Le coeur a ses raisons que la raison ignore, ft April Reynes

Alvaro avait rejoint le corps professoral à peine après le début de l'année. Depuis son retour au pays, rien n'avait changé. Cette école restait la même, sauf que maintenant elle était dirigée par des puristes. Le conseil administratif avait demandé à l'un des Aurors du ministère, enfin de retour au pays, de reprendre le poste de professeur de duel et de combat magique, une variante du cours de défense contre les forces du mal.

C'était de loin le cours le plus intéressant enseigné dans cette école écossaise. Les Britanniques poussaient le combat plus loin que l'école africaine, ce qui avait lassé l'Auror de ses fonctions outre-Méditerranée. Pourtant, une silhouette allait très vite lui faire regretter son nouveau poste et le mettre dans tous ses états. Il n'avait eu qu'un coup de foudre dans sa vie, et c'était déjà bien suffisant. Cela s'était passé dans le hall de Uagadou, au milieu des élèves. Elle était tellement différente, d'origine espagnole comme lui, mais à la fois plus douce et tellement sûre d'elle. Bien loin du stéréotype de la femme fidèle aux moindres désirs de son époux. Ses sentiments lui avaient fait peur, et la femme lui avait presque demandé de se mettre ensemble. Alvaro était trop attaché à sa liberté, et avoir une compagne signifiait souvent ralentir.

Il se trouvait dans le hall de Poudlard, toujours aussi animé. Bien que les méthodes d'enseignement soient encore plus dures qu'avant, cela n'empêchait pas les jeunes sorciers d'être tout autant nombreux. Accélérant le pas, il avait loupé une lettre de ses parents et se cachait presque du hibou de ses géniteurs, sûrement encore désireux de l'inviter à venir manger dans l'un des meilleurs restaurants londoniens. Il ne vit bien sûr pas la silhouette dans l'angle du couloir menant aux escaliers. Il percuta une jeune femme de plein fouet. Se relevant le premier sans trop de difficulté, il s'excusa : "Excusez-moi, je ne vous avais pas vue." Il tendit la main à cette brune qui lui semblait familière. Quand elle releva son visage vers lui, il prit une douche froide. April Reynes.

Alvaro reprit presque immédiatement son air indifférent et froid, laissant juste son cœur rater un battement. "April, ça fait longtemps," dit-il, tout en restant professionnel devant elle. Elle allait sûrement lui demander des explications sur sa démission soudaine de Uagadou, réponse qu'il ne saurait lui-même pas expliquer.

Pourtant, elle était ravissante, franchement. Toujours poli, il l'aida à récupérer ses affaires éparpillées sur la pierre froide du sol, avant de lui demander : "Que fais-tu ici ?" Il espérait presque, suppliant tous les dieux moldus, qu'elle n'était que de passage.

@April Reynes

Alvaro observa April avec une intensité dissimulée derrière son masque d’indifférence. La voir refuser son aide, se débrouillant seule pour ramasser ses affaires, ne le surprenait pas. Elle avait toujours été indépendante et résolue, des qualités qui l'avaient attiré dès leur première rencontre à Uagadou.

Il soupira intérieurement, se préparant à répondre à sa question. Ce n’était pas un sujet facile pour lui, et l’ironie de la situation ne lui échappait pas. Il prit une profonde inspiration avant de commencer.

"April, tu as raison. La liberté a toujours été importante pour moi. Après tout, c'est ce désir de liberté qui m'a conduit à quitter Uagadou, même si cela signifiait te laisser derrière," dit-il en la regardant droit dans les yeux, conscient que son honnêteté pourrait raviver des souvenirs douloureux. Il ne pouvait s’empêcher de ressentir un pincement au cœur en voyant l’indifférence froide dans les yeux d’April. Il savait qu’il méritait ce traitement, après l’avoir abandonnée sans un mot, mais cela n’atténuait en rien la douleur de cette confrontation inattendue.

Il se redressa légèrement, cherchant ses mots avec soin. "Après mon départ d'Afrique, j'ai voyagé, cherchant quelque chose qui puisse combler ce vide, ton vide. J'ai passé du temps dans différents pays, accomplissant des missions pour le ministère, mais aucune ne m'a vraiment satisfait. J'aurais tellement aimé que tu ne sois pas ici. Pourquoi être revenue à Poudlard ? Je pensais que Uagadou te plaisait." Il ne saurait l'expliquer, mais il avait encore des sentiments pour elle.

Il fit une pause, son regard se perdant un instant dans le passé. "Lorsque le conseil administratif de Poudlard m'a contacté pour me proposer ce poste, j'ai vu cela comme une opportunité de redonner un sens à ma vie professionnelle. J'ai accepté de revenir en Écosse, malgré mes réserves initiales."

Il haussa légèrement les épaules, un sourire amer se dessinant sur ses lèvres. "Peut-être que j'ai réalisé que la liberté que je chérissais tant n'était pas forcément incompatible avec la stabilité et la responsabilité. Enseigner à Poudlard, partager mon expérience avec les élèves, c'est une manière pour moi de continuer à me battre contre les forces obscures, mais aussi de transmettre ce que j'ai appris."

Alvaro laissa ses mots résonner un instant avant de poursuivre. "J'ai entendu parler de l'incident avec Piper Fawley. Je suis désolé pour ce qui lui est arrivé, mais je sais que tu seras une excellente directrice de maison. Tu as toujours eu cette capacité à guider et à inspirer les autres."

Il ne pouvait s'empêcher de la complimenter, elle le méritait. Lui, en revanche, savait qu'il ne la méritait pas. Elle méritait un compagnon qui prendrait soin d'elle, qui lui accorderait l'amour qu'elle mérite, mais ce ne serait pas lui.

Il se pencha pour ramasser un dernier livre qu'elle avait laissé tomber, lui tendant avec un léger sourire. "J'espère que nous pourrons travailler ensemble de manière harmonieuse, pour le bien des élèves et de Poudlard." Alvaro espérait au moins établir une relation professionnelle avec elle, même s’il savait que lui résister serait sûrement mission impossible. Tant qu’elle ne lui parlerait pas à nouveau de vie ensemble, il pensait que ça devrait aller.

Il espérait que ses paroles seraient un premier pas vers une réconciliation, ou du moins une coexistence pacifique. Les souvenirs de leur passé commun étaient encore vivaces, mais il savait que le présent nécessitait toute leur attention et leur professionnalisme.

Alvaro la regardait avec une intensité contenue, chaque mot d’April pénétrant profondément en lui. Ses réponses piquantes et son attitude défensive lui faisaient comprendre l'ampleur de la douleur qu'il lui avait infligée. Il savait que tout cela était de sa faute, mais il n'était pas du genre à culpabiliser. Après tout, c'était de sa faute à elle s'ils avaient rompu, enfin si Alvaro était parti. Piqué à vif, il allait réagir avec cette froideur qui le caractérisait tant. "Ma faute, tu t'entends ?" Sa voix restait neutre, presque douce même s'il montait dans les tours. Inutile de donner une scène aux élèves autour d'eux qui ne semblaient pas les avoir remarqués. "Je sais que partir sans explication a été une erreur, mais ne me rejette pas toute la faute. Qui a voulu de cet amour en premier ? Qui a désiré absolument que l'on se mette ensemble ? À l'époque, je pensais que la liberté était la seule chose qui importait. J'avais peur de m'attacher, de perdre cette indépendance que je chérissais tant. Mais ce que je n'avais pas réalisé, c'est que cette liberté à un coût. Un coût que j'ai commencé à comprendre sûrement trop tard."
Il fit une pause, cherchant ses mots avec soin. "Tu te demandes pourquoi je suis parti. La vérité, c'est que j'étais terrifié. Terrifié par l'idée de m'engager, de me lier à quelqu'un de manière profonde et significative. J'ai pensé que fuir était plus facile que d'affronter ces sentiments. Mais en fuyant, j'ai laissé derrière moi une partie de moi-même. Et cette partie, c'était toi."

Alvaro baissa les yeux un instant, se remémorant les moments passés ensemble à Uagadou. "J'ai passé des années à voyager, à chercher des réponses que je n'ai jamais trouvées. J'ai réalisé que peu importe où j'allais, je ne pouvais pas échapper à ce vide en moi. Ce vide, c'était l'absence de ce que nous avions, de ce que j'avais laissé derrière moi." Alvaro parlait avec son cœur, il était sincère.
Il leva les yeux pour rencontrer le regard d'April, espérant qu'elle puisse voir la sincérité dans ses paroles. "Quand j'ai appris que Poudlard cherchait quelqu'un avec mon expérience, j'ai vu une chance de faire quelque chose de bien. De redonner un sens à ma vie. Et je savais que revenir ici, en Écosse, signifiait peut-être te revoir un jour. J'étais prêt à affronter ce passé, à t'affronter toi." Ses mots semblaient flotter dans l'air, chargés de poids et d'émotion. Il observait son visage, essayant de lire ses réactions. "Je ne veux pas que ma présence te cause de la peine. Si ma présence ici est un problème, alors demande-le-moi et je partirai. Mais sache que je suis ici pour les élèves, pour leur apprendre à se défendre, à se préparer pour ce monde difficile. Et j'espère que nous pourrons mettre de côté nos différends pour eux."

Il fit un pas en avant, son regard ne quittant pas le sien. "Je ne suis pas ici pour te compliquer la vie, April. Je suis ici parce que j'ai changé, parce que j'ai appris de mes erreurs. Et je suis prêt à te prouver que je peux être digne de ta confiance, même si ce n'est juste en tant que collègue."
Alvaro sentit son cœur battre plus vite, l'appréhension grandissant en lui. "Tu dis être passée à autre chose, et je le respecte. Mais sache que si tu es prête à essayer de travailler ensemble de manière harmonieuse, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela se passe bien. Pour les élèves, pour Poudlard, et pour nous. Peut-être que, quelque part, cette nouvelle chance peut être un début pour reconstruire une relation, même si ce n'est que professionnelle." Il recula légèrement, lui donnant de l'espace. "Je suis désolé pour tout ce que je t'ai fait subir. Et j'espère qu'avec le temps, tu pourras peut-être voir que je suis sincère dans mes intentions."

Alvaro sentait la pression dans la pièce se resserrer autour de lui tandis qu'April exprimait sa frustration. Ses mots étaient acérés, chaque phrase résonnait dans l'air comme un coup. Il prit une profonde inspiration, essayant de contrôler les émotions qui menaçaient de déborder.

"April," commença-t-il doucement, "je ne voulais pas te blâmer. Peut-être que c'était maladroit de ma part de formuler les choses ainsi. La vérité, c'est que j'ai toujours admiré ton courage et ta capacité à aimer sans réserve. Tu n'as rien à te reprocher pour avoir voulu quelque chose de beau entre nous. La faute m'incombe, car c'est moi qui ai fui au lieu de faire face à mes peurs et de communiquer avec toi."

Il marqua une pause, choisissant ses mots avec soin. "Tu dis que nous aurions pu nous y prendre autrement si j'avais parlé de mes craintes. Tu as raison. J'aurais dû te faire confiance, te parler de mes angoisses au lieu de te laisser dans l'ignorance. La communication est essentielle, et j'ai échoué à ce niveau. Je suis parti non parce que je ne t'aimais pas, mais parce que je ne savais pas comment gérer ces sentiments. Mon instinct de survie m'a poussé à fuir, à préserver ce que je croyais être ma liberté."

Alvaro sentit une douleur poignante en repensant à ces moments. "Je sais que cela peut sembler hypocrite venant de moi, mais ces années loin de toi m'ont ouvert les yeux. Chaque voyage, chaque rencontre, tout me ramenait à toi. J'ai compris que la liberté que je cherchais n'avait aucun sens sans toi à mes côtés. Mon retour à Poudlard n'est pas seulement pour enseigner, mais aussi pour affronter ce passé que j'ai laissé en suspens."

Il s'avança d'un pas, ses yeux cherchant ceux d'April. "Je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes immédiatement, ni même à ce que tu me fasses confiance tout de suite. Je sais que j'ai blessé une partie de toi que je n'avais aucun droit de toucher. Mais je suis prêt à travailler pour regagner cette confiance, à te montrer que j'ai changé. Les élèves sont ma priorité, tout comme toi tu l'étais autrefois. Nous avons une responsabilité envers eux, et je suis prêt à mettre de côté nos différends pour leur bien."

Sa voix se fit plus douce, presque un murmure. "Je comprends que tu aies besoin de temps. Je suis prêt à te donner tout l'espace dont tu as besoin. Mais sache que je suis ici, non seulement comme collègue mais aussi comme quelqu'un qui reconnaît ses erreurs et qui est prêt à tout pour réparer ce qui peut l'être."

Il se surprit lui-même à parler ainsi ; son cœur avait pris le contrôle de ses mots l'espace de quelques secondes. Toujours adossé à la porte de la salle de classe, il pouvait encore sentir son odeur, un parfum qui ne le laissait clairement pas indifférent. Il était encore amoureux d'elle ; enfin, elle lui faisait encore de l'effet. Après tout, personne ne se relève jamais vraiment d'un coup de foudre. Tiens, voilà qu'il se met à radoter comme ses vieux parents.

"Sinon, tu as fait quoi depuis mon départ ? Entre Uagadou et Poudlard, je suppose que tu as dû en voir de toutes les couleurs."

Alvaro sentit un poids s'alléger en l'écoutant parler, même si une tension sourde demeurait entre eux. Sa réponse, bien que mesurée, lui offrait une petite fenêtre d’espoir. April ne l’avait pas oublié, tout comme il n’avait jamais réussi à se libérer de ses pensées pour elle. Ce simple fait lui réchauffait le cœur, mais il savait que la méfiance resterait tant qu'il n'aurait pas prouvé sa sincérité. Elle lui offrait une chance, et il n'avait pas le droit de la gâcher.

Quand elle évoqua Ouagadou, il l’imagina en pleine action dans cette école légendaire perchée dans les montagnes d’Afrique, une sorcière talentueuse et respectée, toujours aussi impressionnante. Alvaro lui sourit en retour, sentant le changement dans l’atmosphère, leur conversation prenant un ton plus léger.

"Cela ne m’étonne pas du tout. J’imagine que les défis là-bas devaient être incroyables. Tu as toujours aimé te lancer dans l’inconnu, et l'Afrique… c’est un tout autre monde. J’aurais aimé te voir évoluer plus dans ce décor, mais je comprends ton besoin de revenir ici, près de ta famille." Il hocha doucement la tête, respectant son silence sur certains sujets, probablement des choses qu'elle ne pouvait pas partager.

Il croisa ses bras, regardant un instant le sol comme pour rassembler ses pensées avant de répondre à sa question. C’était étrange de parler de ses voyages maintenant, alors que les sentiments qu’il avait pour elle prenaient le dessus dans son esprit, mais il savait que c'était aussi une façon de recréer un lien, de partager ce qui l'avait façonné pendant ces années.

"Ah, mes voyages…" Il poussa un léger soupir, souriant de manière nostalgique. "J'ai parcouru une bonne partie du globe. Après mon départ d'Afrique, j'avais besoin de me perdre pour mieux me retrouver, je suppose. D’abord, j’ai pris le chemin volcanique du Ngorongoro. Il y a quelque chose d'ancestral dans ces terres, une magie que peu de gens perçoivent encore aujourd’hui. Là-bas, j’ai rencontré une communauté de sorciers qui vivent en harmonie avec les créatures magiques."

Il s'adossa un peu plus confortablement contre la porte, comme pour mieux savourer le partage de ces souvenirs. "Puis, j’ai fini par me retrouver en Asie, au Japon. Là-bas, la discipline magique est presque une philosophie de vie. Les sorciers là-bas sont des maîtres de l’art subtil et discret de la magie. Rien à voir avec ce qu’on fait ici."

Un léger sourire amusé se dessina sur son visage. "Mais après tout ça, après toutes ces expériences incroyables, quelque chose manquait. J'ai essayé de l'ignorer, de continuer à fuir, mais chaque lieu, chaque moment fort me ramenait à toi d'une manière ou d'une autre. C’est comme si tu étais toujours là, dans un coin de mon esprit." Il la regarda, cette fois avec une franchise désarmante. "Je pense que je cherchais la liberté, oui, mais j’ai découvert qu'elle n'a de sens que si l’on a quelqu’un avec qui la partager."

Alvaro se redressa légèrement, l'air plus sérieux maintenant. "Et c’est pourquoi je suis revenu. Enseigner à Poudlard, oui, c’est une opportunité que je ne pouvais pas laisser passer. Mais surtout, je voulais me confronter à ce que j'avais laissé en suspens. Je sais que cela prendra du temps, que rien ne se réglera en un claquement de doigts. Mais je suis prêt à tout pour prouver que je ne suis plus cet homme qui fuit à la première peur venue."