Le petit Roi des Rats
~ D’aussi loin que je me souvienne, mes parents m’avaient toujours parlé de la grandeur des Yaxley. De leur influence en commerce et politique, du respect qu’ils savaient imposer, et surtout de leur richesse. Autant de chimères qui m’auraient paru mensongères, si je n’avais pas eu en cet instant devant les yeux le fameux manoir dans lequel j’aurais dû voir le jour. Dans la campagne en périphérie de la ville de Manchester, cette imposante bâtisse écrasait de sa splendeur tous ceux qui s’attardaient face à elle, dont le mioche de 7 ans que j’étais. En réalité, je n’avais strictement rien à faire ici, loin de chez moi, mais ce jour-ci je m’ennuyais comme un rat mort. Et puisqu’on m’avait si souvent parlé de cette maison, l’interdiction formelle de m’y rendre m’avait soudainement paru stupide. Je voulais voir, et peut-être comprendre, ce que ma famille était censée être. Hissé sur la branche d’un arbre, je contemplais en silence les vestiges du passé de mes ancêtres, et ce dont on m’avait injustement privé. Car il n’y avait pas d’autres termes pour ça.
Et comment en était-on arrivés là, après tout ?
Cette question, lorsque je la posais à mes parents, avait tendance à jeter un froid. Et des brides de réponses que j’avais pu obtenir des uns et des autres, j’avais dû essayer de compléter le puzzle du passé. Vraisemblablement, tout avait commencé avec mon grand-père. Lui, il avait pu naître ici, dans une des chambres se trouvant probablement derrière l’une des fenêtres à vitraux s’ouvrant sur la façade. Celle derrière laquelle se trouvait une fillette à la chevelure blonde, par exemple. Aîné de la famille, ils s’étaient brouillé avec son frère à propos de plusieurs sujets conflictuels dont je n’avais pas compris la teneur, mais mamie était l’un d’entre eux. Et papy avait peu à peu dilapidé l’argent de son héritage dans une idée, un concept, une entreprise qu’il avait monté, un truc à propos de balais. Qui n’avait jamais réussi à décoller (l’entreprise, pas le balai). Y’avait des histoires de dettes, d’emprunts, de faillite, bien des termes que j’avais un peu de mal à appréhender, mais le fait était là : mon grand-père s’était ruiné, assez pour que même la vente de son entreprise ne suffise pas à rembourser. Ni même la vente de la maison.
Et c’était là le point de rupture ! Comment est ce qu’on pouvait réussir à tout perdre au point de vendre jusqu’à une telle beauté ?! Je n’avais jamais connu mon grand-père, mais je lui en voulais tout particulièrement. A la place d’une somptueuse demeure, j’étais né -à l’instar de mon frère et ma soeur, et même mon père- dans une maison toute moisie. Elle avait au moins quatre ou cinq fois moins de pièces que ce manoir, à vue de nez, et était particulièrement vétuste. Je ne doutais pas du fait que ce manoir soit au moins aussi ancien si ce n’était davantage, mais lui au moins il ne tombait pas en ruines !
Cette bicoque, c’était le seul bien restant aux descendants de mon grand-père. En plus des dettes. Merci du cadeau, papy. Qui plus est, j’étais le petit dernier de la fratrie, ce qui voulait dire qu’en théorie, je pouvais même faire une croix sur ça. Mon frère aîné, Persée, c’est lui qui en hériterait, et ma soeur Selena s’en sortirait mieux avec un mariage à tous les coups. Mais loin de m’apitoyer sur mon sort, je nourrissais à présent un nouveau projet : celui de récupérer tôt ou tard ce fichu manoir. Restait à voir par quels moyens.
C’est un petit “Salut !” qui me sortit de mes pensées, et mes yeux s’abaissèrent sur la silhouette au pied de l’arbre dans lequel j’étais perché : il s’agissait de la fillette que j’avais vu à la fenêtre quelques minutes plus tôt.
Pi, la constante imprévue
~ Est ce qu’en acceptant de jouer avec cette gamine à l’époque, j’avais envisagé que nous finirions amis ? Certainement pas. La petite Potter, Paige, lorsqu’elle était venue me trouver à cet arbre, je l’avais vue comme une opportunité. Un moyen d’entrer dans cette demeure qui devait me revenir, dans ce lieu qui m’était interdit. Ses parents l’avaient vu d’un sale oeil d’ailleurs, ayant sans doute l’impression de laisser un loup entrer dans la bergerie. J’avais le sentiment qu’ils gardaient constamment un oeil sur moi, comme si j’allais me jeter sur leur fille pour lui faire je ne savais quoi. Alors pour donner le change, je me comportais de la meilleure des manières et tâchais de me montrer poli comme ma mère me l’avait appris.
Les semaines avaient alors succédé aux mois, me faisant connaître un peu mieux chaque partie de la demeure et ses habitants. Et contre toute attente, je dois avouer que je m’étais réellement lié d’affection pour Paige, avec qui nous passions le plus clair de notre temps à jouer et explorer. Mais j’étais d’un naturel farceur et malicieux, et faut croire que ça déteignait sur la petite Potter, au grand dam de ses parents qui m’avaient déjà mis à la porte une ou deux fois.
Pi et moi, d’un point de vue extérieur, on était le jour et la nuit. Elle était issue d’une famille aisée et progressiste, là où la mienne était pauvre et puriste. Simple et pétillante, alors que j’étais rusé et calculateur. Mais là où des adultes, comme nos parents, auraient dit “impossible !”, nous en tant qu’enfants ça ne nous avait pas dérangé.
Et ensemble, on allait des escapades nocturnes interdites, à l’exploration des mystères du manoir. Car ce dernier en avait, et pas des moindres. Parmi les secrets de la famille Yaxley, il y en avait qui parlaient d’alchimie et de magie noire. Et si je n’étais pas persuadé de la première affirmation, j’étais en revanche certain de l’utilisation de magie interdite par les membres de ma famille. Mon père, quant à lui, m’avait parlé de l’existence d’au moins deux pièces cachées dans le manoir, et nous avions essayé d’atteindre l’une d’entre elles avec Paige. Une entreprise mise à mal par ses parents, qui nous ont surpris alors que nous étions en train d’essayer de trouver des pièces manquantes d’une sorte de puzzle qui nous aurait sans doute permis d’accéder à une sorte de cabinet au 2ème étage.
Ce soir-là, mon entreprise était toute autre. Les informations que m’avait donné mon père autrefois avaient été faites contre une promesse : celle de lui rapporter un livre, une sorte d’artefact ou je ne savais quoi, qui se trouvait dans une pièce cachée du sous-sol. Le genre de choses que je ne pouvais décemment pas subtiliser devant Paige. Or, je savais que ce soir là, les Potter étaient invités à des festivités, le genre auxquelles les Yaxley ne pouvaient d’ailleurs plus se rendre, au grand désespoir de ma soeur qui était en pleine crise d’adolescence -ou quelque chose de ce genre. Pour moi, c’était juste la meilleure opportunité que je pouvais saisir pour m’infiltrer chez eux sans être vu. Et une telle opportunité ne se représenterait pas avant longtemps.
Crucio
~ Vous savez ce que ça fait de subir le sortilège Doloris ? Moi oui. Vous vous souvenez de l’histoire de la crypte là ? Et bien sachez que les choses ne se sont pas passées comme prévues. Vraiment pas. J’ai bel et bien réussi à rentrer dans le manoir, trouver le mécanisme et le faire fonctionner, et j’étais pas peu fier. Ce que je n’avais pas prévu, c’était que Potter rentre à ce moment-là. Comment est ce qu’il a su ? Excellente question, peut-être avait-il un système d’alarme ou que sais-je. En tant qu’auror ça n’aurait pas été si surprenant finalement. Bref, j’ai été pris la main dans le sac, en plus de lui indiquer l’emplacement d’un lieu qu’il n’avait pas encore percé à jour. Est ce que je m’en voulais ? Carrément. Mais je n’étais pas au bout de mes peines, accrochez-vous.
Non content de m’avoir pris sur le fait et d’avoir mis la main sur des objets anciens, ce botruc mal luné m’a fait arrêter ! Il aurait pu se contenter d’une belle engueulade ou je ne sais quoi -bon j’avoue, je ne suis pas certain que ça m’aurait suffit- mais non. A 10 ans, je me suis retrouvé interrogé par des agents de l’ordre du Ministère durant une bonne partie de la nuit. Comment avais-je su pour la crypte ? Avais-je préparé mon coup ? J’ai dû expliquer, répéter, encore et encore, que j’avais trouvé l’endroit seul, parce que je savais qu’il y avait une pièce secrète. Évidemment mon père aussi s’est fait convoquer, et je ne sais si c’est parce qu’il avait assez de relations en travaillant au Ministère ou une autre raison, mais finalement il a pu me sortir de là en payant une lourde amende. Autant dire que nous n’avions clairement pas besoin de ça, et une fois rentré il me l’a bien fait comprendre. Vous la sentez venir là non ?
« PAR MERLIN ! A quel moment le destin a-t-il décidé que je devais avoir un gamin aussi STUPIDE ?! »Moi, la gifle, je l’avais pas vraiment vue venir. J’étais épuisé par la nuit d’interrogatoire, et la seule chose que je voulais c’était dormir dans l’espoir de me réveiller ensuite en constatant que ce n’était qu’un mauvais rêve. Alors le coup m’avait fait perdre l’équilibre, et je me suis rattrapé à la première chose qu’il y avait dans cette pièce si exiguë : la table, renversant au sol un des verres qui s’y trouvait. Un peu sonné, mais vite rattrapé par la brûlure qui s’emparait de ma joue, j’eus face à mon père en colère la pire des idées : protester. Après tout c’était lui qui m’avait demandé de lui ramener ces trucs.
« Ferme-la ! J’vais t’apprendre à réfléchir avant d’agir, p’tit merdeux ! »Il m’était déjà arrivé de prendre des corrections de la part de mon père, mais cette fois-là c'était différent. Il n’était pas juste en colère, il était tout bonnement furieux. Assez pour qu’à cet instant j’eus préféré passer la nuit derrière les barreaux. Le sort qui me frappa, je le connaissais sans jamais l’avoir utilisé, l’entendre me fit l’effet d’une décharge avant même que je ne sois touché. Je vous jure que les effets, aussi difficiles à décrire soient-ils, étaient cent fois pire que ce qu’on pouvait imaginer. En un instant je m’étais retrouvé cloué au sol, avec la sensation que mon corps tout entier prenait feu. Que mes membres, un à un, se tordaient jusqu’à se briser. Qu’on me plantait des millions de dards dans la peau. Et que ma tête allait exploser. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il ne s’agissait que d’impressions, car nul feu ne léchait ma peau. Je n’étais que prostré, parcouru de spasmes et tremblements, et incapable d’hurler ma douleur. Si elle n’avait duré qu’à peine dix secondes, moi j’eus l’impression que des minutes entières de tortures s’étaient écoulées. Etait-ce l’intervention de ma mère qui l’avait fait arrêter ? Je n’en étais même pas certain. Mais d’ores et déjà, mon père m’attrapait par le col pour me remettre sur mes pieds.
« Si tu verses ne serait-ce qu’une seule larme, gamin… »Il n’eut pas besoin de prononcer la suite, elle coulait de source. Alors je me suis mordu l’intérieur de la joue, ravalant mes larmes et me rattrapant à la table lorsqu’il me lâcha car mes jambes peinaient à me porter.
Ce fut la seule et l’unique fois qu’il alla si loin, mais ce sortilège portait bien son nom, car malgré l’affection que j’avais pour mon père, il ne serait pas pardonné.
L'échiquier
~ Poudlard, c’est un peu comme la cour du Roi. Et si certains y sont juste pour étudier, c’est qu’ils n’ont rien compris à ce qui peut se jouer là-bas. C’est un véritable jeu politique qui se joue entre certaines familles. Les plus influentes tâchent de garder leur place et de rallier d’autres à leur cause, voire même d’obtenir quelques vassaux. D’autres, arrivistes, cherchent à se faire une place sur l’échiquier. Après quelques jours d’observation, il était aisé de savoir qui approcher pour rejoindre un camp ou un autre.
Me trouvant dans la Maison des Verts et Argents, j’avais un accès aisé à la plupart des familles de Sang-Purs. Ceux-là même que j’avais trop peu cotoyé du fait de ma condition sociale. La consigne avait été simple : nouer des liens solides auprès d’héritiers afin que les Yaxley regagnent en notoriété. Petit jeu auquel Selena semblait exceller malgré le caractère acerbe que je lui connaissais.
Pour ma part, j’avais très vite fait connaissance avec les jumeaux Carrow qui partageaient ma promotion, et avait même réussi un autre tour de force : me mettre dans les petits papiers de ce qu’on aurait pu appeler une sorte de prince chez les Serpentards. Regulus Black, qui ne tarda pas à devenir héritier de sa maison.
Et quel rôle j’avais, moi, sur cet échiquier ? Sans doute celui du cavalier. Celui à qui on ne barrait pas la route, car je savais arriver à mes fins. Celui qu’on pouvait envoyer casser des gueules. Celui qui était libre de ses mouvements. Car malgré mes accointances avec beaucoup de puristes dont je partageais les idées, je cultivais aussi ma propre liberté. Puisqu’eux aussi, les purs, avaient participé à la disgrâce de ma famille, pourquoi auraient-ils été épargnés par mon venin après tout ? Si la majorité je jouais pour leur camp qui était sensiblement proche du mien, ce n’était pas sans leur rappeler leurs faiblesses, quelles qu’elles soient.
Parallèlement à cet échiquier, j’avais également connaissance qu’un autre se mettait en place, au dehors. Peut-être avais-je mis un peu de temps à en voir les signes, trop jeune, trop plongé dans ce qu’était ma famille pour voir ce qu’il se passait autour. Je l’avais vu le tatouage au poignet de mon père, quand j’étais gamin, mais qu’était-ce d’autre qu’un tatouage ? A l’époque, personne ne savait à part ceux qui le partageaient. Il fallut attendre la nouvelle année 78 pour que tous comprennent, moi inclus.
Lune de sang
~ Notre famille était tout bonnement maudite. Ce soir-là, c’était la seule conclusion qui me venait alors que notre père avait profité des vacances d’avril pour nous rassembler et nous parler. La tension était palpable, et je me gardais bien d’observer mon frère aîné.
Il faut que je vous replace un peu le contexte de cette foutue histoire… Persée, de six ans mon aîné, avait plutôt un bel avenir devant lui. Enfin… en tout cas il s’était fiancé à une belle femme, sang-pure, qui avait probablement une jolie dot. Parce que lui, finalement, il ne se bougeait pas tant que ça pour avoir la carrière la plus brillante du monde, et passait pas mal de temps dans les bordels. C’est ce qu’en disait Selena en tout cas. De là où j’étais, moi, je n’en savais pas grand chose et ça m’était bien égal. Où était le problème dans ce cas ? Et bien y’a quelques semaines, mon frère s’était fait attaquer et mordre par un loup-garou. Et s’en était sorti.
Loup-garou… c’est la mort à petit feu, à ce qu’on disait. Ses fiançailles avaient été rompues, et en très peu de temps la famille s’était à nouveau faite pointée du doigt, pour avoir un monstre en son sein. Rien n’arrête un lycan, ils ne sont plus doués de raison dès que la lune est ronde, et attaquent n’importe qui, sorcier ou moldu. Au sein même de la maison, c’était devenu un problème. D’ordinaire assez irritable, Persée était devenu hargneux. Peut-être la sentait-il, cette épée de Damoclès à présent suspendue au-dessus de sa tête ?
C’est un raclement de gorge du patriarche des lieux qui m’extirpa de mes pensées, et la tension monta encore d’un cran alors même qu’il commençait à parler. Et comme bien souvent, il ne prit pas vraiment de pincettes. En l’espace de quelques mots, la sentence s’était abattue comme un couperet : Persée ne pouvait plus être un Yaxley. Sa condition nouvelle entachait notre nom, et il n’avait plus sa place parmi nous.
Cette nouvelle m’avait totalement sonné. Loup-garou ou non, Persée n’en restait pas moins mon frère ! Notre nom était déjà traîné dans la boue, est ce qu’on n’aurait pas dû se serrer les coudes plutôt que s’entre-déchirer ? J’entrouvris les lèvres, prêt à protester, sans doute en vain, mais avant que le moindre son ne sorte de ma bouche, le verre que tenait mon frère un instant plus tôt se fracassa contre le mur. Plutôt que couper sa tête, le couperet avait donné au loup la force de mordre, et Persée laissa exploser sa rage.
« Vous croyez que ça va vous sauver ?! Jason, t’auras beau faire tout c’que tu veux avec les apparences mais les faits sont là : tu vis dans un taudis, et personne te respecte ! Maman… ma chère petite maman bien aimée. Même une mandragore a plus de répondant que toi ! » Les yeux ronds comme deux boursouffles, j’étais témoin d’un véritable flot de haine de la part de mon frère. Sa colère était sans doute légitime, mais il allait loin, trop loin ! Et plus les mots se déversaient, plus mon air ahuri s’assombrissait. Je sentais mes poings peu à peu se serrer, jusqu’à en blanchir mes articulations.
« Et toi, Sally… ô toi… tu n’es qu’une garce. Une peste qui se donne de grands airs de-...» Persée n’eut l’opportunité d’aller plus loin dans l’étalage de son fiel, stoppé dans son élan par la droite que je venais de lui asséner. Il y eut quelques courtes secondes de silence, durant lesquelles mon frère se massa la mâchoire, avant de darder sur moi des iris d’un noir que je ne lui avais jamais vu. L’instant d’après, son poing venait me briser le nez avec une force monstrueuse, m’envoyant valser contre le vaisselier d’où plusieurs assiettes tombèrent.
« Toi la ramène pas, sale morveux ! T’es qu’une strangulot d’erreur, les parents t’ont jamais voulu ! » Des mots ou du coup qui suivit dans mes côtes, je ne sais pas lequel des deux me fit le plus mal. J’essayai de me défendre, lui en mettre une, mais je n’étais clairement pas de taille, et en l’espace de quelques secondes je crachais mes poumons sur le tapis. J’aurais sans doute pu être roué de coup pendant encore un moment, si mon père n’avait pas pointé sa baguette sur mon frère.
« Ca suffit, Persée ! Hors de chez-moi, et ne remets plus jamais les pieds ici tu entends ?! »Seulement à ce moment, le sorcier s’écarta en levant légèrement les mains dans un signe se voulant pacifique. Son regard, lui, disait tout l’inverse. Selena s’était tout de suite ruée vers moi, pour s’assurer de mon état. J’avais la gueule en sang, j’étais sonné, mais strangulot que j’avais les tripes en feu. De douleur et de colère. J’avais fait quoi pour qu’il déraille comme ça ?! C’est un léger rire de la part de Persée qui m’apporta la réponse. Ce genre de rire sinistre qui donne des frissons.
« Il est beau, votre nouvel héritier… Incapable de se défendre. T’en fais pas, Orphe’, j’reviendrais pour toi. »Et il claqua la porte derrière lui. Son regard, si amer et haineux, il allait me hanter bien des nuits à venir.
Morsmordre
~ Mon père s’était fait arrêter. La nouvelle m’était arrivée par une lettre envoyée par ma mère, comme n’importe quelle lettre reçue au petit déjeuner, mais avait eu l’effet d’un coup de massue. Délaissant le café que j’étais en train de boire, j’abandonnais les jumeaux Carrow au beau milieu de notre discussion pour aller relire ces quelques lignes au calme, dans un couloir menant à ma Salle Commune. Comme si j’avais eu l’espoir d’avoir simplement rêvé ces quelques lignes. Mais elles étaient bien là, et je reconnaissais même l’écriture penchée et élancée de ma mère, même si cette fois-ci les courbes plus sèches trahissaient l’émotion sous laquelle elle avait écrit ces quelques mots. Il s'était fait arrêter, et serait jugé pour être partisan du Lord Noir. En ces temps de guerre, les chances qu’il parvienne à se faire innocenter lors du procès étaient tout bonnement nulles. Il allait se retrouver accablé de tout, et prendrait pour tous ceux qui couraient encore.
Froissant la lettre entre mes doigts, je laissais mon dos glisser contre la pierre froide jusqu’à m’asseoir par terre. On allait devenir quoi, maintenant ? Sally s’était mariée l’été dernier à un imbécile de puriste, grand bien lui fasse, au moins elle sortait le nez de toute cette bouse d'hippogriffe. Mais moi, avec ça qui nous tombait dessus, j’avais l’impression que le destin avait tout bonnement décidé de me plonger la tête sous l’eau en appuyant bien fort pour que j’y reste.
Les mangemorts… Je les connaissais plutôt bien, et mon père nourrissait l’espoir qu’à mon tour je porte la marque, celle-là même qui ornait son poignet, à la fin de mes études. En digne successeur. Parce que pour lui, Lord Voldemort, c’était le meilleur moyen de sortir notre famille de l’embargo qu’elle subissait. Si le Seigneur des Ténèbres parvenait à s’emparer du pouvoir, ses plus fidèles partisans n’en seraient que glorifiés et mon père était l’un d’entre eux à n’en pas douter. Ses idées, il les partageait. Ses méthodes aussi, à bien des égards. Et il fustigeait les traîtres de plus en plus nombreux dans leurs rangs. Sauf qu’il en payait à présent le prix…
Qu’est ce que j’étais censé faire, dorénavant ? M’engager à sa suite au risque de tout perdre ?
Je laissais filer un soupir alors que l’arrière de ma tête rencontrait la pierre froide.
Demain, tout le monde sera au courant.
Sonne le glas
~ La famille Yaxley avait définitivement l’art et la manière d’annoncer les bonnes nouvelles. Celle-ci aussi m’était arrivée sous forme de lettre, de la main de ma soeur, et avait manqué de me faire m’étouffer avec le café que je buvais. Amaury, son époux, avait trouvé la mort dans un accident. Et la nouvelle fut confirmée la minute suivante par un article dans la Gazette du Sorcier.
Un accident…
Les funérailles du pauvre gaillard furent organisées au premier jour des vacances de Noël et rassemblaient pas mal de monde. De la famille du défunt, des collègues, quelques amis. Ca pleurait à chaudes larmes ce jeune homme parti bien trop tôt. Personnellement, je ne l’avais jamais réellement apprécié, cet Amaury. Trop “mou” à mon goût, passif. Ma soeur, elle méritait bien mieux que lui. Mais il avait de l’argent, et ça c’était quelque chose qu’un Yaxley ne pouvait pas négliger et ma soeur l’avait très vite perçu.
C’était d’ailleurs vers elle que mes iris étaient tournés. Vêtue de noir, solenelle, et le visage voilé, je ne pouvais m’empêcher de me questionner sur ce qu’elle ressentait en cet instant.
Qu’on ne se leurre pas, ma soeur je l’aimais, quoiqu’on puisse dire d’elle. Elle avait beau être ce qu’elle était, elle avait toujours été là pour moi quand elle en avait les moyens. Mais elle avait un côté déroutant, Nana. Effrayant même. J’étais bien incapable de dire à partir de quand ça avait commencé, et si ça n’avait pas toujours été là finalement. Juste… bien étouffé par le cocon familial qu’on avait auparavant, avant que tout ne s’effrite. Et faut dire qu’avec notre différence d’âge, je ne l’avais pas tant vue que ça en dehors de ces moments là.
A bien des égards, Selena était une stratège. De ce genre de personnes qui pensent parfois à bien trop de coups d’avance, sans craindre les sacrifices et dommages collatéraux tant qu’ils peuvent avancer vers leur objectif personnel. A mes yeux, Amaury était un de ces fameux sacrifices.
Chacun des convives alla tour à tour présenter ses condoléances aux parents du sorcier, puis à sa veuve éplorée. Je ne dérogeais pas à la règle, accordant quelques mots -les plus sincères que je pus- à la famille dévastée, avant de me diriger vers ma soeur.
Un seul mot, un murmure, franchit alors mes lèvres alors que je dardais mes iris sur le voile qui obscurcissait les traits de porcelaine de Selena :
« Sérieusement…? »Et pour toute réponse, je fus persuadé d’entre-apercevoir un infime sourire.