Cardan - Je prends ce qui me revient de droit.

1963, St Mangouste, Londres, aux alentours de 18H. Tu approches sans un bruit, doucement, avant de te pencher vers un minuscule berceau qui accueille un bébé. Enfin soit disant, tu ne vois qu'un amas de plaid et une couverture tricotée avec amour par ta mère pour l'arrivée de ce bébé. Si au début tu n'étais pas enchanté à l'idée d'être grand frère, à présent tu es frustré de ne pas voir celle que tu attends depuis neuf mois maintenant. Et puis soudainement l'amas de couvertures bouge un peu, un son aiguë et étranglé en sort alors que ton visage s'émerveille d'une joie incommensurable. Ton père rit mais tu ne l'entends pas, tu es entièrement tourné vers la petite main qui sort enfin de son cocon pour saisir en vain quelque chose. Et le bébé se met à pleurer si fort que bientôt c'est ta mère qui la prend tout en déclarant qu'elle a faim et que c'est l'heure pour elle de manger. Toi tu ne fais pas attention à cela, tu suis docilement ta mère et tu grimpes, avec l'aide de ton père, sur le lit afin d'observer le bébé qui se nourrit silencieusement au sein de cette mère que tu vas devoir partager avec elle. Edwige, ta petite sœur nouvellement née, qui cherche déjà ton regard tout en se nourrissant. Toi tu es heureux, certes tu as d'abord râlé en prétextant que tu ne voulais pas prêter tes jouets mais finalement, tu réalises que tu seras bien content de lui donner ce qu'elle te réclamera. Et puis vous êtes des enfants heureux, votre père travaille beaucoup et l'idée de vous refuser quoi que ce soit ne lui traverse même pas l'esprit, ce qui fait de toi un garçon de trois ans un peu capricieux. Pas méchant certes mais tu sais ce que tu veux et surtout, tu réclames ton dû au risque de bouder d'une manière monumentale et silencieuse pendant des heures. Sauf que tes parents ne supportent pas le silence d'ailleurs et justement, ils vont manquer de calme pendant les années à venir. Edwige va rythmer la maison, de ses rires, de ses pleurs, de ses premiers pas, tu seras son plus grand fan quoi qu'il arrive. Mais pour le moment juste tu la regardes, tu la trouves magnifique et tu es heureux de la voir enfin à vos côtés.

1968, Samaïn, Monde magique anglais. Tu es un grand frère protecteur, c'est le moins qu'on puisse dire. Quand quelqu'un approche ta sœur de cinq ans, tu le regardes d'abord en coin et tu attends de voir ce qu'il ou elle va faire. Ca t'a apporté quelques problèmes car cela t'a rendu bagarreur, tu n'hésites pas à taper des plus grands que toi et avec les petits, quand ils sont des camarades d'école de ta sœur, il te suffit de faire les gros yeux pour les faire pleurer et de fait, ils laissent ta sœur tranquille. Surtout que tu es le seul à pouvoir la taquiner, l'embêter, jamais jusqu'à être vraiment méchant mais assez pour qu'elle apprenne à te répondre ou qu'elle te balance ce qui lui vient, parfois sa chaussure ou alors le jouet qu'elle a sous la main, dans le but de la faire taire. Ce soir, Edwige a pleurée parce que tu t'es moqué de son costume et même si cela n'a pas duré, tu as aussitôt culpabilisé. Parce que tu ne supportes pas de la voir pleurer, c'est pour toi la pire des injures qui puisse exister. Et aussi parce que ce soir elle t'a posée une question, la première fois qu'elle te demande si elle va te manquer quand tu seras à Poudlard et si tu penseras à elle. Certes ce sera dans trois ans mais malgré tout ça approche, tu as déjà fait preuve d'une magie exemplaire depuis deux ans et votre père a commencé à t'enseigner quelques bases. Certes pas des sortilèges mais l'histoire de la magie, un peu d'alchimie et surtout l'étude des ingrédients qui servent aux potions. Là, ça marque une différence avec ta sœur qui n'est encore qu'à l'école élémentaire et toi, qui commence à être éduqué comme un sorcier. Et d'après ton père, un très bon sorcier d'ailleurs. Tu ne sais pas si tu seras bon, la seule chose que tu sais c'est que ce que tu apprends te passionne et tu as hâte d'aller à Poudlard. Alors oui tu as dit à ta sœur qu'elle allait te manquer et que tu penseras à elle tous les jours mais tu sais aussi, au fond de toi, que tu commences à trépigner à l'idée de voir le château de tes propres yeux. On t'a fait un portrait magnifique de cet endroit, tu as parfois l'impression de ne pas pouvoir tenir les trois ans qui restent avant d'y mettre un pied. Il te faudra malgré tout être patient alors pour t'aider à patienter, ton père a fini par t'acheter tout un nécessaire à potions miniatures et une toile magique qui s'efface quand on prononce une formule afin de peindre à nouveau par dessus. Ainsi tu as commencé à dessiner, c'est timide certes et un peu maladroit mais ça te plaît, ça te vide l'esprit et tu te sens plus serein quand tu as un crayon ou un pinceau dans les mains. Et pour un gamin bagarreur comme toi, qui rentre souvent avec le visage marqué, l'art est un exutoire bienvenu.

1971, 1er septembre, Poudlard, Écosse.
Ton nom résonne dans la Grande Salle, tu avances vers le choixpeau en tremblant un peu et en sentant ton cœur battre la chamade. Tu as peur, cette nuit tu n'as pas pu te résoudre à fermer l'oeil et la fatigue commence à peser sur ton esprit d'enfant de 11 ans. Pourtant tu t'installes sur le tabouret et ce que tu attendais ne se produit pas. Le choixpeau bouge, marmonne mais reste silencieux, il ne hurle pas de maison, il ne dit rien, il se parle juste à lui même. Pendant une minute, une longue et interminable minute où tu retiens ta respiration, manquant de tourner de l'oeil dû au manque d'oxygène. Une minute où il déclare que tu serais heureux dans la maison des serpents, que tu y aurais ta place et puis... Finalement, c'est un mot qu'il hurle et que tu n'entends pas, tant tu es troublé par ce que tu viens de vivre. Le choixpeau cesse de serrer ta tête et tu descends de ton tabouret, les jambes tremblantes à cause des émotions qui te tiraillent. Tu ne sais pas où aller, tu n'as pas entendu ta maison mais étant donné que c'est la table de Gryffondor qui tape dans ses mains, c'est bien là non ? Alors tu te diriges vers eux, tu prends une place auprès d'un élève plus grand et enfin tu t'accordes le droit de sourire. Gryffondor, la maison des courageux n'est-ce pas ? Tu es surpris parce que tu t'attendais à aller chez les Serdaigles qui aiment l'art dit-on ou chez les Serpentards, qui ne reculent devant rien pour assouvir un de leur caprice. Et pourtant te voilà auprès des lions, aussi surpris que tu peux l'être et que le seront tes parents demain. Tu dois leur écris et surtout écrire à Edwige... Ta sœur a beaucoup pleurée ce matin quand tu as dû monter dans le train, tu lui as promis que ce serait bientôt son tour et qu'elle aurait une maison parfaite pour elle mais pendant une fraction de seconde tu doutes, parce que toi même tu n'es pas la représentation la plus fidèle des lions et pourtant te voilà avec le blason rouge et or sur le torse. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

La cérémonie se passe et le choixpeau recommence son manège avec un autre élève, il prend son temps, marmonne, parle tout seul et fini par ordonner la maison des érudits. Toi tu regardes cet élève qui se dirige vers sa table le cœur lourd et le pas traînant de celui qui attendait autre chose. Comment il s'appelle déjà ? Emrys quelque chose ? Tu vas devoir te renseigner, demain.

1973, Poudlard, un peu avant les grandes vacances. Ta main fini de coucher sur le parchemin les quelques mots que tu feras envoyer à ta sœur d'ici une heure. La veille tu as reçu un courrier de ton père t'informant d'une nouvelle vague de rendez-vous médicaux pour ta sœur qui souffre toujours plus et qui semble encore plus faible qu'avant. Ca t'inquiète, déjà parce que tu devrais être auprès d'elle mais aussi parce que les médecins ne trouvent pas, ils ne cherchent pas correctement ou alors ils ne prennent pas les choses au sérieux car après tout c'est une enfant et il y a plus important, plus grave. Tout cela te rend agressif et bien trop imbuvable avec ceux qui forment ton groupe de copains, seul Emrys reste. Il faut dire qu'il est le seul à comprendre quand tu as besoin de te retrouver avec tes pensées, il est le seul à simplement ne pas te poser de question gênante qui termine forcément quand tu ordonnes à l'autre de s'occuper de ses miches. Emrys est gentil, discret, travailleur et toujours partant pour te faire rire au lieu de s'offusquer de tes remarques. Et puis si il sait que ça concerne ta sœur ou du moins si il s'en doute, car il n'y a que cela qui peut réellement te toucher, alors il n'en dit rien. Il préfère changer de sujet ou simplement ne pas demander et te passer un paquet de bavboules pour une partie au lieu de te poser des questions qui n'auront, de toute façon, aucune réponse. Alors il t'attend quand tu écris à ta sœur, il te prête parfois sa chouette quand la tienne est fatiguée de ses voyages et il reste à tes côtés avec un bouquin, quand tu as juste besoin de peindre dans le calme mais sans être trop seul au risque de retomber dans tes idées et te morfondre. Il est juste là et pour le moment, tu n'as besoin de rien d'autre, si ce n'est de ce frère d'une autre mère.

1er septembre 1974, Poudlard, Écosse, dans la Grande Salle. Tu as juré de la protéger et tu as fait jurer à Emrys d'en faire de même. Et de ne jamais la toucher non plus, car ton meilleur ami commence à attirer les regards et tu ne veux pas qu'il se retourne sur ta sœur qui est certes très jeune, mais déjà perspicace et vive pour son âge. Sauf que ce soir une nouvelle épreuve te gifle le visage, quand le Choixpeau ne hurle pas la maison de ton meilleur ami ou la tienne, mais bien celle des serpents qui tapent joyeusement dans leurs mains en accueillant ta petite sœur qui marche timidement vers eux. Toi tu la suis des yeux, comme hypnotisé et sentant en toi l'envie de hurler au Choixpeau qu'il s'est trompé, qu'elle est forcément une Gryffondor vu le courage qu'elle met à se battre. Mais tu as juré de ne rien dire concernant sa maladie nouvellement découverte, tu as promis et tu ne peux pas briser une promesse pareille, même auprès de Emrys qui, heureusement, ne pose aucune question. Il ne demande rien ton meilleur ami, il sait que des choses touchent ta sœur ou du moins il le devine mais il ne dit rien. Et toi tu restes soudainement silencieux. Tu te renfermes sur toi même et tu boudes toute la soirée avant de monter dans ton dortoir une fois l'heure venue. Comment vas-tu pouvoir l'aider, la protéger lors des crises qui sont de plus en plus violentes ? Comment être à ses côtés alors que vous n'avez pas le même emploi du temps vu vos années mais qu'en plus de ça, la différence de maison va vous empêcher de rejoindre l'autre en cas de besoin ? Et surtout qui aura le bon réflexe de te prévenir si ta sœur va mal et qu'elle s'évertue, comme elle le fait parfois, à jurer que tout va bien alors qu'elle souffre ? Tout ce que tu prépares depuis que tu sais qu'elle est malade tombe à l'eau, tu ne pourras pas veiller sur elle comme tu le veux et cette perceptive te donne envie de hurler. Ce que tu feras le lendemain sur elle, déclenchant une dispute dû à ta peur avant que tu ne te ravises. Tu ne peux pas en vouloir à ta sœur malgré tout, elle n'est pas responsable et encore moins maintenant qu'elle est malade.

30 juin 1977, cafétéria de St Mangouste, aux alentours de minuit. La serveuse revient vers toi en te demandant si tu as besoin de quelque chose, tu relèves les yeux vers elle et tu lui demandes un autre café avec beaucoup de crème et de sucre. Elle ne dit rien mais en voyant ta tête et le calepin que tu griffonnes de quelques dessins sombres, elle comprend que ça ne va pas. Qu'on t'a annoncé quelque chose de grave ou que tu vis un drame, ce qui n'est pas totalement vrai mais sans être faux pour autant. Edwige a été hospitalisée en urgence encore une fois et tu attends désespérément des résultats qui tardent à venir. Alors au lieu de rester dans la chambre avec ta mère dont tu ne supportes plus les pleurs, tu as préféré venir ici pour boire des boissons chaudes, tenir la fatigue et dessiner. Tu es angoissé et cela se lit dans tes dessins, ils sont sombres, plein de monstres tueurs et surtout, souvent déchirés car tu n'es pas satisfait des résultats que tu proposes. Soudainement quelqu'un s'installe en face de toi et tu vas pour l'envoyer promener mais c'est le parfum de ta mère qui te fait lever les yeux vers elle. Elle est là, fatiguée comme toi alors elle commande un café elle aussi et te regarde dessiner, sans rien dire, sans faire de commentaire sur le fait que tes gribouillages sont sombres et tristes. Elle aussi ne va pas bien et tu voudrais être davantage là mais tu ne sais plus comment faire, tu es épuisé mentalement. Depuis le mois dernier vos parents ont annoncés leur divorce, Edwige est persuadée que c'est à cause de sa maladie et tu as bien essayé de la rassurer mais au fond de toi, tu ne sais pas si tout cela n'est pas un ensemble, un trop plein de tout. Des rendez-vous médicaux, de l'angoisse, du fait que votre père n'est jamais vraiment là quand il le faut et que votre mère assume tout, bien trop souvent toute seule face aux médicomages. Alors leur couple a explosé et en réalité, tu vois bien que si ça touche ta mère alors son esprit est entièrement tourné vers sa fille. C'est comme si elle ne reconnaissait plus depuis longtemps cet homme qui jure être votre père. Toi tu l'as aimé énormément, tu l'as vu comme un héro et un sorcière exceptionnel mais maintenant, tu ne vois en lui qu'un lâche qui préfère fuir les problèmes et la maladie de sa fille en n'assumant pas son rôle. Et tu en viens à ressentir de la colère, plus que jamais, parce que ce que vous vivez est injuste. Alors pour passer tes nerfs tu tailles ton crayon et tu recommences à dessiner quand arrive sur la table, une très belle boite rouge. Tu fronces les sourcils mais tu l'ouvres avant de lever les yeux vers ta mère qui te sourit malgré son épuisement et son angoisse toujours présente. Dans la boite, une belle montre en or et en céramique avec le cadran ensorcelé qui change de couleur en fonction des heures. Le cadeau est magnifique et sans avoir besoin de dire quoi que ce soit, tu sais que c'est un présent pour fêter la réussite de tes examens. Là, tu attrapes la main de ta mère et tu la portes à ta bouche pour l'embrasser juste avant qu'un médicomage ne vienne vous annoncer que Edwige a terminée ses examens.

1978, en plein mois d'août, quelque part en Europe. Le soleil tape sur vos nuques mais tu ne t'en plains pas, tu as le nez en l'air et l'envie de profiter de ce temps heureux qui vous appartient. Autour de toi, tu entends tes amis qui sautent dans le lac en ayant improvisé un plongeoir sur une vieille pierre plate. Il fait beau, chaud, c'est agréable d'oublier pendant une seconde que ta sœur va trop souvent très mal et qu'elle a besoin de soins plus souvent qu'avant. Pourtant tu ouvres les yeux et ton regard se pose sur Edwige, elle est devenue une belle jeune femme ta sœur et tu surprends parfois des regards sur elle. Mais après avoir mis un de tes copains en garde alors les regards ne viennent plus de tes copains mais uniquement des passants, de quelques garçons sur les plages où vous allez ou d'un serveur un peu trop entreprenant. Sauf qu'ils croisent ton regard et aussitôt tout le monde se calme, car tu n'as pas cessé ton côté violent même si tu travailles sur toi pour ne pas finir trop souvent avec la gueule en biais et le nez en sang. Et puis ces vacances sonnent comme une pause dans vos vies, l'Angleterre est devenue bien dangereuse avec les mangemorts qui pullulent dans toutes les rues, Poudlard a été le théâtre d'un affrontement terrible lors de la nuit pourpre où des élèves ont été durement touchés. Alors pendant une seconde tu te surprends à rêver, et si vous ne reveniez pas ? Si il vous prenait l'envie de rester là, de louer un appartement dans ce coin paradisiaque et de rester entre potes, avec ta sœur que vous saurez protéger, avec vos familles ? Tu souris d'une manière un peu triste car tu sais que ce n'est pas possible, tout le monde ici a trop à perdre avec la guerre et personne n'acceptera l'idée d'abandonner les siens. Mais tu te prêtes aux rêves et tu dois avouer que cela se produit de plus en plus souvent. Plus encore alors qu'on ne trouve aucun remède au mal qui ronge ta sœur et que tu voudrais avoir les moyens, parfois, de louer un médicomage pour qu'il se penche entièrement et exclusivement sur son cas. Comment une sorcière si jeune peut avoir une telle maladie à son âge ? L'idée même te fait soupirer alors que tu te lèves de ta serviette et que tu finis par te faire embarquer par Emrys qui répète que tu n'as pas le courage des lions car tu n'oses pas sauter. Et pour le faire taire, tu finis par lui envoyer un beau majeur en l'air avant de te jeter dans l'eau trop froide de ce lac.

1er septembre 1980, tard dans la nuit. Tu as un petit peu trop bu. Ta tête tombe en arrière alors que tu laisses échapper un râle qui ressemble à un son d'agonie, faisant éclater de rire June Pettigrow à tes côtés. June c'est ton petit diable, celle qui murmure à ton oreille que ça va, on a qu'un vie et surtout qu'un seul compte en banque mais que hé, il faut bien s'éclater non ? Avec elle tu ris fort, tu bois trop, tu prends un peu de drogue aussi et surtout, tu tombes parfois dans quelques excès qu'elle calme en te refusant un nouveau verre ou une cigarette trafiquée qui ne ferait qu'ôter toute dignité qu'il te reste. Ta bouche est pâteuse, tu as soif mais quand tu réclames à boire, June te tend un verre d'eau que tu regardes comme si il t'avait offensé. Tu demandes de la véritable boisson, elle te répond d'aller te faire cuire le cul. Bon. Tu avales ton verre d'eau et au bout de cinq minutes, tu te lèves en titubant avant qu'elle ne te suive en déclarant que la soirée est terminée comme ça et qu'il faut rentrer. Qu'en plus demain tu as une exposition et que tu dois avoir une gueule à peu prés correcte pour les photographes. Sauf que ce que June ignore c'est que demain lors de ton exposition de peintures, ton père sera là et ça fait des mois que tu ne lui as pas adressé la parole. Depuis son nouveau mariage, depuis qu'il a refait sa vie ailleurs en vous abandonnant sans honte maintenant que Edwige est malade. Alors l'idée de le voir te fait monter la bile jusque dans la gorge, parce que tu aurais bien trop envie de lui casser le nez afin de lui remettre en place, en espérant que ça remette le reste dans le bon ordre aussi. Mais June ne dit rien, elle te traîne hors du Drunk Broom et vous marchez dans les ruelles de Londres, toi en titubant et elle en tenant ses talons trop hauts et douloureux pour ses chevilles. Il est vrai qu'il est tard et que demain tu vas devoir être frais pour présenter ta nouvelle collection de peintures. Voilà deux ans, depuis la sortie de tes études, que tu es peintre. Et si au début tu as peiné à vendre quelques toiles, maintenant tu te fais parfaitement reconnaître quand tu signes tes toiles d'un Angel vendeur et caractéristique. On te nomme le nouvel espoir de la peinture, pour tes créations et ce que tu parviens à faire passer à travers elle. Joie, colère, désespoir ou angoisse, cela dépend de ton humeur du moment mais apparemment ça plaît car la bonne société sang-pure s'arrache tes créations et cela te fait vivre, très très bien vivre. Un quart de ce que tu gagnes part à ta mère pour l'aider dans son quotidien et avec ta sœur, parce que tu ne veux pas qu'elle se prive et qu'elle se tue la santé dans un boulot où elle ne gagne pas assez et le reste alimente tes frasques de jeune homme torturé qui vit de sa peinture. Tu sais que tu abuses, le succès a fait monter jusqu'à ta tête tous les défauts que tu ravalais et si avec ta sœur et Emrys tu es Cardan, avec June tu n'es qu'Angel, cet artiste qui fait des toiles belles à pleurer mais qui peut s'enfiler un rail de filet du diable le soir venu. Et qui ne trouve pas le moyen de culpabiliser pour ça d'ailleurs.

Une fois chez toi, June s'installe dans ton lit à tes côtés avec la ferme intention de dormir avec toi jusqu'à ce qu'il soit l'heure pour elle, d'aller à son entraînement. Il faut dire que vous dormez ensemble alors il est simple pour elle de venir dans ton lit quand l'envie lui prend. Tu es content de l'avoir avec toi, parce que même si elle ne t'arrête jamais lors de tes frasques et même si elle les entretient, c'est aussi une amie chère dont la présence réconfortante est toujours là quand tu as besoin de soutien. Autant que Emrys, même si chacun connaît une facette différente de ta personnalité. Là, tu ouvres la bouche pour rappeler que ton meilleur ami est brillant et qu'il est professeur à Poudlard, June te répond qu'elle le sait, que tu dois la fermer et dormir. Alors tu boudes encore ta meilleure amie que les journalistes qualifient comme ta petite amie, ce qui est véritablement faux. Même si tu as souvent une belle fille à ton bras c'est davantage pour faire vendre et te faire voir, que pour avouer une vérité. Toi surtout, c'est parfois les garçons que tu regardes et tu as réalisé ça à Poudlard, tu es sorti en secret avec deux ou trois gars mais jamais rien de sérieux, jamais une relation que tu n'as cherché à avoir. Et même si tu penses à un visage en particulier en te rappelant que ton attirance est tournée vers les hommes, tu te renfrognes avant de te glisser sur le ventre pour dormir. Mais tu n'y arrives pas, tu te repasses une scène bien précise depuis hier soir, lors de l'anniversaire de ta sœur. Ca tourne, ça te trotte à l'esprit, c'est là comme une toile qui n'est pas totalement achevée mais que tu n'arrives pas à effacer. Hier soir la fête battait son plein, il y avait vos amis, vos proches et tu cherchais ta sœur que tu as fini par trouver... Mais pas seule. Tu es arrivé au mauvais moment ou c'est le sentiment que tu as eu, alors que Edwige et Emrys s'étaient éloignés de la soirée. C'est comme si tu arrêtais quelque chose. Sauf que Emrys est ton meilleur ami, il sait que tu aimes ta sœur plus que tout et il a juré de ne pas la toucher n'est-ce pas ? Alors pourquoi tu sens au fond de toi, qu'on ne te dit pas tout ?