+ CAGE DORÉE + L’être humain est une créature difficile à satisfaire. Il en veut toujours plus, ne se contentant que très rarement de ce qu’il possède déjà. Aux yeux de beaucoup de gens, le petit Leofric Skyler Ollivander n’était pas à plaindre. Résultat de l’union de deux familles nobles, né avec une cuillère dorée dans la bouche, dans la plus grande opulence, le petit prince rêvait pourtant de simplicité. À quoi cela servait-il de vivre dans un immense manoir si ce n’était que pour déambuler dans de longs couloirs vides et silencieux? Oh, il arrivait bien qu’il croise l’un des membres du personnel de service, qui se contentait de le saluer poliment en l’appelant « Monsieur Leofric » ou « Jeune Maître », deux titres qui le faisait grincer des dents.
Il lorgna la porte entrouverte de la chambre de sa grande sœur. La pièce était vide, évidemment. Il savait que papa avait quitté plus tôt avec son cousin, probablement pour aller à l’atelier. Encore une fois, il devait l’avoir «
oublié ». Quant à maman, elle était occupée. Ne surtout pas la déranger, avait-elle dit au déjeuner. Il ne reste plus que le petit frère, mais du haut de ses deux ans, il fait un bien piètre pirate. Si par magie il aurait pu effacer les cinq années qui les séparaient, il n’aurait pas hésité un seul instant. Il savait qu’il devait être patient, qu’il serait un jour le compagnon de jeu idéal et qu’il ferait le parfait second dans son équipage. Pour l’heure, toutefois, il devait encore trouver un moyen de s’occuper seul.
Papa est absent, maman est occupée. Ne serait-ce pas le moment idéal pour explorer les ailes interdites du manoir, comme le ferait Oncle Evarist? L’enfant prit donc la direction des pièces condamnées, celles qui accumulaient la poussière et qui renfermaient des meubles recouverts de grandes bâches blanches, leur donnant des allures de fantômes. Il ouvrit la porte de la première, regardant à droite et à gauche, s’assurant que personne ne le prendrait la main dans le sac. Après avoir fait trois pas dans la pièce, il tourna sur lui-même, frissonnant un peu en sentant un courant d’air froid sur sa nuque. Ses yeux clairs se posèrent sur le lustre couvert de toiles d’araignée abandonnées. Tout dans cette pièce contrastait avec le reste de la somptueuse demeure. Ici, tout était en désordre, tout était sale. Tout était imparfait. Et cela lui plaisait énormément.
Il se recula de quelques pas, sursautant lorsque son dos entra en contact avec des objets entassés contre une silhouette drapée qui semblait être un canapé, faisant tout tomber par terre. Il se retourna, et sans s’en apercevoir, avait la main droite grande ouverte, paume vers le sol. Ce simple geste sembla réveiller un vieux balai, qui se secoua pour se départir des épaisses couches de poussière qui le recouvrait. Et si… Le gamin ne réfléchit pas plus longtemps, s’empara du manche et l’enfourcha. Sans se faire prier, le balai partit comme une fusée en dehors de la pièce, traversant les corridors à grande vitesse, alors que le petit prince esseulé s’agrippait pour ne pas tomber. Il ressentit de la peur pendant quelques secondes, mais bien vite elle fût remplacée par une sensation de pur bonheur qui éclata dans son ventre comme la finale d’un spectacle de feux d’artifice. Le plus grand des sourires étira ses lèvres, et sans même penser aux conséquences, il lâcha un « WOUHOU! » libérateur, rigolant à gorge déployée en évitant de peu les bonnes qui poussaient des cris d’effroi. Et bientôt, c’est sa mère qui venait de sortir à la course du grand salon, son invité sur les talons, qu’il failli percuter.
« LEOFRIC SKYLER OLLIVANDER! REVIENS ICI TOUT DE SUITE! », le somma-t-elle, ses traits trahissant un profond désarroi.
« Je ne peux pas, Mère, je vole! », répondit-il entre deux rires.
Son petit cœur avait des ailes.
+ LIVRES & VALISES + Le premier fils Ollivander avait toujours eu un penchant pour l’aventure. L’inconnu et les mystères qui y étaient associés avaient pour lui un attrait tout particulier, titillant sa grande curiosité et, surtout, sa soif de découverte. Et ce désir ardent de nouveauté était alimenté par nulle autre qu’Evarist Nott, l’oncle qui avait su se frayer une place de choix dans son cœur en manque de chaleur. En visite au manoir Nott, il était toujours des plus enthousiaste lorsqu’il voyait, posés tout près de la porte, une mallette. Ce simple bagage voulait dire qu’un nouveau voyage s’était terminé, et que des nouvelles histoires il allait lui raconter. Leofric était pendu à ses lèvres comme un amateur de vin raffiné, buvant ses paroles, les faisant tournoyer dans sa tête, en savourant toutes les nuances. Certains périples étaient teintés d’horreur et de suspense, d’autres encore étaient légers et rafraîchissants comme une pluie d’été.
Avec Evarist, il y avait certes les récits livrés à l’oral, mais comme le dit si bien le dicton : « Les paroles s’envolent, mais les écrits restent ». Il fait découvrir à son neveu la passion de la lecture, lui montrant que les livres peuvent être une fenêtre sur des mondes fantasques, sur de nouvelles connaissances ou même encore sur différents points de vue. La bibliothèque du manoir Nott devient alors une caverne aux trésors, l’un des endroits où le gamin aime se réfugier lorsque Rhodius n’est pas disponible pour jouer ou traîner. Il s’amuse à laisser ses doigts courir sur le dos des livres, se laissant inspirer tantôt par la couleur et la texture, tantôt par le titre et l’épaisseur. Et le plus beau? C’est que son oncle lui prête tous les ouvrages qui retiennent son attention. Il va même jusqu’à lui en offrir en cadeau, n’attendant pas son anniversaire pour le faire. Des grandes œuvres littéraires moldues aux manuels académiques sorciers, toutes les occasions sont bonnes pour ouvrir les horizons du gamin qui lui rappelait tant son meilleur ami.
« Un jour, j’aimerais partir avec toi en voyage, mon oncle », lui confia un jour le petit, couché sur le ventre, les jambes battantes, un grand atlas ouvert devant lui, au pied du fauteuil dans lequel le Nott lisait tranquillement.
« Un jour, tu m’accompagneras, Leo », lui répondit-il d’un ton calme sans quitter son livre des yeux, un sourire amusé aux lèvres.
+ INATTEIGNABLES NUAGES + Étendu sur la petite colline dans la vaste cour du manoir familial, le jeune Ollivander avait les yeux tournés vers le ciel. C’était une soirée estivale idéale : le soleil qui commençait à peine à se coucher bordait les nuages d’un halo orangé, un vent chaud soufflait doucement, et la symphonie des grillons et des cigales annonçaient que le jour suivant serait tout aussi agréable. Leofric rêvassait, comme toujours. Et évidemment, ses rêves éveillés n’impliquaient jamais de baguettes ou d’atelier sinistre. Cette soirée-là, particulièrement, il songeait à Poudlard. La rentrée approchait à grands pas, et avec elle toutes les attentes de ses parents. Maisie et Rhodius y étaient déjà, elle depuis deux ans, lui depuis un an seulement. La première s’était vu refuser les cachots des vert et argent, alors que son cousin avait réussi haut la main.
Si Maisie n’avait pas été admise à Serpentard, personne ne lui en avait tenu rigueur, car c’était Maisie. Tout lui était pardonné. Si lui n’y arrivait pas, cependant… l’histoire ne serait sans doute pas la même. Il soupira, suivant les hirondelles qui virevoltaient haut dans le ciel. Une idée lui traversa l’esprit : cela faisait déjà quatre ans qu’il avait chevauché son balai pour la première fois. Depuis, il avait renouvelé l’expérience à de nombreuses reprises. Alors peut-être qu’il pourrait…
Il se redressa et prit le balai qui reposait à ses côtés, l’enfourchant et s’envolant sans plus attendre. Il ferma les yeux et inspira un bon coup. Les airs lui procuraient tant de bien… Là où il était, le vent faisait virevolter sa tignasse blonde, et le manoir lui paraissait si petit. Surtout, il n’y avait personne pour lui dire quoi faire. Si elles n’avaient pas été aussi farouches, Leofric aurait très bien pu caresser le dos des hirondelles, qui s’étaient quelque peu éloigner. Il prend une grande inspiration, puis se vide complètement les poumons avant de prendre encore un peu plus d’altitude. Puis, il se mit à virevolter, faire des loopings, un grand sourire au visage. Il vole la tête à l’envers, dans tous les sens, il se penche vers l’avant pour aller plus vite, toujours plus vite, encore plus vite, un peu trop vite. Si vite, en fait, qu’il en perd le contrôle du balai.
Il pique du nez alors, rapidement, trop rapidement. Il essaie de redresser le balai, mais paniqué, il n’y arrive tout simplement pas. Il s’agrippe au manche, pousse un cri en voyant l’un des grands chênes du domaine se rapprocher. L’impact est imminent, il le sait. Alors il lâche le balai, protège son visage du mieux qu’il alors que les branches lui griffent violemment la peau, les plus grosses lui fracassant les os. Il tombe lourdement au sol dans un craquement sonore, le souffle coupé d’un coup, une douleur vive s’emparant de tout son corps. Alors que ses sens se brouillent, il entend deux voix au loin crier son nom, une féminine, l’autre masculine, et juste avant de perdre connaissance, il sent qu’on le soulève de terre. Il tourne son visage, croit reconnaître le visage inquiet de son oncle, puis tout devient noir.
Il se réveille quelques heures plus tard, et à sa grande surprise, toute sa famille est dans la chambre. Sa mère, sa sœur et son frère sont d’un côté du lit, son oncle, sa tante et ses deux cousins de l’autre. Lorsqu’il se redresse légèrement, il remarque que même son père est là, au pied du lit, le regard sévère. Il baisse les yeux immédiatement, celui-ci ayant l’effet d’une douche glacée. Il l’avait bien averti de ne pas faire le fou avec son « fichu balai ». Pour une fois, papa avait eu raison, et il
détestait devoir l’admettre.
Plusieurs fractures, dont des côtes et un poignet, mais surtout une fracture ouverte du fémur. Fort heureusement pour lui, la réactivité de son oncle et sa prise en charge rapide lui permettront de pouvoir remonter sur un balai. Pour l’heure, toutefois, l’oisillon sera cloué au sol pendant toute une année.
+ OMBRE & LUMIÈRE + « Tu vas voir, Leo, la salle commune est vraiment sympa. En plus, on a vue sous le lac, et parfois le calmar géant passe tout près des fenêtres! »« Rhody, pour la dernière fois, c’est Sky, pas Leo… »« Oui, bon, pour moi c’est pareil. Ah, et puis toi qui aime lire, tu verras la bibliothèque est immense et… »La voix de son cousin commença à devenir un simple bruit de fond alors qu’il le suivait tant bien que mal à travers les wagons du train, claudiquant avec ses béquilles. Ah, la médecine magique pouvait faire des miracles; elle lui avait notamment empêcher de se pointer à l’école avec la jambe complètement plâtrée. Toutefois, il avait toujours du mal à marcher sans assistance et devait prendre quotidiennement une potion pour favoriser la guérison. À ce titre, il savait très bien qu’il allait devenir un patient régulier de l’infirmerie. Il s’assit en face de Rhodius dans la cabine, lui qui semblait si heureux de voir enfin son grand complice le rejoindre après une année de solitude. Pour lui, ça ne faisait aucun doute : Skyler allait le rejoindre dans la maison du grand Salazar Serpentard. C’est ce qui était attendu de lui, après tout. Et là où Maisie avait échoué, il allait forcément réussir.
L’angoisse commençait à lui tenailler l’estomac, et ses yeux clairs tentaient d’esquiver du mieux qu’ils pouvaient le vert profond de l’uniforme de son cousin, regardant le paysage défiler en soupirant. Dire que son destin était mis entre les mains d’un vulgaire couvre-chef enchanté… c’était ridicule. Même s’il n’avait pas trop la tête à ça, il écoutait Rhodius lui vanter les mérites de l’école. Bon, il avait tout de même hâte de découvrir le château en sa compagnie. Ce serait une de leurs nombreuses aventures : les cousins Nott-Ollivander, fiers vert et argent, à Poudlard. Il retrouva peu à peu le sourire, ragaillardi lorsque le train arriva à destination. Les cousins se séparèrent, Skyler allant rejoindre les autres élèves de première année dans les barques, ne songeant plus trop à son sort. C’était un Serpentard, comme Rhody, qui attendait patiemment que le tout soit officialisé, lui gardant une place sur le banc à côté de lui.
« Leofric Skyler Ollivander! »Les deux garçons se tendirent. Le blondinet s’avança jusqu’au tabouret et y prit place, attendant qu’on le coiffe de l’affreux chapeau. Il ferme les yeux alors que celui-ci lui parle de grand cœur, de témérité, d’une ambition sans borne, mais d’un grand besoin de liberté, de s’affirmer et de briller. Le verdict est sans appel :
« GRYFFONDOR! »Alors que la table des rouge et or s’anime et accueille la nouvelle avec grand enthousiasme, le jeune Ollivander, lui, est tétanisé sur son tabouret. Ses yeux dérivent vers la table des serpents, et lorsqu’ils croisent ceux de son cousin, ils déglutissent à l’unisson. C’était officiel : Skyler était un raté. Salazar lui avait fermé la porte au nez, et Godric l’avait recueilli par pitié. Il laisse sa place au prochain appelé, sentant le regard peiné et rempli de déception de Rhodius le suivre pendant qu’il s’éloigne. Ses parents allaient, encore une fois, soupirer d’exaspération. Mais ce qu’il redoutait encore plus, c’était la réaction de son oncle. Il n’allait sans doute plus vouloir l’emmener en voyage avec lui, il n’en était plus
digne, si?
« Hey, la patte cassée! »Une voix claire le tira de ses pensées, et il releva la tête. Il écarquilla les yeux en la voyant : blonde, jolie, tout à fait éclatante.
« Il y a une place à côté de moi, si tu veux! »Obnubilé par son grand sourire, Skyler se sentit rougir, embarrassé. Il agrippa ses béquilles et alla la rejoindre, se stoppant toutefois en la voyant lui tendre la main.
« Moi, c’est Lux. Toi c’est… Leofric, c’est ça? Un peu bizarre comme nom… »« C’est Skyler, en fait… mais tu peux m’appeler Sky. »Il lui serra la main, et le temps sembla se figer. Une douce chaleur sembla l’envelopper, une sensation qui lui était jusqu’alors inconnue. Alors que son petit cœur partait à la dérive, cette fille lui avait jeté une bouée et l’avait ramené jusqu’au rivage. Il prit place à ses côtés, puis jeta un dernier coup d’œil vers son cousin, son estomac se retournant en voyant son expression dépitée, presque dégoûtée.
Je suis désolé, lui prononça-t-il silencieusement, du bout des lèvres. Il n’y était pour rien, et pourtant, il était rongé par la culpabilité.
+ SINISTRE CRAQUEMENT + CRACK. Skyler sursaute, et ouvre difficilement les paupières, celles-ci collées par les dernières larmes qu’il a versé avant de s’assoupir, la fatigue l’emportant sur l’envie d’être conscient lorsqu’elle se réveillerait. Un peu confus, il ne sait plus où il est, mais un regard rapide autour de la pièce lui indique qu’il se trouve à l’infirmerie. Il a tellement fréquenté l’endroit l’année précédente qu’il en reconnaît facilement les volutes et les longues fenêtres. Il se redresse lentement, grimaçant en sentant la douleur s’emparer de son corps. Il s’était endormi à moitié penché sur le lit de sa meilleure amie, ses deux mains tenant l’une des siennes, la tête couchée sur son avant-bras. L’horrible craquement qui le hante et qui lui a volé son sommeil lui rappelle ce qui s’était passé un peu plus tôt : un cognard avait attaqué, Lux avait été frappée, était tombée, et il était parvenu juste à temps à plonger pour la rattraper et amortir tant bien que mal sa chute.
Il s’était fait mal au haut du corps, mais la véritable douleur, celle qu’il trouvait réellement insoutenable, résidait dans son cœur. Il sentit ses yeux s’embuer une nouvelle fois de larmes. C’était sa faute, non? Lui qui n’était que déception et échec, il aurait dû refermer la boîte. Il aurait dû avoir une batte en main, dévier le cognard. Pourquoi avait-il tenté de jouer les poursuiveurs? Il renifla bruyamment, s’essuyant les yeux d’une main, alors qu’il sentit les doigts fins de Lux se refermer autour de l’autre. Il se tourna immédiatement vers elle, et ne put réprimer un sanglot en voyant ses yeux normalement si pétillants brouillés par les potions antidouleurs.
« Je suis tellement désolé Lux, je m’en veux tellement… si j’avais pu… je… »CRACK. Il grimace, entendant encore l’affreux craquement, celui si sinistre à cause duquel ils se trouvent là tous les deux. Il n’ose pas regarder la jambe recouverte de la couverture. Sa main douce vient lui cueillir la joue, essuyant une larme avec son pouce. Il penche la tête pour accentuer le contact, prenant sa main avec ses deux siennes, plantant un baiser sur son poignet.
« Pleure pas, Sky. Si t’avais pas été là, ça aurait été pire… Miss Pomfrey l’a dit elle-même… »« J’aurais pu faire plus… »« Non, tu n’aurais pas pu. Personne n’aurait pu. »« Si, j’aurais pu… »« Ce que tu peux être borné, quand tu veux… »Skyler sursaute en entendant le rire de son amie, fronçant les sourcils légèrement. Elle était beaucoup plus forte que lui. Ça, il l’avait toujours su, mais il en avait bien la preuve maintenant. Il renifle encore quelques reprises, s’essuyant le nez avec le col de sa veste. Tant pis pour l’élégance.
« Je vais… Je vais me désister… »« Hors de question. Tu vas passer ces fichues sélections, et tu vas tellement les épater qu’ils n’auront pas d’autres choix que de te prendre sur-le-champ. Ton nom sera sur toutes les lèvres. J’y veillerai personnellement. »« Pas sans toi, Lux… »« Fais-le pour moi, Sky. »Il la regarde longuement, laissant planer un silence. Il n’est pas convaincu. Qu’est-ce que le ciel sans son soleil? Ils auraient formé le plus beau des duos, au sol comme dans les airs. Lors des matchs, on aurait clamé autant son nom que le sien. Et lorsque Gryffondor remporterait le trophée grâce à eux, il l’aurait porté sur ses épaules comme la reine qu’elle est.
CRACK. Son cœur se serre une énième fois.
« Pour nous… je le ferai pour nous… »« Marché conclu. Pour nous… »+ RELÈVE ASSURÉE + « La fin de l’année approche, et avec elle mon départ. »« Oui, on sait, Sky. Tu nous casses les oreilles avec ça depuis l’an passé… »Le grand Gryffondor est attablé au bout de la table des Serdaigle, en face de son petit frère et de son meilleur ami, qu’il considérait en fait comme un autre petit frère. Il ne peut s’empêcher de sourire à la vue des deux élèves de deuxième année. Et comme lui à leur âge, les deux comparses ont la ferme intention de prendre part aux sélections de l’équipe de Quidditch de leur maison. Skyler ne peut qu’en être ravi. Il savait que lui et son cadet avaient énormément de choses en commun, mais le fait que l’une des principales était le Quidditch l’emplissait de bonheur et de fierté. Pendant toute son enfance, il avait attendu patiemment que son frère grandisse et devienne le meilleur partenaire de jeu qui soit. Il avait fini par être récompensé; il n’aurait pas pu demander mieux.
« J’ai pris le p’tit Taylor sous mon aile, il va vous donner du fil à retordre, je vous le garantis. »« Oh, c’est un défi que tu nous lance? Taylor, je le mange au p’tit-déj’ n’importe quand », réplique Luke, l’air mutin.
« Je vais m’assurer personnellement qu’il fasse pleuvoir des cognards sur ta sale petite face de rat, Gaunt », rétorque le batteur vedette en se penchant vers l’avant.
Les trois complices éclatent de rire, le doux son de l’insouciance et de la camaraderie emplissant pour un moment la Grande Salle. Skyler sentit comme un petit pincement au cœur. S’il était impatient de quitter le château pour prendre directement le chemin de la ligue professionnelle, il était également triste de s’en aller. Il y avait vécu tant de choses, et le dortoir était bien plus chaleureux que la grande chambre qu’il occupait au manoir familial. L’avenir est toujours incertain, mais Sky avait une certitude : le petit groupe qu’il composait lui, Lux, Ryan, Luke, Maisie et Skye allait sans doute résister à l’épreuve du temps, quoiqu’un pense les figures parentales.
« Sky, tu viens? Ils sont arrivés, ils t’attendent! »Le blondinet relève la tête, son visage s’illuminant en voyant Lux au bout de l’allée. Il se lève alors, réajustant l’uniforme rouge et jaune qu’il est si fier de porter depuis maintenant six ans, uniforme qu’il troquera certainement pour celui des Flaquemare s’il réussit à en mettre plein la vue aux dirigeants qui patientaient dans les gradins.
« Messieurs, vous m’excuserez, mais le devoir m’appelle! Je compte sur vous pour faire briller les Serdaigle, même si mon cœur sera à jamais fidèle à Gryffondor. »« Concentre-toi sur tes essais au lieu de radoter… »« Ouais, lance-leur des paillettes dans les mirettes! »Skyler rigole, puis tend son poing à ses frères, qui ne tardent pas à venir le frapper des leurs. Puis, sous les encouragements de la plupart des autres élèves dans la salle, et certaines railleries de ceux qui ne l’apprécient pas plus que ça, la petite vedette les salue, les remercie, puis va prendre le bras de sa meilleure amie, l’entraînant en direction du terrain. À l’extérieur, il prend une grande bouffée d’air frais, sentant les yeux bleus de sa moitié sur lui, se penchant pour la regarder.
« Nerveux? »« Un peu, j’avoue… »« Ils pourront pas se passer de toi, je le sais. »+ ASCENSION FULGURANTE + Il avait réussi. L’uniforme était aujourd’hui d’un bleu marine profond, deux joncs croisés sur le cœur. Dans son dos, il portait fièrement son nom de famille et son numéro. C’est ainsi que le public le connaîtrait désormais :
OLLIVANDER – 11. Nerveusement, il ajuste ses gants, son plastron et ses protections aux avant-bras et aux jambes, sautille sur place, roule sa tête de gauche à droite… c’était son premier match officiel en tant que batteur des Flaquemare. Il devait être à la hauteur, ne pas décevoir personne.
« Je compte sur toi pour protéger mes arrières. »La voix bienveillante le fait sursauter, et il rougit légèrement en se retournant vers la jolie poursuiveuse de l’équipe. Magda Chang avait cette étincelle de réconfort dans les yeux qui lui fit le plus grand bien.
« Je ferai de mon mieux, c’est promis », lui répondit-il en lui rendant son sourire.
Elle lui serra l’avant-bras avant de le pousser vers la sortie des vestiaires.
« Allez, en selle mon grand, montre-nous de quoi t’es capable! »Il la laissa passer devant, fermant les yeux et soufflant un coup avant d’empoigner le manche de son balai flambant neuf, celui qu’Oncle Evarist lui avait offert pour marquer l’événement. Ce n’était pas le modèle le plus récent ni le plus dispendieux, mais le manche sombre et détaillé lui rappelait les boiseries de sa bibliothèque. L’annonceur présentait un à un les membres de l’équipe, et bientôt, ce fut à lui d’entrer en scène.
« LE NUMÉRO ONZE : SKYLEEEEEEER OLLIVANDEEEEEER! »Il enfourcha son précieux balai, attrapa sa batte et s’élança dans l’arène. Si les clameurs de la foule avaient toujours été pour lui une drogue à Poudlard, elles prenaient une tout autre ampleur dans un stade professionnel. Les lumières, les couleurs, le vacarme… comme c’était grisant. Il imita ses coéquipiers, faisant le tour du terrain en saluant les spectateurs, leur offrant son plus beau sourire. Et dans le box VIP, là où on lui avait permis d’asseoir des invités spéciaux, se trouvaient tous ceux qui comptaient pour lui. Ou presque. Lux s'époumonait, scandant son nom à tue-tête, Maisie le regardait avec une fierté non dissimulée en lui envoyant la main, et Skye brandissait un étendard aux couleurs de l’équipe en criant elle aussi. Un peu plus haut, il y avait sa mère, qui semblait passablement agacée par tout ce bruit, ainsi que son oncle, qui lui adressa un sourire discret. Seuls manquaient à l’appel Luke, Ryan et Astyanax qui étaient à Poudlard. Quant à son père et Rhodius, ils brillaient par leur absence.
Tant pis. Ils auraient bien d’autres occasions de suivre ses exploits, car sa carrière ne faisait que commencer.
+ PROMESSE SOLENNELLE + Un énorme bouquet de fleurs à la main, il attendait impatiemment sur un siège de la gare de King’s Cross. Cela faisait maintenant un peu plus d’un an qu’il vivait chaque jour sans elle. S’il avait compris les raisons de son départ, ce dernier n’avait pas pour autant été aisé. Oh, bien sûr, il y avait la centaine de milliers de lettres et de cartes postales qu’elle lui avait fait parvenir presque quotidiennement, laissant par principe toujours ses fenêtres ouvertes pour accueillir les hiboux comme des rois. Il lisait toutes ses missives dans sa voix, espérant que le souvenir qu’il en avait était fidèle à la réalité. Il imaginait les intonations et les fluctuations de sa voix, transformant parfois trois petits points par un soupir, ou un point d’exclamation par un éclat de rire. Toutefois, sa tête avait ses limites, et il craignait un jour se réveiller et avoir tout oublié. Fort heureusement, elle lui avait annoncé son retour. Enfin.
Il s’était présenté à la gare avec une bonne heure d’avance, ne voulant surtout pas la rater. Ses yeux se posaient sur le visage de chaque passant, espérant y trouver des traits familiers. Il la connaissait par cœur, sa meilleure amie. Toutefois, une crainte demeurait : et si cette année avait tout changé? Elle avait peut-être besoin d’un renouveau, loin de tout, loin de lui. Il n’eut pas plus de temps pour douter, car au bout du couloir, il la vit enfin. Il se leva d’un bond, un grand sourire aux lèvres. Elle était plus rayonnante que jamais. Comme un gamin, il courut pour aller la retrouver, la soulevant de terre et la faisant tournoyer avant de la serrer fort, tout contre lui, de peur qu’elle lui échappe encore une fois. Ils restèrent ainsi un moment, sa mâchoire reposant contre sa tête blonde. Il s’était promis de se contrôler, et pourtant un petit reniflement lui échappa. Immédiatement, Lux releva la tête.
« Oh non… tu pleures, Sky? », demanda-t-elle avec un petit rire, lui prenant le visage à deux mains.
« Pfff, du tout! Un gars a plus le droit de renifler sans se faire accuser de pleurer? »Le rire de son amie se fit plus franc, et elle vint cueillir la petite larme qui perlait au coin de son œil. En sentant qu’elle se mettait sur la pointe de ses pieds, il tourna un peu la tête, fermant les yeux en sentant ses lèvres sur sa joue. Vieux réflexe, comme un sixième sens pour les bisous lumineux.
« Allez viens, le voyage m’a fatiguée, et j’ai bien besoin d’un verre. »---
Les petites craintes que Sky pouvaient avoir eu pendant son attente interminable à la gare se faisaient noyer à chaque gorgée et avec chaque anecdote du voyage de retour. Lux était là, et tout semblait aller mieux déjà. Après tout, c’est le soleil qui donne au ciel son éclat.
« Et si on se promettait de plus se quitter à présent? »Lux était là pour rester. C’était sa façon de lui annoncer. Et c’était la plus douce et la plus belle des déclarations. Il leva la main devant elle, lui tendant son petit doigt. Sans hésitation aucune, le sien vint s’enrouler autour de ce dernier.
« Promis. Meilleurs amis, meilleurs colocs. »« Colocs? »Skyler répondit à son haussement de sourcils en serrant un peu plus son petit doigt.
« Colocs. Enfin, si tu veux bien me faire l’honneur de partager le grand appartement que je viens tout juste de louer. Il est grand, accessible, et je n’ai pas encore aménagé la grande chambre avec balcon… »« Oui. Milles fois oui, même. »Et c’est ainsi que le petit cœur de Skyler Ollivander, rempli de bonheur, s’envola encore une fois. Enfin, il avait l’impression d’être un peu en liberté.