concernant. Comme un animal blessé, tu te laisses approcher mais tu peux fuir à tout moment. Oui je vais passer Noël seule, mais ce n’est pas un problème. Tu grimaces - t'aimes pas l'idée, et tu sais que tu l'aimes pas parce que tu gardes des centaines de souvenirs de Noël heureux et nombreux quand ton père était encore en vie. Tu te souviens des décorations de Noël, du sapin, de la dinde brûlée et des montagnes de cadeaux. Tu te souviens, aussi, que la dernière année vous vous étiez promis de faire des cadeaux à la main uniquement.

Tu gardes celui que ton père a confectionné pour toi. Deux mois avant de mourir. Mais si tu n’as pas envie, tu n’es pas obligée de venir d’accord ? Je ne t’en voudrais pas … Tu secoues la tête, parce que tu veux pas rester sur la mélancolie, mais tu veux y aller à ton rythme. Et si je venais mais... pas le jour de Noël. Mais après ? Promis. Dis-tu, parce que Noël c'est trop. Trop de souvenirs qui te donneront sans doute envie de t'enfermer dans la solitude aussi ce jour-là.
Tu n’étais pas forcée de faire un cadeau mais … j’ai aussi quelque chose pour toi. T'es touchée par la découverte, bien que tu t'attendais pas à ce qu'elle prépare quelque chose pour toi. Milena a peut être raison - une maman reste une maman. Qu'importe sa douleur, elle a une place pour toi malgré tout dans sa vie et son esprit. Je peux aller le chercher, si tu ne veux pas venir à l’appartement. J’en ai pour une petite demi-heure je pense. Tu sais quoi, tu pourras me le donner quand je viendrais chez toi ? Proposes-tu, comme pour lui assurer que tu le penses - que tu viendras, vraiment. Et pour ta part, tu mets ta main dans ton sac pour en ressortir en parchemin roulé. Et dans ce parchemin, un dessin que t'as réalisé - un truc que tu tiens d'elle, l'amour du dessin. Un portrait de ton père lors de votre dernier Noël, que t'as réalisé à partir d'une photo qui trône sur ta table de nuit à Poudlard. Sur la photo vous êtes tous les trois, mais pour le dessin t'as fait que lui.
Un souvenir de Noël. Un souvenir de votre vie heureuse. Et une main tendue pour partager ça à nouveau, pour pas oublier, et pour avancer quand même. J'espère qu'il te plaira.