Othello - Après nous, le déluge.

Le couloir est vide dans cette aile de St Mangouste, sans doute car les patients qui viennent ici s'engouffrent rapidement dans un bureau et n'en sortent qu'une heure plus tard, l'âme plus légère ou au contraire l'esprit encore plus torturé qu'il ne l'était déjà. Le gamin attend, son visage est inexpressif si ce n'est son regard qui passe de gauche à droite, cherchant des yeux une silhouette qui viendrait jusqu'à lui mais il ne voit rien, n'entend rien, en dehors du bruit d'une porte qui claque et quelques voix au loin, signe que l'hôpital est utilisé malgré tout. On pourrait penser le contraire quand on voit comme le couloir est calme, presque paisible alors que ceux qui viennent ici ont justement des vagues à l'âme qu'ils ont bien du mal à expliquer. Nous sommes samedi matin et d'ici une semaine, Othello partira pour Poudlard afin de poursuivre ses études sous l'oeil bienveillant de ses amis, de ses professeurs et de sa famille. La 5eme années est là, au bout de ses doigts et il a bien du mal à réaliser qu'il a déjà fait 5 ans à Poudlard, sans jamais faillir et surtout sans redoubler aucune classe, malgré ses quelques lacunes car comme beaucoup de jeunes, Othello a bien du mal à étudier ce qui ne lui plaît pas. Et son caractère joyeux ne l'aide pas, lui qui aimerait tant s'envoler sur un balai pour faire des passes de souafle au lieu d'étudier les runes magiques. Mais son oncle a été clair, cette année le niveau augmente encore d'un cran et il doit rester compétitif alors, il devra travailler. Pas que ce soit un problème, Othello peut quand il veut, c'est surtout le vouloir qui est bien difficile pour lui.

Voilà un mois qu'il vient ici chaque semaine en toute discrétion, depuis que son oncle l'a trouvé se promenant cet été dans la cuisine du manoir familial, après trois nuits sans dormir. Othello Rowle, son oncle de fait dont il a emprunté le prénom car il est pour lui un mentor et une figure paternelle, est le seul de la famille à savoir que le gamin se rend ici tous les 7 jours pour parler de ce qui le tracasse et de ce qu'il voit dans ses visions, dans ses flashs qui restent dans son esprit toute la journée quand ils se produisent, un véritable calvaire pour un presque adulte qui voudrait juste être comme tout le monde, juste normal. Mais sans jugement, avec douceur et empathie alors son oncle l'a envoyé à St Mangouste et lui a assuré que ces rendez-vous allaient continuer malgré Poudlard, une fois par mois seulement et avec l'accord de la direction, la psychomage viendra jusqu'à l'école pour lui faire sa séance dans une des salles de classe vide, car apparemment un environnement agréable devrait favoriser ses confidences. C'est qu'il a eut du mal à parler au début, prenant cela comme une marque de faiblesse mais finalement, son oncle et la professionnelle ont su le mettre en confiance et maintenant, il a hâte de rejoindre ce bureau où il peut s'épancher.

Soudainement, la porte s'ouvre et un jeune homme sort, avant que Othello ne se lève d'un geste ample pour pénétrer dans le bureau à la décoration chaleureuse et agréable. Il s'installe dans le canapé moelleux après avoir salué la psychomage d'un mouvement de la tête. Elle prend une feuille vierge, note la date du jour et lui demande tout d'abord comment il va, il répond d'un haussement d'épaule absent puis elle lui demande de parler de ce qui ne va pas, de ce qu'il a sur le cœur alors qu'une nouvelle année scolaire démarre bientôt et qu'il devrait être enchanté, comme tout étudiant non ? Othello reprend son souffle, regarde un point invisible devant lui et après un instant d'hésitation et de retenue, il enchaîne sans réfléchir.

« Ca a recommencé hier soir... Soudainement je sais que je ne rêve plus, car j'ai froid, je ressens les émotions de ceux qui m'entourent. J'ai vu... Poudlard je crois. La bâtisse à l'époque de sa construction, quand elle n'était qu'un château en ruine accueillant un nid d'acromentules, vous saviez ça ? J'ai vu 4 sorciers devant, combattant les créatures avant de créer l'école et d'en faire un lieu de refuge pour les sorciers. A l'époque... Il y avait des dragons dans le parc, des hippogriffes et des sombrals en liberté, tout le monde les voyait car chacun avait déjà côtoyé la mort. Je crois que j'ai vu... Mon ancêtre, je crois. Il était très intimidant et le basilic, encore tout petit, se trouvait dans sa poche. Il l'a élevé comme son enfant, vous le saviez ça aussi ? » Une fois qu'Othello a tout laisser échapper dans un souffle il arrête de parler, refoulant l'une des images au plus profond de son esprit. Celle de deux hommes s'embrassant dans ce qui devait être une chambre secrète ou des appartements cachés. Deux hommes, dont son ancêtre, échangeant quelques paroles douces anciennes avec ce qui devait être un Godric Gryffondor des plus jeunes. Deux hommes ou plutôt l'histoire d'une rupture dont il ne reste aucune preuve, si ce n'est l'animosité légendaire entre les Serpentards et les Gryffondors. « Puis les images ont changées et j'ai vu mon père dans un pays lointain, celui où il est tombé malade je pense. Ce n'est pas très clair, les images lointaines le sont mais ça se mélange avec des flashs plus récents que j'ai du mal à contrôler. »

La psychomage note avant de relever vers lui un regard bleu océan et de lui sourire gentiment. « Vous devriez vous concentrer sur un détail lors de ces visions. Un détail précis vous permettrait de vous accrocher à la vision afin qu'elle ne cesse pas tout de suite mais surtout, de la rendre plus précise. Vous pouvez faire cela, la prochaine fois ? D'ailleurs, vous en avez parlé à votre famille, comme il était convenu ? » Othello baisse la tête pendant un instant, comme si il entendait un reproche dans la voix qui n'existe pas. « Ils ne comprendraient pas. En dehors de mon oncle... Je crains qu'ils ne comprennent pas. Vous connaissez le monde magique, docteur. Le don de voyance n'est pas toujours une bénédiction et puis je vois des choses anciennes que peu de voyants ont pu observer, je doute qu'ils me croient. Vous savez ils s'occupent bien de moi, je ne manque de rien et je suis choyé comme si j'étais leur fils ou leur frère. Je ne veux pas être vu comme l'être étrange de la famille ou celui qui n'est pas comme eux. Alors seul mon oncle est au courant et c'est bien assez pour le moment. » « Et votre mère ? Elle possède ce don, elle pourrait vous aider. » A la mention de sa mère qu'il n'a vu que brièvement cet été entre deux voyages, le gamin se tend imperceptiblement. Tel un réflexe qu'il ne peut pas vraiment contrôler, c'est un flux de tristesse et de colère qui monte en lui. « Je n'ai rien à lui dire et cela ne change pas. C'est une étrangère... Elle est aussi fourchelangue, cela ne veut pas dire que je partage aussi ce don avec elle. Et puis elle doit préparer sa rentrée, son travail est plus important que tout le reste, pourquoi irait-elle s'encombrer d'un gamin ayant besoin d'aide ? Elle est venue cet été, comme à chaque fois que je suis en vacance. C'était avant qu'on parte en Amérique. J'ai été courtois et poli mais... Je ne crois pas que je serais un jour à l'aise avec elle, on ne se connaît pas après tout. » Les derniers mots sont crachés avec plus de véhémence qu'il ne le voudrait. Othello n'a jamais compris pourquoi, alors qu'il n'avait que 4 ans et qu'il avait besoin d'elle, elle l'a abandonnée à son oncle et à sa tante. Il ne faut pas se méprendre, il a été extrêmement bien traité par les Rowle et il a eut l'attention dont il avait besoin, les soins, les voyages et les cadeaux comme si il était leur fils mais c'est justement là le problème, il n'était pas leur fils. Alors pourquoi sa mère l'a eut à lui, si elle préférait de loin son travail à son fils ?

« Et votre père ? Vous le voyez souvent ces derniers temps. » Le sujet est épineux et il en voudrait presque à sa psychomage de toujours mettre le doigt sur ce qu'il ne veut pas aborder mais c'est à ça qu'on voit un bon professionnel, non ? « Je le vois jeune, plein de vie et avant sa maladie. Enfin, heureusement que j'ai des visions le concernant car je ne me souviens plus de son visage, j'étais trop jeune. Et pour être franc... Je lui en veux... Il est parti quand j'avais 4 ans pour découvrir le monde au lieu de rester avec son fils, d'en profiter alors que ma mère lui prédisait sa mort, quel père ferait ça ? Et puis il est tombé malade là bas... Si finalement il n'était pas parti alors peut-être qu'il serait encore en vie. Si seulement il était allé contre ses envies, il aurait pu déjouer les visions de ma mère mais... » Othello cesse de parler, comme à chaque fois qu'il aborde le sujet de son père il ne termine pas ses phrases et c'est un silence de plomb qui tombe dans le bureau de cette psychomage réputée, spécialisée dans le don de voyance et l'interprétation des visions diverses. Autant dire que son oncle a trouvé la bonne personne pour lui, n'est-ce pas ? « Et Poudlard ? Comment se présente l'année à venir ? » Un sujet plus tranquille pour permettre à Othello de reprendre pied et de retrouver la parole. L'autre fois c'était les bombabouses, les échecs et les voyages. Cette fois-ci l'école qu'il chérit tant. « Les nouveaux vont encore me regarder comme si j'étais à la fois un dieu et une créature rare, mais j'ai hâte. Je me suis entraîné tout l'été et j'ai passé des pré-sélections pour l'équipe de Quidditch. Ils devraient me donner ma chance pour quelques matchs, comme poursuiveur. Ils disent que je suis jeune mais que je me débrouille sur un balai, vous vous rendez-compte ? Je devrais jouer jusqu'aux premières vacances et si je conviens, après, ils me garderont toute l'année. J'espère assurer, j'aimerais tellement porter la couleur des Poufsouffle. J'aime ma maison vous savez, même si elle n'est pas celle qu'on attendait pour moi. Le choixpeau a hésité pendant une minute au moins, il ne savait pas si il devait m'envoyer chez les Serpentards ou les Poufsouffles. Apparemment, on m'a expliqué que si j'avais été davantage puriste alors j'aurais été chez les verts mais chez mon oncle, j'ai pu m'exprimer comme je le voulais, on m'a encouragé à être moi même et cela a influencé le choixpeau. Enfin bon, moi c'que j'en dis... »

Une nouvelle fois il hausse les épaules, ne sachant pas si il aurait été un bon serpent en réalité. Othello est parfois si différent de ceux de cette maison, qu'il n'aurait pas été à sa place. « Vous auriez voulu ? Vous êtes un Gaunt pourtant. » « Non. Je suis fier de porter ce nom mais parfois il est... Lourd. Notre famille est si ancienne que sa généalogie se perd dans la nuit des temps et parfois, mes ancêtres ont fait des choix discutables. Ils étaient tournés vers la magie noire, la pureté du sang, les extrêmes. J'veux dire... Je voudrais garder mon sang-pur pour ceux qui viendront après moi mais je ne suis pas extrême comme on pourrait l'attendre d'un Gaunt, vous voyez ? A quoi bon, après tout ? C'est un nom illustre, la magie coule dans nos veines depuis des siècles et mes ancêtres ont fait des grandes choses et des choses terribles. Je voudrais suivre leur voie pour les premières et effacer les secondes mais... Pour le moment je voudrais seulement être moi, sans me soucier de ce qu'on attend ou sans m'observer pour savoir qu'elle décision va prendre l'héritier de Salazar Serpentard. » Une nouvelle note sur son carnet sans aucun commentaire. Parfois, il se demande bien ce qu'elle écrit et la curiosité le pousserait presque à jeter un coup d’œil mais il n'en fait rien, il joint ses mains et observe la psychomage en face de lui. « Et Rowle ? » Le sourire illumine son visage pendant un temps alors que son regard se perd dans le vide. « C'est un nom qui n'est pas encore très connu dans le monde magique, ils peinent à se trouver des alliances solides et souvent ils se marient avec des sorciers étrangers, du fait de leur travail dans la coopération magique internationale. Je suis chanceux d'avoir un oncle et une tante tel que je l'ai, ils m'ont fait voyager un peu partout et je suis proche de mes cousins et cousines. Surtout de Echo... Je n'aurais pas été si équilibré sans eux, je pense que mes parents n'auraient pas eu d'autres enfants et je suis certain qu'un frère ou une sœur m'aurait manqué. Là, j'ai la chance d'en avoir 4. C'est sûr ça fait une grande famille mais... Je crois que mon oncle a aimé ça, être entouré des siens. » Et puis tu te demandes parfois, si ta présence n'a pas un peu apaisé la douleur de la perte d'un frère. C'est que ton père était proche de sa famille avant son décès, d'après ce qu'on t'a raconté.

« Et la lettre ? » Envoyée par ta mère il y a quelques temps, une lettre toujours dans tes affaires, scellée car tu ne trouves ni l'envie, ni le courage de l'ouvrir. Echo sait, elle est tombée dessus cet été et n'a fait aucun commentaire si ce n'est un baiser sur ta joue avant de quitter ta chambre, comme pour te faire ressentir un peu de soutien. Le résultat est là, cette lettre est toujours dans tes affaires et tu ne sais pas ce qu'elle contient. Tu ne sais pas si tu le voudrais un jour. Alors tu hoches la tête de gauche à droite avant que l'horloge sonne et qu'un petit coucou ne sorte de sa cachette pour chanter et annoncer la fin de la séance. « On se retrouve dans deux semaines à Poudlard, Othello. D'ici là, poursuis tes séances de méditation et prends soin de toi, d'accord ? »