+ FAMILY + « Salut euh… j’ai vu que tu avais un peu de difficulté avec tes sorts. Si tu veux, je pourrais t’aider? »« Ah, t’as remarqué… J’aurais pourtant juré avoir bien caché mon jeu. C’est super sympa de ta part de m’faire cette offre. Considère-la comme acceptée. Je m’appelle Dale Petitjean. »« M-Moi c’est Teresa. Teresa Appleby. Enchantée! »***
Comme de nombreux couples avant eux, Dale Petitjean et Teresa Appleby s’étaient connus pendant leurs études. Le premier était un fier Gryffondor, la deuxième était une Poufsouffle remplie de bonté. Issus de la même cohorte, la sang-mêlée remarqua bien vite le né-moldu. Ce qui commença comme une entraide timide s’est transformé en une belle amitié. Puis, au fil du temps, au fil des contacts et des confidences, cette amitié devint un amour solide et sincère. Ce ne fut donc une surprise pour personne lorsqu’ils annoncèrent leurs fiançailles, pour ensuite convier tous leurs proches à leurs noces, et finalement leur annoncer la première grossesse.
Lorsque leur petit garçon poussa son premier cri, les Petitjean passèrent de simples amants à parents attentionnés. Et même s’ils étaient passés par toute la gamme des émotions avec l’arrivée d’un premier enfant et l’expérience de toutes les premières fois associées, ils décidèrent de recommencer. Cette fois, c’est une petite fille qui vint agrandir la famille, pour le plus grand bonheur des parents et du tout nouveau grand frère qui, au bout d’une campagne d’encouragement particulièrement soutenue, avait fini par accepter de prendre la petite dans ses bras. C’est qu’elle ressemblait un peu trop à l’une des poupées de porcelaine de Mamie Jeanjean, celle qu’il avait cassé Noël dernier. Il avait tellement peur de faire la même chose avec sa petite sœur, convaincu qu’une longue fente sur la joue ne lui irait pas bien au teint.
Durant toute leur enfance, Caleb et Nolwen ne manquèrent de rien. Ils grandirent dans une jolie maison à Long Ashton, en banlieue de Bristol, une maison où se mélangeaient technologies moldues, objets magiques et sortilèges pratiques. Dans cette demeure remplie d’amour, on retrouvait téléviseur et four à micro-ondes, mais le ménage se faisait à grands coups de baguette, et on pouvait autant se déplacer en voiture qu’en transplanant ou qu’en utilisant le réseau de cheminette. Dale et Teresa avaient fait le choix d’éduquer les enfants en tirant le meilleur des deux mondes. Par cette simple décision, ils incarnaient déjà le mouvement moderniste. Les histoires de pureté de sang n’avaient pas leur place sous le toit des Petitjean. Mais quand la magie se manifesta chez l’aîné, puis chez la cadette, les parents eurent une discussion sérieuse sur le sujet. Bientôt, ils devraient aller à Poudlard et côtoyer la progéniture de la noblesse magique, des plus grands puristes de ce monde. Ils leur expliquèrent la signification des mots « impur » et « sang-de-bourbe », leur détaillant en quoi il était mal de les prononcer, et comment ne pas laisser les insultes les définir et les atteindre. Sans le savoir, Dale et Teresa leur avaient donnés la meilleure arme pour faire face à la vague : connaître leur vraie valeur.
+ SUNFLOWER + « Maman? »« Oui, mon chéri? »« Quand est-ce que toi et papa allez retourner Nolwen au magasin? Elle fait que m’embêter… »« Caleb, ta sœur vient de mon ventre, tu te souviens? Elle ne vient pas du magasin. Rappelle-toi comment elle donnait des coups lorsque tu lui parlais. Si elle t’embête, c’est parce qu’elle t’aime et qu’elle veut passer du temps avec toi. Au lieu de te mettre en colère, montre-lui comment tu dessines, comment tu joues. Montre-lui ton monde. Vous serez toujours ensemble, elle et toi. Vous serez toujours là l’un pour l’autre. C’est ça, un grand frère et une petite sœur. »***
Tout opposait le frère et la sœur. Elle était aussi lumineuse que le soleil, il était aussi mystérieux que la face cachée de la lune. Elle avait les cheveux clairs de son père, il avait hérité de la chevelure ébène de sa mère. Les jaune et noir l’avait accueilli à bras ouverts comme sa mère tant d’années auparavant, lui avait trouvé sa place chez les vipères, une première dans toute la famille. Elle était rondouillarde, sociable et bruyante. Il était élancé, solitaire et réservé. Les seules choses qu’ils avaient en commun? Des yeux clairs et pétillants, des lunettes (qu’il détestait et qu’il ne portait que lorsqu’il y était forcé, alors qu’elle les avait en permanence sur le nez) et un amour mutuel infini.
Caleb et Nolwen étaient la preuve vivante que l’ombre ne peut exister sans la lumière pour la mettre en évidence, et que la chaleur du jour ne peut être que davantage appréciée qu’après avoir profité de la fraîcheur de la nuit. Le frère et la sœur étaient très proches l’un de l’autre. Si parfois leur relation était mise à mal par des engueulades sans importance, ils finissaient toujours par se pardonner et se retrouver.
Sachant sa sœur sensible et voulant lui éviter à tout prix des souffrances inutiles, il veille sur elle de loin, n'hésitant pas à intervenir si la situation l’exige. Ainsi, il a réglé le compte à une poignée de garçons qui osaient jouer avec son grand cœur et ses émotions, s’était joué de certaines filles qui se moquaient d’elle, mais qui n’avaient d’yeux que pour lui, avait remis à leur place les malheureux qui essayaient de l’utiliser pour une quelconque raison. Personne ne touchait à Nolwen Petitjean sans voir la gigantesque silhouette de Caleb Petitjean se dresser devant eux. Personne n’approchait de la Poufsouffle sans sentir le regard pénétrant du Serpentard dans son cou. À Poudlard, c’était un phénomène connu. Sauf pour
une personne.
+ HOMEWRECKER + « Chaque fois que Nolwen ramenait des chats errants à la maison, vous refusiez de les garder. Pourquoi ce serait différent maintenant? »« Caleb Emmanuel Petitjean! Tu manques de charité, je t’ai mieux élevé que ça! »« C’est différent parce qu’on ne parle pas d’un chat, mais d’une jeune fille. La maison est assez grande pour une personne de plus, et tu gardes ta caverne, alors de quoi tu te plains? Viens donc m’aider à entrer ses affaires au lieu de rouspéter. »***
Pendant les deux prochains mois, il allait devoir vivre sous le même toit qu’une parfaite inconnue. Et ce même toit, il s’avérait que c’était le sien. Dire qu’il n’était pas chaud à l’idée était un vrai euphémisme. La sauvageonne, il l’avait vu arriver un bon matin en trombe dans la Grande Salle. Elle avait tracé son chemin directement vers sa sœur, et il s’était levé immédiatement pour l’intercepter, mais elle avait été trop rapide. Qu’est-ce qu’elle lui voulait soudainement? Il y avait des centaines d’autres élèves dans ce château, alors pourquoi elle? Pourquoi son soleil à
lui? Le pire dans cette histoire, c’est qu’elle s’était accrochée à ses rayons. Il aurait cru qu’elle se serait brûlée avec le temps, mais non. Elle profitait de sa chaleur, et elle restait.
Elle restait, jusqu’à envahir sa maison. Lorsqu’il passait devant la porte entrouverte de la chambre de Nolwen et qu’il l’entendait ricaner, il serrait la mâchoire et les poings.
Tais-toi. Vas-t’en. Lorsqu’elle était attablée devant lui, à discuter de tout et de rien avec ses parents.
Profiteuse. Va manger la bouffe d’autres personnes. Lorsqu’il devait se recroqueviller dans un coin du canapé pendant la soirée cinéma en famille juste pour qu’elle puisse se caler contre Nolwen.
Faux-cul. Tu vas la blesser comme tant d’autres l’ont fait avant toi. Quel été d’enfer il allait passer. Hood par-ci, Little John par-là… il n’entendait que ça. Il n’en pouvait plus. Elle était toujours là, bien en vue. Deux mois s’écoulèrent donc sans que jamais elle ne quitte la maison, sans que jamais le sourire de sa petite sœur ne quitte son visage. Nolwen semblait sincèrement heureuse, et elle aussi. Pour ses parents, Roseann faisait déjà partie de la famille. Robin Hood, elle commençait lentement, mais sûrement, à se frayer une petite place dans le cœur de M. Petitjean. Sa présence n’était plus aussi insupportable, désormais.
+ PHOENIX + « T’as vu ça, Teresa? L’Ordre du Phénix a fait une sortie publique. »« J’ai vu, oui. J’espère qu’ils arriveront à étouffer cette vague de haine, qu’ils empêcheront Tu-Sais-Qui de devenir trop puissant. Après ce qui s’est passé cet hiver… Tu crois qu’ils y parviendront? »« Je le souhaite ardemment. Mais je ne doute pas que leurs rangs gonfleront. Certains vont vouloir aller au front, se battre pour leurs convictions. Espérons juste que ça ne dure pas trop longtemps… »***
L’Ordre du Phénix. Depuis que son existence avait été dévoilée, Caleb n’avait que ça en tête. Comme tous ceux qui avaient survécu à la
Nuit Pourpre, le Serpentard avait été marqué à vie. Les événements rejouaient en boucle dans sa tête. Des nuages de poussière, des cris de terreur, des sorts qui lui sifflaient aux oreilles, lui qui courait à travers tout le château en ne cherchant qu’une chose : Nolwen. Pour parvenir jusqu’à elle, il avait évité les corps, contré des sortilèges, défendu d’autres élèves. Le sang, la poussière, le chaos…
S’il y a une force supérieure qui veille sur le monde, par pitié, épargnez ma sœur. Protégez-la jusqu’à ce que je puisse le faire enfin. Son cœur battait la chamade. Oh, s’il fallait qu’il tombe sur son corps sans vie, il deviendrait fou. Il sentit ses genoux se dérober sous lui quand enfin il tomba nez à nez avec elle. D’un geste rapide et ferme du bras, il avait attiré la Poufsouffle contre lui, la serrant bien fort.
« Cal, je vais bien… Rose a assuré… »Elle le serra en retour. Elle était passablement secouée, elle aussi. Alors qu’elle enfouissait son visage ensanglanté contre son torse, lui leva les yeux sur la petite blonde aux cheveux en bataille, elle aussi couverte de gravats et de saleté. Il inclina un peu sa tête.
Merci. Il avait compris le sous-entendu : Roseann les avaient protégés, toutes les deux. Et il en était reconnaissant. Il ne pouvait pas envisager sa vie sans Nolwen.
C’est en partie pour cette raison que cet été-là, il chercha l’Ordre pour lui proposer ses humbles services. Il avait bien compris que sa position était privilégiée : il côtoyait tous les jours des enfants issus de familles puristes, d’adolescents qui ne cachaient pas leur soutien au Seigneur des Ténèbres et qui voyaient la
Nuit Pourpre comme une « pincée de piments dans leur vie morne et routinière ». Attentif et grand observateur, il savait qu’il pouvait glaner des renseignements utiles sans qu’on le soupçonne de quoi que ce soit. Et s’il fallait qu’il sorte le grand jeu et qu’il se rapproche des vipères les plus venimeuses du nid, il était prêt à le faire.
Il ne dit rien à ses parents, sachant très bien qu’ils n’auraient pas supporté l’idée qu’il prenne des risques de cette manière. La seule au courant était bien évidemment Nolwen. Elle l’avait frappé; à l’image des géniteurs, elle était inquiète et pas très heureuse d’être ainsi mise devant le fait accompli. Elle voulait l’accompagner, mais il avait refusé catégoriquement. Elle pouvait aider oui, mais en dehors de l’Ordre. Pas question qu’elle ait une cible dans le dos si jamais certaines informations venaient à fuiter.
Peu de temps après sa confession, sa chère sœur lui en fit une : Robin Hood avait elle aussi rejoint l’Ordre. Caleb accueillit favorablement la nouvelle; ils ne seraient pas trop de deux pour veiller sur Nol. D’ailleurs, la Gryffondor et le Serpentard avaient eu une idée : pourquoi ne pas jouer le duo victime-harceleur pour faire sortir les serpents de leur trou? Non, la présence de Robin Hood n’était plus du tout insupportable. Il se plaisait même à la retrouver avec Nol pour concocter des potions et fomenter d’autres plans pour aider l’Ordre. En plus, les deux semblaient caresser le même rêve et avoir la même passion pour les duels. S’ils arrivaient à devenir tous deux Aurors, il espérait former un binôme avec elle. Ils l’étaient un peu déjà, les deux petits soldats de l’Ordre.
+ ADAPTATION + « M. Petitjean, nous pouvons sauver votre jambe. Nous en avons les moyens, nous pratiquons les soins magiques. »« NON! J’ai dit non. »« Caleb, mon chéri… pense à ce que ça implique. Veux-tu vraiment perdre ta jambe? »« Ma jambe, je l’ai déjà perdue, maman. Tu le vois bien. Ce serait injuste. Ceux qui sont morts, eux, on ne peut plus les sauver. »***
Après la première défaite des Mangemorts en novembre et l’attaque du
Drunk Broom le mois suivant, c’était écrit dans le ciel qu’ils allaient revenir en force. Où et quand? Personne ne le savait. Entre les murs de Poudlard, Caleb essayait tant bien que mal d’avoir des informations, mais l’attaque au
Tournoi des Sorciers le surprit quand même. Il se revoyait près d’un an plus tôt à craindre pour sa sœur, voilà que ça recommençait. Mais cette fois, c’était différent. Car s’il s’en était sorti indemne, cette fois, il n’avait pas eu cette chance. Alors qu’il aidait ses camarades comme il le pouvait, il se prit un sort paralysant en pleine tête. Sans même pouvoir se défendre, il était tombé au sol, raide comme un piquet. Il était encore pleinement conscient, mais il ne pouvait ni crier, ni demander de l’aide. Il entendait les gens courir autour de lui, sans s’arrêter pour lui. Il ne pouvait pas les blâmer; dans son état actuel, il devait ressembler à l’un des nombreux cadavres qui jonchaient le sol.
Les combats faisaient toujours rage tout près de lui, et le Serpentard faisait tout pour concentrer son esprit à contrer l’effet du sort. C’était possible de jeter des sorts sans les prononcer, il le savait bien. Malheureusement pour lui, il n’avait jamais pris le temps de s’entraîner pour pouvoir y arriver sans difficulté. Ainsi, lorsque plusieurs sorts heurtèrent une colonne, que celle-ci s’affaissa et tomba directement sur ses jambes, la douleur fut tellement soudaine et vive qu’il perdit immédiatement connaissance. Quand bien même il aurait voulu crier, il n’aurait pas pu. Tous les bruits s’estompèrent, et bientôt tout devint noir.
Il s’était réveillé à Ste. Mangouste, Nolwen blottie contre lui dans le lit d’hôpital, endormie. Son torse était humide, et Caleb comprit que sa sœur avait pleuré. Instinctivement, il passa son bras autour d’elle, non sans grimacer. Il se tourna vers la porte et la fenêtre qui donnait sur le couloir, apercevant ses parents qui discutaient avec l’infirmière. Ils étaient tous là, ce qui le réconforta énormément. Lorsqu’il voulut se redresser dans le lit, quelque chose clochait. Ses sensations n’étaient plus les mêmes. Lentement, il souleva la couverture, se tendant un peu en voyant qu’une partie de sa jambe gauche manquait à l’appel. La lourde colonne de pierre l’avait complètement broyée. Bien sûr, il savait que la magie pouvait tout arranger, mais il refusa catégoriquement le plan de soin qu’on lui proposa.
Cette blessure, c’était la preuve qu’une vie pouvait basculer en l’espace de quelques secondes. Il voulait se rappeler tous les jours à quel point la vie humaine ne tient qu’à un fil. Plusieurs l’auraient trouvé stupide. Lui, il le voyait comme une forme de justice. Il était encore en vie, n’était-ce pas là le plus important? Il trouvait absolument horrible la simple idée d’avoir une seconde chance alors que des dizaines de personnes n’avaient même pas eu le choix. Il n’y avait pas de plan de soin pour ceux-là, seulement des plans funéraires.
Ainsi, on lui fabriqua une prothèse sur mesure. Il dû réapprendre à marcher, à courir, à effectuer ses techniques de duel. Pendant de longs mois de réadaptation, Caleb se donna corps et âme à entraîner son corps à sa nouvelle réalité. Sa démarche était encore quelque peu claudicante, mais sa détermination, elle, était gonflée à bloc. Sa volonté d’intégrer le rang des Aurors était plus vive que jamais, il voulait à tout prix devenir un élément indispensable de l’Ordre. Il voulait se rapprocher de l’ennemi, il voulait plus, il voulait
trop.
+ THUNDERSTORM + « Suivez-moi, M. Petitjean. Je sais que ce que je vous demande n’est pas facile, mais nous avons besoin de cette information pour la suite des procédures. Est-ce bien votre sœur, Nolwen Lana Petitjean? »« C’est… c’est bien elle. »« Je suis sincèrement navré, Monsieur. Puisse le temps apaiser vos maux. »***
Cette scène, il l’avait vu d’innombrables fois dans les films et les séries. Un ciel gris qui s’étend à l’infini, une famille toute de noir vêtue réunie, véritable parade de parapluies au beau milieu d’un cimetière. Tout était morne, tout était triste. Pas l’ombre d’un sourire à l’horizon. Des larmes qui se mêlent aux gouttes de pluie. C’était tellement cliché. Et pourtant, il était devenu l’un des acteurs principaux d’une de ces scènes.
Il était debout devant le cercueil fermé sur lequel on avait déposé une grande couronne de fleurs. À sa droite, sa mère pleurait dans les bras de son père, qui lui-même peinait à rester complètement calme. Tout autour d’eux, parents et amis s’étaient réunis pour célébrer les seize années de vie de Nolwen. Tous avaient répondu à l’appel, même le seul autre survivant de l’attaque dans son fauteuil roulant. Il ne manquait qu’une personne :
elle.
Caleb fouillait la foule du regard avec une certaine exaspération. De nombreuses personnes avaient tenu à venir rendre hommage à sa sœur, il était donc bien entouré. Mais il était seul. Il avait besoin de celle qui avait aimé Nolwen au moins autant que lui, celle qui avait, tout comme lui, eu l’immense privilège de baigner dans sa lumière. Il avait besoin de l’entendre, il avait besoin de la voir, il avait besoin qu’elle s’explique. L’histoire officielle, il la connaissait. Mais pas sa version à elle. Il n’écoutait le prêtre que d’une oreille bien distraite, guettant la tignasse blonde dans cet océan noir. Il la savait sortie de l’hôpital, elle trouverait bien le moyen d’être là. Pourtant,
rien.
Bientôt, on invita famille et amis à dire un dernier au revoir à la défunte. Plusieurs personnes s’avancèrent et parlèrent, mais Caleb n’entendit absolument rien. Même le texte touchant que sa mère avait réussi à réciter sans trop s’étrangler n’était qu’un bourdonnement sourd. La main de son père qui s’abattit sur son épaule le ramena momentanément sur terre, assez longtemps pour lui permettre de secouer la tête pour décliner son offre. Il ne voulait pas parler à Nolwen, pas de cette manière. Cela ne ferait que rendre la chose encore plus vraie. Dale n’insista pas davantage, on descendit le cercueil en terre, puis la famille se dispersa pour se rendre au domicile familial.
En route vers la voiture, le Serpentard sondait l’horizon. Il savait qu’elle avait du mal avec les grandes foules, peut-être qu’elle allait apparaître au bout du sentier. Une fois installé sur la banquette arrière de la voiture, le grand brun colla son front sur la vitre embuée, ne lâchant pas le chemin du regard, même lorsque le véhicule se mit en mouvement.
Toujours rien.
La rue était bondée de voitures alors que la famille s’était réunie dans l’humble maison de banlieue, celle qui jusqu’à tout récemment vibrait sous les rires enjoués de Nolwen. Elle y avait vécu pendant deux mois, elle savait où se trouvait la maison. Peut-être qu’elle les attendait sur le porche. Non, que des vieilles tantes qui n’avaient que « Je suis désolée » ou « Toutes mes condoléances » dans la gueule. Peut-être qu’elle était déjà à l’intérieur, assise sur le canapé sur lequel elle et Nolwen le poussait sans scrupule pour avoir plus de place. À l’intérieur, des tonnes de personnes, mais pas
elle. Soudain, le sanglot sonore de sa mère attira son attention. Il se tourna vers elle : dans ses bras, un énorme bouquet de tournesols, entre ses doigts une petite carte. Il s’approcha, prenant la carte pour la lire.
-R.La dernière lueur d’espoir qui illuminait les yeux de l’adolescent s’éteignit, emportant avec elle la lumière qui jadis les faisait pétiller. Il remit la carte à son père d’un geste machinal. Son cœur était déjà meurtri, mais devant l’évidence qu’elle ne viendrait pas, il le sentit se fendre profondément, douloureusement. Il se retira dans sa chambre, s’allongea sur le dos et ferma les paupières. Lorsqu’il les rouvrit quelques minutes plus tard, son regard, reflet de son cœur, s’était assombri.
Et pendant tout cet été-là, sans son soleil pour l’éclairer, Caleb s’enfonça un peu plus dans les ténèbres. Et quoiqu’en pense sa sœur là où elle était, il se jurera que s’il la revoyait, il la ferait payer. Après tout, c’était à cause d’elle si Nolwen n’était plus là.
Oh, comme il regrettait le jour où Roseann Leigh avait jeté son dévolu sur elle. Comme il se détestait d’avoir cru un seul moment qu’il pouvait lui faire pleinement confiance. Comme il se haïssait d’avoir laissé son cœur s’attacher à une parfaite inconnue.
Robin Hood vole aux riches et redonne aux pauvres. Dans cette version de l’histoire, Robin Hood prend tout et disparaît.