If the sun rises after dark | Rhaegar

Mort. C’est ce qu’on lui avait affirmé, plusieurs mois auparavant. Et tout le monde y avait cru… parce que dans un monde où tout part en couille, pourquoi les choses auraient-elles été autrement ?  Son ami était mort, comme bien trop de jeunes -et de moins jeunes- en cette sombre période.
Ca lui avait fait un petit quelque chose, à l’Irlandais. Parce que c’était le deuxième ami très proche qu’il perdait au cours de sa jeune existence. Et même s’il n’était pas du genre à montrer ce qu’il pouvait ressentir au fond de lui, ça avait été une plaie ouverte dans son coeur, et qui avait laissé des traces. Une cicatrice qui n’était sans doute pas encore totalement guérie…

Alors, quand Isaïah lui avait dit que Rhaegar était en vie, Finn ne l’avait pas cru. Il n’avait pas voulu y croire, bien qu’aucun de ces deux farfadets ne soit du genre à faire ce genre de blagues. Parce que l’espoir est quelque chose de bien trop cruel, surtout lorsqu’il vole en éclats. Alors le blond était resté campé sur ses positions : temps qu’il n’en aurait pas le coeur net, le Winchester était mort.

Et il lui avait fallu du temps, avant de se décider à en obtenir la preuve. On ne pouvait pas dire, pourtant, que c’était les murs de Poudlard qui étaient du genre à retenir l’Irlandais !  Avec la carte que lui avaient laissée ses amis, le Gryffondor avaient une demie douzaine de moyens pour quitter l’enceinte du château séculaire, et ce n’était certainement pas la crainte d’être sanctionné qui l’avait freiné… mais peut-être davantage celle d’être déçu.

Il fallut attendre la période de Noël pour que l’Irlandais ne se décide à aller vérifier les dires de son ami, un soir où sa mère s’était encore une fois montrée particulièrement oppressante. Une fugue ?  Non… il rentrerait sans doute dans la nuit, ou au petit jour. Mains dans les poches, ses semelles foulaient les pavés d’un quartier plutôt paisible alors que ses iris anthracites observaient le ballet des premiers flocons. Son souffle s’élevait en volutes argentées, alors qu’il s’arrêtait à la façade d’un des bâtiments. Celui que lui avait indiqué Isaïah. Et à présent, le garçon hésitait. C’était une idée de bouse d'hippogriffe, n’est ce pas ?  Se ramener comme ça, à l’improviste, en soirée… chez quelqu’un qui n’était peut-être pas la personne escomptée, si tant est qu’il y ait quelqu’un pour ouvrir…

Tant pis. Maintenant qu’il était arrivé là, ce n’était plus le moment de faire demi-tour. Profitant de la sortie d’une petite dame du bâtiment, il s’engouffra à l’intérieur, montant les escaliers il en profita pour chasser quelques flocons logés dans sa tignasse avant de s’arrêter devant une porte. Une maudite porte. Et le Gryffondor retint son souffle en y toquant… jusqu’à entendre du bruit, dans l’appartement qu’elle dissimulait, et que le battant ne s’ouvre…

Et m*rde…

« … yo, Winchester. T’as fait peur à la Faucheuse on dirait. »

Un fin sourire s’était dessiné sur les lèvres du chenapan. Parce qu’il avait beau ne pas vouloir se montrer décontenancé, il l’était tel et bien. Et surtout, il était réellement soulagé de constater que son ami était bel et bien de retour parmi les vivants.

C'est arrivé souvent depuis ton retour, qu'on te croise dans la rue et qu'on te regarde comme un fantôme revenu d'entre les morts. Souvent on te fixe sans parler comme si tu allais t'évaporer et tu ne réponds que d'un sourire, ce qui a pour effet de faire fuir ceux qui se posaient devant toi en se demandant tout bas si ils rêvent ou si quelqu'un fait une blague morbide avec du polynectar. Mais personne encore n'a osé te poser la question réellement, soit on arrive chez toi en trombe soit on ne te connaît carrément pas... Tu as fini par t'y habituer et la vie a repris son chemin depuis ton réveil. Ceux qui voulaient en avoir le cœur net savent maintenant et si tu as eu du mal, tu as fini toi aussi par reprendre tes marques auprès de Peter avec qui l'histoire n'est pas totalement terminé, auprès d'amis mais aussi avec des parties de Quidditch endiablées car si ton accident ne t'a pas enlevé une chose c'est bien ton amour pour ce sport et ton envie de voler dans les airs encore et toujours jusqu'à en avoir des ampoules aux mains et des douleurs dans les bras. C'est d'ailleurs suite à un match amical avec tes petits voisins que tu rentres dans ton nouvel appartement, le corps douloureux mais l'esprit vide dû à la fatigue. Comblé, satisfait... Terriblement vivant comme jamais tu ne l'as été avant cela.

Une fois chez toi tu verrouilles la porte, habitude de la guerre où les mangemorts pouvaient entrer comme cela puis tu files à la douche pendant longtemps, restant sous l'eau chaude jusqu'à avoir la peau rouge mais qu'importe, tu redécouvres chaque petit bonheur de la vie et tu ne te lasses pas de profiter de la seconde chance que tu as maintenant. Puis une fois habillé d'un jogging, tu n'as pas le temps de te demander si tu vas avaler un reste de fish'n'chips ou des pâtes qu'on frappe à la porte de ton appartement. Peter ? Non, il ne viendrait pas à l'improviste comme ça, pas alors que vous commencez à peine à être à l'aise l'un avec l'autre. Alors qui donc ? Tu avises l'heure puis tu prends ta baguette avant d'approcher pour déverrouiller la porte non sans garder, comme un réflexe de la guerre, ta baguette devant toi pour attaquer ou te défendre. Mais pas d'homme masqué devant toi, pas non plus d'auror ou de médicomage. Juste un gamin à la tignasse blonde comme les blés, aux quelques flocons dans les cheveux et à la mine aussi juvénile que possible. Il brise le silence alors que tu te sens sourire et que le flash de souvenir explose dans ton esprit. "Finn ? Merlin, c'que tu sembles adulte !" Que tu dis avant de l'inciter à rentrer en te poussant car tu bloquais le passage. "Rentre te mettre au chaud, tu vas attraper la mort." Et la cheminée crépite d'un bon feu, de quoi réchauffer l'épiderme du gamin devant toi. "Isa m'a dit que tu viendrais mais je ne t'attendais plus." Pas de reproche, juste la réalité d'un fait qui ne s'est pas produit juste après la visite du Gryffondor alors tu t'es dis que Finn avait mieux à faire ou qu'il grouillait sous les problèmes. "J'crois que la Faucheuse a décidé que mon heure n'était pas venue." Rappel de ce qu'il t'a dit en arrivant, tu choisis de lui sourire encore plus fort car tu es heureux de le voir devant toi ici ce soir.

Lorsque la porte s’était ouverte dans un grincement, l’Irlandais l’avait bien vue, cette baguette pointée sur lui durant un court instant, comme un ultime rempart entre l’habitant des lieux et le monde extérieur. Et le danger… Fugacement surpris, le blond n’avait cependant pas bronché, qu’il s’agisse d’esquisser un pas en arrière ou mettre la main dans sa poche intérieure pour se saisir de l’esquille de frêne. Il n’en eut d’ailleurs pas besoin, car Rhaegar abaissa la sienne sitôt reconnut-il le visiteur impromptu.

Et passé cette surprise réciproque, celle de retrouver des fantômes d’un passé qu’on estimait révolu, des sourires se dessinant sur les traits d’abord du plus jeune, quelque peu discret, puis de celui qu’on aurait pensé mort. Mais celui qui étirait en cet instant ses lèvres était rayonnant, et prouvait à lui seul que le jeune Winchester faisait encore bel et bien parti des vivants. Sa réflexion ne fit d’ailleurs que sourire plus franchement le farfadet qui se tenait sur le seuil de sa porte. Adulte ?! Par Merlin, c’était à la fois un accomplissement et une déception que ce terme. Mais compte tenu de la poussée de croissance qu’avait eu l’Irlandais ces deux dernières années, sans doute ce mot trouvait-il là tout son sens. Il n’était plus aussi gringalet qu’auparavant.

Passant le seuil à l’invitation de Rhaegar, le Rouge et Or sentit rapidement la chaleur du feu crépitant dans l’âtre sur son derme. Une sensation agréable, contrastant nettement avec la morsure du froid lors d’une soirée hivernale.

« Merci. » ponctua-t-il machinalement.

Et sur le ton de la discussion, le Winchester évoqua les propos d’Isaïah, quant au fait que leur ami viendrait… et qu’il avait bougrement tardé. Le blond se passa une main derrière la nuque, n’ayant aucune probante à formuler. Il ne pouvait même pas mettre ça sur le compte du Quidditch puisque le professeur Abbot l’avait privé d’entraînements pour tout le premier trimestre. Mais de là à admettre qu’il avait eu peur d’être déçu, pour l’Irlandais il y avait un monde.

« Y’a plein de nouveaux professeur à faire devenir botruc à l’école, c’est un travail à plein temps, tu comprends ~ » glissa-t-il d’un ton quelque peu malicieux, comme s’il s’agissait d’une confidence.

Plongeant alors les mains dans les poches de son manteau, le garçon esquissa un sourire plus franc lorsque Rhaegar confirma le fait que, oui, il était bel et bien en vie et non pas le fruit d’une quelconque illusion.

« Tout le monde disait le contraire… t’étais à Ste Mangouste ? »

Parce que pour l’Irlandais, c’était à ne rien y comprendre. Pourquoi le bruit de sa mort avait-il couru si ce n’était pas le cas ? Est ce que les informations s'étaient mélangées, et altérées, compte tenu du nombre de blessés et de disparitions qu’il avait pu y avoir ces dernières années avec la guerre ? C’était une piste possible, mais Rhaegar saurait sans doute mieux y répondre puisqu’il était le premier concerné.