La salle était silencieuse, seuls quelques murmures se faisaient entendre alors que les élèves de sixième année étaient concentrés au-dessus de leurs chaudrons. Après de longues heures de théorie, la pratique était de mise. Une tête brune apparaît ainsi soudainement par l'encadrement de la porte, balayant la salle du regard à la recherche de quelque chose. Il repère facilement la petite tête blonde aux couleurs des lions, avant de finalement s'avancer en levant son index, signifiant au professeur qu'il voulait lui parler.

- Excusez-moi… J'ai emprunté le livre de potions à Roseann Leigh. Est-ce que je peux le lui remettre ? J'ai totalement oublié ce matin, c'est ma faute si elle ne l'avait pas en arrivant et…
- Soyez bref, M. Loskoutrov. C'est tout ce que je vous demande.
- Merci !  

Le Gryffondor entre dans la salle de potions où semblent étudier ses anciens camarades de classe. Levant la main pour accorder quelques salutations silencieuses, il se retourne assez vite vers la blonde, tenant un livre à bout de mains.

- Ça m'a vraiment aidé. Désolé du retard !, lui murmure-t-il à demi ton, tandis qu'il lui remet ledit livre.

Profitant que le professeur soit plutôt clément, il observe le plan de travail de Roseann assez curieusement. Il remarque la poussière de lune ainsi que quelques épines, mais aucun lien ne se fait dans son esprit. Ces ingrédients étaient plutôt standards dans de nombreuses potions, après tout. Une délicate odeur s'émane du chaudron, tandis qu'il ferme les yeux pour en humer le parfum.

- C'est rare que les potions sentent aussi bon, admet-il surpris, cherchant encore à deviner.
- Tu sens quoi ?, demande presque innocemment son amie.

Le Russe lève les yeux au ciel, plongé dans un moment de réflexion, tandis qu'il associe les odeurs à des souvenirs concrets.

- L'odeur sucrée des bonbons, un peu...  Avec un fond de parchemin et d'encre.

Une autre odeur était sous-jacente, il n'arrivait pas à la définir. Quelque chose de léger, chaud et floral. Il ferme cette fois les yeux, reprenant une inspiration.

- Ah !, se réjouit-il un peu trop fort, content d'avoir trouvé. Les magnolias. En fait, ça ressemble un peu au parfum d'Aisleen !

Un silence lourd tombe soudainement sur la classe, tandis que le regard de la blonde le fixe avec intensité. Il fronce les sourcils, cherchant à comprendre pourquoi l'ambiance semblait avoir changé prestement.

- Mec, l'interpelle la voix au pupitre juste en arrière.
- Quoi ?

Geoffrey se retourne, sourcils légèrement froncés et consternés. Le Poufsouffle paraissait être un nouvel élève, il ne l'avait jamais vu dans sa classe auparavant. Le sourire dépeint sur son visage ne lui plaisait guère.

- AISLEEN, tu as une touche !, s'écrit alors ledit Poufsouffle, le moins gêné du monde, se penchant en direction de la concernée.
- Geoffrey... C'est de l'amortentia..., l'avertit Roseann.

Quelques longues secondes s'écoulent avant que l'information ne percute son cerveau. Ses yeux s'écarquillent derechef, tandis que son visage vire complètement au rouge. L'annonce n'était évidemment pas passée inaperçue, surtout avec l'intervention de Louis. Les murmures et les rires s'étaient élevés dans la classe, tandis qu'il sentait de trop nombreux regards posés sur lui.





Il s’était littéralement donné en spectacle. Et pas du moindre ! Devant tous ses anciens camarades de classe, mais surtout… devant elle. Il s’estimait chanceux d’avoir pu se réfugier loin des 6e années, au moins pour le reste de la journée. Le regard silencieux de Roseann et son sourcil arqué lui en avaient plus dit sur lui-même que ses propres pensées. Pourquoi était-il passé à côté ? Lui, le professionnel de l’amour non partagé ! Il en avait pourtant tous les symptômes... C'était-il laissé berner par le confort que la rousse lui procurait ? Par la facilité qu'il avait à lui parler ? Il avait tant de fois senti son cœur battre en chamade, et cette fois, rien ? Ses épaules s’affaissent, tandis qu’un soupir s’échappe de sa poitrine. Il n'avait rien senti tout simplement, car il était trop occupé à profiter de l'instant présent à ses côtés. Simple, confortable et apprécié.

C’était décidé : il allait rentrer dans son dortoir, s’écraser dans son lit et disparaître sous son oreiller, et ce, dans l’espoir que Lucian ne vienne pas encore une fois s’interférer. Plus que quelques pas, il serait rendu. Plus que quelques pas, il allait avoir la paix. Enfin, presque…

- Mooot de passe ?, s’élève la voix de la Dame dans le tableau.

Geoffrey se fige, les yeux écarquillés de nouveau, réalisant l’ironie de sa situation. Une force supérieure lui en voulait, ce n’était pas possible autrement.

- … NET ! PAS ENCORE !, lâche-t-il de frustration en levant les bras en l’air. (*… NON !)

Non. Changement de plan. Il allait partir loin d’ici. Ses deux bras s’abaissent, tandis qu’il se sent découragé. Amortentia. Pourquoi fallait-il qu’on lui rappelle sa maladresse ? Pourquoi fallait-il que ce fichu mot de passe soit A-mor-ten-tia. Grognant entre les dents, Geoffrey rebrousse chemin, bien décidé à aller il-ne-savait-même-pas-où.

- Mais où tu vas ?, lui demanda alors la voix de sa meilleure amie qui rentrait, elle aussi, à la salle commune.
- Loin !
- Où ça loin ?!
- JE RETOURNE EN RUSSIE !

Il ne laisse même pas le temps à Roseann de lui poser d’autres questions que déjà, il s’en allait totalement furibond. Énervé contre lui-même et sa stupidité, surtout. Mais comme l’ironie du destin n’en avait pas fini avec lui, dans sa hâte, son corps percute quelqu’un. Il recule d’un pas, cherchant à s’excuser, la bouche entrouverte et prête à parler. Le Gryffondor se ravise immédiatement en constatant le regard posé sur lui et la chevelure d’un roux flamboyant. Aisleen.

- Ya- Eto- Eto- Nu, eto, no ne, nakonets to, ponimayesh', tam i... i der'mo!,  balbutie-t-il alors que son visage prend une teinte rouge. (*Je- C'est- Le- Enfin, ça, mais pas, enfin le, tu sais, là et... et bouse d'hippogriffe !)

Tandis qu’il se prenait la tête entre les mains, le Russe prit la poudre d’escampette, partant au pas de course. Tant pressé qu'il ne se rendit compte que la personne sur laquelle il s'était cogné - et excusé - était une simple statue.

Il-ne-savait-où était une belle destination, finalement.