Ophelia n’avait jamais été très volubile, choisissant toujours d’intervenir seulement lorsque c’était nécessaire de le faire. Depuis qu’elle avait appris qu’Eden était portée disparue, elle s’était retranchée dans le mutisme. Plus un mot n’était sorti de sa bouche, pas même lorsqu’elle se présentait au Drunk Broom pour accomplir son travail de serveuse. Elle se contentait de prendre les commandes et de les apporter à qui de droit, se foutant bien de ne pas recevoir de pourboire. Tant pis si les clients trouvaient que son service était abject; son patron ne lui en tiendrait probablement pas rigueur, pas dans ces circonstances.

Sa contrebasse, extension de son âme, était elle aussi restée silencieuse. Ses cordes vibraient au rythme de celles du violon de sa meilleure amie pour créer les plus belles mélodies qui soient. Si Eden n’était plus là pour chanter son cœur en duo avec elle, alors à quoi bon? Chez elle, sur son petit autel, elle avait toutefois disposé tous les cristaux nécessaires pour retrouver quelque chose de précieux. Tous les soirs, elle s’installait devant, faisait brûler de l’encens et chargeaient les cristaux d’énergie. Elle ne pouvait pas savoir si ses efforts allaient porter fruit, mais au moins elle aurait tenté quelque chose. Elle avait le désir d’en faire plus.

Les mains dans les poches, Ophelia marche en direction du petit groupe de recherche qui s’est formé. Elle sait qu’on ne l’accueillera pas à bras ouverts; son entourage lui a bien fait comprendre depuis quelques jours que sa présence aux battues n’était pas désirée. Pas par malice, bien au contraire : son profil correspondait à celui des treize disparues, et personne ne souhaitait que ce chiffre soit porté à quatorze. Pourtant, elle est là. Lorsqu’elle voit @Mina A. Kensington déjà présente, elle baisse immédiatement la tête et se pince un peu les lèvres. Elle préfère rester à l’écart, attendant de se faire sermonner en bonne et due forme. Et si ce n’était pas par Mina, Mischa allait sans doute s’en charger pour elle. Tant pis. Pour l’heure, rien n’était plus pressant que de sauver toutes celles qui manquaient à l’appel, mais surtout, de ramener en un morceau

Lorsque son regard croise celui de @Mischa Kensington, Ophelia se tend légèrement. Elle était prête à entendre les remontrances, mais certainement pas à reculer. Sa meilleure amie manquait à l’appel, et elle n’arriverait pas à dormir sur ses deux oreilles tant et aussi longtemps qu’elle ne la savait pas en sécurité, dans les bras ou non du Kensington. Pourtant, aucun sermon n’est prononcé. Ce sont plutôt ces mêmes bras qui s’ouvrent à elle et qui l’accueil dans une étreinte qui lui réchauffe le cœur. Ravie de savoir que sa simple présence apaise un tant soit peu son ami, elle hoche la tête pour lui signifier qu’elle a bien compris la consigne. Pas d’imprudence, pas de folie. Aussi, pour le lui montrer, vient-elle enrouler son petit doigt autour du sien, venant y presser délicatement les lèvres. Les treize disparues demeureraient au nombre de treize et, si tout se passait bien, redeviendraient rapidement treize jeunes femmes trouvées et en santé.

Malgré le réconfort que lui apporte Mischa, la musicienne est incapable de prononcer un mot. Sa gorge est encore trop sèche, trop serrée. Elle qui avait déposé sa tête contre son torse la relève dès lors qu’il hausse le ton et commence à s’impatienter. Les émotions sont vives et à fleur de peau; elle sent chacun des tremblements qui secouent son épiderme. Elle aussi lève la tête vers la foule et écoute les échanges, posant la paume de sa main contre le cœur du chanteur pour tenter de le calmer. Elle aussi se tourne vers @Mina A. Kensington, le désespoir au fond des pupilles. Elle est forte, Mina. Elle l’a prouvé à maintes reprises. Lorsque l’assemblée se scinde en deux groupes distincts, Ophelia reste auprès des Kensington, sa famille, et esquisse un léger sourire en voyant une dame qu’elle ne connaît pas les rejoindre (@Andromeda Tonks).

Renifler une pièce de vêtements pour retrouver Eden lui paraît des plus singulier, mais toutes les techniques sont bonnes pour parvenir à leurs fins. Alors que le groupuscule prend la direction de Trafalgar Square, Ophelia referme son manteau et enfile ses gants. Il vaut mieux se protéger pour pouvoir arpenter les alentours sans être gêné par l’humidité froide de Londres. La brune venait tout juste de commencer à passer une zone au peigne fin que la voix d’Andromeda s’éleva, l’interpellant elle et les deux frangins. Tout de suite, la jeune femme lâche ses recherches et s’en va la rejoindre. Effectivement, les taches sur le pavé ressemblent à s’y méprendre à du sang. Elle se rappelle alors des consignes : communiquer à l’aide de patronus.

Glissant sa baguette hors de sa poche, elle ferme les yeux pour se concentrer et tenter de faire fi de tous les sentiments négatifs qui ont pu la ronger au cours des derniers jours. Si la lueur au bout de sa baguette se veut d’abord faible, elle prit bien vite de l’ampleur et, dans un mouvement gracieux du bras, une martre des pins se matérialisa devant elle. Le mustélidé semblable à un grand furet se dressa sur ses pattes arrière avant de bondir et de disparaître, partant en direction du deuxième groupe. L’ayant atteint, l’animal au corps fin et long tourna autour d’@Alice Londubat, lui signifiant qu’un indice avait été trouvé du côté de Trafalgar Square.