La pie et la Colombe (CoFi)

Pour Finn O’Neill, il n’y a rien de plus plaisant qu’une farce réussie. Peut-être éventuellement la sensation de liberté qu’il pouvait éprouver sur un balai, mais les deux choses n’avaient rien de comparable aux yeux du jeune homme et il aurait fallu deux échelles de valeurs sur lesquelles ces deux disciplines se trouveraient évidemment au sommet.

C’était après l’une de ces farces, ayant transformé le couloir de la salle commune des Serpentard en marécage, que le Rouge et Or s’était retrouvé à déambuler dans un couloir assez mal éclairé. Loin de lui l’envie de fuir le lieu de son méfait, il avait déjà pu rire aux éclats en voyant quelques serpents s’empêtrer dans la boue, sans parler de celui qui avait glissé jusqu’à s’y étaler, mais ces derniers avaient promis de le lui faire payer dès lors qu’ils auraient réussi à le choper. Encore fallait-il qu’ils arrivent à se sortir du bourbier, ce qui avait donné au lion assez de longueur d’avance pour se perdre dans les méandres du château.

Certains couloirs de l’illustre bâtisse n’étaient pas particulièrement bien isolés, et c’était le cas de la zone dans laquelle le jeune homme avait attéri. Le vent d’automne s’infiltrait à travers les interstices des carreaux, mugissant comme aurait pu le faire une âme en peine, et charriait avec lui quelques feuilles mortes et pages de cours que les élèves inconscients n’avaient pas suffisamment bien retenues. Ce fût néanmoins une plume, qui avait attiré le regard de l’Irlandais, car elle dénotait par ses jolies teintes, rappelant celle de quelques oiseaux de proie. Du moins… jusqu’à ce qu’un point lumineux ne l’éblouisse à quelques pas de là. Finn ferma un oeil, ses lèvres se déformant d’un subtile mélange entre le sourire et la grimace, alors qu’il cherchait à identifier l’origine de toute cette lumière. Cette dernière ne se fit guère attendre, aussi surprise qu’il avait pu l’être. Il s’agissait de l’une des nouvelles arrivantes de l’étranger, qui plus est dans leur promotion. Une jolie française à la chevelure de feu et la peau porcelaine, qui n’avait pas manqué d’attirer le regard du joueur de Quidditch. Ainsi c’était elle, l’oiseau qui avait égaré sa plume ?

Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme, de ceux qui le caractérisaient tant avec ce subtile mélange de malice et d’enjouement, qui faisait qu’on n’était jamais trop certain du sérieux des propos qu’il pouvait avoir.

« Salut Colombe !  Le vent l’a emportée par là-bas, ta plume. » fit-il en désignant une direction au delà de sa propre position.

Si elle se dépêchait, peut-être pourrait-elle la trouver avant qu’elle ne s’égare dans le dédale des couloirs. Aussi pencha-t-il la tête de côté.

« T’as besoin d’un coup de main ? »

Après tout, il était suffisamment loin des Verts et Argent pour se permettre d’aider la Poufsouffle.

Quoiqu’on puisse dire de Finn, que c’était qu’un empêcheur de tourner rond, qu’il ne prenait jamais rien au sérieux, ou encore que ce n’était pas le genre de type en qui on pouvait avoir confiance, il pouvait parfois lui arriver de tout simplement être serviable et sans la moindre arrière pensée.
En réalité, il ne s’agissait de rien d’autre qu’un adolescent qui aimait s’amuser, même si c’était régulièrement au dépend des autres. Et il était loin d’avoir mauvais fond… quoique ce point-ci était totalement discutable du point de vue des puristes envers qui ses “petites farces” prenaient souvent une tournure plus vicelarde.

Ce genre de comportement qu’on ne s’attendait pas à voir venant de lui, c’était effectivement plus souvent envers les nouveaux qu’il pouvait les avoir. Et pour cause : ces derniers n’envisageaient pas qu’il puisse ce moquer d’eux par cette simple et honnête proposition. Car c’était bien là l’envers de la pièce : à toujours se moquer de tout, on éveille la méfiance de ses pairs. Et Finn avait appris à vivre avec cet état de fait, ne s’en formalisant pas outre mesure.

Ainsi aida-t-il le bel oiseau dans sa quête du ramage égaré. C’était un silence plutôt paisible qui s’était installé entre eux, ponctué par l’écho de leur pas sur les pierres plusieurs fois centenaires, le sifflement du vent dans les interstices des fenêtres, ou encore la rumeur lointaine des élèves aux autres étages. Mains dans les poches, son habituel sourire malicieux aux lèvres et son regard derrière lequel on pouvait deviner milles idées farfelues, le Gryffondor laissait son attention se porter sur les divers éléments mouvants de leur environnement, à la recherche de la plume aux reflets dorés.

Cette quiétude aurait sans doute pu durer encore quelques minutes, jusqu’à trouver l’objet de leurs recherches, mais fut brisée par quelques éclats de voix. Loin d’inquiéter le Gryffondor, pourtant plus que concerné par les propos, ce dernier arqua un sourcil alors que son sourire se fit plus goguenard à mesure que l’odeur parvenait à leurs narines. Puisque le marécage se trouvait être deux étages plus bas, la déduction était toute trouvée : les Serpentards s’étaient enfin dégagés du marasme dans lequel il les avait plongés.

« Oups ~ »

D’ici quelques instants, il y aurait au bas mots deux Serpentards qui risquaient de leur tomber dessus -à moins que celui-là ne s’amuse à parler seul, ce qui restait improbable. Aussi, malgré ses prédispositions évidentes aux sortilèges de tout genre, Finn n’aimait pas particulièrement se battre lorsqu’il était en mesure de l’éviter. C’était Taylor le bagarreur de leur binôme. Aussi ralentit-il le pas jusqu’à s’arrêter et singer une révérence.

« Jolie Colombe, je vais devoir te laisser là et prendre congé. »

La plume, quant à elle, devrait attendre.
Le regard anthracite glissa vers le couloir d’où provenaient les voix, l’odeur, et à présent les bruits de pas martelant le carrelage. Et mutin devint le sourire de l’insolent Gryffondor.

« Tu peux poursuivre, mais si tu ne veux pas croiser des fangieux énervés je te conseille de rapidement faire demi-tour. »

Goguenard, il l’était, et ne le cachait pas particulièrement. D’un geste, il l’invita à prendre également son envol avant que ça ne dégénère. Lui ne comptait pas attendre davantage, peu friand qu’il était des passages à tabac.

Les pas, les vociférations, et surtout l’odeur se faisaient de plus en plus proches. Et si la situation semblait amuser le lutin farceur qu’était Finn O’Neill, elle ne déclenchait pas moins chez le garçon une montée d’adrénaline. On pouvait dire de lui qu’en bien des manières il pouvait être téméraire, mais pas de là à sagement attendre la confrontation. Surtout lorsqu’il était en large infériorité numérique. Alors, d’une révérence joueuse, il salua la demoiselle à ses côtés pour prendre congé. Elle n’avait pas à subir la colère de quelques Serpentards irrévérencieux et puants.

Sauf que contre toute attente, la belle, tant offusquée qu’amusée, insista pour suivre le farfadet. Le blond arqua un sourcil, ne cherchant même pas à masquer le sourire malicieux qui ornait ses lèvres. Pour ainsi dire, il ne s’était pas attendue à ce qu’une délicate fleur de France s’embarque dans cette aventure, même si c’était juste le temps de trouver une issue de secours lui évitant l’ire des verts et argent.

« Vos désirs sont des ordres, miss, mais je vous invite à presser le pas ! »

Lui saisissant alors le poignet, il l'entraîna à sa suite pour s’éloigner des revanchards. Le pas du Gryffondor était sûr, et son regard -bien que toujours rieur- particulièrement vif scrutait les différents couloirs, choisissant d’en emprunter certains plutôt que d’autres sans que ça ne semble être une décision hasardeuse. Ce château, Finn semblait le connaître comme sa poche.
Et lorsqu’enfin le garçon les estima suffisamment loin de ses détracteurs, il relâcha doucement le poignet qu’il avait emprisonné un temps plus tôt. C’est le moment que choisit le bel oiseau pour le questionner sur la situation, ce qui éveilla une fois de plus l’étincelle de malice dans le regard du blond.

« Pas grand chose, c’est une vieille rengaine entre nous. Disons que j’ai… rendu la sortie de leur salle commune un peu plus complexe. Mais rien de dangereux. »

Il ne s’agissait que d’un marais putride et spongieux après tout, alors à moins que certains ne règlent leurs comptes et en profitent pour en noyer d’autres dans quelques centimètres de fange, idée qui ne venait même pas à l’esprit de Finn, rien de tragique ne pouvait survenir.

Tendant l’oreille, il attrapa soudainement l’avant-bras de la demoiselle pour l’attirer à lui, se plaquant derrière une statue. D’un doigt sur ses lèvres, il l’intima au silence alors que son coeur battait la chamade dans sa poitrine… car si la proximité avec la jolie française avait de quoi intimider, pour l’heure c’était surtout la présence inopinée des Serpentards à quelques mètres de là qui faisait accélérer son palpitant. Pour l’heure, ces derniers ne les avaient pas vu… et avec un peu de chance ils passeraient sans les repérer.