Poudlard était un rêve d'enfant. Comme beaucoup de jeunes sorciers il avait été bercé par les histoires de son père et de sa mère, les écoutant durant des heures narrer les aventures qu'ils avaient pu vivre par-delà les hauts murs de l'école. Il y avait eut son frère ensuite, qui était rentré à Poudlard avant lui, avait rejoint la maison des Aigles et brillait dans chaque chose qu'il entreprenait. Il était préfet. Il était joueur de Quidditch. Il était membre du comité d'accueil. Et quand Franck passa les hauts murs, son frère fut là pour le tenir par l'épaule, l'encourager, et le retenir de partir à la renverse devant la beauté du bâtiment.
Poudlard était un rêve, et il était heureux de pouvoir le vivre.
Il prit les barques, laissant son frère à l'arrière et ne put s'empêcher de trembler sous le froid mordant du vent qui s'engouffrait sous son manteau mal fermé.
Tiens, ça te tiendra chaud. Glissa une jeune fille à ses côtés. Il se tourna pour la voir lui tendre son écharpe aux couleurs de Gryffondor et il sourit en la prenant.
Merci. Ce fut tout, parce qu'en jeunes élèves ils n'eurent guère plus de paroles à prononcer. Il mit l'écharpe. Ils arrivèrent au château et restèrent un moment derrière les grandes portes de la Grande Salle pour se préparer à la Répartition. Il avait peur, sans savoir de quoi - sans doute parce qu'il ignorait ce qui l'attendait derrière. Sans doute parce qu'il n'avait jusqu'alors par réfléchit à la maison dans laquelle il voulait se trouver. Une main se glissa dans la sienne et la jeune sorcière lui sourit. Elle était là, encore. Et il se sentit mieux.
Alice c'est ainsi qu'elle se nommait. Le choixpeau hurla son nom en premier et elle rejoignit rapidement la table des Serdaigles. Lui des Poufsouffles.
Il ne lui rendit son écharpe que trois mois plus tard, quand en se glissant dans la Grande Salle en début d'hiver, elle tremblait de tous ses membres. Alors il se leva, ôta l'écharpe qui ne l'avait jusqu'alors pas quitté, et la posa sur ses épaules.
Les sortilèges volaient autour d'eux, risquant de lui arracher la tête chaque fois qu'il oubliait de se baisser - ou le faisait trop tard. Il entendit le rire moqueur, le grognement furieux, l'agacement qui sifflait des lèvres de Maugrey en face de lui. Ce dernier portait pas la patience dans ses veines, il se tournait plus souvent vers Franck en levant les yeux au ciel - parce qu'il attendait plus, il attendait mieux de lui.
C'est pas comme ça que tu deviendras Auror, Londubat. gueulait-il régulièrement, répétant
encore pour le contraindre à reprendre le combat.
Le club de duel c'était un plaisir qu'il se refusait à laisser derrière - il était bon, pour ne pas dire doué, mais clairement pas assez doué encore aux yeux du septième année qui l'avait pris sous son aile. Il ne pouvait pas expliquer quand est-ce que Maugrey avait décidé de l'apprécier - il n'était pas même certain que ce soit une bonne chose vue comme son corps souffrait de courbatures quand il quittait enfin la salle du club. Mais il ne pouvait nier que la méthode était efficace.
Dans un coin de la salle, il entendit un hurlement - se retournant vivement pour voir Alice se tenir le bras. Il eut envie de rejoindre sa - désormais - petite amie, mais Maugrey frappa de sa canne sur le sol et celui-ci vibra sous les pieds de Franck.
Reste concentré. grogna-t-il d'une voix aimable. Franck resta figé, se prit un sortilège dans le dos qui le brûla vivement, il se retourna, sous la rage et lança un sort si puissant que son adversaire vola dans la pièce pour atterrir durement sur le mur. Enfin libre, il put se jeter près d'Alice qui se redressait déjà, le regard enflammé et l'air de vouloir en découdre.
Tu vas bien ? demanda-t-il, paniqué. Elle se tourna alors vers lui, sembla le découvrir et se mit à rire en lui caressant la joue.
Elle est plus solide que toi, Londubat. Elle, elle fera une bonne aurore. lança Maugrey, avant de rajouter
encore et de forcer Franck à trouver un nouvel adversaire.
Frustré, il avait du mal à contenir sa déception - tout autant qu'il était fier des résultats d'Alice. Ils s'étaient entrainés ensemble, ils avaient tout fait pour faire ce chemin à deux, et à quelques mètres de l'arrivé final il avait failli. Désarçonné, il avait manqué un sortilège et avait fini sur le sol de la salle d'entrainement des Aurors. Terminant là ses chances de pouvoir les rejoindre. Il était frustré, agacé, sans savoir quoi faire de l'existence qu'il avait cru pouvoir être la sienne.
Dans la salle se tenait des dizaines d'hommes et de femmes en uniforme, qui scrutaient et jugeaient les performances des jeunes sorciers. Il avait supposé - à juste titre - que la majorité étaient des Aurors. Mais pas seulement.
Tu ne devrais pas si déçu. il se redressa pour voir un homme près de lui. Grand, une carrure d'athlète et un regard rieur. Il ne le regardait pas - il fixait plutôt le tapis sur lequel Alice mettait à terre un énième adversaire. Elle se hissait doucement sur la première place des jeunes cadets et deviendrait une Auror extraordinaire comme l'avait prévu Maugrey.
Tu es rapide, intelligent et instinctif. J'ai entendu dire que tes résultats aux tests d'aptitudes et d'empathies étaient les meilleurs. Je voudrais te proposer de suivre une autre voie. proposa l'inconnu, finalement, et Franck avisa du blason qui se trouvait épinglé sur sa robe.
Les Tireurs d'Elite. Il resta un moment figé, ignorant ce qu'il convenait de dire. Il n'y avait jamais pensé - en réalité - parce que depuis qu'il avait rencontré Alice il avait suivi le même rêve qu'elle. Ne serait-ce que pour rester à ses côtés.
Tireur d'Elite ? Je n'y avais pas pensé. L'autre sourit, se tourna vers lui et lui offrit sa main.
Je suis Bartholomew Mulciber, et j'ai envie de parier sur toi, Franck. Ce qu'il fit. Et après deux ans d'entrainement, Franck porta fièrement le blason de lieutenant. Le plus jeune de sa classe.
La guerre était faite ainsi. Voila ce qu'il se répétait alors qu'ils se trouvaient autour de la tombe en pierre de Phénix. D'Antheus à présent à ses côtés. Augusta laissait ses larmes couler sur ses joues, en silence - le deuil était à présent si ancrée dans sa peau qu'elle ne semblait plus capable de sourire. Franck lui prit la main, la serra fortement pour lui rappeler qu'il était là. De son côté à lui, c'est la main d'Alice qui trouva la sienne - il sentit le froid de son alliance qui mordre la peau comme rappelle de leur promesse d'éternité. Il aurait aimé pouvoir sourire, mais il ne trouva pas de raison à le faire.
Il prit une pierre et la posa sur la tombe nouvellement marquée de son frère. Soupirant lourdement en sentant le poids de ce nom qui était à présent sous sa responsabilité. Son père mort sur le terrain. Son frère mort sur le terrain. Et la guerre qui les emportait tous, l'un après l'autre. Il avait peur, il ne pouvait pas le nier, regardant le ciel dont les nuages sombres et noirs menaçaient de faire tomber l'orage. Il ne le craignait pas, l'orage. Bientôt, sur son cou, seront tatoués les éclairs de la maison Londubat - à la manière de son père et son frère avant lui, il les portera avec fierté. Marque de son nouveau rôle de patriarche.
La tristesse lui gonfla la poitrine, une larme lui échappa et il n'eut pas le coeur de la rattraper. Il la laissa couler, de même que les suivantes. Alice le suivit, posa une pierre à son tour. Puis Augusta. Sa petite soeur, Liloo, et ses amis. James, Sirius, Remus et Peter se trouvaient là. Maugrey aussi. Les Potter. Les Lewis. Les Weasley. Des familles éprises d'idéologies meilleures. Des familles qui se battaient, perdaient des membres et pleuraient en espérant que tout cela ne soit pas en vain. Il eut envie de hurler. A la place de quoi il laissa les pierres s'amasser sur la tombe de son frère. Il prit la main de sa femme, la raccompagna dans leur petit appartement et pleura sur son épaule.
Sans se douter que derrière la porte, deux silhouettes noires attendaient de pouvoir les attraper pour leur arracher l'âme à leur tour.
La Nuit Pourpre plongea Liloo dans le coma. Une attaque si violente qu'elle risqua de lui ôter la vie - les organes touchés furent sauver par la rapidité des médicomages, et elle resta allongée sur un lit de Sainte-Mangouste durant six mois. Six mois à attendre, à espérer, à prier les anciens dieux et les nouveaux. L'esprit en ébullition, le corps douloureux, les marques encore visibles de la torture des mangemorts sur les visages de Franck et Alice. Mais ils ne lâchèrent rien, convaincus par le bien fondé de leur combat. Désireux de rendre le monde meilleur. Désireux de protéger les leurs.
Quand Liloo se réveilla elle était incapable de parler. Quand elle retrouva l'usage de ses jambes, elle tenta de fuir. Elle se mit ensuite à hurler, puis dormit des heures. Marquée par la peur qui s'était emparée de son être, elle était là, à lutter pour tenter de vivre encore. Poudlard ne lui réouvrit par ses portes, et Franck décida de la prendre chez lui. Pour la protéger. Pour être là pour elle.
Non, Liloo ! le hurlement lui parvint, mais il ne pouvait rien voir. Ouvrant la bouche à la recherche de l'air, il fut incapable de le trouver. Il ouvrit les yeux, les couleurs dansaient devant sa pupille - il devinait l'ombre et le poids sur son corps qui l'écrasait. Les mains autour de son cou qui l'avaient empoigné.
Liloo ! le hurlement familier sur lequel il ne pouvait pas mettre de nom. Puis rien - un fracas qui lui rendit le souffle. Il toussa, se redressa et avisa la scène. Alice, le ventre rond, lui faisait face avec la baguette au poing. Sa soeur allongée sur le lit, dans un chaos de bras et de jambes, était figée. Son regard marqué par la rage et la peur. La terreur en avait fait une arme. Il sut alors qu'il aurait pu la perdre, qu'il la perdra sans doute parce que personne ne se relèvera de cette guerre. Un instant, il perdit espoir, avant qu'Alice ne revienne contre lui, l'entourant de ses bras. Et contre sa joue il sentit son ventre où grandissait leur enfant. L'espoir se trouvait là. Il n'avait pas le droit de baisser les bras.
Il chantonnait, à voix basse, berçant le bébé qu'il tenait contre lui. La nuit était déjà bien entamée, la lune rond baignant la petite maison dans une lueur douce. Ils vivaient là, à présent, Augusta leur ayant ouvert la porte car elle ne supportait plus le silence. Parce qu'elle pouvait les aider, prendre soin de Neville lorsqu'ils devaient rejoindre le frond, quand ils devaient se battre. Mais les combats avaient cessé à présent, et Neville dormait paisiblement. Mais pas Franck.
Franck fuyait les cauchemars et les angoisse qui le tenaient réveillé la nuit. Il fuyait les souvenirs, les traumatismes, la peur qui lui dévorait le ventre. C'était pire encore, lorsque Alice était en mission jusque tard, qu'elle ne rentrait qu'avec le soleil. Il avait peur de la perdre aussi, bien qu'il savait comme elle était douée. Elle était Auror. Elle était une héroïne. Il était incroyablement fier de la femme qu'elle était. Il l'aimait à s'en déchirer l'âme pour l'étreindre. Tout irait bien. Neville s'agita contre lui et il fredonnait encore - les paroles d'une chanson que sa mère lui avait appris. Il pensa à son père. A son frère. A sa soeur - à cette famille brûlant de douleurs après la guerre. Il eut envie de hurler, mais se pencha sur son fils et embrassa son front, se répétant que tout irait bien à présent. Il voulait y croire. Il le voulait avec ferveur.