Recherches de liens - Andromeda, Selena & Elysium

Agacée, Selena ouvre tous les tiroirs et placards qui lui passent sous la main à la recherche de ce maudit rouleau de parchemin dont elle a tant besoin. Elle qui est pourtant si ordonnée n’en revient pas d’avoir perdu un papier de cette importance. Est-ce qu’Amaury a pu le déplacer lorsqu’elle n’était pas là ? Le ranger au mauvais endroit en pensant bien faire ? Pourquoi est-ce qu’il n’a pas attendu qu’elle rentre pour lui demander ? Par Turan, ce que ça l’insupporte lorsqu’il fait ça ! Cela prouve sans doute qu’il a bon fond et veut donner un coup de main, mais ça a surtout tendance à rendre dingue son épouse qui aime que tout soit à la bonne place. Il lui a déjà fait remarquer que, lorsqu’ils auront des enfants, elle ne pourra pas être autant attachée au rangement de leur demeure qu’elle l’est aujourd’hui – et s’il a sans doute raison, elle a tout de même préféré ignorer sa remarque. Bien sûr qu’elle compte un jour avoir des enfants avec lui, mais pour l’instant ce n’est pas sa priorité. Avant de s’infliger une grossesse qui la pénalisera forcément dans sa carrière, elle voudrait s’assurer d’avoir un poste stable au Ministère. Un poste qui en vaille la peine. Ce qu’Amaury comprend et entend, évidemment – c’est pour ça qu’elle l’aime, affirme-t-elle toujours.

Selena ne réfléchit pas vraiment lorsqu’elle ouvre la table de chevet de son époux, comptant la refermer dès l’instant où elle n’y trouvera pas l’objet de sa quête. Pourtant, alors qu’elle s’apprête à le faire, quelque chose attire son regard. Un nom. Un nom inscrit sur un carnet, posé juste là, loin de tout soupçon tant qu’il est à l’abri dans le tiroir clos – mais à cet instant précis, il ne l’est pas, et les doigts de la sang-pur s’en emparent pour l’examiner de plus près. Un nom qui n’est ni le sien, ni celui d’Amaury, mais un nom qu’elle connaît quand même. Un nom qui la rend nauséeuse dès qu’elle comprend. Qu’est-ce que le carnet de cette sale sang-de-bourbe qui sert de collègue à son époux fait dans la table de chevet de son mari ? Oh, Selena n’a pas besoin de plus pour comprendre le petit manège qui lui a échappé pendant peut-être des mois. Et la fureur n’a pas besoin de plus pour s’infiltrer dans ses veines et la brûler comme le pire des poisons, laissant même un goût amer dans sa bouche.

Le meurtre, Selena y a déjà songé avant, pour être honnête. Pour obtenir l'argent à son seul nom plus rapidement, pour ne plus avoir un boulet dans les pattes, pour peut-être viser un plus gros poisson ensuite. Mais elle s’était jusque-là convaincue qu’Amaury lui était plus utile vivant que mort. À cet instant précis, lorsque ses ongles parfaitement manucurés broient la couverture du carnet où est inscrit son nom à elle, à cette impure, son égo prend la décision à sa place : cette ordure doit payer pour cet affront. Et il le paiera de sa vie, ni plus ni moins.

Ce matin, Selena s’est levée bien avant son mari. Si les battements intenses de son cœur pourraient trahir une certaine appréhension face à ce qu’elle a prévu de faire aujourd’hui, en réalité ils veulent simplement hurler sa colère qui ne s’est pas calmée depuis sa découverte. Le goût amer de la trahison n’a pas quitté sa langue : elle a été dupée, roulée dans la boue et humiliée, elle réclame vengeance. À son réveil, Amaury a pourtant la joie de constater que c’est un bon jour : sa merveilleuse épouse lui prépare elle-même un charmant petit-déjeuner et le lui sert avec un sourire bien matinal. Tout semble parfait. Parfait jusqu’à ce que vienne l’heure de partir au travail, mais qu’elle l’appelle dans la cuisine. Oh, il aurait dû se méfier sans doute. Mais comment se méfier de la personne qui partage sa vie depuis plus d’un an, hm ? Selena, elle, ne s'en est pas méfiée. Elle le regrette amèrement à présent. Et elle va le lui faire payer.

Il est là, dans la cuisine, face à elle. Il a l’air tellement heureux, repu par ce petit-déjeuner maison, tellement naïf. « Comment tu as osé me faire ça ? » qu’elle demande de but en blanc, sans pour autant élever le ton. Elle est calme, Selena, et c’est peut-être ce qui rend ça plus inquiétant encore. « De quoi tu parles, Sally ? » À cet instant, elle a envie de lui arracher les yeux. Comment ose-t-il prétendre qu’il ne sait pas de quoi elle parle ? « Ne m’appelle pas Sally, » rétorque-t-elle d’une voix terriblement froide avant de faire venir à elle, d’un geste de sa baguette, la preuve de son ignoble trahison. D’un geste sec, elle l’ouvre, sans pour autant détacher son regard de son époux. « Tu veux que je te lise ce que cette agaçante petite impure névrosée a écrit pour que tu reconnaisses sa plume ? » qu’elle demande, masquant à merveille sa colère qui pourtant brûle chaque pore de sa peau. Et c’est là qu’il comprend : ses yeux s’écarquillent, il pâlit un peu et son regard devient inquiet, alternant entre le carnet et le visage si neutre de son épouse. Sans doute se sent-il bien idiot à présent, et il fait bien. « C’était une erreu- » Elle ne prend pas la peine d’écouter ses excuses vides de sens, l’interrompt même. « Depuis combien de temps ? » L’ongle de son index tapote avec un rythme régulier la couverture du carnet toujours entre ses doigts, mais son regard darde toujours avec autant d’insistance son mari. « Pas longtemps, je te le jure. » Il peut jurer tout ce qu’il veut, ça n’a plus aucune importance. Le boulet accroché à ses pieds est devenu bien pire que ça à présent.  À cause de lui, elle a été l’idiote femme de dont on se moque car des cornes lui poussent sans qu’elle le sache. Avec un peu de chance, il dit vrai et son adultère est trop récent pour que d’autres personnes soient au courant. Mais ça ne change rien à sa sentence. « Je ne la verrai plus jamais, c’était la dernière fois. » Ah ça, elle en est même certaine. Pourtant, dans un signe de réconciliation, la voilà qui fait un pas en avant. Un pas vers lui. « Plus jamais ? » s'enquiert-t-elle d’un air naïf. Il hoche la tête et, lorsqu’il vient pour la prendre dans ses bras, elle se laisse faire. Elle laisse tomber le carnet de l’impure sur le sol. Mais pas sa baguette, qu’elle pointe sur la tempe de son cher mari. « Tu lui diras bonjour de ma part, quand tu la rejoindras en enfer, » murmure-t-elle à son oreille, et les mots provoquent une terreur indicible dans ses yeux qu’elle savoure l’espace d’une seconde.

Selena lance le sortilège impardonnable avant qu’il ait le temps de faire quoi que ce soit. Voir la peur dans ses yeux se transformer en cette docilité molle dont elle a rarement fait usage depuis Poudlard a quelque chose de jouissif. Comme à l’époque, la voilà qui donne et pense les instructions à suivre. Comme tous les matins, Amaury partira travailler aujourd’hui. Il n’arrivera simplement jamais au travail : le pauvre mourra dans un accident et laissera derrière lui sa veuve éplorée qui, bien sûr, brûlera le carnet compromettant de la maîtresse impure. Elle pleurera lorsqu’un agent viendra lui annoncer la triste nouvelle à la porte de leur domicile. Elle sanglotera encore lorsqu’elle devra l’annoncer à sa mère ou aux parents du sang-pur. Elle écrira une lettre d’une main tremblante à son frère pour lui faire part de la triste nouvelle. Elle hoquètera lorsqu’il s’agira de choisir les conditions de l’enterrement de son défunt époux. Oh, il lui manque déjà… Comment ce tragique accident a osé lui arracher son mari adoré ?

Installée dans un lit de l’infirmerie, tu essaies tant bien que mal de tenir ton livre ouvert et d’en tourner les pages d’une seule main. C’est loin d’être aisé, mais tu refuses que ce séjour ici te fasse prendre du retard sur tes révisions. L’examen d’Histoire de la Magie approche et tu n’as sûrement pas le temps de poireauter inutilement sur ce matelas trop fin. Alors tu lis, tu lis et tu ingurgites ces connaissances avec lesquelles certains de tes camarades ont été bercés – ça n’a pas été ton cas, mais ça ne t’empêchera pas d’obtenir une meilleure note qu’eux à ce devoir. Ce qui stoppe ta lecture, ce n’est même pas la galère phénoménale que représente chaque nouvelle page à tourner mais l’apparition de l’infirmier qui te tend une potion que tu ne connais que trop bien. « Merci. » Avant même de la boire, tu sais déjà que le goût sera atroce, raison pour laquelle tu t’interdis de respirer en ingurgitant le breuvage. C’est quand même fou qu’une potion qui répare les os soit plus mauvaise qu’une potion qui les brise, les sorciers font tout à l’envers. « Tu devrais faire plus attention lorsque tu t’entraînes seule. Tu aurais pu tomber sur la tête. » Tu sens à sa voix que son inquiétude est sincère, ne se doutant pas un seul instant que cet accident de balai n’est qu’un mensonge t’offrant une excuse parfaite pour arriver à l’infirmerie avec un bras bien mal en point. « Je ferai plus attention, promis, » assures-tu tout de même, avec un sourire et un léger hochement de tête. Tu veilleras surtout à encore plus éviter Alecto qu’avant. Si la plupart des Serpentards ont finalement décidé de te laisser tranquille, sans doute grâce aux bons points que tu rapportes sans cesse à votre maison grâce à tes réponses en classe mais aussi à tes performances d’attrapeuse depuis l’année dernière, ce n’est pas le cas de la Carrow. Non contente de t’avoir traumatisée dès ta première année, elle est revenue à la charge aujourd’hui avec une nouvelle idée : faire de toi sa cobaye pour tester une potion qu’elle a sorti de tu-ne-sais-où. Son origine t’intéressait bien moins que ses effets, mais tu n’as eu le droit à aucune de ces deux informations lorsqu’elle t’a forcée à en boire. Néanmoins, tu as vite fait de déterminer la seconde par toi-même. Ta chance – si on peut l’appeler ainsi – a été que le breuvage ne brise pas tous les os de ton corps. Tu te serais bien passée, cependant, que ce soit un os aussi utile que le radius droit qui en soit la victime. Cela n’a pas empêché la mégère, non contente de t’en avoir fait voir de toutes les couleurs pour les biais de son expérience, de te menacer de s’occuper du second si tu touchais ne serait-ce qu’un mot de votre mésaventure à quiconque. C’est pour ça que tu as menti.

L’infirmier repart et tu reprends ta lecture. Après quelques pages, tu sens de nouveau un regard sur toi et relève la tête. Cette fois, c’est une fille installée sur un autre lit de l’infirmerie qui te fixe. « Quidditch ? » « Hm hm, » confirmes-tu en hochant la tête. Même si l’infirmier n’est plus là, tu t’en tiens à ton mensonge. Sait-on jamais si cette élève va tout rapporter à Alecto. « Et toi ? » Tu ne sais pas combien de temps vous avez parlé suite à ça, mais suffisamment longtemps pour que tu aies effectivement un retard de révision imprévu. Pourtant, une partie de toi se dit que c’était chouette, cet instant hors du temps passé à bavarder. Tu avais l’impression que vous étiez dans une bulle de tranquillité qui n’appartenait qu’à vous, et c’était agréable. Tellement agréable que, une fois vos convalescences finies, tu t’es mise à te demander si vous pourriez vous croisez plus souvent. Parce qu’il n’y avait pas que cette bulle. Il y a aussi eu cette douce chaleur qui est née au niveau de ta poitrine à force de lui parler, l’odeur de son parfum dont tu te souviens encore, ses yeux dans lesquels tu avais l’impression de te noyer. Et ça a continué après l’infirmerie. Les battements de ton cœur qui se sont accélérés, cette fois où tu l’as croisée dans le couloir. L’impression d’en rater un lorsque tu l’as reconnue dans les gradins pendant un match de Quidditch. L’envie de la voir bien plus que n’importe qui d’autre à Poudlard. Au fond de toi, tu commences à comprendre ce qu’il se passe. Mais autour de toi, tu ne vois que des garçons qui tiennent les mains des filles, que des garçons qui embrassent des filles. Alors tu te dis que tu te fais des idées et tu essaies d’oublier, parce que tout ça n'a sans doute lieu que dans ta tête. C'est idiot, et puis de toute façon tu n’as pas le temps pour ça. La vie reprend son cours comme si cette interlude magique n’avait jamais existé, mais elle semble toujours logée dans un coin de ton esprit.