Selena ༄ You should see me in a crown

Ce matin, lorsque Selena ouvre les yeux, elle bondit presque de son lit pour se mettre sur pieds. Elle fouille dans son armoire à la recherche de sa plus jolie tenue – rien d'impressionnant en réalité, mais c'est une robe rose et la fillette l'adore – puis l'apporte dans la salle de bain où elle s'habille et prend aussi le temps d'ordonner ses cheveux face à la glace. Elle veut être la plus belle pour rencontrer son petit frère ! L'excitation se lit dans ses iris sombres lorsqu'elle rejoint le salon où a été placé un berceau – le même que pour elle cinq ans plus tôt, et pour Persée avant elle. Après avoir salué ses parents, et remarqué que son frère n'est pas encore debout, Selena se penche au-dessus du berceau. « Bonjour Orpheus, » murmure-t-elle alors qu'elle tend la main vers ce si petit bonhomme. Son petit frère ne sait pas encore parler mais elle sait déjà qu'il sera un grand sorcier. Elle en est même persuadée. Ou plutôt, elle veut y croire. Elle a besoin de croire qu'à trois ils seront plus forts, plus beaux, plus brillants, et qu'ils feront de grandes choses. C'est ce que Père attend d'eux après tout, et Selena tient plus que tout à le rendre fier. À ce qu'ils le rendent tous les trois fier. C'est déjà ce que Persée et elle s'efforcent de faire en se tenant bien et en suivant à la lettre toutes les consignes de leurs parents. Orpheus fera pareil quand il sera plus grand : il les regardera avec de grands yeux admiratifs et essaiera de les imiter pour tout. Selena est certains qu'ils feront de bons modèles pour le petit dernier des Yaxley, et que grâce à eux il deviendra un sorcier d'autant plus incroyable. Et même si Persée lui a expliqué que l'arrivée du petit dernier n'était pas prévu par leurs parents, ça ne change rien à l'attachement qu'elle lui porte. Peut-être que son aîné a raison et qu'ils n'auraient eu n'être que deux, mais ce n'est pas grave. Si Selena adore son grand frère dont elle est très proches depuis qu'elle est née, ça ne l'empêchera pas d'adorer Orpheus tout autant – elle lui apprendra plein de choses, et désignera leur aîné comme l'exemple à suivre. Et lorsque ce minuscule garçon attrape l'index de sa sœur entre ses petits doigts, elle sait qu'elle tient à lui comme elle tient à Persée. Ils sont ses frères, elle les aime de tout son cœur. « Bienvenue parmi nous, mini-Yaxley. » Sur les lèvres de la petite fille, un sourire se glisse alors qu'elle contemple ce tout petit être qui un jour suivra leur trace.



Depuis son enfance, ses parents lui répètent que leur sang est supérieur à celui des individus d'ascendance moldue. Et elle y croit, Selena. La magie est belle, elle est rare, elle doit être respectée et protégée. Les Yaxley, les Rosier, les Black... Leur magie, à l'image de leur hémoglobine, est pure : elle est forcément plus puissante que celle de ces gens au sang souillé par des êtres non-magiques. Alors Selena, du haut de ses onze ans, elle intègre Poudlard avec l'idée qu'elle est exceptionnelle. Elle grimpe les marches menant à l'estrade la tête haute et elle se tient droite lorsqu'elle prend place sur le tabouret qui s’y trouve. La Grande Salle semble d’autant plus immense maintenant qu’elle est assise, des dizaines de regards sont braqués sur elle, mais elle garde son attitude altière et ne baisse assurément pas les yeux. Sur ses cheveux parfaitement coiffés est posé le Choixpeau magique, et c'est sans surprise que son ambition dévorante la conduit chez les verts et argents de l'école. Un petit sourire aux lèvres et l’air toujours aussi fière, la brune rejoint leur table et accueille avec plaisir les applaudissements qu’elle entend – sans pour autant pouvoir ignorer qu'il y a aussi des messes basses ça et là. Elle le sait, Selena, qu'elle a tout à prouver ici. Et c'est bien ce qu'elle compte faire. Elle n'est qu'une petite première année mais elle a déjà de grands projets, la Yaxley. Elle a bien l'intention de permettre à la famille de remonter la pente malgré les erreurs de Grand-père. Alors, à peine installée à la table décorée des couleurs de Serpentard, elle repère déjà les visages importants. Ceux qui peuvent servir parce qu’ils sont respectés et sont les rois et reines de l’échiquier qu’est Poudlard. Ceux qui ont du pouvoir dans l’école à l’instar de leurs parents qui en ont dans le monde magique – un pouvoir dont ils hériteront un jour. Un pouvoir que Selena convoite elle aussi pour sortir le nom Yaxley de la décrépitude dans laquelle les siens sont malencontreusement tombés. Elle connaît déjà leurs noms, à ces élèves tout puissant, mais il est à présent temps de mettre des visages dessus et, surtout, de tisser des relations intéressantes parmi les sangs-purs. La maison dans laquelle elle a atterri – et qui lui va si bien – est un tremplin idéal : la plupart sont ici, regroupés sous l'emblème du noble et pur Salazar Serpentard. Et la jeune fille compte bien se faire une place de choix parmi eux. Alors elle leur offre des sourires confiants, approuve leurs commentaires médisants d’un hochement de tête et échange même avec certains des œillades moqueuses pour se rire des sangs-de-bourbe à l’air perdu et au patronyme insignifiant qui montent sur l’estrade. Doucement, le serpent fait son nid…






Un livre de la bibliothèque dans son sac de cours, Selena n’est qu’au deuxième étage lorsqu’une main agrippe son bras et l’entraîne dans un couloir avant qu’elle ait le temps de dire quoi que ce soit pour protester. La brune a vite fait de se débarrasser de ce contact déplaisant et de repousser l’élève qui a cru bon de l’approcher sans son consentement. « Qu’est-ce que tu m’as fait ? » La question lui parvient aux oreilles en même temps qu’elle reconnaît son interlocuteur, à qui elle offre un regard méprisant. « Qu’est-ce que tu m’as fait ?! » répète-t-il dans un grognement. Son agressivité fait tout de suite réagir la Yaxley qui tire sa baguette de sa manche. « Tut, tut, tut, » l’arrête-t-elle d’une voix presque chantante, certaine qu’il n’en faudra pas plus pour qu’il n’ait pas l’idée stupide d’utiliser ses poings.Le regard rivé sur ce visage qui la répugne pour ne pas se laisser prendre par surprise, la sang-pur esquisse une grimace de dégoût lorsqu’elle constate que des larmes glissent le long des joues du garçon. Pathétique. Il sait ce qu’il risque. Il risque beaucoup plus qu’elle, et il s’en est rendu compte aujourd’hui. Lorsque, l’esprit infléchi par les bons soins de Selena, il a tagué le mot « Sangs-de-bourbe » face aux dortoirs des Poufsouffles et « Voldemort vaincra » sur le mur adjacent de la salle de classe de cette immonde matière qu’est l’étude des moldus. « Tu as retenu la leçon, j’espère ? » La question n’en est pas vraiment une. Elle est un avertissement : s’il ne l’a pas retenue, elle se fera un plaisir de la lui faire apprendre de nouveau. Et s’il pense qu’elle a été cruelle, il ne l’a jamais vue avec les personnes qui l’ont offensée à deux fois. « N'oublie pas quelle est ta place, » lâche-t-elle avec dédain, avant de ranger sa baguette et de l’abandonner ici avec son désespoir et sa culpabilité. Pour peu, elle espère qu’un de ses camarades de maison l’aura vu décorer ainsi les murs de Poudlard. Oh, il prétendra sûrement qu’il a été ensorcelé, mais il ne parviendra jamais à le prouver. Et encore moins à faire accuser la Yaxley qui s’éloigne de lui avec un air triomphant. Qui pourrait suspecter Selena, de toute façon ? Avec ses longs cheveux bruns encadrant son visage d’ange, ses manières de jeune fille bien élevée et ses excellentes notes, elle a tout de ces élèves à qui on donnerait le bon dieu sans concession. Jamais on ne la penserait violente malgré son nom et sa cravate verte et argent.

Selena n’a jamais été une grande amatrice de violence physique, elle a même tendance à l’éviter autant qu’elle le peut. D’une part, parce que la jeune femme est assez lucide pour réaliser que, avec sa frêle carrure, elle ne ferait pas long feu au corps à corps, qu’importe l’adversaire en face. D’autre part, parce que la violence physique laisse des traces. Il est facile de prouver que l’on a été frappé lorsqu’on arbore un oeil au beurre noir après une dispute. Alors que le cerveau… N’est-ce pas quelque chose de merveilleux ? Une machinerie à la complexité infinie, mais dont il n’est pas si difficile de prendre le contrôle lorsqu’on sait comment s’y prendre ? Le garçon a lutté, bien sûr, mais il n’était pas assez fort pour lui résister à elle. Le pauvre petit impur, que pouvait-il faire contre l’expérience de la Yaxley ? Ce n’était pas la première fois qu’elle utilisait l’Imperium. Si elle n’a pas eu le droit à des cours de magie noire aussi poussés et réguliers que son frère aîné, elle était tout de même décidée à apprendre. Père n’avait pas beaucoup de temps à lui accorder, trop occupé à faire de Persée le parfait héritier de leur branche, mais Selena se montrait infiniment studieuse pour compenser. Que ce soit pour les bases d’occlumancie ou la magie noire, elle était sérieuse, déterminée à maîtriser ces formes de magie. Surtout le sortilège de l’Impero, qui l’a fascinée dès la première fois que le paternel le lui a montré. Elle voulait apprendre, elle voulait être capable de faire ça, elle voulait avoir ce pouvoir sur les autres. Et elle l’a fait. Elle s’est entraînée, souvent, beaucoup. D’abord sur des animaux insignifiants, de petites bestioles puis des plus grosses – le pauvre chat de la voisine a fait un parfait cobaye, entre autre. Et puis un jour, il est venu le temps de s’en prendre à une cible plus intéressante : l’humain. Selena se souvient encore de la première fois qu’elle a utilisé ce sortilège contre une vraie personne. Cette douce chaleur remontant son bras armé, mêlée à un drôle de fourmillement qu’elle pouvait sentir jusque dans ses veines. Et surtout, cette sensation de pouvoir qui lui procurait un sentiment de puissance incomparable. Jamais elle n’avait ressenti ça. C’était enivrant. Un plaisir pur alors qu’elle pouvait prendre le contrôle de l’esprit d’un autre, y implanter ce qu’elle souhaitait. Comme elle l’a fait avec cet impur, comme elle l’avait fait avec d’autres, et comme elle le fera encore. L’Imperium est sans aucun doute son sortilège préféré.



C’est une belle journée. Lorsqu’elle quitte le Ministère, Selena a le cœur gonflé par la fierté de s’être vu confier un dossier important – en tout cas plus important que tous ceux qu’on lui avait confiés avant. Comme à chaque vacance scolaire, c’est dans le quartier de ses parents qu’elle transplane et non dans l’appartement qu’elle partage avec Amaury, son fiancé – et pour lequel elle n’a pas déboursé un galion, bien sûr. Orpheus étant encore à Poudlard, elle profite de ces quelques jours où il n’a pas cours pour rentrer au domicile familial. Qu’importe que leur maison soit encore plus décrépite que lorsqu’elle y est née – et véritablement ridicule comparée à son logement actuel –, la Yaxley aime l’idée de passer du temps en famille. Néanmoins, il est difficile d’ignorer que l’ambiance n’est pas idéale depuis quelque temps. Et tout le monde sait pourquoi, bien que personne ne mette vraiment de mots dessus. Jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à ces mots prononcés par Père à l’encontre du fils aîné. De l’héritier, qui n’en est à présent plus un malgré son statut de premier né : devenu un loup-garou, Persée est à présent renié par les Yaxley. Il n’a plus sa place au sein de la famille, souillant leur nom par sa condition. Les paroles du paternel, qui n’est pas connu pour sa délicatesse, sont aussi violentes qu’elles sont incontestables. Et si la nouvelle brise le cœur de la cadette et laisse le benjamin pantois, elle déclenche chez l’aîné une rage comme jamais ils ne lui en ont vue. Une ire telle que, en un instant, des flammes incandescentes naissent dans ses yeux… Un bien sombre présage.

C’est une terrible journée. Lorsqu’elle lève les yeux vers son grand frère, Selena a le cœur serré par l’inévitable sentence qui vient de tomber. Elle l’a su dès le jour où elle a appris pour la morsure de son frère, que ce moment finirait par arriver. Et maintenant qu’il a lieu, elle se rend compte qu’elle n’était pas préparée. Que rien n’aurait pu l’y préparer. « Vous croyez que ça va vous sauver ?! Jason, t’auras beau faire tout c’que tu veux avec les apparences mais les faits sont là : tu vis dans un taudis, et personne te respecte !  » Les mots sont durs, emplis d’une haine féroce qui ne se tarit pas : la mâchoire serrée, Persée continue, bien décidée à déverser toute sa colère sur sa famille qui à présent ne l’est plus. « Maman… ma chère petite maman bien aimée. Même une mandragore a plus de répondant que toi ! » Incapable de détacher son regard de son aîné, Selena assiste à ce déversement de rage et de rancoeur dans une impuissance terrible. Est-ce qu’il l’écouterait, si elle lui disait d’arrêter ? Si elle lui expliquait que c’est pour leur bien à tous, qu’il doit partir ? Est-ce qu’il comprendrait que c’est son devoir en tant que Yaxley, de protéger l’honneur et l’intégrité de la famille en s’en éloignant maintenant qu’il est un hybride ? « Et toi, Sally… ô toi… » Et soudainement, la brune sent son estomac se tordre. L’air lui manque. Oh bien sûr, elle n’a pas apprécié le fait que Persée insulte leurs parents et leur famille par la même occasion mais… Ce n’était rien comparé à ce moment précis où leurs regards se croisent. Lorsqu’il braque ses yeux plein de fureur sur elle, elle ne reconnaît simplement plus son grand frère. Le frère dont elle est pourtant le plus proche, celui dont elle colle les basques depuis qu’elle sait marcher, celui dont elle a tant appris… Elle ne sait plus qui il est. Il n’est plus là. Remplacé par un monstre à la haine féroce et dont le venin s’apprête à se déverser sur elle sans qu’elle puisse l’arrêter. « Tu n’es qu’une garce. Une peste qui se donne de grands airs de-... » La salve d’insultes qui allait probablement suivre est stoppée par la violente gifle que lui donne alors Orpheus, et les yeux de la jeune femme s’écarquillent de surprise. L’horreur s’y mêle bien vite lorsque, après s’être massé la mâchoire dans un silence presque effrayant, Persée réplique : c’est son poing qu’il abat sur le visage de leur petit frère, le projetant contre le vaisselier qui en tremble un moment. Le bruit tonitruant des assiettes se brisant sur le sol semble pourtant insignifiant comparé au cri de rage de Persée. « Toi la ramènes pas, sale morveux ! T’es qu’une strangulot d’erreur, les parents t’ont jamais voulu ! » . Le choc est tel que Selena ne parvient pas à bouger malgré son inquiétude pour son petit frère. Pas pour cette vérité violemment révélée – elle l’a su avant même sa naissance, que le petit dernier n’était pas prévu par leurs parents –, mais pour la violence physique dont fait preuve leur frère aîné pour la compléter. Il ne faut que quelques secondes pour qu’Orpheus soit mis hors d’état de nuire, crachant du sang par terre après avoir reçu bien trop de coups pour les compter. C’est Père qui met fin au massacre en pointant sa baguette sur le déshérité fou de rage, et Aita – dieu des morts – seul sait ce qu’il se serait passé s’il n’était pas intervenu. « Ça suffit, Persée !  Hors de chez-moi, et ne remets plus jamais les pieds ici tu entends ?! » Ce n’est qu’à ce moment-là que Persée lâche leur petit frère, vers qui se précipite aussitôt la jeune femme pour s’assurer qu’il aille bien – ou en tout cas aussi bien qu’il puisse aller après une telle agression. Le rire de leur aîné la fait frissonner et relever les yeux vers lui, qui se tient à présent dans l’encadrement de la porte et ne lâche pas du regard Orpheus. « Il est beau, votre nouvel héritier… Incapable de se défendre. T’en fais pas, Orphe’, j’reviendrais pour toi. » La porte claque et c’est ainsi que Persée les quitte, après avoir insulté toute sa famille et presque battu à mort le nouvel héritier. C’est ainsi que les Yaxley, une nouvelle fois, volent en éclats.






Les vacances scolaires touchent à leur fin : demain, le Poudlard Express ramènera tous les jeunes étudiants et étudiantes au château où ils termineront leur année. Il est donc temps pour Selena de rentrer chez elle, après toutes ses nuits passées dans la maison familiale, à observer avec désolation les trous dans les murs, les tuiles du toit manquantes et les craquelures dans le plafond – un bon rappel de pourquoi elle tient tant à épouser Amaury cet été. Les vacances de Pâques n’auront jamais été aussi étranges que cette année, pour des raisons évidentes. Persée n’est plus là : il n’a pas eu l’idée idiote de revenir toquer à la porte maintenant que Père l’a banni et renié. Orpheus est grognon et distant, avec un répondant si mordant que sa sœur a l’impression qu’il a récupéré les pires traits de la personnalité de leur aîné depuis son départ. Elle se répète que c’est à cause du choc : Persée n’y est pas allé de main morte et l’a ni plus ni moins tabassé avant de partir. Il faut du temps pour s’en remettre. Les blessures physiques cicatrisent petit à petit, et pour le reste… Elle ne sait pas combien de temps il lui faudra. Elle ne sait pas s’il se montrera toujours aussi fuyant alors qu’après une telle perte familiale ils devraient se serrer les coudes. Elle ne sait pas s’il sait la vérité concernant les mots terribles qu’a prononcés le déshérité avant de disparaître de leur vie. D’une certaine façon, Selena s’en veut un peu pour ce qu’il s’est passé. C’est pour avoir voulu la défendre elle que son cadet s’est fait rouer de coups. Mais aurait-elle vraiment pu l’en empêcher ? Y avait-il un moyen de s’opposer à l’ire du loup qu’est devenu leur frère ? Malheureusement, elle en doute.

Le repas est terminé depuis une quinzaine de minutes lorsque Selena se lève de table. Son frère a rejoint sa chambre dès la fin du dessert, laissant son aînée et ses parents discuter entre eux – il n’est de toute façon pas très causant, depuis plusieurs jours. Après avoir débarrassé la table de quelques coups de baguettes et ensorcelé l’évier et la vaisselle pour que cette tâche ingrate se fasse seule, la brune s’éclipse pour rejoindre la chambre de son cadet. Elle toque doucement à la porte puis l’entrouvre, découvrant Orpheus « Je vais rentrer, j’ai dit à Amaury que je le rejoindrai après le dîner, » explique-t-elle en faisant quelques pas à l’intérieur. Qu’importe qu’il se montre distant à raison, elle refuse de partir comme une voleuse. « Bon courage pour la reprise à Poudlard. Je suis sûre que tu vas- » « Est-ce que c’est vrai ? » Il ne la laisse pas terminer sa phrase, n’en ayant sans doute même pas écouté le début. Il s’en moque : elle peut sentir au ton de sa voix et à son attitude que tout ce qui lui importe, c’est d’avoir la réponse à sa question. Savoir s’il est vraiment une erreur comme l’a affirmé leur frère. « Ce qu’a dit Persée… Est-ce que c’est vrai ? » « Oui. » Aurait-il préférable de lui mentir, pour épargner son pauvre cœur déjà malmené depuis l’altercation ? Peut-être. Mais il aurait fini par connaître la vérité. Et la vérité, aussi dure qu’elle puisse être à encaisser, c’est que Persée ne lui a pas menti. « Mais ça ne change rien au fait qu’on t’aime, et que tu es un Yaxley à part entière, » lui assure-t-elle en venant s’asseoir à côté de lui, sans pour autant cesser de le regarder. Ces mots, elle les pense pleinement. Orpheus n’a jamais été moins son frère que leur aîné sous prétexte qu’il n’était pas prévu. « Ouais, jusqu'à ce que j'devienne un loup-garou moi aussi, » grommelle le garçon. Et le cœur de Selena se serre face à cette réalité qu’elle ne peut accepter. Elle refuse de perdre son dernier frère. Elle ne le supporterait pas. « Ça n’arrivera pas. » Sa voix est confiante, comme si elle savait – pourtant la brune n’a jamais eu de don de voyance, et il le sait autant qu’elle. Ça ne l’empêche pas d’être certaine de ce qu’elle assure, parfaitement confiante. « Tu es un garçon prudent, bien plus que l’était Persée. Notre frère avait des fréquentations… Peu recommandables, tu le sais. Il en a malheureusement payé le prix. » Son goût prononcé pour les lieux de débauche l’a amené à fréquenter tant d’inconnus qu’il n’est pas si étonnant qu’il ait fini par faire une très mauvaise rencontre, bien que ce soit malheureux. « Je sais que tu ne feras pas cette erreur. » Orpheus a ses défauts, mais elle refuse de l’imaginer pouvant emprunter un chemin aussi risqué que leur aîné déchu. Et puis, il est averti à présent. Quoi qu’il fasse, il fera attention. « Je peux rester ce soir et t’accompagner demain à la gare, si tu le souhaites ? » Mais son frère est sans doute trop fier pour accepter une telle offre, secouant la tête de droite à gauche. Préférant ne pas insister, Selena se penche simplement vers lui pour déposer un baiser sur sa tempe – veillant à ne toucher aucune de ses blessures, bien sûr. « Bon courage pour la reprise, » murmure-t-elle avec douceur, avant de se lever pour quitter la chambre et le laisser seul à sa réflexion.



Les bras de son mari autour de sa taille, Selena tourne au rythme de la musique tout en veillant à garder le dos bien droit et le menton redressé. C’est sa journée : celle où tous les regards sont posés sur elle, tous ses mouvements de danse commentés, le moindre de ses choix concernant la cérémonie, le buffet, les décors interrogé. Et si beaucoup ressentiraient une pression face à tout ce poids pesant sur ses épaules, la Yaxley adore cette impression d’être la plus importante du monde aujourd’hui. Elle qui ne manque pourtant pas de confiance en elle, s’est rarement sentie aussi resplendissante qu’aujourd’hui, dans les bras d’Amaury. C’est vrai qu’il n’est pas le plus beau sang-pur qui soit, ni le plus riche, mais il a tout de même son charme. Et il a surtout l'avantage d'être plutôt docile, une caractéristique que sa femme a rapidement repéré chez lui – et qu'elle considère bien sûr comme une immense qualité.

Ce n'est pas de l'amour entre eux. Ça n'en a jamais été, et ça n'en sera sans doute jamais. Mais chacun trouvait son compte dans ce mariage. Amaury peut s'afficher avec une sublime femme à ses bras, plus belle que toutes ses prétendantes dont le standing était au niveau du sien – faible –, et apparaître aux yeux de tous comme le parfait sang-pur qui coche les cases qu'il faut : les fiançailles à la sortie de Poudlard, En tant qu'héritier de sa branche, beaucoup de pressions pesaient sur lui à ce sujet. Selena, quant à elle, épouse un riche parti qui lui permettrait d'accéder à une fortune que la déchéance des siens ne lui avait fait que miroiter d'ici là. Et elle était bien vue, très bien vue d'être l'épouse de. Bien sûr, la jeune femme a toujours rêvé de briller par elle-même et d'être plus que cela. Mais pour l’instant, son poste au Ministère est loin de lui permettre cela. Un jour, ce sera le cas. En attendant, Amaury est sa première façon de briller parmi les sangs-purs maintenant qu’elle a quitté Poudlard. Elle est resplendissante à son bras. Lorsqu’ils entament leur première danse, tous les regards sont braqués sur eux. Quel joli couple. On ne voit qu’eux, jeunes et beaux, dans leurs élégantes tenues de mariage. Et, en voyant Selena dans sa longue robe blanche, plus personne ne songe à son frère déshérité, à son nom de jeune fille encore une fois entaché d’un scandale, à son arbre généalogique souillé par un loup-garou.



Le cœur lourd, le souffle court, une douleur sourde dans la poitrine, Selena s’efforce pourtant de rester calme et de garder la tête froide. Elle ne peut pas céder à la pression, pas alors que Mère s’est effondrée dans ses bras après avoir écrit une lettre à destination de Poudlard qu’Orpheus devrait pouvoir ouvrir dès le lendemain matin. Il reconnaîtra l’écriture maternelle mais aussi le tremblement qui l’abîme, preuve qu’elle a peiné à écrire ces mots – sa fille n’était pas sûre qu’elle y parvienne, pour être honnête. Mildred Yaxley n’a jamais eu la réputation d’être une femme forte et indépendante, et elle n’en a en réalité jamais été une. Complètement dépendante de son mari, que ce soit financièrement ou émotionnellement, elle a montré sans le vouloir à son unique fille exactement le type d’épouse qu’elle ne voulait pas devenir. Elle s’est toujours reposée sur Père pour tout, ses enfants le savaient, tout le monde le savait : c’était ainsi que leur couple fonctionnait. Et maintenant, comment les choses allaient fonctionner ? « Je suis là, » murmure Selena en glissant une main dans le dos de sa mère pour la conduire avec douceur vers le canapé – elle s’occupera d’envoyer la lettre plus tard dans la soirée, de toute façon son frère ne pourra pas l’ouvrir avant le petit-déjeuner dans la Grande Salle demain.

Selena aimerait lui dire que ça va aller mais comment pourrait-elle la croire à présent ? Tout s’effondre autour d’elles, comment le nier ? Persée a été déshérité il y a un an à peine, et voilà qu’un autre malheur accable leur famille déjà malmenée par le destin : Père vient d’être arrêté. Il sera jugé sous peu pour ses actes et sera reconnu Mangemort puisqu’il en porte la marque. Et il paiera pour ses collègues qui ont eu la chance de ne pas être attrapés. Condamné pour avoir voulu rendre leur monde meilleur en le protégeant des moldus et en réaffirmant la supériorité des sangs-purs… c’est tellement injuste ! Et ce qui l’est encore plus, c’est le désastre dans lequel il laisse les siens. Orpheus n’est plus seulement l’héritier à présent : le voici chef de la famille, un mois à peine après son quinzième anniversaire. Et Mère… Mère n’arrête pas de pleurer, au point que sa fille doute que son état s’améliore prochainement. Il ne reste que Selena pour garder la tête haute : du haut de ses dix-neuf ans, elle devient le pilier de la mère de famille mais aussi celui de la famille elle-même car il n’y a qu’elle pour endosser ce rôle. Malgré tout l’amour qu’elle porte pour son cadet, elle ne peut décemment pas lui laisser assumer cette responsabilité à un si jeune âge. Alors d’une certaine manière, même si elle n’en porte pas le titre, la voilà devenue la régente de la famille. Un statut temporaire, d’autant plus perturbant qu’elle ne porte même plus le nom Yaxley, mais auquel elle ne peut échapper si elle veut que sa famille survive à ce nouveau cataclysme. Et c’est ce qu’elle souhaite plus que tout au monde, en réalité.

Selena ne saurait dire combien de temps elle est restée aux côtés de sa mère sur le canapé du salon avant de lui proposer de manger quelque chose pour le dîner. Sans surprise, elles ne prennent même pas la peine de dresser la table pour deux : elles savent pertinemment, l’une comme l’autre, qu’elles sont incapables d’avaler quoi que ce soit. Toujours avec douceur, elle finit par conduire Mère jusqu’à sa chambre pour qu’elle se couche – elle n’est pas en état de faire plus que cela, de toute façon. C’est en refermant la porte que, pour la première fois de la journée, Selena laisse enfin une larme rouler le long de sa joue. Des dizaines suivront, mais personne ne sera là pour constater sa faiblesse. Elle n’a pas le droit d’être faible, pas maintenant.






Agacée, Selena ouvre tous les tiroirs et placards qui lui passent sous la main à la recherche de ce maudit rouleau de parchemin dont elle a tant besoin. Elle qui est pourtant si ordonnée n’en revient pas d’avoir perdu un papier de cette importance. Est-ce qu’Amaury a pu le déplacer lorsqu’elle n’était pas là ? Le ranger au mauvais endroit en pensant bien faire ? Pourquoi est-ce qu’il n’a pas attendu qu’elle rentre pour lui demander ? Par Turan, ce que ça l’insupporte lorsqu’il fait ça ! Cela prouve sans doute qu’il a bon fond et veut donner un coup de main, mais ça a surtout tendance à rendre dingue son épouse qui aime que tout soit à la bonne place. Il lui a déjà fait remarquer que, lorsqu’ils auront des enfants, elle ne pourra pas être autant attachée au rangement de leur demeure qu’elle l’est aujourd’hui – et s’il a sans doute raison, elle a tout de même préféré ignorer sa remarque. Bien sûr qu’elle compte un jour avoir des enfants avec lui, mais pour l’instant ce n’est pas sa priorité. Avant de s’infliger une grossesse qui la pénalisera forcément dans sa carrière, elle voudrait s’assurer d’avoir un poste stable au Ministère. Un poste qui en vaille la peine. Ce qu’Amaury comprend et entend, évidemment – c’est pour ça qu’elle l’aime, affirme-t-elle toujours.

Selena ne réfléchit pas vraiment lorsqu’elle ouvre la table de chevet de son époux, comptant la refermer dès l’instant où elle n’y trouvera pas l’objet de sa quête. Pourtant, alors qu’elle s’apprête à le faire, quelque chose attire son regard. Un nom. Un nom inscrit sur un carnet, posé juste là, loin de tout soupçon tant qu’il est à l’abri dans le tiroir clos – mais à cet instant précis, il ne l’est pas, et les doigts de la sang-pur s’en emparent pour l’examiner de plus près. Un nom qui n’est ni le sien, ni celui d’Amaury, mais un nom qu’elle connaît quand même. Un nom qui la rend nauséeuse dès qu’elle comprend. Qu’est-ce que le carnet de cette sale sang-de-bourbe qui sert de collègue à son époux fait dans la table de chevet de son mari ? Oh, Selena n’a pas besoin de plus pour comprendre le petit manège qui lui a échappé pendant peut-être des mois. Et la fureur n’a pas besoin de plus pour s’infiltrer dans ses veines et la brûler comme le pire des poisons, laissant même un goût amer dans sa bouche.

Le meurtre, Selena y a déjà songé avant, pour être honnête. Pour obtenir l'argent à son seul nom plus rapidement, pour ne plus avoir un boulet dans les pattes, pour peut-être viser un plus gros poisson ensuite. Mais elle s’était jusque-là convaincue qu’Amaury lui était plus utile vivant que mort. À cet instant précis, lorsque ses ongles parfaitement manucurés broient la couverture du carnet où est inscrit son nom à elle, à cette impure, son égo prend la décision à sa place : cette ordure doit payer pour cet affront. Et il le paiera de sa vie, ni plus ni moins.



Ce matin, Selena s’est levée bien avant son mari. Si les battements intenses de son cœur pourraient trahir une certaine appréhension face à ce qu’elle a prévu de faire aujourd’hui, en réalité ils veulent simplement hurler sa colère qui ne s’est pas calmée depuis sa découverte. Le goût amer de la trahison n’a pas quitté sa langue : elle a été dupée, roulée dans la boue et humiliée, elle réclame vengeance. À son réveil, Amaury a pourtant la joie de constater que c’est un bon jour : sa merveilleuse épouse lui prépare elle-même un charmant petit-déjeuner et le lui sert avec un sourire bien matinal. Tout semble parfait. Parfait jusqu’à ce que vienne l’heure de partir au travail, mais qu’elle l’appelle dans la cuisine. Oh, il aurait dû se méfier sans doute. Mais comment se méfier de la personne qui partage sa vie depuis plus d’un an, hm ? Selena, elle, ne s'en est pas méfiée. Elle le regrette amèrement à présent. Et elle va le lui faire payer.

Il est là, dans la cuisine, face à elle. Il a l’air tellement heureux, repu par ce petit-déjeuner maison, tellement naïf. « Comment tu as osé me faire ça ? » qu’elle demande de but en blanc, sans pour autant élever le ton. Elle est calme, Selena, et c’est peut-être ce qui rend ça plus inquiétant encore. « De quoi tu parles, Sally ? » À cet instant, elle a envie de lui arracher les yeux. Comment ose-t-il prétendre qu’il ne sait pas de quoi elle parle ? « Ne m’appelle pas Sally, » rétorque-t-elle d’une voix terriblement froide avant de faire venir à elle, d’un geste de sa baguette, la preuve de son ignoble trahison. D’un geste sec, elle l’ouvre, sans pour autant détacher son regard de son époux. « Tu veux que je te lise ce que cette agaçante petite impure névrosée a écrit pour que tu reconnaisses sa plume ? » qu’elle demande, masquant à merveille sa colère qui pourtant brûle chaque pore de sa peau. Et c’est là qu’il comprend : ses yeux s’écarquillent, il pâlit un peu et son regard devient inquiet, alternant entre le carnet et le visage si neutre de son épouse. Sans doute se sent-il bien idiot à présent, et il fait bien. « C’était une erreu- » Elle ne prend pas la peine d’écouter ses excuses vides de sens, l’interrompt même. « Depuis combien de temps ? » L’ongle de son index tapote avec un rythme régulier la couverture du carnet toujours entre ses doigts, mais son regard darde toujours avec autant d’insistance son mari. « Pas longtemps, je te le jure. » Il peut jurer tout ce qu’il veut, ça n’a plus aucune importance. Le boulet accroché à ses pieds est devenu bien pire que ça à présent.  À cause de lui, elle a été l’idiote femme de dont on se moque car des cornes lui poussent sans qu’elle le sache. Avec un peu de chance, il dit vrai et son adultère est trop récent pour que d’autres personnes soient au courant. Mais ça ne change rien à sa sentence. « Je ne la verrai plus jamais, c’était la dernière fois. » Ah ça, elle en est même certaine. Pourtant, dans un signe de réconciliation, la voilà qui fait un pas en avant. Un pas vers lui. « Plus jamais ? » s'enquiert-t-elle d’un air naïf. Il hoche la tête et, lorsqu’il vient pour la prendre dans ses bras, elle se laisse faire. Elle laisse tomber le carnet de l’impure sur le sol. Mais pas sa baguette, qu’elle pointe sur la tempe de son cher mari. « Tu lui diras bonjour de ma part, quand tu la rejoindras en enfer, » murmure-t-elle à son oreille, et les mots provoquent une terreur indicible dans ses yeux qu’elle savoure l’espace d’une seconde.

Selena lance le sortilège impardonnable avant qu’il ait le temps de faire quoi que ce soit. Voir la peur dans ses yeux se transformer en cette docilité molle dont elle a rarement fait usage depuis Poudlard a quelque chose de jouissif. Comme à l’époque, la voilà qui donne et pense les instructions à suivre. Comme tous les matins, Amaury partira travailler aujourd’hui. Il n’arrivera simplement jamais au travail : le pauvre mourra dans un accident et laissera derrière lui sa veuve éplorée qui, bien sûr, brûlera le carnet compromettant de la maîtresse impure. Elle pleurera lorsqu’un agent viendra lui annoncer la triste nouvelle à la porte de leur domicile. Elle sanglotera encore lorsqu’elle devra l’annoncer à sa mère ou aux parents du sang-pur. Elle écrira une lettre d’une main tremblante à son frère pour lui faire part de la triste nouvelle. Elle hoquètera lorsqu’il s’agira de choisir les conditions de l’enterrement de son défunt époux. Oh, il lui manque déjà… Comment ce tragique accident a osé lui arracher son mari adoré ?





Toute de noir vêtue, le visage dissimulé par un fin voile sombre et l’air rendu solennel par sa tête penché en avant, Selena accueille respectueusement toutes les condoléances qui lui sont présentées aujourd’hui. Le manège n’est pas difficile à exécuter, lui faisant un peu penser à son mariage un an et demi plutôt. Les couleurs sont différentes, cependant, et les mines bien plus fermées – la sienne la première. Une veuve souriant de toutes ses dents le jour où son défunt mari est mis sous terre, ce serait malvenu. Pourtant, intérieurement, la sang-pur sourit. Tout s’est passé exactement comme elle le désirait : les enquêteurs ont conclu à un accident dans lequel elle n’a aucune part de responsabilité. Une part qu’elle accepte, en revanche, c’est l’argent que possédait son défunt époux et qui lui revient de droit. En tant qu’aîné, il était l’héritier de sa branche, permettant ainsi à sa femme de récupérer, en plus de leur belle maison, une somme conséquente – à laquelle elle ne touchera qu’une fois cette histoire de mort accidentelle tassée, sait-on jamais. Pour l’instant, elle est trop occupée à faire son deuil pour se soucier de cet argent, n’est-ce pas ?

Lorsque son petit frère s’approche d’elle pour suivre la danse des condoléances que tous ne pensent pas, Selena le scrute sans un mot à travers son voile sombre. Il fait de même, et il y a cet instant de flottement où ni l’un ni l’autre n’ouvre la bouche. Ils se contemplent juste, se sondent, s’analysent. Est-ce qu’il sait ? « Sérieusement…? » Peut-être bien qu’un infime sourire passe fugacement sur les lippes de sa sœur à ce moment-là. Semblable à un aveu pour lui parce qu’il la connaît, mais qui ne vaut rien pour le reste du monde : c’était un accident, qui pourrait croire à une autre explication à présent que l’enquête est close et la veuve parfaitement innocentée ? Selena est vierge de tout soupçon, et à présent débarrassé de ce boulet et lavé de cette humiliation qu’elle ne pouvait tolérer.



Lorsque Selena s'installe à son bureau pour reprendre son travail après avoir remis en place sa chevelure nouvellement blonde, un léger sourire a pris place sur ses lippes. L’ironie est belle : aujourd’hui, Amaury et elle auraient fêté leur deuxième anniversaire s’il n’avait pas perdu la vie d’un accident sept mois plus tôt. Au lieu de ça, voilà qu’elle se retrouve fiancée à un homme dont elle ne connaît pas grand chose, bien qu’ils aient fréquenté la même maison à Poudlard pendant six années consécutives : Adriel Mulciber. Selena se souvient de la réputation qu’il avait à l’école – un coureur de jupons, ni plus ni moins. Elle a bien conscience qu’il a déjà deux fiançailles brisées à son actif, et que c’est même l’exacte raison pour laquelle les parents du jeune homme se sont tournés vers elle Cela n’empêche pas la jeune femme de le considérer comme un bon parti, sûrement influencé par l’accord qu’elle vient de passer avec les parents de celui qui est à présent son fiancé. La vie est bien faite parfois : une discussion dans un couloir avec le Père Mulciber, quelques discussions et un échange de bons procédés et voilà qu’elle se retrouve fiancée à leur fils unique et héritier. Les termes du contrat sont simples : Selena permet à son futur mari de se ranger et d’avoir des héritiers, et les Mulciber redorent l’image des Yaxley. Il ne reste que l’accord d’Adriel, en théorie le principal concerné, mais dont l’avis semble bien peu compter dans l’esprit de ses parents. Peut-être désespèrent-ils de le voir encore célibataire et sans enfant à vingt ans, si peu enclin à se poser… Qu’importe, cela arrange bien la jeune femme, en réalité. Il ne reste plus qu’à l’annoncer à sa famille et à rencontrer son futur époux. Mais elle attendra assurément que le deuxième événement ait lieu pour programmer le premier. Il est hors de question qu’elle donne de faux espoirs à sa famille, quand bien même elle doute que la rencontre avec Adriel lui fasse tout annuler : les Yaxley ont terriblement besoin d’une lueur d’espoir par les temps qui courent.