Cela faisait bien longtemps que Selena n'avait pas tant pleuré. Laisser ses émotions s'exprimer n'est pas dans ses habitudes : elle a plutôt tendance à les enfouir pour garder le contrôle, faisant apparaître uniquement ce qu'elle souhaite au reste du monde, et surtout à ne jamais montrer la moindre faiblesse. Car à ses yeux, pleurer en est une : c'est exposer aux autres sa vulnérabilité. Et puisqu'elle refuse d'être vulnérable, cela lui semble tout bonnement inconcevable de se laisser aller aux larmes en public. Et même chez elle, lorsqu'il n'y a que les murs de sa maison trop grande pour sa seule personne qui peuvent la juger, il est rare qu'elle se mette à pleurer. Conditionnée par cette mauvaise perception qu'elle a d'un tel étalage d'émotions, elle a fini par se convaincre que cela ne pouvait rien lui apporter de bon et ériger de solides barrières dans son esprit pour s'en empêcher.
Pourtant, lorsqu'elle est rentrée chez elle hier, toutes ses barrières se sont écroulées. Une à une, elles ont été brisée par la perspective terrifiante d'être revenue à la case départ alors que son frère n'avait plus de fiancée et était passé sous la coupe des Goyle, tandis que leur mère ne faisait que subir tout ce qui se passait depuis des semaines – des années, en réalité. Au milieu de ce chaos typique des Yaxley, ses fiançailles semblaient être le point positif de cette année 1980. Elles lui promettaient un nom puissant et de belles opportunités au Ministère, sans parler d'un certain pécule sur lequel elle ne crachait pas malgré l'argent qui lui restait de son défunt époux. Elles auraient pu assurer à sa branche des Yaxley, si ce n'est un retour dans les bonnes grâces au sein de la communauté des sangs-purs, au moins une plus grande aisance et une amélioration de leur réputation. Toutes ces perspectives qu'Adriel a détruites en un claquement de doigts, brisant leurs fiançailles pour lesquelles la jeune sang-pur s'était tant battue sous ses airs de peste qui obtient tout d'un battement de cils. Comment allait-elle expliquer cela à Mère ? À n'en douter, Orpheus se réjouirait qu'elle ne soit plus unie à un homme qu'il exécrait tant, mais c'est parce qu'il n'a pas conscience des enjeux que cette alliance impliquait. Au statut de veuve de Selena s'ajoutent des fiançailles brisées qui ne vont pas aider sa réputation. Et l'idée de devoir recommencer à zéro avec ce nouveau boulet aux pieds l'a anéantie plus que de raison lorsqu'elle a franchi le seuil de sa porte et s'est mise à pleurer, seule dans son salon.
Une nuit s'est écoulée mais l'estomac de Selena est toujours alourdie de plusieurs kilos de métal. Elle a bien du mal à digérer la nouvelle, pourtant elle refuse de se morfondre pour un imbécile comme Adriel. Et si aujourd'hui elle utilise bien plus de sortilèges que d'habitude pour couvrir ses cernes, cela ne l'empêche pas de se rendre au travail et de faire comme si de rien n'était. Elle refuse que qui que ce soit lui demande ce qui lui est arrivé, cachant les poches sous ses yeux de plusieurs coups de baguette et arborant son plus beau – et faux – sourire toute la journée. Une journée qu'elle passe à cogiter, incapable de laisser les choses se passer ainsi. Si Adriel manque sans surprise de raison et n'est qu'un morveux capricieux car trop gâté, elle connaît un Mulciber bien plus sage que lui : son père.
C'est pour cela que, la fin de journée venue, c'est devant la demeure du patriarche et de son épouse que la blonde se rend. Elle inspire profondément avant d'y toquer, alors accueillie par l'elfe de maison à qui elle donne son nom et affirme être venue pour le père de famille. Elle a hésité à venir discuter avec lui dans son bureau, mais des affaires si privées doivent plutôt être discutées en dehors du Ministère, n'est-ce pas ? « Bonsoir. » Elle le salue et lui offre un sourire poli lorsqu'il se trouve finalement en face d'elle. « J'espère que je ne vous dérange pas. Est-ce que vous auriez un peu de votre temps à m'accorder pour une discussion ? » Elle ne mentionne pas encore que cela concerne Adriel, n'ayant pas envie d'être déjà mise à la porte s'il s'avère que le patriarche Mulciber a réellement approuvé la décision de son fils – ce qu'elle ne veut pas croire, bien entendu.
Tu as su, évidemment que tu as fini par le savoir, que ton fils a encore brisé les fiançailles que tu as eu du mal à conclure à sa place simplement parce que ton fils se trouve être à la fois têtu mais aussi terriblement capricieux. Tu as su et tu n'as pas eu le temps d'envoyer un hibou à la principale concernée, surtout parce que tu travailles énormément et qu'avec la fin de l'année, tu dois mettre les bilans au propre et assurer les derniers rassemblement avec le magenmagot, ainsi tu n'as pas eu le temps de t'excuser auprès de Selena Yaxley pour le comportement de ton héritier. Pas le temps et pas envie, non plus... Une chose que tu ne diras pas ouvertement mais c'est la vérité, tu n'as pas eu envie de la contacter simplement parce que tu te sens agacé une nouvelle fois par Adriel. Même si vous vous êtes rapprochés ces dernières semaines et que tu es satisfait de voir votre relation devenir plus mature et tranquille, tu es agacé de voir qu'il se comporte encore ainsi et qu'il brise ses fiançailles que tu peines à mener. Notamment parce que ton fils a commencé à se faire une mauvaise réputation qui fait fuir les filles de bonne famille. Vas-tu finir par le caser ? Tu en doutes. Et cela voudrait dire que Castiel, ton neveu, est tout indiqué pour reprendre la lignée familiale et pour le moment tu ne veux pas cela, tu aimerais que ce soit Adriel l'héritier tout désigné mais il s'évertue à te faire t'arracher les cheveux. A ce rythme là tu vas finir chauve et ce sera sa faute.
Ainsi tu as fait l'autruche ces derniers jours, jusqu'à rentrer chez toi ce soir pour t'enfermer dans ton bureau avec un plateau repas et de quoi travailler pour le reste de la soirée. Ce n'est pas comme si ta femme et toi vous vous aimiez au point de vous parler avec plaisir n'est-ce pas ? Helen s'évertue à te faire la tête alors étant donné que tu fuis le conflit, tu préfères aller finir tes dossiers dans ton coin plutôt que de risquer une dispute, encore. Tu n'as pas envie d'entendre crier, moins encore les piques qu'elle peut te balancer car la garce sait mordre aussi fort qu'un lion quand elle est vexée. Et ta femme est constamment vexé alors tu ne devrais pas t'en inquiéter, si ce n'est que tu n'es pas d'humeur ces derniers temps. Pour ainsi dire tu ne l'es jamais, ce qui ne change pas de d'habitude.
Alors que tu termines un de tes dossiers, c'est ton elfe de maison qui vient t'informer que quelqu'un est là pour toi et tu fronces les sourcils, surpris car tu n'attendais personne. Mais alors que tu te lèves pour rejoindre le lieu où ton invité a été installé, tu comprends mieux pourquoi ton elfe ne t'a pas donné son identité, tu lui as bien demandé de ne rien te rapporter sur Adriel et ton elfe, aussi loyal que possible, assure tes ordres à la lettre. « Mademoiselle Yaxley, bien-sûr que j'ai du temps pour vous. Suivez moi. » Dis-tu en lui faisant un signe de la tête pour la saluer. Après tout tu peux bien lui accorder une entrevue n'est-ce pas ? C'est le minimum après des fiançailles brisées. « Floki, sers nous des boissons et de quoi grignoter dans le salon des invités, merci. » L'elfe part aussitôt alors que tu mènes celle qui aurait dû être ta belle fille, jusqu'au salon en question. Et tu lui fais signe de t'installer quand vous arrivez. « Je vous en pries, installez vous. Comment allez-vous ? J'ai appris pour les fiançailles, je suis désolé. Je voulais vous écrire mais je croule sous les dossiers. » Sourire sincère et désolé sur le visage, tu finis par prendre place dans un fauteuil non loin d'elle. « Il va sans dire que je vous aiderais au ministère, qu'importe l'attitude déplorable de mon fils. » Mais Adriel reste ton fils, pour le meilleur et pour le pire.
Debout devant la porte du manoir Mulciber, Selena inspire profondément afin de rester concentrée et de ne pas laisser transparaître tout ce qui l'attriste et l'enrage. Elle a passé la journée avec un sourire absolument faux sur le visage, refusant que le moindre collègue lui demande ce qui lui arrive, ses cernes camouflées par quelques sorts afin de se donner meilleure mine. Elle ne se laisse pas abattre, refusant d'être comme sa mère qui semble de moins en moins capable de se relever, de garder la tête haute, de prendre la moindre décision qu'on ne lui soufflerait pas à l'oreille. Elle ne veut pas être comme elle, elle se bat chaque jour pour que ce ne soit pas le cas. Pourtant chaque projet qui tombe à l'eau, chaque départ imprévu, chaque alliance qui se brise, la pousse un peu plus vers le bord du précipice d'où sa mère semble avoir chuté. Parfois cet appel du vide la terrifie, elle et ses rêves de grandeur, ses envies de plus, son ambition hurlante. Parfois le vide l'appelle et elle a peur, peur de devenir une ombre qui ne lutte plus pour être au sommet comme elle l'a toujours fait, peur de ne pas y arriver et de se sentir tomber.
Depuis hier elle ne pense qu'à ça, qu'à Adriel, qu'à leur mariage qui n'aura pas lieu à cause de lui. Ce n'est pas son cœur qu'il a brisé en mettant un terme à leurs fiançailles, mais ses espoirs de redorer un jour le blason des siens. Car c'est ce qui importe le plus pour la jeune femme : sa famille, les Yaxley, et leur place dans la société des sangs-purs qu'ils mérite de retrouver. Bien loin des conceptions amoureuses idiotes de beaucoup de sorciers et sorcières de son âge, elle ne raisonne que par ce prisme, obsédée par cette idée au point d'avoir passé la soirée à pleurer en apprenant que ses efforts auprès des Mulciber ont été réduits à néant par son crétin d'ex-fiancé arrogant.
Refusant de baisser les bras si facilement, c'est devant le manoir de ses parents qu'elle se trouve à présent, signalant sa présence de quelques coups réguliers contre la porte massive des lieux. Sans surprise, c'est un elfe de maison qui l'accueille puis va prévenir son maître de sa visite. Saluant poliment le patriarche, elle espère ne pas le déranger mais, surtout, souhaiterait un peu de son temps pour discuter. Même s'il sait sans doute déjà de quoi elle désire lui parler, elle ne prononce pas le prénom du fautif, comme si elle craignait que son père prenne son parti et refuse de s'entretenir avec elle pour cette raison. « Mademoiselle Yaxley, bien-sûr que j'ai du temps pour vous. Suivez moi. » Intérieurement, c'est comme si elle soupirait de soulagement à cette réponse. Elle ne sait pas ce que donnera cette discussion mais au moins il y en aura une, et venant des Mulciber elle commence à comprendre qu'il faut parfois se contenter de peu – ce qui désole son ambition dévorante, évidemment. « Floki, sers nous des boissons et de quoi grignoter dans le salon des invités, merci. » Suivant le père de famille jusqu'au dit salon, la blonde s'installe ensuite élégamment sur l'un des fauteuils qui s'y trouvent lorsqu'il le lui indique. « Je vous en pries, installez vous. Comment allez-vous ? J'ai appris pour les fiançailles, je suis désolé. Je voulais vous écrire mais je croule sous les dossiers. » Face à son sourire qui semble sincèrement désolé, elle incline légèrement la tête en avant comme pour signifier que ce n'est rien. Pourtant ce n'était pas rien, pour elle, mais il vaut mieux le prétendre que reconnaître que depuis hier elle se sent plus bas que terre. Tout est une question d'apparence et de fierté, comme toujours. « Ce n'est pas grave, je comprends. » Elle ne doute pas qu'il ait du travail, même si elle imaginait que son investissement pour trouver une fiancée à son fils signifiait aussi qu'il le faisait passer en priorité. Elle a fait fausse route, de ce fait bien contente d'être venue solliciter cet entretien qu'elle n'aurait peut-être jamais eu sinon. « Il va sans dire que je vous aiderais au ministère, qu'importe l'attitude déplorable de mon fils. » La jeune femme sourit, ravie de l'entendre et de se sentir un peu moins seule et perdue face à cette rupture. « Merci beaucoup. » Il n'a jamais été question d'amour de toute façon : c'était un échange de bons procédés, une union utile pour chacun des partis. C'est quelque chose qu'Adriel n'a pas pu comprendre, semble-t-il. « Est-ce qu'Adriel vous a dit ce qui motivait sa décision ? » Elle demande, avant d'ajouter aussitôt, parce qu'elle ne voudrait pas paraître mal élevée. « Je suis désolée si ça ne me regarde pas, peut-être que cela ne doit pas quitter vos discussions père-fils, mais j'essaie de comprendre ce qu'il s'est passé. » Vu le personnage, elle ne serait pas étonné que le sang-pur ait simplement eu cette idée idiote en se cognant un orteil contre la table basse de son père et ait voulu se venger en ruinant ainsi leur projet commun. « Je sais que notre relation n'a pas commencé sur les meilleures bases mais j'avais l'impression qu'elle s'améliorait, d'où mon désarroi face à cette décision. » La voix de la jeune femme reste calme, constante, parce qu'il ne serait pas de bon goût de faire montre de la tempête qu'elle ressent intérieurement depuis hier et qu'elle-même ne saurait décrire convenablement.
Tu te retrouves devant elle et pendant une seconde, tu ne sais quoi dire. Si ce n'est que tu es désolé pour les faux espoirs, pour avoir un fils aussi idiot parfois, un gamin si capricieux qu'il ne se rend pas compte que le temps tourne, qu'il a besoin d'assurer la pérennité des Mulciber avec un ou deux fils... Et que si il n'est pas enchanté par cela alors tu ne l'étais pas non plus mais pour l'honneur des tiens, pour ton nom, la magie alors tu t'es plié à ce qu'on attendait de toi, aussi simplement que cela. Tu n'avais pas le choix, c'était ainsi au risque de voir ton nom disparaître et heureusement sinon de nos jours, il ne resterait qu'une couronne sur la tête de ton neveu et tu es certain qu'il n'en a pas la force. Elle est lourde cette couronne, ça fait longtemps que vos ennemis veulent voir les Mulciber tomber et il ne faudra pas longtemps pour qu'ils prennent tout ce que vous avez essayé de construire. Toi même tu tentes vainement de créer un avenir serein pour ton fils mais il n'en veut pas, tu ne peux pas indéfiniment lui taper dessus... Pas alors que ça ne sert à rien, c'est si contre-productif. Lui parler, lui hurler dessus, ne rien dire, si seulement tu avais la solution miracle mais tu ne l'as pas, tu dois le regarder faire n'importe quoi en priant pour qu'il se calme un jour et tombe enfin sur la bonne... Sauf que la patience n'est pas non plus ton fort, ça ne l'a jamais été et tu commences justement à t'impatienter du caractère de ton héritier.
Alors tu es là devant elle, le sourire désolé sur les lèvres et l'esprit vide de quelques paroles réconfortantes. Tu peux au moins lui offrir une tasse de thé, l'écouter et bien évidemment respecter votre accord car après tout elle a fait de son mieux c'est certain, sinon elle n'aurait pas la mine si basse et le sentiment si violent, d'avoir échoué alors que justement elle aurait dû réussir. Inutile de la punir plus que ça et puis c'est toujours utile d'avoir des amis, des alliés dans les sang-purs. Et un Mulciber accompagné marche toujours plus loin. La question fatale vient entre vous et tu soupires, heureusement le moment est coupé par l'elfe de maison qui revient avec le thé, les quelques biscuits et de quoi vous régaler. Car au moins si elle n'a pas la bague au doigt, elle peut se vanter d'avoir bien goûter chez vous n'est-ce pas ? « Honnêtement ? Non, je n'en sais rien. » Parce que tu n'as pas encore vu ton fils et qu'après cet entretien tu vas sans doute rectifier cela. Après tout tu n'étais pas certain de te retenir de monter dans les tours alors tu as préféré faire l'autruche plutôt que de déclencher encore une énième dispute qui ne sert à rien, qui ne va nulle part si ce n'est à l'opposé de ce que tu prépares.
« Non je n'ai pas de secret. » Pas concernant cette histoire. « Mais malheureusement je n'ai rien de plus à vous avouer. Tout comme lorsque j'ai annoncé vos fiançailles, il m'a signalé qu'il n'était pas amoureux de vous et qu'il refusait cette union. Je pense que cela n'a pas changé et qu'il a trouvé une excuse valable, selon lui, pour envoyer au feu notre accord. » Et parce qu'un mariage convenable entre les sang-purs, surtout quand l'un des deux partis est si rebelle, c'est aussi faire passer ses envies en second. Ce que Adriel ne sait pas faire, vous l'avez certainement bien mal élevé en réalité. Et tu déplores de le voir ainsi, aussi peu enclin à être seulement mature. « Je ne comprends pas comment cet enfant peut-être si puriste et en même temps si opposé aux unions arrangées. » Dis-tu en une réflexion qui n'attend pas de réponse, à la fois pour toi même mais aussi parce que la chose t'étonne réellement. « Oui, je me doute que vous avez été surprise. Comment étaient vos derniers échanges ? Cela s'est bien passé ? » Au moins tu peux chercher une solution ou une excuse même si tu doutes qu'il accepte même l'idée de revenir sur sa décision, ton fils est malheureusement têtu.
Selena Yaxley
Puriste
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Sujet: Re: Rupture douloureuse ♦ Bartholomew & Selena Dim 20 Oct - 2:16
Le sentiment d'échec que Selena ressent depuis que ses fiançailles ont été cruellement brisées par Adriel est violent, douloureux, corrosif. Bien sûr elle est triste de voir ses projets d'avenir s'écrouler ainsi tels des dominos, mais elle est aussi en colère contre ce gamin capricieux qui semble incapable du moindre compromis. Elle était tellement persuadée que leur union pourrait fonctionner, qu'iels pourraient trouver un terrain d'entente... Mais lui n'était pas de cet avis, et il a jeté à la poubelle tout son travail et ses espoirs sans la moindre considération. Égoïste qui se moque de sa réputation, il ne réalise pas à quel point sa décision affecte celle de son ex-fiancée qui est déjà bien souvent considérée comme une veuve noire – à tort, clame-t-elle encore et toujours. Ce n'était pas un mariage d'amour, bien sûr, parce qu'elle n'a que faire de ce sentiment futile bon pour celles et ceux qui ont la tête dans les nuages. Selena elle ne parle pas d'amour : elle discute affaire, alliance, compromis. C'est ainsi que le patriarche Mulciber et elle avaient convenu de ces fiançailles, parce que chacun·e y trouvait un grand intérêt, bien plus important que les sentiments amoureux qui ne naîtraient sans doute jamais entre Adriel et elle. C'est secondaire, l'amour, lorsque l'argent, la réputation et le pouvoir sont en jeu, la Yaxley en est profondément convaincue.
Donner une seule raison à sa visite aujourd'hui serait impossible. Elle veut comprendre ce qu'il s'est passé, bien sûr, supposant qu'après le principal concerné le patriarche est le mieux placé pour l'y aider. Peut-être qu'il subsiste aussi en elle un maigre espoir qu'il puisse arranger les choses avec son ex-fiancé – il est son père, après tout. Sans nul doute, la blonde a aussi et surtout besoin d'être rassurée sur son avenir. Il lui faut connaître l'ampleur des dégâts provoqués par Adriel en piétinant leurs fiançailles et le futur qu'elles devaient assurer à la Yaxley pour mieux s'y adapter, même si pour l'instant cette idée la terrifie. Elle a l'impression d'avoir été jetée à l'eau et de devoir remonter seule jusqu'à la surface, espérant trouver chez le chef de famille un soutien dans cette tempête. Après tout, le mariage qu'iels avaient prévu n'était rien de plus qu'un arrangement, un échange de bons procédés, aussi est-elle immensément rassurée d'apprendre qu'il ne disparaît pas à cause du caprice de l'héritier Mulciber. Un caprice que la blonde essaie de comprendre, frustrée par cette fin abrupte alors qu'elle faisait des efforts pour ne pas étriper son fiancé à chaque fois qu'elle le voyait. « Honnêtement ? Non, je n'en sais rien. » Elle a cru comprendre, en discutant avec Adriel et ses quelques grammes d'alcool dans le sang, qu'ils n'étaient de toute façon pas très proches et que le jeune homme faisait tout pour lui taper sur les nerfs – il le lui a dit on-ne-peut-plus explicitement. « Non je n'ai pas de secret. » Elle espérait pourtant qu'il en sache un peu plus qu'elle, peut-être même qu'Adriel lui en ait parlé, lui ait confié ce qui l'a poussé à prendre cette décision si radicale. Elle sait qu'il n'a jamais voulu de ses fiançailles, mais elle en est à s'imaginer que quelque chose a pu lui provoquer un soudain déclic. « Mais malheureusement je n'ai rien de plus à vous avouer. Tout comme lorsque j'ai annoncé vos fiançailles, il m'a signalé qu'il n'était pas amoureux de vous et qu'il refusait cette union. Je pense que cela n'a pas changé et qu'il a trouvé une excuse valable, selon lui, pour envoyer au feu notre accord. » Un léger soupir lui échappe à la mention d'une excuse valable car elle est persuadée qu'il aurait pu utiliser n'importe quoi pour cela. Ça la désole, de constater que tous ses efforts de ces derniers mois, que ce soit pour conclure cet accord avec le patriarche ou pour supporter l'insupportable héritier, aient ainsi été réduits à néant. « Je ne comprends pas comment cet enfant peut-être si puriste et en même temps si opposé aux unions arrangées. » « Il n'a pas non plus l'air de croire au grand amour, qui plus est, » commente-t-elle parce que durant chacune de leurs discussions, aussi tendues soient-elles, il n'a jamais mentionné cela. Il n'a jamais dit qu'il attendait la bonne ou qu'il ne voulait épouser que la femme de sa vie, si tant est que ces concepts idiots existent. Non, Adriel ne parle que de provoquer son monde, de fréquenter des traînées, de haïr tout ce qui constitue le mariage. Il n'est jamais question d'amour, seulement de refuser tout ce qui va avec son nom, son statut d'héritier, sa famille... Et Selena trouve ça ingrat, ni plus ni moins. Elle qui espérait que les choses se soient amélioré, la réalisation a été brutale et a toujours un goût amer sur sa langue. « Oui, je me doute que vous avez été surprise. Comment étaient vos derniers échanges ? Cela s'est bien passé ? » « Je ne vais pas prétendre que c'était l'amour fou, mais j'avais l'impression que nous nous entendions mieux. » Il faut dire qu'iels partaient de tellement loin... « Il paraissait moins en colère. » Mais peut-être a-t-elle seulement imaginé ce calme difficilement acquis, répercutant sur lui ses propres tentatives de faire un pas en avant pour que cela fonctionne. Peut-être que cela n'a jamais été son intention, mais qu'elle était trop concentrée sur son propre travail sur elle-même pour se rendre compte que ses efforts n'étaient pas réciproques. « Est-ce que vous pensez qu'il y a une chance qu'il revienne sur sa décision ? » finit-elle par demander, son regard croisant alors celui du patriarche. Adriel est têtu et elle le sait pertinemment, partagée entre son désir d'honnêteté et son envie qu'il réponde simplement oui en lui assurant qu'il fera tout pour que ce soit le cas.