Rédemption. [Sirius/Severus]

T’as besoin de te vider la tête. Tu sais plus très bien où tu en es. Et pour cause, tu remets tout en question. Tu sais que le métier que tu effectues, n’est pas celui que tu souhaites faire. Tu aimerais mettre tes talents en avant. En tant que professeur. Ou peut-être en tant que guérisseur. Tu n’es pas encore arrêté sur la question. Mais dans tous les cas, tu ne te vois pas être vendeur encore pendant des années. Ce n’est clairement pas une vocation, mais bel et bien une obligation. Soupirant lourdement, tu glisses les mains dans ton long manteau noir. La tête basse, tu ne veux croiser le regard de personne. Vieille habitude qui te colle à la peau, alors que tu sais parfaitement que tu vas raser les murs. C’est même hors de question que tu fasses autrement, alors que dans le fond, tu as honte de qui tu es. De ce que tu es. De ce que tu as fait. La marque des Ténèbres pèse lourd sur ton épiderme au quotidien, même si tu as essayé de te repentir en dénonçant tous ceux que tu pouvais, au ministère. Mais ce n’est pas suffisant. Ça ne rattrapera pas la vie que tu as pris lors de la Nuit Pourpre. Avalant difficilement ta salive, tu passes une main nerveuse et tremblante sur ton visage, avant de tourner dans une ruelle.

Et là, le coup part. Tu sens l’impact dans ton nez. L’os qui craque face à l’assaut reçu. Le sang qui coule sur ton visage. Bordel que t’as mal ! Tu recules de quelques pas, manquant de perdre l’équilibre. Et avant que tu ne puisses répliquer, encore sonné, tu sens un coup à l’arrière de tes genoux. Tu t’écroules sur le sol. Tu n’as pas le temps de réagir, que les coups tombent. Tu sens les os qui craquent. Ton épiderme qui se couvre de bleus et de coupures. Tu ne sais même plus où la douleur est la plus forte. Ton corps n’est plus que souffrance. Tu ne leur fais pas le plaisir d’hurler. Tu gardes les dents serrées, et les lèvres fermées. Tu subis les coups sans un gémissement. A travers tes paupières tumifiées, tu reconnais leur visage. Des mangemorts. Ils ont su que tu les avais trahis. Que tu avais dénoncés bon nombre et qu’ils ont terminé à Azkaban. Alors tu ne dis rien. Tu continues de subir les coups pendant de longues minutes. La douleur est sourde. Tu dois être brisé. Mais pas autant que ton âme peut l’être. Tu fermes les yeux. Et pour la première fois depuis longtemps, tu pries. Tu pries pour que tout s’arrête et qu’avec ta mort, tu sois soulagé des actes que tu as pu commettre.

Le Black dog était le théâtre de tous les excès humains ces derniers temps. A croire que les vacances de fin d'année avaient amenés avec elle l'envie de tourner la page, et de le faire de la plus glorieuse des façons. Dans l'alcool, la drogue et le flirt. Du flirt, il y en avait de partout - des couples se formaient pour la nuit, de manière occasionnelle ou plus profondément. Il regardait cela de derrière son bar et s'amusait de voir les jeux de séduction qui commençaient à avoir lieu là. Des hommes transis, des femmes sensuelles et des murmures derrière l'oreille. Lui, il servait les verres - plus de bière, plus de vins. Surtout du vins - il en avait fait venir de France, usant des relations qu'il avait encore de l'autre côté de la Manche. Il réalisa comme son passé en tant que Black pouvait aider pour cela. Pour faire du Black Dog un lieu où chacun trouver sa part de plaisir.
Je sors les bouteilles vides, je te laisse la maison. Déclara-t-il à l'une de ces barmaids - il sentait qu'il aurait bientôt plus de personnels, surtout si Remus trouvait des lycanthropes en perdition qui allaient avoir besoin de travailler ou du moins de s'occuper. Et d'un endroit où vivre. Il n'osait pas encore y réfléchir, mais il sentait bien que leur vie allait prendre un nouveau tournant. En partant, Lily ne laissait qu'une chambre de libre. Mais si la meute de Remus devenait importante, une chambre ne serait pas suffisant. Il n'était pas même sûr de vouloir voir ces lycanthropes chez lui. Il savait comment ils devenaient les veilles de pleine lune. Il prit le carton de bouteilles vides et l'emporta par la porte de derrière. C'est là qu'il les déposait pour permettre aux camions de Londres de les ramasser de manière régulière. Après tout, le bar était côté moldu, alors il avait dû apprendre des moldus.

C'est là, aussi, qu'il entendit les bruits. Il s'agissait de coups - il n'eut pas de mal à le reconnaitre pour avoir suffisamment été dans des bagarres et pour y avoir joué sa vie. Rapidement, il sortit sa baguette, et il s'enfonça dans la ruelle en tendant l'oreille. C'est là qu'ils les aperçut. Ils portaient des capes noires, cachant leurs visages et il eut un terrible sentiment de déjà-vu. Des mangemorts. Il se revoyait, comme six mois auparavant, à jouer sa vie pour réussir à la sauver. Pour mettre les mangemorts à terre, pour gagner la guerre. Il lança un premier sortilège par pur réflexion : Stupéfix ! (dé réussite) ce qui suffit à surprendre les quatre sorciers qui s'en prenaient à un autre à présent à terre. Sirius n'eut pas de mal à reconnaitre l'odeur de l'hémoglobine qui lui plia le ventre. Les sorciers partirent en courant et il jeta un second sortilège pour espérer - à minima - pouvoir en livrer un ou deux au ministère : Filapesca ! (dé de réussite) - mais rien à faire, ses sortilèges frappèrent le sol et le mur sans toucher les sorciers qui fuirent autant qu'il le pouvait. Fais déféquer. Grogna-t-il en avançant malgré tout jusqu'à la victime qui se trouvait au sol.

Tu m'entends ? Tu es- Severus ? Il le reconnut dès que son visage se tourna vers lui - malgré les boursoufflures et le sang qui tombait de son arcade. Severus Rogue. Non seulement il avait laissé s'enfuir des sorciers assurément mauvais mais en prime il avait sauvé Severus Rogue. Il le regrettait presque - bien que soudainement il s'étonna de voir Severus attaqué par des mages noirs. T'arrives à te lever ? Demanda-t-il sans trop de douceur non plus - surtout parce qu'il ne tenait pas à avoir l'attention de possibles passants.

Les coups pleuvent. Tu ne sais pas combien ils sont mais dans le fond, tu n’en as que faire. T’encaisses sans rien dire. Heureux dans un sens qu’ils n’usent pas de la magie. Tu n’aurais même pas eu le temps d’attraper ta baguette, qu’ils auraient lancé des sorts mortels. Alors tu subis. Tu tentes de te protéger comme tu le peux. Mais c’est peine perdue. Tu sens que tout ton corps est douloureux. Que l’hémoglobine est en train d’embaumer la rue. Mais elle ne vient que de toi cette odeur. Et finalement, tu finis par fermer les yeux. Et pour la première fois de ta vie depuis longtemps, tu te mets à prier. Tu espères que tout va s’arrêter et que tu vas y rester. Ainsi, tu arrêteras d’être rongé par la culpabilité des actes que tu as commis. Tu n’oublies pas la vie que tu as pris lors de la Nuit Pourpre, ni même de la famille que tu as dû détruire. Parce que tu sais que ton acte a eu des répercussions sur de nombreuses personnes. C’est d’ailleurs pour ça que tu n’as pas enlevé la marque des Ténèbres sur ton avant-bras. Pour te rappeler. Pour t’empêcher dans un sens de tourner la page.

Et soudain, un sort est lancé, faisant stopper les mangemorts. Que se passe-t-il ? Tu n’en sais rien, alors que ton esprit est embrumé par la douleur. Et finalement, les partisans du mage noir s’en vont, sûrement par peur de représailles. La personne qui t’a sauvé s’avance et tu t’apprêtes à dire merci, quand tu reconnais sa voix. Ce n’est pas possible ! Tu relèves ton regard vers Sirius, et tu ne peux t’empêcher de murmurer. « Fais déféquer. » Il fallait que ça soit lui qui te sauve ?! C’est une vraie blague ! Tu essuies le sang qui te coule dans les yeux, avant d’hocher la tête. En réalité, t’en sais rien, mais tu veux pas paraître faible devant lui. Pas alors qu’il t’a fait déféquer avec James pendant toutes vos années à Poudlard ! « Oui j’ai pas besoin de toi. » Tu craches, sur la défensive. Mais la rancœur a la vie dure et tu te souviens encore de tout. Tu te doutes même que s’il avait vu que c’était toi, il ne te serait pas venu en aide. Alors tu prends appuie sur le sol, et tu te redresses. Ta tête tourne et tu manques de t’écrouler une nouvelle fois. Ton corps n’est que souffrance, et tu ne sais même pas comment tu vas t’en sortir. Mais par bonheur, tu arrives à te mettre debout sans devoir t’abaisser à lui demander de l’aide. Sinon, ta fierté en aurait clairement pris un coup. Le regardant, tu te demandes ce qu’il fout là. « Tu t’es perdu ? Ou t’avais juste envie de jouer au bon samaritain ? » Même si ce n’est clairement pas dans ses habitudes. Mais peut-être qu’il a changé. Même si tu en doutes. Après tout, il s’est toujours amusé à se foutre de ta gueule. Et finalement, tu murmures, même si ça t’arrache la gueule. « Merci. »

Les ombres s'échappèrent rapidement, les sortilèges de Sirius les faisant fuir sans les blesser, ce qui laissa le Black frustré. Il avait perdu la main, preuve encore qu'après la guerre il avait cessé d'être sur le terrain à tenter de dévorer ses ennemis. Il avait bien eu assez à faire à se sauver de ses propres démons - mais depuis quelques jours, l'impression de devenir inutile lui tourner la tête, l'empêchant d'être parfaitement lui. Observant les ennemis partir, il se fustigea de n'avoir pas été capable d'en mettre un à terre pour le faire parler, pour voir briller un masque d'argent aux arabesques noirs, ou simplement pour voir l'hémoglobine couler. La violence perçait toujours un chemin jusqu'à son palpitant - il la fit taire pour se retrouver près du corps victimisé et ensanglanté qui se trouvait là.

Il reconnut Severus Rogue, eut un mouvement de recul sans pouvoir l'empêcher mais lui proposer malgré tout de l'aide pour se lever. Après tout, son corps entier était marqué des coups et de la vengeance soudaine dont il avait été victime. Pas de doute pour Sirius - c'est bien de cela qu'il s'agissait. Oui j’ai pas besoin de toi. Il leva les yeux au ciel, mais laissa Severus faire à sa guise. Il resta cependant près de lui, croisant les bras sans lui faire montre de la moindre chaleur. Sans l'abandonner non plus. J'aurais peut être dû te laisser te débrouiller seul. Siffla-t-il, agacé d'avoir pris de son temps pour Severus Rogue.
Dans un éclair de douceur, il pensa à Lily. Sans doute lui en aurait-elle voulu d'avoir laissé mourir Severus. Sans doute - bien qu'à ce qu'il en savait les deux anciens amis n'avaient pas eu contact depuis la guerre. Mais Lily avait quitté la maison des Maraudeurs, et Sirius ne pouvait pas prétendre savoir ce qu'il advenait de sa vie à présent. Tu t’es perdu ? Ou t’avais juste envie de jouer au bon samaritain ? Arquant un sourcil, Sirius se demanda s'il devait bien perdre son temps à rester avec Severus. Mais il avait perdu du sang, il avait une gueule en biais et il pourrait bien voir l'adrénaline quitter son corps et sombrer dans l'inconscience d'un coup. Sirius avait déjà vu ce genre de choses arriver. Cela ferait désordre près de son bar. Merci. Il crut délirer en entendant ce dernier mot, mais lâcha un rire canin plutôt. Je cours pas à ta suite pour sauver ton cul, Severus. Je travaille ici. Déclara-t-il en montrant le mur à gauche - le mur du Black Dog . C'est le hasard qui m'a amené à sortir mes poubelles maintenant pour te trouver en mauvaise posture. C'était qui d'ailleurs ? Ils te voulaient quoi ? Demanda-t-il en retournant trouver ses bouteilles à jeter. Je te propose de nettoyer tes plaies ou tu préfères partir d'ici la gueule en biais ? Ou à minimum : j'ai des glaçons, pour faire dégonfler ton oeil. Rajouta-t-il en montrant le dit-oeil qui avait bien morflé.