990 ap JC à 995 après JC. - Imany & Abélard Je viens d'une époque presque oubliée, qu'on raconte en s'aidant des livres d'histoire sans même imaginer que tout ce qui est conté, fut ma vie à une époque qui me semble à la fois si proche et en même temps si loin. Je suis né dans une famille noble, les De Belmor qui furent oubliés juste après ma disparition. A l'époque nous avions un beau manoir fait de bois principalement et de pierre pour soutenir les fondations. En effet la pierre n'était pas si commune et c'est suite aux raids vikings que l'espèce humaine a abandonnée le bois, trop fragile et surtout bien trop facilement inflammable. Ainsi mes parents avaient des terres qu'ils faisaient cultiver, nous avions des gens, la richesse, le nom et surtout la reconnaissance de quelques seigneurs amicaux. Enfin le roi sorcier était un ami, pas aussi proche que Père l'aurait voulu mais assez pour qu'il nous invite à quelques banquets, notamment lors de la belle saison quand les arbres commençaient à produire des fruits. Enfin, j'avais la chance d'être né dans une famille possédant des membres sorciers, notamment du côté de Père. Mère était moldue comme on le disait déjà à l'époque et si la pratique de la magie paternelle rentrait directement en conflit avec sa foi, elle ne s'est jamais opposée à ce que j'étudie la sorcellerie. Ainsi c'est auprès de Père et de ma grand-mère que j'ai découvert les rudiments des potions et de la magie, sans parvenir à exceller malgré tous mes efforts. Heureusement, c'est lors de mes 14 ans que quatre sorciers qui allaient changer la face du monde, voulurent créer une école de magie. La première sur le continent, avant cela les sorciers étudiaient dans leur coin et surtout dans le cercle familial. Les pauvres moldus naissant avec des pouvoirs eux, finissaient souvent enfermés dans des monastères car considérés comme des créatures du diable à fuir.
Mais j'étais bien né et lors de mes 15 ans, mon honneur fut immense quand je fus devant les portes de Poudlard, le jour même où l'école s'ouvrit aux élèves. Les quatre sorciers formant les quatre maisons de Poudlard, Gryffondor, Serpentard, Serdaigle et Poufsouffle, étaient des amis de longue date et leur idée de créer une école fut sans doute l'idée du siècle. Des jeunes magiciens de tout le pays débarquèrent pour étudier, les plus jeunes à onze ans car c'était là l'âge minimum, les plus anciens allant jusqu'à au moins quarante ans. Bien évidemment ces derniers n'étaient pas là pour étudier pendant sept ans, moi même je n'avais pas ce projet mais c'était au moins l'occasion de découvrir davantage notre magie et de travailler avec des sorciers compétents. Ainsi, après avoir largement sympathisé avec Salazar Serpentard dont l'amour des potions fit écho à mes propres passions pour cette matière, je lui demandais l'autorisation de rejoindre sa maison, ce qu'il accepta. En effet le Choixpeau n'existait pas à l'époque, il fit son arrivée seulement dix ans après l'ouverture. Au début de l'école, les sorciers étaient invités à choisir leur maison.
C'est lors de ma première année à Poudlard que je fis la rencontre de Triss Rabinovitch, venant de Valachie, une région éloignée et aussi froide que le caractère de la belle jeune fille au regard envoûtant. Jeune homme, je fus charmé par la belle et bien vite, car on ne souhaitait pas attendre à l'époque, nos deux familles firent connaissance avant de nous fiancer. J'étais heureux ou j'avais l'impression de l'être, même si parfois ma fiancée était d'une froideur presque effrayante et qu'il lui arrivait souvent de s'en aller pour se promener dans la forêt autour de Poudlard, que l'on ne nommait pas encore la Forêt maudite. Je fus fiancé à Triss et heureux de cela pendant toute une année, jusqu'à arriver à ma troisième année à Poudlard. Lors de mes 18 ans, dès le début de l'année les Fondateurs de l'école nous annoncèrent que pour promouvoir Poudlard et pour permettre aux sorciers d'apprendre des magies diverses, l'école avait procédé à un parrainage avec plusieurs tributs d'Afrique pratiquant la magie vaudou. C'est là que je fis la rencontre d'
Imany.
Imany était la fille d'un chef de village, elle était vouée à reprendre la magie vaudou de sa mère une fois que celle-ci ne serait plus en état de pratiquer. Elle était belle, au regard noir comme la nuit et aux cheveux tressés retombant sur ses hanches fermes. Imany devint une amie et puis un jour, je surpris son regard posé longtemps sur moi. J'en fis de même, bientôt Triss devint un souvenir et j'évitais de la croiser, de lui parler, préférant la compagnie de ma nouvelle amie. Ignorant mon cœur qui, à ses côtés, s'oubliait parfois à quelques frissons délicieux. L'année scolaire se déroula sans encombre même si en secret, Imany me fit réellement découvrir le verbe aimer. Elle me vola mon premier baiser et j'en fus le plus heureux. Plusieurs heures durant, il nous pris l'envie de découvrir Poudlard et si le château était immense alors plus aucune cachette ne le resta bien longtemps. Nous n'avions qu'une obsession, nous retrouver et nous embrasser voire même nous aimer, dans le secret d'une alcôve ou d'un passage souterrain. Jusqu'à ce qu'un regard indiscret nous voit faire et que Triss découvre toute la mascarade.
Je n'ai jamais su qui nous avait dénoncé mais les conséquences furent terribles. Triss me demanda de briser ce petit jeux, ce que je refusais tout net et nos familles se fâchèrent par la suite. Ce que je n'aurais jamais soupçonné étant donné sa froideur se révéla par la suite, Triss m'aimait. D'une manière détachée et nonchalante certes mais elle m'aimait et parce qu'on ne se joue jamais d'une Rabinovitch, elle décida de se venger de la plus cruelle des manières. Triss attendit la fin de l'année scolaire pour sortir de l'ombre un soir où je passais par les serres pour rentrer au château. Elle avait une lueur inquiétante dans le regard et les yeux rouges, ce que je ne compris pas tout de suite. Elle me frappa et son coup fut si violent que je n'eus même pas le temps de sortir ma baguette pour me défendre. A mon réveil j'étais là, attaché et sans baguette dans un cercle sous une lune blanche et pleine. Imany était là aussi dans le cercle, encore assommée et ayant été visiblement battue. Alors celle que j'aurais dû épouser, Triss que tout le monde trouvait à la fois mystérieuse et hypnotique, se révéla être une immortelle en quête de vengeance. Et parce que j'avais brisée son cœur de créature, elle me transforma en immortel moi aussi afin que je sois dans l'obligation d'attendre éternellement l'amour de ma vie. A l'aide d'une magie ancienne et oubliée, elle sacrifia ses forces pour maudire l'âme d'Imany et les autres à venir, la condamnant à me retrouver une fois par siècle mais surtout à pouvoir m'aimer deux ans avant de succomber d'une quelconque manière et cela, qu'importe tous mes efforts pour l'aider à survivre un peu plus. Deux ans pour s'aimer à chaque vie humaine, deux ans avant de l'attendre un siècle ou plus... Deux ans comme punition tout simplement parce que Triss m'avait aimée toute cette durée et qu'elle refusait que je puisse aimer l'amour de ma vie plus longtemps encore. Après le rituel, Triss pris la fuite avec sa famille jusqu'en Valachie et malgré mes recherches, le rituel fut impossible à lever. Mais bien évidemment quand on est jeune on pense pouvoir contrer les choses n'est-ce pas ? On s'imagine avoir le pouvoir de déplacer les montagnes.
Alors j'appris à m'adapter à ma nouvelle nature, non sans laisser Imany repartir dans son pays pour prévenir son père de notre mariage à venir. Mes parents me trouvaient changés mais ils n'en disaient pas un mot, l'histoire avec les Rabinovitch et leur fuite les avaient dérangés mais ils n'avaient pas le cœur à dire quoi que ce soit et puis j'avais entre temps demandé à Imany de m'épouser à son retour, ce qu'elle avait acceptée bien-sûr. Sauf que son retour ne vint jamais. Le voyage aller se passa très bien et j'avais de ses nouvelles mais un jour, c'est un messager désolé qui vint jusqu'à ma demeure familiale pour m'apprendre la mort de ma promise, mordue par un mamba noir, l'espèce la plus venimeuse d'Afrique. Mon cœur fut brisé et surtout, cela annonça la réussite de cette malédiction jetée deux ans auparavant. Alors je fis mes valises et je pris la direction de la Valachie pour retrouver Triss et la supplier de lever la malédiction. A mon arrivée le cauchemars repris de plus belle, ayant donnée ses forces pour le rituel alors Triss avait succombé à son arrivée sur ses terres. Je fus à cet instant seul, le cœur brisé et l'obligation de chercher une solution sans l'aide de personne. Alors je fis le chemin inverse et c'est le cœur en miette que je retrouvais mes parents pour tout leur raconter, leur demander pardon pour une telle honte et leur jurer d'être à leurs côtés jusqu'à la fin. Mes parents, deux êtres d'un amour infinis, m'accordèrent leur pardon et je restais avec eux jusqu'à leur dernier souffle.
1113 ap JC à 1115 ap JC. - Héloïse & Abélard. Mes parents moururent et je restais le même, aussi jeune que lors de ma transformation. Mon errance fut longue et pour briser ma solitude, je pris la décision d'honorer la foi chrétienne de ma mère et de me tourner vers les ordres. Pensant peut-être naïvement que la foi totale allait briser cette malédiction voire me permettre de retrouver Imany dans cette nouvelle vie et cela, sans la perdre de la plus terrible des manières. Je m'inventais toute une histoire pour que personne ne comprenne ma véritable nature et je devins Pierre Abélard, un simple religieux, philosophe et penseur mais aussi enseignant pour les familles aristocratiques française. Sous cette identité, le manque d'Imany fut parfois moins douloureux car mes obligations occupaient tout mon esprit. J’exerçais moins de dix ans, de sorte que mon manque flagrant de rides dû à l'âge ne fut pas remarqué par mes camarades ou mes employeurs. Jusqu'à ce qu'un jour, alors que j'avais la charge d'enseigner les mathématiques dans une école épiscopale de Paris, on me donna l'ordre de rejoindre un chanoine nommé Fulbert afin d'enseigner à sa nièce,
Héloïse, les mathématiques et les sciences. C'est à cet instant là que je retrouvais Imany, sous une nouvelle identité mais certes toujours aussi belle.
Le coup de foudre fut immédiat et si au début je luttais pour la repousser, car nous unir nous condamnerait à tous les deux, mon amour pour elle fut bien trop violent et notre passion devint à la fois intellectuelle mais aussi parfaitement charnelle. Héloïse était la Imany que je connaissais, son physique était identité et son esprit n'avait pas changé si ce n'est quelques nuances et un caractère nouveau, à la fois doux mais épris de liberté. Je lui révélais notre histoire et ma nature, ce qu'elle accepta sans protester et me fit la promesse d'être toujours à mes côtés, de trouver une solution pour la malédiction. Notre passion fut découverte par son oncle et nous fûmes dans l'obligation de prendre la fuite. C'est là que je fis ma demande à Héloïse et qu'elle accepta de m'épouser, le mariage fut arrangé à l'aube pendant notre voyage. Héloïse m'apprit aussi une grande nouvelle, elle attendait un enfant et pour la mettre à l’abri de son oncle qui réclamait vengeance, je fus obligé de la placer chez une amie que l'histoire décrivit ensuite comme une sœur. Son oncle fit mine de vouloir apaiser les tensions et moi, naïf malgré mon siècle de vie, je lui fis confiance. C'est lors de mon retour à Paris qu'il fit envoyer des hommes de main pour m'attaquer, Héloïse étant dans un couvent pour se protéger de toute menace. L'histoire raconte qu'il me fit émasculer mais en réalité je fis en sorte d'alimenter les rumeurs, notamment pour permettre à celle que j'aimais de ne pas être retrouvée dans son couvent. Notre fils étant né entre temps, Astralabe car tel était son nom, fut confié à cette même amie qui se chargea de l'élever pendant que je rejoignais un monastère. Héloïse étant bonne sœur, il m'était à présent impossible de la retrouver et il ne me restait qu'à trouver une solution pour la sauver car depuis nos retrouvailles, une année s'était déroulée et si j'avais bon alors il ne me restait qu'un an avant de la perdre, encore une fois.
C'est là que notre histoire épistolaire commença. Héloïse m'envoya une première lettre auquel je répondis dans la foulée et ensuite, pendant toute une année, malgré mes recherches infructueuses, Héloïse ne cessait jamais de m'écrire. Pendant un an, ses lettres furent régulières jusqu'à ce qu'un jour, sa missive fut pour m'informer de sa maladie, une vilaine toux brûlant ses poumons et lui faisant cracher du sang. Mais malgré le diagnostic sombre de son mal, Héloïse me jura de m'écrire même si elle venait à trépasser, chose que j'eus du mal à croire mais qui se produisit malgré tout. Ses lettres furent nombreuses même après la visite d'un messager pour m'informer que la maladie l'avait emportée, me rendant fou de douleur. Et si je n'avais pas reçu un de ses courriers quelques jours avant de la prendre la décision de fuir, j'aurais sans doute raté de nombreuses lettre de sa part. Héloïse, pour m'empêcher d'être seul pendant toutes ces années sans elle, avait écrit des centaines de missives et cela pendant des journées entières, tout en demandant à une de ses camarades du couvent de les envoyer à sa place si quelque chose devait lui arriver. Ainsi pendant 40 ans je reçus les lettres d'Héloïse malgré son trépas. Pour ne pas me faire surprendre dû à mon physique juvénile malgré les années, je prétextais un besoin de me retirer et à partir de ce moment là, je ne sortais plus de ma cellule si ce n'est une fois par semaine pour chasser dans le village aux alentours ou pour trouver des ouvrages à étudier, afin de peut-être la sauver dans une prochaine vie. Le jour où je reçus sa dernière lettre, je simulais ma mort et Pierre Abélard disparu pour le reste du monde.
1204 ap JC à 1206 ap JC. - Hasna & Abélard. 90 ans ou presque un siècle sans la retrouver. Lors de ce siècle, mes pas m'emmenèrent jusqu'en Rhénanie où je répondis comme la plupart des hommes assez riches pour s'acheter une armure et une monture, à l'appel d'une nouvelle croisade afin de libérer Constantinople. Ce n'était pas la première mais, n'ayant pas participé aux suivantes, je me décidais enfin à rejoindre les armées partant de toutes les nations chrétiennes en direction de la capitale de l'Empire Byzantin. Étant donné ma nature de créature mais aussi mon éducation religieuse dû à mes années auprès de feu ma mère, j'avais une foi profonde qui me poussa à expier d'une certaine manière mes fautes, dans l'espoir de peut-être conjurer la malédiction qui pesait sur l'âme d'Imany. Je ne pouvais me résoudre à la nommer autrement, c'est ainsi que je l'avais connue après tout mais après un siècle sans la retrouver, l'idée de l'avoir perdue à jamais commençait à frôler mon esprit. Alors c'est le cœur lourd mais bien décidé à être certain que la malédiction ne pesait plus sur elle, que je pris le chemin pour Constantinople. La ville était aussi belle que les chroniqueurs de l'époque le décrivaient, plus encore même car aucun mot n'était assez fort pour relater réellement la beauté et la richesse de ce lieu. Les odeurs, les épices, les coutumes et les habitants étaient aussi merveilleux qu'on pouvait l'imaginer mais malheureusement lors du siège, les croisés que je suivais aveuglément en ayant l'espoir qu'ils fassent preuve de magnanimité, furent les véritables monstres. Plus horribles encore que je ne l'aurais été, ils saccagèrent la ville, violèrent les femmes et dévastèrent les palais si bien qu'en pleine nuit, je pris la décision de m'en aller. Mais c'était sans compter sur le destin qui me fit une surprise. Alors que je passais dans une ruelle sombre pour fuir la ville, un hurlement me fit arrêter et je surpris deux hommes frapper une femme. Lorsque mon regard croisa celui de la demoiselle, plus aucun doute n'était permis. Elle était là, encore une fois, vouée à nous retrouver quoi qu'il advienne. Aidé de ma nature de créature, je tuais les deux soldats croisés et sans avoir besoin de lui parler car de toute façon elle ne comprenait pas ma langue, je tendais la main vers cette réincarnation d'Imany et elle me suivit sans protester.
Notre fuite dura presque deux années, régulièrement nous avions pris l'habitude de changer de village, d'aller vivre ailleurs à la fois pour profiter l'un de l'autre mais pour lui permettre aussi de voir du pays. Dans cette vie son prénom était
Hasna et si je lui fis découvrir la magie mais aussi ma nature de créature, elle m'apprit bien vite les traditions de sa famille, les rudiments de sa religion orthodoxe mais aussi sa langue oubliée que l'on ne parle plus de nos jours. Cette vie fut simple et pendant quelques mois, j'oubliais la malédiction qui comme toujours nous rattrapa trois semaines avant que l'on fête nos deux ans ensemble. J'avais l'espoir que cette fois-ci en passant plus de deux ans ensemble, la malédiction serait conjurée mais ma naïveté fut violemment punie quand Hasna se revint à la maison blessée, dû à un outil mal aiguisé. La blessure toute bête, une maladie qui fait souffrir celui ou celle qui en est touché, un mal que l'on nomme aujourd'hui tétanos mais qui aurait soigné avec une potion sauf qu'à l'époque, c'était une chose qu'on ne soignait pas. Pour aider Hasna je lui donnais un peu de mon sang qui la fit plonger souvent dans des songes sans douleur mais après deux semaines, juste avant de fêter nos deux ans, elle ouvrit les yeux pour la dernière fois et je fus à nouveau veuf de la femme que j'aimais.
1306 ap JC à 1308 ap JC. - Iseult & Abélard. Après la perte de Hasna, je revins en France pour rejoindre un ordre crée il y a moins d'un siècle et nommé l'ordre du temps. Je devins un templier et, ayant déjà connu les rudiments de la guerre et des combats, mon savoir m'apporta un certain confort notamment un domaine au fin fond de la France, que je léguais à des descendants présumés avant de me faire passer pour mort et de revenir tous les dix ans. Pour ne pas éveiller les soupçons c'était l'excuse la plus logique et personne, du moins à l'époque, ne semblait soupçonner la supercherie. Heureusement entre la guerre, les conflits politiques et religieux et ma nature de créature qui ne me donnait une vision différente du temps qui passe, au contraire des humains mortels, alors presque un siècle s'écoula avant que je ne rencontre
Iseult. Elle était la fille d'un autre chevalier du Temple assez âgé, ce qui nous permettait de nous voir assez régulièrement. Évidemment pour essayer de tenir mes vœux de chasteté dans cette vie et surtout pour essayer une nouvelle façon de conjurer la malédiction, je repoussais Iseult soigneusement pour nous éviter aussi de nous faire surprendre, ce qui aurait causé mon exil et même ma condamnation de l'ordre du temple. Cependant les choses se gâtèrent au bout d'une année seulement, en 1307 les templiers furent arrêtés soit-disant car nos pratiques étaient douteuses. En réalité le roi de France Philippe le Bel enviait notre puissance militaire et nos possessions, qu'il fit confisquer par une bulle après avoir ordonné nos arrestations. Évidemment comme tous mes frères je fus emprisonné mais j'attendais la nuit pour fuir. Malheureusement pour le père d'Iseult je ne pouvais rien faire alors je profitais de ma magie pour transplaner jusqu'au château où elle vivait pour l'informer de l'arrestation des templiers, du jugement à venir et étant donné que les familles n'étaient pas souvent épargnées par la cruauté des rois en place, Iseult me demanda de m'accompagner et ne pouvant lui refuser quoi que ce soit, j'acceptais sous le couvert de la nuit de la prendre avec moi.
Pour mettre Iseult en sécurité, c'est en Angleterre que je l'emmenais, non loin d'une ville que l'on nommait Oxford et qui comportait déjà un collège qui enseignait aux meilleurs élèves du pays. La belle Iseult avait soif d'apprendre et pendant l'année qui fut la nôtre, je la fis voyager dans tout le pays et ça jusqu'à l'ancienne demeure de ma famille, qui n'était plus qu'une ruine car abandonnée depuis deux siècles à présent. Après trois mois de fuite et surtout après avoir trouvé un lieu de paix pour nous établir, je repris mes recherches pour empêcher la fin inéluctable de celle que j'aimais quand elle m'apprit, avec un plaisir non dissimulé, qu'elle attendait un enfant. Heureux comme jamais je ne l'avais été, je lui demandais aussitôt sa main car je voulais faire d'elle une femme mariée avant qu'elle accouche et presque une semaine après, c'est dans une chapelle avec seul le prêtre comme témoin que Iseult devint ma femme. Huit mois plus tard, c'est lors d'une nuit terrible qu'elle donna naissance à notre fils, un beau Gauthier de Belmor, ce prénom fut décidé car il était le même que le père d'Iseult et elle voulait lui rendre un hommage. C'est également lors de cette nuit que ma femme perdit la vie, épuisée par l'accouchement et sans doute rattrapée par la malédiction. Encore une fois j'avais échoué mais cette fois-ci j'avais une raison de me battre, un fils qui avait besoin de moi. Ainsi cet enfant devint mon monde et jusqu'à ce qu'il atteigne la majorité, jusqu'à ce qu'il devienne père lui aussi et que le nom De Belmor perdure, je m'occupais de lui comme si il était une petite chose précieuse. Il l'était pour moi en tout cas. Ayant la capacité des demi-vampires, mon fils, par chance, était invulnérable aux maladies et aux blessures mais sans être immortel.
Alors quand Gauthier devint un grand-père et que lui aussi perdit la vie, je laissais mes héritiers vivre leur vie en leur promettant de revenir de temps en temps, comme un grand oncle un peu excentrique qui a toujours des histoires folles. Mais pas sans rien leur laisser, avant de partir je leur dis cadeau de quelques biens et surtout d'assez de richesses pour vivre confortablement pendant plusieurs générations.
C'est lors de cette vie que je fus approché par un Ordre secret présent en Angleterre, l'Ordre de la Lune. Cherchant à sauver les créatures de leur malédiction, ils avaient entendus parler de ma transformation et voulaient m'aider. Leur présence à mes côtés fut précieuse et grâce à cela, je m'évitais plusieurs fois de tomber dans la mélancolie et la dépression. Alors j'acceptais de les rejoindre et de devenir un de leur membre, pour les siècles à venir.
1428 ap JC à 1430 ap JC. - Mahaut & Abélard. Parce que je combattais dans différentes guerres depuis plusieurs siècles, je pris part à cette guerre qu'on allait nommer guerre de 100 ans et qui opposait l'Angleterre à la France. Le conflit était régulièrement arrêté notamment à cause du temps, des récoltes ou simplement à cause des maladies et surtout de la peste qui faisait régulièrement son retour. De fait c'est en 1428 alors que je me trouvais à Paris, qu'une nouvelle fois la peste frappa durement la ville. En dehors de la capitale un événement allait faire changer le conflit, qui était pour le moment en faveur de l'Angleterre, car une jeune pucelle du nom de Jeanne allait faire parler d'elle. Mais, n'écoutant que peu les rumeurs et profitant de cette épidémie pour me nourrir discrètement sans que personne ne remarque la présence d'une créature dans les ruelles de la capitale, il m'arrivait de m'arrêter dans des auberges pour passer la nuit ou rester quelques semaines. Immunisé à la maladie je ne risquais rien et grâce au mal qui sévissait, les auberges étaient vides et les gens trop effrayés pour sortir. C'est en rentrant dans une des auberges de la capitale que je tombais sur
Mahaut, une femme de chambre dont le regard me fit l'effet d'une gifle. Elle était là, dans cette nouvelle vie, au milieu des malades et en danger elle même. Comme à chaque fois nos âmes n'eurent pas besoin d'aide pour se reconnaître et afin de lui éviter la maladie, je proposais à cette nouvelle enveloppe de cette que j'aimais, qui répondait au prénom de Mahaut cette fois-ci, de partir dans un lieu isolé le temps que la maladie ne se calme. Je me doutais bien qu'en restant ici, c'est ce mal qui allait finir par l'emporter dans deux ans et je voulais lui éviter cela. Peut-être qu'en l'éloignant de tout danger, de tout risque alors je pourrais lui éviter le pire ? Je n'avais jamais essayé cela alors c'est dans une petite maison de campagne éloignée de tout danger que j'installais Mahaut avec tout le confort possible mais surtout en lui interdisant de voir quoi que ce soit, d'ouvrir à des inconnus ou de parler à quiconque. Au courant de ma nature et de la malédiction qui pesait sur elle, ma chère et tendre accepta de fuir la civilisation dans l'espoir de survivre plus de deux ans.
En échange je lui apprenais la lecture dans des ouvrages anciens et que j'avais volé dans des monastères, je lui racontais nos anciennes vies et je la couvrais d'attentions. Bien-sûr elle sortait mais uniquement en ma compagnie, de sorte à pouvoir éloigner quiconque oserait l'approcher surtout que la peste n'était pas une maladie s'arrêtant aux portes de Paris. C'est lors de cette vie là que je compris une chose, que la malédiction en plus de prendre ma chère et tendre, finirait forcément par gagner malgré tous mes efforts. En effet j'avais besoin prévenir Mahaut, l'inciter à s'enfermer à clé et ne sortir qu'en dernier recours tout seul pour faire quelques achats ou aller chasser, la malédiction finirait forcément par se glisser dans la seule brèche qui s'ouvrirait devant elle.
En effet au bout de presque deux ans, à une semaine proche de la date, Mahaut profita de mon absence alors que j'allais chasser, pour faire quelques achats au marché à une heure de chez nous. Le temps que je revienne et malgré mes recommandations et ma colère de ne pas m'avoir écouté, elle avait eut le temps d'être approchée par un homme qui lui avait toussé dessus. Qu'importe mes efforts et ma recherche d'un antidote, quatre jours après Mahaut fut emportée par la peste et la malédiction fut une nouvelle fois gagnante.
1521 ap JC à 1523 ap JC. - Tonalli & Abélard. J'avais la naïveté de croire qu'en rejoignant les rangs des troupes de Cortès, lors de son départ pour le nouveau monde, ce voyage serait une simple exploration d'un lieu inconnu. Effectivement au début je découvrais un lieu magnifique que je n'aurais jamais imaginé, moi qui venais d'une époque où le nouveau monde n'était même pas envisageable, j'avais les yeux grands ouverts et j'étais émerveillé devant ces richesses. Les Aztèques nous accueillirent et j'appris leur langue mais aussi leurs coutumes parfois surprenantes tout en essayant de garder à l'esprit que c'était une autre façon de vivre, pas si différente de nous, seulement nouvelle. Et si mon esprit s'ouvrait à ce nouveau peuple, les espagnols que j'avais suivi jusque là démontrèrent encore une fois qu'il n'y a rien de bon, rien à sauver dans l'âme humaine. Cortès, si il s'était montré aimable au début, dévoila rapidement ses plans et surtout son souhait d'envahir et de conquérir les terres des Aztèques pour étendre les possessions espagnoles de Charles Quint. Alors ce qui n'était que de l'exploration se transforma en une conquête. C'est à Tenochtitlan, la capitale de l'Empire Aztèque, que je retrouvais
Tonalli. Elle était jeune, moins de 20 ans et son existence entière était vouée aux dieux. Son prénom lui même faisait référence à l'énergie vitale de chaque être humain qui s'exprime à travers son intelligence et sa volonté. Ainsi c'est comme si elle même avait été mise au monde pour une chose précise, à savoir se sacrifier pour la survie des siens, de son peuple.
Notre histoire fut aussi compliquée qu'on peut l'imaginer. La malédiction la rendait forcément attirée par moi car nos âmes se retrouvaient enfin et réclamaient l'autre sans relâche et pourtant, ses croyances la torturaient à chaque fois qu'elle se retrouvait avec moi. Cela et surtout le fait que je portais l'uniforme de l'envahisseur et que les troubles avec Cortès et ses désirs de conquête ne cessaient de s'amplifier. Bientôt, ce qui n'était qu'un voyage pour découvrir un monde nouveau se transforma en une guerre pure et simple, un conflit pour évangéliser mais aussi prendre ce qui ne nous appartenait pas. Malgré mon amour pour Tonalli et mon respect pour ses croyances, je ne pouvais la voir se faire tuer. Alors quand les troupes de Cortès furent obliger de fuir la capitale de l'Empire et que les hommes de Hernan furent massacré, je proposais à celle que j'aimais de fuir tout simplement. De partir car Cortès allait revenir avec la ferme intention de se venger et de massacrer tout le monde. Elle accepta mais je vis dans son regard que c'était à contre-coeur, qu'une partie d'elle voulait rester auprès des siens. Je m'en voulais de lui demander cela mais comment accepter l'idée qu'elle se fasse tuer au profit d'une conquête idiote ? Alors Tonalli vint avec moi, à la fois heureuse d'être à mes côtés mais aussi brisée car elle devait fuir tout ce qu'elle connaissait.
C'est cette décision qui marqua également une rupture entre nous. Ca et le fait que je ne lui cachais rien de ma nature et si elle m'aimait, elle était aussi un peu effrayée. J'étais le monstre dans sa mythologie, le monstre des légendes venu pour dévorer les âmes des innocents. Alors quand au bout de quelques mois, la nouvelle de la chute de l'Empire Aztèque vint jusqu'à nos oreilles alors que nous étions réfugiés dans un village abandonné en pleine forêt, Tonalli s'enferma dans un mutisme dont elle refusa de sortir, comme si elle m'en voulait. Je comprenais à cet instant que rien de ce que je pouvais faire n'allait apaiser sa douleur d'avoir perdue les siens mais aussi sa nation, son pays, tout ce qu'elle connaissait. En colère, je partais chasser pendant deux journées et à mon retour, Tonalli n'était plus là. Tout en suivant une odeur de sang seché, mon angoisse fut de plus en plus grande à mesure que je reconnaissais le parfum de celle que j'aimais. Prêt à toutes les éventualités, à la retrouver blessée ou que sais-je encore, c'est le corps sans vie de celle que j'aimais que je découvris finalement. Sacrifiée sur un autel sans doute crée par ses propres soins, mon âme sœur n'avait pas supporté la perte des siens et sans un bruit, elle était retournée à son destin, celui de se sacrifier pour les dieux afin d'offrir le salut à son peuple. Cette fois-ci la malédiction n'avait pas eu le temps de me la prendre, seule nos différences se chargèrent de me prendre celle que j'aimais.
1605 ap JC à 1607 ap JC. - Emna & Abélard. Abandonnant les armes et la guerre, je souhaitais me créer une nouvelle vie et peut-être explorer des nouveaux continents tout en respectant les habitants. Ainsi je devins missionnaire, étant donné que j'avais une foi très forte et un savoir religieux important, pour le compte du Portugal et avec d'autres compatriotes, la couronne nous demanda de rejoindre l'Inde pour présenter nos hommages au nouvel Empereur Moghol, Jahangir. En effet les Empereurs Moghol avaient une certaine sympathie pour la religion chrétienne et il était habituel que des missionnaires vivent à la cour de l'empereur. Ainsi le voyage dura plusieurs mois mais c'est en 1605 que j'arrivais à la cour de Jahangir, ce qui veut dire
possesseur du monde en persan, afin de lui présenter mes hommages. A peine j'entrais dans cette salle du trône immensément grande et riche, que mes yeux croisèrent ceux de la nouvelle concubine de l'Empereur. Mon âme se brisait en deux alors que je m'agenouillais devant cet homme puissant, l'esprit entièrement tourné vers celle qui se tenait fièrement à ses côtés et qui n'était autre que la nouvelle forme physique de celle que j'aimais.
Elle se nommait
Emna dans cette vie et si au début je voulais être fidèle à mon serment mais aussi à l'accueil chaleureux de l'Empereur, mes forces m'abandonnèrent quand Emna me rejoint un soir dans cette chambre modeste qui était la mienne. Qu'importe le temps, tous nos efforts et toutes la force que je pouvais mettre pour lui résister, j'en étais incapable. Et puis j'avais toujours à l’esprit de trouver une solution pour la sauver, pour vivre enfin cette histoire qui nous avait été cruellement refusée il y a 7 siècles à présent. Je l'aimais elle, pour son âme et son esprit, qu'importe que son prénom change ou que son caractère ne soit pas identique à celui que j'avais connu avec Imany. Je l'aimais toujours un peu plus à chaque siècle, désespérant de la garder avec moi une fois encore.
Cette fois-ci le désir de fuir vint d'elle avant même que je ne puisse formuler cette envie. Parce qu'elle ne voulait pas porter les enfants de l'Empereur, ce qui finirait par arriver mais aussi parce qu'elle se détournait de lui et qu'une concubine qui se détourne de son bienfaiteur est vouée à ne plus jamais sortir du harem et ça, jusqu'à la fin de ses jours. Alors après un plan minutieusement préparé, c'est sous le couvert de la nuit que Emna me rejoignit dans mes appartements pour fuir loin, si loin que personne n'aurait dû nous retrouver. Dans une petite maison éloignée que j'avais acheté avec des économies d'une vie précédente, je repris mes recherches dans des ouvrages magiques pour briser la malédiction, trouver une solution afin de rester avec elle. Emna contrôlait la magie de la terre, une chose qu'elle découvrit en vivant auprès de moi et en apprenant à se servir de cette magie qui dormait en elle et qu'elle n'avait jamais explorée. Elle était curieuse, souriante et pleine de bonne volonté. Naïve aussi et bien trop peu prudente, malgré mes efforts et mes suppliques pour qu'elle ne parle que très peu de son ancienne vie. Sauf qu'elle avait le goût du luxe et des belles choses, qu'elle aimait se vanter d'avoir été une concubine et c'est grâce aux rumeurs qu'un assassin envoyé par l'Emper nous retrouva.
Emna sortait le soir pour admirer les étoiles, c'était une de ses grandes passions. L'assassin était là, caché dans un des buissons, venu pour venger cet Empereur bafoué ayant perdu celle qu'il aimait mais aussi qui, par orgueil, ne supportait pas de s'être fait voler sous son nez sa concubine favorite. C'est le hurlement de celle que j'aimais qui me réveilla en sursaut et la malédiction me prit Emna avant que soleil ne se lève.
1700 ap JC à 1764 ap JC. - Isabeau & Abélard Vint une nouvelle vie afin d'essayer une nouvelle façon de briser la malédiction. Alors que j'étais en France, c'est dans un petit village du sud du pays que je croisais
Isabeau, sans qu'elle ne puisse me voir car j'avais eu le temps de me cacher de son regard. En effet à cause de la malédiction il suffisait qu'elle me voit pour que le sortilège soit efficace et moi, je l'aimais trop pour la repousser. Cependant cette fois-ci et parce que cela faisait déjà 7 fois que je la perdais sans pouvoir lutter, je me décidais justement à ne pas me mêler de sa vie, afin de lui assurer une vie longue et sereine sans qu'elle ne trépasse au bout de deux ans à mes côtés. Alors là où Isabeau n'avait que 13 ans quand je la croisais, je m'installais dans le village à côté en m'assurant qu'elle ne viendrait jamais jusqu'à moi et avec le temps, je devins son ombre. J'allais le soir l'observer tout en me cachant dans la forêt proche de chez elle. La regarder grandir, devenir une jeune femme jusqu'à ce qu'un jour, un homme de son âge l'attende devant chez ses parents. Il avait un prénom ancien que je ne voulais pas connaître, la seule chose que je savais c'est que son cœur battait plus vite en présence de Isabeau. Ils se fréquentèrent pendant un an et au bout d'une année, Isabeau accepta sa proposition de fiançailles. Elle l'épousa un beau jour d'hiver et même si tous les invités semblaient sourire, Isabeau avait quelque chose de triste dans le fond du regard, comme si une chose en elle n'était pas complète. Je luttais contre l'envie de la rejoindre, de l'enlever à cette vie pour lui offrir tout l'amour qu'elle méritait car je savais bien que cela n'aurait duré que deux ans.
Les années défilèrent, j'étais toujours cet étrange homme habitant une maison isolée, les gens ne cherchaient pas à m'approcher et je faisais en sorte de me faire oublier de la plupart des gens. Isabeau elle devint maman d'une fille d'abord puis d'un garçon, son mari l'aimait toujours autant et il avait le cœur qui battait vite auprès d'elle, il la regardait comme on observe un ange ou un trésor qu'on possède sans le réaliser, même si au fond de moi je savais bien qu'il ne la posséderait jamais. Et à mesure du temps, quand les premières rides vinrent marquer le visage d'Isabeau, je regrettais de ne pas avoir pris part à cette vie. Voilà plus d'un siècle que je l'attendais et j'allais devoir vivre encore longtemps sans elle. Et si la malédiction était brisé, je ne pourrais plus jamais la revoir si ? Triste à en mourir, je me fis violence pour ne pas m'enfuir car je m'étais persuadé avec le temps que je protégeais Isabeau de loin. De quoi ? De tout et de rien, du danger, des créatures, des voleurs, de la guerre qui traversait encore la France et poussait les vagabonds à voler dans les demeures. Isabeau devint grand-mère et si de loin je la voyais sourire, je ne pouvais m'empêcher de rentrer discrètement chez elle la nuit, pour la regarder dormir aux côtés de son mari parfois. Je ne restais jamais longtemps et si par malheur elle commençait à se réveiller, je partais si vite qu'il ne restait dans la pièce qu'un coup de vent, témoin muet de mon passage.
A l'aube de ses 64 ans Isabeau tomba malade. Ce n'était pas la malédiction ou une perversion du destin, seulement la vie qui commençait à doucement rappeler à celle que j'avais toujours aimé, qu'elle n'était pas éternelle. Si son mari avait passé la majeure partie de sa vie comme charpentier Isabeau elle, avait été femme de ménage, de chambre mais aussi une parfaite femme d'intérieur. Une vie épuisante qui venait à présent lui réclamer la facture des manques de soins, de médicaments et du peu de repos. J'étais là, caché derrière sa demeure quand son dernier souffle la quitta. Je le sentais aussitôt car son cœur cessa de battre et ma vie devint soudainement sans un seul bruit, comme si j'avais la tête sous l'eau.
Trois ans. Trois années à ravager cette région dû au chagrin, à tuer plus que je ne l'aurais dû, moi qui m'étais toujours empêché d'être ce monstre terrible que la littérature magique décrit et pourtant, ma raison s'envola à l'instant même où l'âme d'Isabeau quittait son corps. Je me transformais en créature terrible et assoiffée de sang, comme si cela allait étancher la douleur de l'avoir perdue elle encore une fois. Pendant trois ans je semais la terreur dans cette région du sud de la France qu'on nommait le Gévaudan, devenant une bête légendaire qui fait encore trembler les habitants de cette contrée oubliée.
1860 ap JC à 1862 ap JC. - Cirilla & Abélard Après ma tuerie sanglante je quittais la France pour venir en Amérique et trouver peut-être une solution à cette malédiction ou du moins des réponses, je voulais savoir si elle était toujours active ou si la mort naturelle de vieillesse d'Isabeau avait enfin arrêté ce mal qui dévorait nos âmes. Mais personne n'avait la réponse, que ce soit chez des voyants dans le monde moldu ou même des prophétesses dans le monde magique. A chaque fois la version contredisait celle que l'on me donnait précédemment, un coup elle allait se réincarner et un coup elle n'existait plus, son âme ayant été délivrée de la malédiction. Cependant l'une des voyantes me donna un conseil qui n'était pas si idiot, celui d'attendre plus de deux siècles pour être certain qu'elle n'était plus revenue. En effet si son âme n'était pas de retour alors je ne tomberais pas sur elle n'est-ce pas ? Je me décidais à appliquer les conseils de cette voyante tout en prenant mon mal en patience. C'est lors de cette vie que je devins animagus après de longs mois à apprendre ce sortilège complexe de métamorphose, qui devint une franche réussite quand je me transformais en un magnifique chat noir aux yeux jaunes. Je le nommais Nyx et je pris l'habitude de me promener sous ma forme de chat et cela, tout en visitant l'Amérique qui avait bien changé depuis mon dernier séjour.
C'est dans le Bayou que j'étais le plus à l'aise et c'est là aussi un soir, que je vis une femme assise sur un tabouret au bord d'une eau calme et pleine de moustiques. Cette femme soudainement leva les yeux vers moi, elle semblait m'avoir vue au milieu des ronces alors que j'étais sous forme de chat. Là elle me fit un sourire alors que je me figeais, elle avait le visage de cette que j'avais toujours tant aimé.
Dans cette vie elle se nommait
Cirilla et dès l'instant même où je changeais de forme pour redevenir humain, elle m'informa qu'elle m'attendait depuis longtemps. Elle était une voyante, habituée de la magie vaudou et elle avait vue notre histoire dans ses songes mais aussi les étoiles d'après ses dires. Et de ce qu'elle me disait aussi, elle allait trouver la solution à notre mal. Ainsi la mélancolie me gagnait quand je réalisais que j'avais tué suite à la mort d'Isabeau mais surtout pour rien, étant donné que l'âme de celle que j'aimais était toujours en ce monde, condamnée à revenir encore et encore. Mais, préférant m'accrocher à ce qu'elle me jurait, je décidais de l'aider à trouver une solution, à chercher dans les ouvrages que je lui ramenais de Roumanie car d'après elle si une solution existait alors il fallait chercher dans les vieux livres ayant appartenu à la famille de celle qui nous avait maudit. Évidemment l'amour que l'on se portait ne résista pas longtemps et rapidement, je cédais à ses baisers pour retrouver la douceur de sa peau avec un délice mal dissimulé, moi qui avais dû me passer d'elle pendant deux siècles.
J'avais faim d'elle, de son parfum et de tout ce qu'elle avait à offrir et pour la première fois j'avais l'espoir de voir cette malédiction prendre fin, j'avais le sentiment de ne plus être seul à chercher, à lutter, car elle en savait autant que moi et maîtrisait la magie elle aussi, ce qui nous faisait gagner un temps fou. Les mois défilèrent et elle se rapprochait du but, elle me le jurait. Puis un soir elle me demanda de l'attendre car elle avait peut-être une piste à étudier et, patient mais aussi docile, j'acceptais de ne pas bouger de cette maison en bois où on vivait, sans imaginer un instant que ce serait la dernière fois que je la verrais encore.
Je n'ai jamais su comment Cirilla a pu se traîner jusque chez nous. Ce dont je suis certain c'est qu'elle a été mordue par une créature identique à ce que je suis sauf qu'il ne lui a laissé que trop peu de sang dans les veines pour qu'elle survive. J'ai essayé de lui donner un peu de mon hémoglobine, d'écouter son cœur et de veiller son corps pendant deux jours dans l'espoir qu'elle se réveille. Mais quand sa peau est devenue blanche et livide, j'ai compris que le vampire qui l'avait mordue ne lui avait laissé aucune chance. Et qu'elle m'avait échappée une nouvelle fois.
1980 ap JC. La solitude & Abélard Voilà 1000 ans que je l'attends. Un millénaire à espérer que la malédiction prendra fin. J'ai perdu celle que j'aimais de toutes les manières possibles, par maladie, par meurtre, par vieillesse ou par mauvaise rencontre avec une créature ou un animal. Je ne sais plus quoi faire pour cesser ce mal qui ronge nos âmes, j'en suis venu à me dire que je devrais m'offrir à la caresse du soleil définitivement car cela la libérerait peut-être. Mais je suis désespéré à l'idée que son âme me cherche, qu'elle m'attende comme Isabeau l'a fait et qu'elle soit condamnée à errer sans me retrouver, car je ne serais plus. Alors je me suis surpris à penser que je devais vivre les deux années qui sont offertes avec elle, sans réclamer davantage. Même si je commence à être fatigué, après un millénaire de vie j'en ai vu beaucoup et peut-être même trop. J'ai commencé à rassembler et écrire mes mémoires pour ne pas oublier, j'ai aussi fait un listing des langues que je connais et de leur alphabet que j'ai traduit, si seulement des historiens tombent sur ça ils vont devenir fous à l'idée de pouvoir traduire presque toutes les langues oubliées dont on ne sait rien de nos jours.
J'ai connu des gens, sauvés des vies et massacrés beaucoup trop de monde, j'étais là lors d’événements merveilleux mais aussi lors des pires massacres. Et je peux dire que l'espèce humaine n'a rien de beau, elle oublie son histoire et refait les mêmes erreurs. J'ai vu le monde magique évoluer, s'ouvrir aux nés-moldus qui ont indéniablement apportés une richesse à la magie et à Poudlard. Mais les familles de sang-purs ne peuvent être oubliés, j'admire leur prestance et leur histoire surtout quand on sait que pour beaucoup j'ai croisé leurs ancêtres. Je suis à la fois pressé de découvrir ce que va être la prochaine évolution du monde et en même temps je suis anxieux. Le monde moldu était en guerre il y a 40 ans et les horreurs font encore frissonner les survivants, moi le premier j'ai été surpris par une telle violence envers son semblable. Et que dire du monde sorcier ? Il y a un an de ça je n'étais pas en Angleterre mais un mage noir a voulu imposer sa vision rétrograde du monde, jusqu'à quand cela va durer ?
A présent je reprends mes marques en Angleterre, je suis de retour à Londres avec un cabaret que je viens d'ouvrir, l'Equinoxe se présente tout indiqué pour les sorciers de ce monde, un endroit classe et distingué où il fera bon de danser, de manger et de boire tout en pariant pour les courses. Enfin j'ai aussi croisé mes héritiers, à savoir les Belmor existent toujours à Oxford et sont les descendants de Gauthier que j'ai eu avec Iseult, au 14e siècles. Ils sont prospèrent car je leur ai donné des parts dans mes entreprises, ils vivent tranquillement et souvent quand je viens les voir, ils me traitent comme un oncle âgé qui a toujours des vieilles histoires. Ca me fait sourire de savoir que quelque part, un peu de Iseult et moi existe toujours.
Voilà plus d'un siècle que je n'ai pas croisé de réincarnation de Imany, Héloïse, Hasna, Iseult, Mahaut, Tonalli, Emna, Isabeau ou Cirilla, qu'importe le prénom car l'âme était identique à chaque fois. Je finis par perdre espoir et surtout, je commence à me dire que cette fois-ci ça y est, après un millénaire à l'attendre, elle ne reviendra plus. Si cela se confirme, il ne me restera qu'à m'offrir au soleil pour une dernier valse, une dernière
Belle Mort.