Lisha - wild dreams

Trou noir. Béant. Qui embrume son esprit. Lisha se réveille d’une nuit sans rêve, dans son lit, sa chambre, dans la maison familiale se trouvant dans la banlieue d’Edimbourg. Il y a des photos aux murs, des visages flous qu’elle ne reconnaît pas, même si elle s’efforce tous les jours d’attribuer un nom à ces traits. Elle se souvient d’Echo, sa cousine, qui est là depuis toujours. Leurs deux visages grimaçant sur la photo au-dessus de son bureau la fait sourire. Écho, qu’elle n’est pas supposée côtoyée suite à un différent entre leurs mères, depuis que le divorce a été officiellement proclamé il y a quelque années. Ces informations là ont été les premières à être dites pour ramener Lisha dans le monde actuel. Un choc, à n’en pas douter, d’apprendre que son père a trempé dans des magouilles politiques en versant des pots de vin. Un choc, et de l’admiration, d’apprendre que sa mère l’a attendu pendant des années  avant de divorcer officiellement. Un soulagement, d’apprendre que Lisha et son frère ont gardé le nom de Selwyn. Au moins quelque chose qu’elle n’aura pas à changer, à apprendre de nouveau. Son frère, justement. Haoyu, qu’elle aime profondément. Elle le ressent en elle, elle n’a pas oublié l’amour qu’elle porte à son aîné. Et la photo des deux enfants de 8 et 11 ans, lors de l’entrée de Haoyu à Poudlard témoigne de toute la fascination et l’admiration que Lisha a pour son grand frère. Un amour fraternel comme il en existe peu.

Sur ce mur de photo, qu’elle regarde beaucoup depuis qu’elle est sortie de l’hôpital, elle tente de forcer sa mémoire à travailler. Mais il y a des trous, sur ce mur, des photos retirées, laissant un vide semblable à celui qui persiste dans ses souvenirs. Petit à petit, lui dit souvent sa mère. Au moins, Lisha ne l’a pas oubliée. Ni elle, ni son enfance passée en Chine, ni le déménagement dans la banlieue d’Edimbourg quand elle eut trois ans. Elle n’a pas oublié le départ précipité de son père non plus, sans rien dire.  Elle n’a pas oublié ça, elle avait simplement oublié le divorce. Elle ne sait pas ce qui est pire parce qu’à l’annonce de ce souvenir, elle a eu l’impression de perdre son père une seconde fois.

Lisha se met sous sa couette, tentative de protection enfantine en pensant que là-dessous, rien ne peut l’atteindre. Elle ferme les yeux un instant. Elle se concentre. Elle sent le vent dans ses cheveux. Elle sent le bois ferme d’un balais sous ses mains. Elle voit cette boule or vif voleter devant elle.  Le quidditch. Elle se souvient aimer ça. Elle se souvient qu’elle était dans l’équipe. C’est voler, qui lui a causé son accident. C’est être libre dans les airs qui l’a fait chuter, lourdement, et retomber sur la tête. Ça, elle le sait de sa mère. Et sûrement que celle-ci ne voudra plus la revoir sur un balai. Mais Lisha sait qu’elle aime voler, Lisha sait qu’elle est dans l’équipe de Poufsouffle. Et qu'elle aime ça.

Elle rabat la couette à ses pieds dans un soupir. Elle sait que quelque chose manque. Quelque chose qui ne lui revient pas. Quelque chose qui a disparu de son cerveau comme ces trous sur son mur de photos.  

Mais il faut bien retourner à Poudlard. Oui, il le faut.

Le lendemain, Lisha se retrouve devant ce château, qu'elle a l'impression de connaître par coeur mais pourtant, elle a également ce sentiment de nouveauté. On la regarde avec pitié, on la regarde en coin. C'est pesant, tous ces regards, pour la jeune femme, alors elle avance rapidement, traverse quelques couloirs. Elle ne sait pas où elle va mais ses pieds, eux, semblent connaitre l'endroit, chaque pierres qu'ils touchent. Elle marche vite, si vite qu'elle fonce dans quelque. Elle bafouille quelques excuses avant de relever la tête.

- Qin ... Hm ... Non, rien.

- Tu parles chinois ?

Ce mot lui fait comme un pincement au coeur. Elle se trouve devant un étudiant brun, la dépassant d'un tête, le regarde vide et les yeux brillants de larme. Elle fronce les sourcils. Ce mot. Il résonne dans son esprit. Cette prononciation incertaine et imparfaite. Cette intonation. Il secoue la tête, et se détourne pour partir. Elle soupire et fait demi tour. Son coeur est lourd, sa tête aussi.

Et cette journée de début octobre se terminera avec toujours ce sentiment d'être incomplète.