Every time || Spellman

Les règles étaient simples durant les sorties à Pré-au-Lard. Tous les élèves devaient rester dans le périmètre du village sorcier, ne pas s'éloigner du sentier qui menait jusqu'au château, prévenir les professeurs de l'endroit où ils se rendaient. Je le sais - c'est pas la première fois, après tout, que je me rends à Pré-au-Lard. Mais cette fois, l'envie de ne pas écouter les règles était bien présente. La raison était simple : dans le village moldue d'à côté, se trouvait un rendez-vous de fan de dessin et de tatouage. Une réunion pour le moins insolite mais dont j'avais entendu parlé par Rosmerta, qui tenait les Trois Balais.
Difficile de ne pas peser le pour et le contre, me demandant si je pourrais pas juste transplaner là-bas, au plus près - bien que je n'avais aucune idée de ce à quoi ça pouvait ressembler - puis revenir une heure avant le retour obligatoire à l'école. Histoire d'avoir un peu de temps, de pas simplement courir ou avoir l'air d'avoir fait n'importe quoi.

Je pesais le pour et le contre, et en attendant, je me tenais là. A la lisière, à la limite de Pré-au-Lard, les yeux rivés sur l'endroit où se tenait le village en question. Un chemin pour m'y guider - il serait presque facile même d'y aller à pied. Mais ça risquer d'être long. Peut être pour l'aller, puis faire le retour en transplanant. Dans ma main, un carnet de croquis - et l'envie de peut être avoir des premiers retours sur ce que je pouvais donner en tant que tatoueuse.
Poppy m'en voudrait, si je ne respectais pas les règles. Mais outre elle ? Papa est mort. Maman est partie. Qui pourrait être déçue de mon comportement. Qu'est-ce que j'avais à perdre, finalement ?
Un pied qui s'avance pour aller sur le chemin et je vois qu'une ombre me coupe le soleil bien rapidement. Derrière, un sorcier - je me retourne, rouge de honte d'avoir été prise sur le fait, m'attendant à devoir me justifier face à un professeur.

Mais devant moi, c'est pas un professeur.
Devant moi c'est Astéria.
C'est maman.
Je reste interdite un moment, la bouche ouverte, incapable du moindre son. M'man. Murmurais-je finalement avec difficulté - faisant pas le moindre mouvement pour m'accrocher à elle. Sachant pas comment réagir - puis peut être que c'est juste une impression. Peut être que c'est pas vraiment elle. Qu'est-ce que tu fais là ? Demandais-je, comme pour vérifier que cette apparition n'était pas dûe à mon imagination perdue.

Tout se passe très rapidement. Face à face, il y a le temps d'un ange qui passe qui s'écoule. Le fracas de ses achats sur le sol nous fait à peine réagir - je me perds dans son regard, me rappelant difficilement la dernière fois que je l'avais ainsi toisée. Je me rappelle des larmes qui avaient marqué mon visage quand j'avais appris que Papa était mort. Et après ? Quand l'avais-je vu avant qu'elle ne disparaisse ? J'étais à Poudlard - objectivement je savais que nous ne nous étions vues qu'une fois, dans le bureau du Directeur, avant qu'elle parte. Mais le souvenir de cette ultime rencontre était floue, impossible pour moi de m'en rappeler, pas même une parole ou une étreinte. Juste la présence de Poppy dans un coin, prête à prendre la relève.
Et après ? Après nous voici l'une face à l'autre. Elle avance sans que je la retienne, sans que je l'empêche. Quand elle m'enveloppe dans ses bras, j'ai la gorge qui se sert et l'envie de hurler. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Zooey …. C’est bien toi ? Bien sûr que c'est moi. Qui d'autre, vraiment. Je réponds pas, me forçant cependant à opiner dans les bras de ma mère. Elle m'entoure alors que mes bras restent le long de mon corps, incapable de lui rendre son étreinte. Sous le choc de cette rencontre - oubliant ce que je prévoyais pour la journée. Oubliant ce que je faisais là, finalement. J’ai été invitée au festival moldu. Pourquoi ? Demandais-je, sans pouvoir l'empêcher.

Après tout elle était sorcière, haïssant tout ce qui faisait notre monde. Mais sorcière malgré tout. Et qui était-elle maintenant ? Je remarquais les dessins qui marquaient sa peau délicatement, s'entrelaçant parfaitement pour raconter son histoire. Les tatouages étaient magnifiquement brodés sur son épiderme. Elle se recula et je respirais déjà mieux - mon carnet toujours à bout de bras, et mon esprit qui divaguait difficilement d'une idée à l'autre. Et toi, que fais-tu par ici ? Tu ne devrais pas être en compagnie de tes professeurs ? Je sentis le rouge me monter aux joues - d'une honte de gentille fille et de consternation qu'elle ose se poser la question. Si elle s'en inquiétait vraiment, n'aurait-elle pas dû rester ? Je me promène, simplement. Je réponds, avec plus d'acidité que je le voudrais.
Je peux pas m'empêcher. Après tout, j'ai le palpitant qui frappe fort et l'envie de hurler qui me tiraille toujours la gorge. Comment vas-tu depuis … tout ce temps ? Ca t'intéresse vraiment ? Laisse moi rire. Toi tu fais quoi ici ? Je pensais que t'avais mieux à faire qu'à vivre dans le monde magique. Dis-je en croisant les bras, les yeux tombant sur les achats toujours dans la boue. Ton repas a pris l'eau. Soufflais-je, avant de tourner le regard, refusant de la regarder encore. Je voudrais pas te forcer à rester, tu sais. J'ai bien compris que t'avais mieux à faire qu'à être là. Puis pour tout te dire j'allais justement au festival dans le village voisin. J'ai pas beaucoup de temps alors...

La colère devient une allié. Elle se fait majoritairement silencieuse, tapie dans un coin quand à Poudlard le reste du monde devient un ennemi. Elle fait profil bas, quand elle sait qu'en fasse ils sont trop nombreux pour pouvoir exploser. Mais elle est là, enragée, dans un coin sombre et à grogner contre le monde. Et quand Maman apparait, elle sort, l'animal colérique et blessée, pour que chacune de mes réactions soient aussi cruelles qu'injustes. Pas moyen que je m'en rende compte, face à Astéria il est plus simple d'agir de la sorte. Que de pleurer de soulagement à la retrouver après des semaines de silence.
Elle se tient là, proche mais pas tant - trop proche et pas assez à la fois, je fais pas un pas vers elle, pas un pas pour fuir non plus. Je sens bien que je peux pas retenir mes paroles. Elles coulent comme un flot tortueux jusqu'à l'atteindre pour lui faire mal. Mal, simplement, comme j'ai mal depuis longtemps. Mal d'avoir perdu papa. Mal de l'avoir perdue elle. Mal d'avoir été blessée par Orpheus. Mal d'avoir été meurtrie par Alecto. Et à présent, qui j'avais ?

Personne, pendant qu'elle, elle avait tellement changé. Libérée - à mes yeux - d'une vie de mère qu'elle ne voulait plus assumée. Tatoueuse pour les moldus, annonce-t-elle, et même cela je l'ignorais. Ou je l'avais oublié - qu'importe, je préférais oublier, la concernant. L'oublier, comme j'étais certaine qu'elle voulait faire avec moi. Bien qu'elle s'approcha et assura le contraire. Soudainement, son regard était si proche du miens que je ne pouvais que m'y perdre. Et je sentais la colère se formait en larmes dans ma gorge. Je ne pouvais rien dire, tétanisée et prise de court. Sa main sur ma peau devenait douce, me rappelant les caresses et les calins quand j'étais enfant. Les étreintes, la chaleur de ses mains, ses baisers sur mon front fiévreux. Et papa en font, qui souriait. Tout était trop. Trop et si doux à la fois. MAis quoi ? soufflais-je, la voix brisée par les sentiments. Elle parla à nouveau, de la mort de papa, de sa souffrance, de son besoin de n'être plus là. Loin du monde sorcier. Loin de moi. Alors tu préfères n'être plus là et me laisser dans un monde que tu détestes ? demandais-je, égoïste, parce que je ne pouvais pas penser autrement.

Je ne pouvais qu'être égoïste, je n'arrivais pas à compatir. C'était trop douloureux. Je me reculais alors, la rage coulant de mes yeux et la colère grondant sans pouvoir me contenir. Tu sais quoi ? Reste dans le monde moldu à faire Merlin sait quoi ?! C'est bien ce qu'il t'arrange de toute façon. Et qu'importe si je suis toute seule maintenant - je vais devenir une sorcière et tu me détesteras comme le reste. Tu as pas prévu de revenir n'est-ce pas ? Tu reviendras jamais, je... Très bien je... Je suffoquais, les larmes devenant des sanglots sans que je puisse le contenir. Pleurant soudainement sur tout ce que j'avais perdu et surtout sur cette solitude qui commençait à devenir insupportable.
Et dire qu'au départ, je voulais juste aller voir les tatouages moldus. Tu m'as laissé... tu... et lui... et toi...

Je voyais flou. Les touches de couleur derrière mes yeux commençaient à danser si rapidement que je perdais l'équilibre. Je perdais pied, tout simplement.
Jusqu'à sentir les deux bras qui me retenaient, m'éloignant du sol pour me remettre sur pied. L'odeur familière de ma mère m'entourait d'une étreinte rassurante et je me laissais aller contre elle. Son calin, fort et chaleureux, me fit du bien. Je sentais les larmes qui coulaient sur mes joues en silence mais je restais là sans me battre. J'avais peur, je me sentais seule et parfois j'avais le sentiment que la vie était trop - douloureuse, injuste, cruelle. Mais soudainement, dans les bras de ma mère, je me sentais aller mieux. C'est peut être simplement de cela dont j'avais besoin. Dans le monde moldu, Zo, je suis devenue tatoueuse. D'où ma présence ici. Jamais je ne pourrais te détester. Tu es ma fille et rien ne changera à ça Zooey. Tu dis cela aujourd'hui, mais tu as toujours dit que tu détestais la magie. je m'entendais parler, sans pouvoir l'empêcher, bien que ma voix avait perdu de sa cruauté pour n'être qu'une plainte. Je ne voulais pas entendre raison, je ne voulais pas la laisser me faire des promesses, je ne voulais pas y croire et voir mon palpitant se faire briser une fois encore.

Je ne le voulais pas, mais je restais contre elle malgré tout. Encore un peu, assez longtemps pour pouvoir me remettre sur pied sans craindre de tomber sur le sol. Ne pense pas ça. Tu seras une magnifique sorcière et très douée je n'en doute pas un seul instant. Simplement, avant de revenir, je dois venger ton père. Je ne peux accepter que ceux qui ont causé sa mort, soient libres de tout mouvement. Mais je te fais une promesse Zooey… Je ne savais pas ce que je devais faire de cela. Je ne savais pas ce que cela signifiait pour tout ce que j'avais cru savoir du bien et du mal. Mon père était mort, c'était injuste, c'était la guerre, et c'était douloureux. Ma mère m'avait abandonnée pour le venger. Et était-ce acceptable ? Etait-ce ainsi que l'on devait vivre la mort d'un proche ? Me voila à être seule pour le pleurer, pour accepter le fait que je ne le reverrai pas. Et qu'importe qu'une année soit passée, c'était douloureux, c'était injuste, et il me manquait terriblement.
Ma vie s'effondrait, et je ne savais pas quoi faire pour l'empêcher. Je me sentais impuissante. Dès que j'aurai obtenu vengeance je te promets de revenir. Nous vivrons ensemble, Zooey comme une famille, comme ton père l'aurait voulu. Que restera-t-il de notre famille ? Demandais-je, comme je me posais la question. Souvent. Très souvent.

Elle et moi, devenues des étrangères - je la perdais, tout aussi bien que papa était mort. Elle disparait dans les méandres de la colère et de la vengeance. Sera-t-elle toujours la même ? Sera-t-elle un jour la même ? Tu es et resteras mon bébé, ma fille, et si je t'ai éloignée de moi, c'était pour te protéger. Je ne peux imaginer, qu'il t'arrive du mal à toi aussi. Je ne supporterai pas de te perdre Zooey… Et toi, ne te perdras-tu pas dans ce combat ? Demandais-je, alors qu'enfin je me sentais capable de me dégager de son étreinte, pour me tenir debout devant elle. Il faut que j'y retourne, je crois. Dis-je finalement, épuisée par des émotions que je n'arrivais pas à vivre convenablement. Je vais pas te revoir jusqu'à ce que tu ai... fini alors ?