I don't know who you are | Orphice

Au fur et à mesure du temps qui s'écoulait, j'en venais à me faire la réflexion que je commençais lentement à accuser le coup de cette nuit où je n'avais pas trouvé le sommeil. Préférant veiller le jeune homme qui commençait peu à peu reprendre pied dans la réalité, malgré que ce fut douloureux.
Moi, comme je l'avais initialement pensé, j'aurais tout le temps de me reposer. Parce que ce n'était pas moi, qui devais réapprendre à faire fonctionner la machine abîmée qu'était devenu mon corps, maltraité. Celui qui devait se soustraire à l'exercice, c'était Orpheus.

Alors, ... nos situations n'étaient en rien comparables. Lui, avait souffert. Avait enduré les serres mortifères de la Mort autour de son cou. Et-, j'étais encore à des lieues d'en avoir la confirmation somme toute atroce dans trop peu de temps.
Mais, je l'aidais. Avec une infime précaution. Étant présente si quelque chose n'allait pas. Même si je sentais bien qu'il ne voulait pas s'appuyer entièrement sur mon corps par peur de déranger ? Or, j'étais solide et je n'avais qu'une seule et unique parole, celle qui tenait en cette promesse que je lui avais initialement faite.
Non- je ne le laisserais tomber. Littéralement.

Le trajet jusqu'à ma salle de bain fut long et fastidieux mais le Yaxley y parvint, lâchant alors ma main pour réussir à se rafraîchir à la fois le visage et l'âme. Attentive, je le regardais faire. En venant même à observer l'onde limpide se parer d'une couleur bien peu réjouissante. Un mélange de sang et de boue ... en trop grande quantité. Encore ...
Et- je n'osais imaginer l'état même de son corps dans son entièreté. Rien que cette idée eut pour but d'encore me marteler le cœur.

Le laissant alors se contempler dans le grand miroir de ma salle de bain, je me décalais de quelques pas, me mettant en retrait. Mon regard noisette le scrutant au travers de cette glace, où je discernais avec une certaine horreur les marbrures qui zébraient son visage. Et par Hécate, ce qu'il pouvait y en avoir là aussi !
À son questionnement, mes iris se tournèrent vers le véritable Orpheus, pas celui du reflet. Et, me mettant sur la pointe des pieds, -parce qu'il était toujours quelque peu plus grand que moi-, je vins de nouveau l'enlacer. Par derrière.

Cette fois, nulle maladresse dans cette tentative de réconfort. Juste une ... affection spontanée qui venait de naître dans une tragédie.
Je mettais tout en œuvre pour faire fi des odeurs qui s'étaient déposées sur sa silhouette, à savoir celle du sang, de la saleté, des potions, des cataplasmes et des onguents. Fermant mes yeux pour me concentrer, je discernais sa véritable fragrance. Celle dont je voulais me rappeler. Une exhalaison boisée et quelque peu poivrée avec un soupçon d'orange amère. C'était lui.

Mon étreinte, je ne la rompis pas. Pas aussi prestement que la première. Parce que celle-ci, elle m'était devenue subitement plus naturelle.

- ... j'ai du baume si tu veux. Pour ton visage. Et, pour son interrogation précédente :  Non. Mais tu es là. Et moi, c'est bien tout ce que je retiens. Ma tête rousse, s'était alors posée sur son épaule. Parce qu'au-delà de tout cet Enfer, moi, ce que je gardais en mémoire ... c'était qu'il en était revenu.

A mesure que j’observai ce reflet -le mien- dans le haut miroir que la salle de bain de la Gaunt, je ne pouvais qu’encaisser les réminiscences de cette maudite rencontre avec ces types que je qualifiais de clochards. Des souvenirs à la fois flous, et étrangement clairs. J’étais incapable de remettre des traits sur ces visages, qui me paraissaient alors distordus, effacés… et pourtant, les gestes de ces derniers me revenaient de plus en plus distinctement. Quant aux mots… j’avais une idée globale de leurs paroles, sans parvenir à me rappelaient des propos de manière précise.

Mes iris, tout comme mes doigts, s’égarèrent alors sur les marbrures couvrant ma gorge, avec un étrange sentiment que je ne parvenais pas à identifier. Les mains m’enserrant le cou, elles, je m’en souvenais bien par contre. Des mains puissantes et calleuses.
Ma réflexion fut cependant interrompue lorsque je sentis les bras de la sorcière m’encercler de nouveau, d’un geste plus naturel, mais pas moins délicat. Mon regard se décala alors sur son reflet à elle, sur cette silhouette que je devinais par derrière la mienne… et j’avais un peu de mal à comprendre le but de tout ceci. De cette affection soudaine. De ces gestes, pour le moins familiers, mais que la Gaunt n’avait jamais eu envers moi. Gestes que je ne lui connaissais pas plus envers autrui, d’ailleurs, même si je savais qu’elle était sortie avec quelques camarades, dont Amycus. Mais là, c’était quoi son but ? En réalité, je n’étais pas certain d’avoir encore envie de poser la question.

« Ca fera plus présentable, j’imagine… » dis-je dans un soupir, avec une pointe de sarcasme.

A cet instant, je fronçais d’ailleurs les sourcils, car une interrogation me vint. Et elle n’avait rien de légère, elle non plus, faisant naître chez moi une certaine nervosité.

« Tes parents… Ils savent que je suis là ? »

Ca serait tout à fait logique et légitime, qu’ils aient conscience de qui se trouvait sous leur toit. Mais cette perspective me rendait pour le moins nerveux. Car, outre le fait d’augmenter les chances de me faire rattraper par les Goyle en dévoilant ma position, j’allais également devoir m’adapter plus que je ne le voulais à un environnement que je n’avais pas choisi. Tournant légèrement la tête, j’abdiquai finalement et me contentais de son reflet, alors que les muscles de ma gorge me rappelaient brutalement à l’ordre.

Dès que j'eus la confirmation de la part de mon interlocuteur en ce qui concernait ce baume qui ne tarderait pas à recouvrir une partie de son visage tuméfié, je desserrais progressivement mon étreinte. Avec un mince soupir, quand il fallut que je m'empare de l'onguent présent dans le meuble de la salle de bain. Un pot qui était vierge de toute couleur, d'un blanc presque virginal et aseptisé. Mais, dès qu'il est ouvert, il s'échappe de ce dernier une fragrance subtile de fleurs et d'épices.
L'aspect quant à lui, n'a rien de bien différent de l'une ou l'autre des préparations de Madame Pomfresh au sein de l'Infirmerie de Poudlard.

Attendant que le Yaxley vienne s'appuyer sur le rebord du lavabo, j'ouvre le contenant pour en dévoiler le contenu. D'une couleur parme et épaisse, dans laquelle j'en vins à glisser mon index et mon majeur. Peut-être, devrais-je le mettre en garde quant aux effets qui lui sont propres ? Ou devrais-je le laisser les découvrir, avec un peu de malice dans mon regard noisette et dans mon sourire ?
Toutefois, je n'étais pas certaine qu'il apprécie cet état de fait. Parce que je ne le souhaiterais pas moi-même.

Alors, avant d'appliquer une première trace sur son derme :

- ... tu vas sentir du froid en premier lieu. Puis du chaud et enfin ... ça va se stabiliser à ta température. Mais ce n'est que le résultat de quelques secondes. Ayant son assentiment, je me permettais alors d'effleurer la peau de son visage, -ce n'était pas la première fois- mais aussi près ... -certainement que si-.

Appliquée, je laissais courir mes doigts sur les bleus qui peuplaient en trop grand nombre son- beau visage. Parce que c'était bel et bien factuel, ça. Précautionneuse, j'y mettais du temps et de l'attention, jusqu'à ce qu'il interrompe mes gestes par son interrogation. Et, il avait raison. Si du point de vue de ma mère, je ne craignais pas grand chose qu'elle soit mise au courant, pour mon père, en revanche ... cela était plus que délicat.
Car, Orpheus était en fugue et était soumis à l'autorité des Goyle.

Emrys Gaunt, lui, si mon camarade Serpentard restait sous son toit, verrait d'un très mauvais œil la suite des évènements.

- Pour l'instant, non. Mais à un moment donné, il le faudra bien. Soufflais-je tout en refermant le pot. Afin de le déposer sur le lavabo non loin du Yaxley. Yaxley que j'observais encore quelques instants.

Pourquoi, l'avais-je pris par deux fois dans mes bras ? Pourquoi, agissais-je autant avec cette délicatesse dont je n'étais pas coutumière ordinairement ? Et surtout ... pourquoi n'avais-je jamais remarqué les nuances de ses iris, pourtant si similaires aux miens ?
Lentement, je venais combler la bien maigre distance entre nous deux, mes mains se posant sur les siennes. Et mon regard noisette s'abaissant vers ses lèvres, avant de me mettre à déglutir.

Cette impression d'être sur un fil rouge suspendu dans le vide, je ne l'avais jamais connue. Jamais. Avec Dean, cela avait été sensiblement différent et avec les autres, je ne les comptais pas réellement. Pas maintenant.
Mais ... si je ne le faisais pas ? ... je le regretterais sûrement, n'est-ce pas ?
À ce moment-là, plus de Griffith. Juste la bouche d'Orpheus que je venais frôler d'avec la mienne. Prenant le temps d'en savourer chaque seconde avant de seulement l'approfondir, ce baiser.

Ces baumes, aussi étranges qu’efficaces -magiques, diraient certains-, il m’avait déjà été donné d’en expérimenter des similaires que cours de mes quelques années de vie. Quand j’étais gamin, parce que je traînais toujours dehors, au plus loin de notre maison exigue, et que j’étais un peu casse-cou sur les bords, comme la plupart des petits garçons… et ma mère gardait toujours un fond de baume dans un placard, au cas où. Plus grand, jusqu’à il y a bien peu de temps, ce ne fut plus que l’action des infirmières de Poudlard, après un entraînement de Quidditch, ou plus souvent d’une rixe. Des soins s’accompagnant régulièrement de quelques gentilles remontrances, parfois un peu piquantes, et souvent mal accueillies. Car lorsqu’on vient de se battre à force d’insultes et de provocations, on n’a pas spécialement envie d’entendre qu’on aurait dû gérer autrement ou faire appel à un adulte. C’est facile d’émettre un jugement lorsqu’on est pas concerné…

Alors, lorsque la Gaunt m’expliqua par avance les effets de celui qui ornait d’ores et déjà ses doigts de parme et d’une fragrance florale, j’hochais simplement de la tête. Et tout le temps du soin, je me montrais docile, une main appuyée sur le lavabo en guise d’appui, et réprimant quelques protestations lorsqu’elle atteignait des zones plus sensibles. J’évitais savamment de l’observer, si proche qu’elle fut, car il y avait un petit côté gênant à tout ça. Alors je laissais mes pensées courir, profitant de cet instant de silence pour mettre un peu d’ordre dans ma tête trop secouée, jusqu’à poser une question qui me taraudait. Là, puisqu’elle s’arrêtait, je relevais mes iris sur elle. Je sentis bien une certaine réserve chez mon interlocutrice, et son murmure me le confirma.

A sa réponse, ma mâchoire s’était légèrement crispée. Si je ne pouvais pas vraiment lui en tenir rigueur, la perspective de révéler ma présence à ses parents ne m’enchantait pas spécialement. La question restait de savoir “quand”, et si j’aurais le temps de me soustraire de cette situation avant. Car je ne comptais pas m’attarder plus que nécessaire… et s’il était évident que partir tout de suite serait suicidaire compte tenu de mes capacités physiques, j’espérais cependant me remettre assez rapidement.

Pris à ma réflexion, je n’avais pas spécialement prêté attention au mouvement de la demoiselle face à moi, jusqu’à ce que ses mains viennent se poser sur les miennes. Là seulement, je remarquais à quel point elle était proche… Plus proche qu’elle ne l’avait jamais été. A tel point que je percevais une discrète odeur vanillée, et que c’en était troublant. Il y avait une certaine tension, comme un instant suspendu, et je sentais bien que mon pouls, lui, s’emballait quelque peu. Ses lèvres vinrent frôler les miennes, m’arrachant un frisson que j’étais bien incapable de qualifier. A vrai dire, je ne savais plus vraiment comment réagir face à une attitude que je n’avais ni anticipée, ni même imaginée. Et mille questions se bousculaient dans la tempête de mon esprit, alors que les lèvres d’Eurydice se firent plus audacieuses, entreprenantes. J’avais le coeur qui battait la chamade, totalement perdu et divisé, ne la repoussant guère et répondant presque par automatisme alors que… Pourquoi ?! Qu’est ce que cette fille attendait de moi, au juste ? Si une part de mon être succombait quelque peu, apaisé par ces marques d’affection que j’avais toujours recherché, jusqu’à les rendre factices, l’autre… était totalement dépassée.

Ce baiser, c’est en abaissant légèrement la tête que je finis par y mettre fin. Il m’avait rendu quelque peu nerveux, et je sentais comme… une pression supplémentaire sur mes épaules. Car ce contact avait initié plus de questions qu’elle n’avait offert de réponses.
Alors, j’esquissais un bref sourire, de ces rictus quelque peu impertinents que j’avais souvent, en évitant derechef les iris de l’héritière des Gaunt.

« J’sais pas ce que t’envisages, mais… j’suis pas trop en état de jouer les gigolos, tu sais ? » fis-je d’un ton trahissant une pointe d’humour et de sarcasme.

Mais il y avait une réelle question derrière, qui, elle, mériterait qu’on s’y attarde. Même si je n’étais pas certain d’être prêt à en entendre la réponse, quelle qu’elle fût.

Étrangement, et ce durant toute la manœuvre que j'avais résolument mis en place pour le soigner avec une certaine efficacité, le Yaxley s'était montré plus que docile. Alors, qu'ordinairement ... j'étais en droit de penser que ça devait être tout l'inverse qui se produisait. Or, en cet instant, il ne se dérobait aucunement. Contraint à cet état de fait notamment, même si je décelais à certains moments, quelques grimaces et quelques tensions de l'entièreté de son corps.
... par Hécate, j'en étais bel et bien consciente que l'effet de ce baume n'était aucunement plaisant. Mais, au moins, il était efficace. Et, les horribles stigmates sur le visage d'Orpheus n'y paraîtront plus, dans quelques temps.

Cependant, durant toute cette opération qui nécessitait une promiscuité bien trop accrue, j'avais eu de ce fait, l'opportunité de le détailler lui. Et ce, autrement. De m'arrêter avec une forme d'intérêt sur chacun de ses traits, tandis que je ne l'avais jamais fait. Préférant lui octroyer ma supériorité en pleine figure et l'imprimer dans ses chairs. Ces mêmes chairs, dont je prenais soin à ce moment précis. Et ce, avec une extrême délicatesse pour ne plus occasionner de douleur, parce qu'il l'avait assez embrassée celle-ci. Et ma foi, c'était suffisant.

Son interrogation pourtant ô combien légitime avait su susciter un embryon d'angoisse dans mon âme. Car, je ne pouvais pas occulter sa présence, éternellement. Et que de toute manière, tôt ou tard, il serait découvert.
... ce qui m'amenait à préférer largement provoquer l'instant plutôt que mon très cher père le découvre par lui-même. Ce qui aurait un impact encore plus singulier pour le jeune homme, dont le sort ne me laissait plus vraiment indifférente, pour tout avouer.
Et- en parlant d'impact, je ne me reconnaissais plus réellement.

Touchée par la détresse d'Orpheus, sa mort potentielle et mon sauvetage providentiel ... j'étais chamboulée. La preuve en était ce baiser, échangé dans cette salle de bain qui avait été le théâtre de ces quelques attentions que je lui prodiguais encore. Cette marque d'affection, il y répondit. Et, je n'étais pas insensible à son cœur qui battait la chamade parce qu'il en était de même pour le mien.
Il n'y avait bien eu qu'une seule personne, -jusqu'à présent-, qui avait réussi l'exploit de le bousculer autant.

Ce fut le Yaxley qui interrompit ce moment hors du temps, en se décalant quelque peu. Tout en restant fidèle à lui-même visiblement ?! Pourvu de ce sourire désinvolte et pour le moins irrévérencieux qui lui collait un peu trop au teint et que j'avais toujours eu envie de lui faire ravaler. Mais force était de constater, que j'étais heureuse de le voir ce sourire. Même si les propos qui l'accompagnèrent, eurent tôt fait de me faire hausser un sourcil et d'éclater de rire, par la suite.
Quel crétin ! Ce n'était pas possible !

- Yaxley ... Yaxley ... Yaxley. Ton humour mordant m'aurait quelque peu manqué, tiens. Soufflais-je, toujours en riant, tout en mimant le fait que mon pouce et mon index se rapprochaient l'un de l'autre. ... mais, jouer mon gigolo ? Comme tu l'as dit, je ne crois pas que tu y survivrais. Je lui octroyais un clin d'œil, appuyé. Avant d'être quelque peu ... sérieuse.

Parce que derrière ses propos où trônait un humour quelque peu grinçant, il y avait sensiblement autre chose. Qui se terrait en filigrane et qui se trouvait à la lisière de mes lèvres. Qu'est-ce que je lui voulais, à lui ?
J'avais juste l'impression de me retrouver globalement assez perdue. C'était à cause de cette proximité avérée. De ces gestes de tendresse. Et, de ce baiser que ... bien malgré moi, je n'avais pas partagé sous le coup de l'impulsion, n'est-ce pas ?

... alors, qu'est-ce que je pouvais bien lui vouloir ?
Cette fois-ci, ce fut à mon tour de détourner mes iris noisette d'Orpheus.

- Ce que je peux te dire, ce fut que j'ai aimé ce baiser. Et, que ... rien ne m'interdirait de recommencer. Mais ici, tout s'enchevêtrait et ne serait pas propice au vu du futur proche qui se profilait.

Mes parents.
Les Goyle.
Et tout ce que ceci impliquerait.
Inspirant lentement, je venais alors poser l'une de mes mains dans sa nuque et mon front contre le sien. Comme lors du transplanage, pour tenter d'apaiser ces quelques pensées qu'il me fallait traiter, désormais. Mes doigts évoluaient sur sa peau, jusqu'à y rester. Profiter quelque peu, avant que tout ne se dérobe certainement à nouveau. Et ce, dans trop peu de temps, malheureusement.

Avais-je trouvé une quelconque forme de plaisir ou de réconfort, au contact des lèvres d’Eurydice contre les miennes ? Dans le tumulte de mon âme, ce baiser avait eu l’effet d’une rafale, voire d’une tempête, balayant un peu plus ces quelques certitudes que j’essayais de conserver… afin d’avoir quelque chose auquel me raccrocher.
Parce que ma vie partait en lambeaux, et qu’il n’y avait peut-être plus grand chose à sauver. Or, si c’était le cas, que devais-je prioriser ? Quoi d’autre, si ce n’était ma propre survie ?

Mais elle était là, la Gaunt, et avait une fois de plus chamboulé mon univers, d’une manière bien singulière. Je ressentais là une once de nervosité, à l’idée qu’on attende de moi davantage que ce que j’étais en mesure de fournir… ou d’accepter de fournir. C’était comme être piégé, tenu captif d’un simple fil à la couleur sang, que j’étais incapable de rompre. Alors je m’étais réfugié derrière ce que je savais faire de mieux, derrière cette impertinence que je maîtrisais si bien. Or… jouer des mots et des émotions s’avérait bien plus compliqué lorsque soi-même on ne sait plus vraiment où on en est.

Malgré tout, c’est un rire qui échappa à la demoiselle, qui ne s’offusqua pas de mon propos. Moi, j’esquissai un bref sourire en guise de réponse, qui n’avait cependant rien de bien sincère. Mais elle n’était pas stupide, la Gaunt, et avait bien compris la réelle interrogation se trouvant entre les lignes de ma bravade. Je le compris au bref regard que je lui avais glissé, car elle avait troqué son rire pour une expression plus songeuse, et son regard à présent fuyant. Et ça… ça n’augurait rien de bon, n’est ce pas ? Enfin… pas dans le sens où je l’entendais… car ce maudit fil rouge n’avait alors de cesse de s’enrouler tel un serpent invisible autour de moi. Alors que pour ma part… Je ne prétendais qu’à sortir de cette maudite tempête, et respirer un peu…

Le propos de la demoiselle, lorsqu’elle reprit la parole, fut pour le moins nébuleux. Je l’observais un instant, sans savoir si je devais chercher à décrypter un message entre les lignes. Son geste, quant à lui, n’arrangea en rien la nervosité que je pouvais ressentir sur l’instant. Et si, d’ordinaire, il m’aurait été aisé de répliquer de quelques mots, peu importe lesquels, cette fois je restais muet. Je laissais simplement les secondes s’égrainer, dans un silence qui n’avait rien de pesant. En d’autres circonstances, j’aurais très bien pu répondre à sa demande indirecte, et l’embrasser à mon tour… mais pas cette fois. Parce que ça aurait sonné faux. Alors j’attendis simplement qu’elle reprenne pied, puisqu’il semblerait qu’elle en ait besoin. Là, et seulement là, après un temps dont j’avais perdu le court, j’esquissais un bref sourire avant de demander de la plus naturelle des manières :

« Y’aurait moyen que je prenne une douche ? T’es pas obligée de… d’accepter hein. Juste que… j’ai l’impression de ne pas m’être lavé depuis trois mois. »

Dans les faits, ça ne devait faire que trois jours peut-être, mais les événements avaient largement joué en ma défaveur. En outre, cette demande me permettait également de rompre une bulle dont je ne savais pas trop m’extraire. Parce qu’Eurydice, en cet instant, bousculait un peu trop le b*rdel qu’était déjà ma vie.

Cette proximité, bien que singulière, ne m'était pas vraiment désagréable, finalement. Au mieux, j'y trouvais une sensation de réconfort. Au pire, quelque chose que je ne comprenais pas foncièrement et qui semblait bien aller au-delà de mon fil de pensée. Parce que, force était de constater qu'il y avait bien ce quelque chose qui me dépassait et dont je ne saurais dire initialement la provenance. Alors, que je me sentais étrangement calme, dans cet instant. Non loin d'Orpheus.
Et, il était bien là, ce paradoxe.

Non pas que je puisse m'en plaindre, non. Car, ce fut moi, qui étais allée au contact. Qui avait provoqué initialement tous ces gestes, qui n'avaient rien de feint. Tout avait été partagé consciemment et avec une certaine tendresse même. Cette même affection que le Yaxley ne pouvait pas comprendre et qui pourtant, lui était dévolue. Ça ne me dérangeait pas non et cela aurait été pour le moins idiot de prétendre le contraire.
Alors, je me satisfaisais du moment. Oubliant quelque peu, ce qui pourrait se profiler à l'horizon. Juste l'espace de quelques secondes ... ou plutôt de minutes, vraisemblablement.

C'était momentanément caler ma respiration sur la sienne. Faire taire ce qui se nichait au fond de mon âme et qui ne tarderait pas à se dévoiler, sans que je ne le conscientise.
Ça m'emmerdait, qu'il retourne là-bas. Ou tout simplement qu'il retourne dans la rue dans un si triste état. Il ne serait peut-être pas en mesure de se défendre ?! C'en était même certain, et il n'y aurait dès lors aucune tergiversation là-dessus.
... je ne le tolèrerais pas.

Mais là, n'était pas encore le fond du problème ni la question en elle-même. Parce qu'il avait de ce fait, soulevé une interrogation quelque peu compréhensible et pour laquelle, je ne pouvais aller contre.

- Bien sûr. Je me doute que ça te fera du bien. Je me détâchais de sa silhouette et ça en viendrait presque à me faire bizarre de ne plus percevoir son odeur. ... tu as des serviettes propres dans le meuble en bois sur ta gauche et tous les produits sont dans la douche. Vas-y. D'un geste engageant de l'une de mes mains je l'exhortais à se servir et à rester autant de temps qu'il le souhaite.

Avec un mince sourire, je me décalais pour sortir, refermant la porte de la salle de bain derrière moi.
Le temps qu'il se rince, je pourrais bien me reposer quelques minutes, n'est-ce pas ? Toutefois, avant de prétendument m'allonger sur mon lit pour une sieste réparatrice, j'attendais néanmoins que l'eau en vienne à couler, m'assurant qu'il serait parvenu à retirer tous ses vêtements, sans mal.
Et quand, j'en aurais seulement la certitude, là, je pourrais fermer les yeux. Pas avant.

Voir Eurydice s’éloigner de moi pour quitter la salle de bain fut pour le moins… étrange. J’étais soulagé, évidemment, de ne plus être confronté à cette situation qui me dépassait de bien trop et n’avait fait que rajouter un peu à cette angoisse qui ne m’avait pas réellement quittée depuis plusieurs jours, mais il y avait autre chose. De plus indistinct. Parce qu’en me retrouvant seul, dans une quiétude relative, c’était comme me confronter de nouveau à mes quelques démons. Comme si ces derniers s’étaient cachés dans l’ombre, sans jamais vraiment partir, mais profitaient de cette solitude pour réapparaître. Et ils avaient la forme de sombres pensées, de ces quelques paroles terrées dans mon esprit, de ces silhouettes brumeuses qui me rouaient de coups, de ces Goyles sournois que je cherchais à fuir… Toutes ces choses que mon inconscient avait quelque peu refoulé, à cause -ou grace- à la proximité manifeste de la Gaunt.

Alors, afin d’essayer d’endiguer ces réflexions me nouant la gorge, je me forçais à exécuter des tâches simples, les unes après les autres. Des objectifs qui, pour l’heure, nécessitaient plus de concentration qu’elles n’auraient dû -et ça m’arrangeait bien. Car mon corps était en piètre état, et ôter les vêtements qui me couvraient encore n’était en rien une promenade de santé. Mon reflet, je l’évitais savamment pour le moment, préférant le réconfort d’une eau limpide coulant sur ma peau. Bien que cette dernière se parait de rouge durant les premières minutes…

A sa manière, elle avait été salvatrice, cette douche, et j’avais un peu perdu la notion du temps. Faute d’avoir autre chose, j’avais remis mes vêtements. Bien qu’ils soient sales, abimés, et tâchés de sang séché. La buée sur le miroir de la salle de bain m’avait donné la meilleure des excuses pour ne pas davantage affronter mon reflet, et j’en avais même laissé mes cheveux humides en bataille. Et ce fut d’un pas mesuré, assez peu assuré, que je quittais enfin la salle de bain. La différence de température à l’ouverture de la porte m’arracha un frisson désagréable, mais, remarquant immédiatement la silhouette endormie, je m’étais tu. Et puisque je ne comptais en aucun cas la réveiller, comprenant bien que sa veillée l’avait privée de sommeil, je venais à mon tour m’asseoir sur la chaise à côté du lit. Pour finalement changer d’avis, et m’asseoir -non sans mal- au sol. Je me sentais rompu, et si je m’assoupissais, je préférais encore éviter de tomber d’une chaise.

Heureuse idée, car ce fut dans un sursaut que je m’éveillais, quelques temps plus tard, étouffant une plainte. J’avais le corps courbaturé et douloureux, mais l’esprit alerte, persuadé d’avoir entendu une voix derrière la porte. Voix féminine, qui part ailleurs se répéta.

Et m*rde…

Lorsque j'entendis l'eau couler et sûrement rincer le corps d'Orpheus de toutes ses afflictions, ce fut pour moi l'entame du signal pour m'endormir. Ou plutôt, tenter une sieste qui se verrait peut-être quelque peu réparatrice même si je n'en étais pas certaine. Alors, si au départ mes songes n'avaient point de relation entre eux, force était de constater qu'à un moment donné, tout se modifia.
Mon esprit se jouait de moi, relatant en boucle les évènements de la veille mais d'une bien singulière manière. Si j'avais sauvé le Yaxley cette nuit-là, dans cette réalité onirique tout était différent.

Je me retrouvais alors, impuissante. Dans un espace froid et délétère, où j'en parvenais même à ressentir la morsure douloureuse et glacée de l'hiver. En face de ma personne, Orpheus ... qui se faisait rouer de coups telle une poupée de chiffon, dont les articulations en venaient peu à peu à se briser sous les nombreux impacts occasionnés.
Et du sang ... un fleuve de sang qui venait colorer la neige et mon corps, qui lui, ne répondait pas à mes injonctions.

Ce fut quand les Ombres en finirent avec le Serpentard, que je pus littéralement m'approcher de lui, mes jambes se mouvant enfin. Et mon regard noisette de découvrir un spectacle qui me putréfiait à la fois l'âme et le cœur, tandis que je prenais son visage entre mes mains, pour constater qu'il n'y avait plus une seule once de vie dans ces prunelles similaires aux miennes.
... ici, l'instant où je me réveillais en sursaut.

Consciente, -après quelques secondes toutefois-, que ce n'était pas une vision mais plutôt un cauchemar qui avait régné en maître sur mes prétendus rêves. Néanmoins, je me devais de calmer ce palpitant qui s'affolait un peu trop, alors que je cherchais d'un regard sûrement un peu inquiet la silhouette du Vert et Argent.
Mais- je n'avais pas tout imaginé, n'est-ce pas ? Il s'était bel et bien rincé non ?

C'est un mouvement au sol qui mit en alerte tous mes sens et me fit prendre conscience qu'il était là. Soulagée fugacement, il y eut un autre problème qui se profilait à l'horizon : Alanah Gaunt, ma mère.
À cet instant, je me rendis compte que j'avais perdu la notion du temps depuis que j'avais sauvé Orpheus d'une finitude certaine et ô combien douloureuse. Depuis cette attente interminable où il évoluait tel un funambule sur un fil, basculant entre le monde des vivants et celui des morts.

Le baiser échangé et-

- Eurydice ? Es-tu souffrante ? Questionna ma mère, à travers la lourde porte en bois de ma chambre, prête certainement à taper ses trois coups de son index avant d'entrer. Le déjeuner est prêt.

Bordel. Bordel. Bordel.
Je me massais les tempes avec vigueur, évaluant toutes les situations en quelques secondes et il n'y avait pas énormément de choix, il fallait me rendre à l'évidence.

- Attends ! Je ne suis pas présentable ! M'exclamais-je prestement, tout en descendant de mon lit, pour me retrouver face au Yaxley et m'accroupir face à lui. Constatant qu'avec tout ça, il n'avait pas eu d'autre alternative que de remettre ses anciens vêtements. ... Orpheus, je sais que tu n'en as pas envie mais ... il nous faut sortir de ma chambre. Je murmurais ces mots à son oreille, avant de tourner mon regard noisette vers la porte. Tu dois reprendre des forces.

Et, connaissant ma mère, même si elle pouvait être douce et compréhensive, elle ne partirait de ce couloir que quand elle aura obtenu ma venue dans la salle à manger. Nullement avant. Bien malheureusement.

Je m’étais assoupi, dans un sommeil pour le moins léger, fugace, et une position pour le moins délétère pour mes muscles déjà bien mis à mal. Une sieste courte, mais malgré tout réparatrice dans une moindre mesure vis à vis de l’épuisement que j’avais. Jusqu’à ce qu’un bruit -une voix- ne m’éveille en sursaut.
Là, j’avais le coeur qui battait la chamade, trahissant un stress certain de mon organisme, le temps de comprendre que le danger n’était pas immédiat. Réel, cependant. Car derrière la porte se tenait vraisemblablement la mère d’Eurydice. Eurydice qui s’était prestement redressée, trouvant une excuse pour empêcher à sa mère d’ouvrir le battant. Pour ma part, mes iris balayaient les lieux, cherchant une cachette ou quelque chose de cet acabit. La penderie ? La salle de bain ? Ça pourrait bien faire l’affaire, non ? Mais l’héritière des Gaunt se trouvait d’ores et déjà face à moi, avec des mots qui ne me convenaient pas vraiment. Et si je ne pouvais pas nier la nécessité d’avoir à reprendre des forces, je n’étais clairement pas d’avis que sortir de cette pièce soit une bonne idée.

Attestant de cette pensée, mes sourcils s’étaient légèrement froncés, alors que mes iris revenaient en direction de la porte derrière laquelle se tenait la mère de mon hôte. Et c’est d’un ton tout aussi bas que je repris.

« Toi, faut que tu sortes. Elle ignore que je suis ici, j’ai juste à pas me montrer ! »

Il était clair que je craignais la réaction des parents d’Eurydice. Ils étaient Gaunt, et moi un Yaxley, en fugue de surcroît. Ca ne faisait que des raisons pour eux de vouloir me mettre à la porte. Or, si je ne comptais effectivement pas m’éterniser, regagner la rue tout de suite reviendrait à me lancer moi-même un Avada dessus.

« J’vais juste me reposer, vas-y. D’toute façon j’ai pas faim. »

Et ça, c’était une entière vérité. Mon abdomen douloureux me coupait clairement l’appétit, me décourageant d’essayer d’avaler quoique ce soit.

Les secondes s'égrenaient dans ma chambre sans que je ne puisse vraiment, ni réellement les rattraper. Je me sentais quelque peu désabusée et potentiellement perdue, alors que la présence d'un fugueur sous mon propre toit, entraînerait une réaction en chaîne, sans précédent.
Mais ... si je l'avais sauvé, c'était en toute connaissance de cause, je le crains. Et, je devais me plier aux conséquences.

Celles de le faire rencontrer mes parents, ou du moins, que ces derniers soient au courant du Yaxley dans leur demeure.
Or, comme je m'y attendais, le Serpentard n'était pas du tout coopératif. C'en était même tout l'inverse, si j'en croyais ses sourcils froncés et son refus net d'obtempérer. Pinçant l'arête de mon nez parsemé d'éphélides, j'inspirais. Parce que foncièrement, il avait raison et je ne pouvais le nier.
Toutefois, s'il faisait son apparition plus tard dans la journée ... comment je pourrais la justifier ? Surtout à Emrys Gaunt, mon père.

- Tu as raison mais- crois-moi, c'est mieux que tu rencontres ma mère en premier lieu. Un silence avant de poursuivre sur ce même ton de confidence que j'avais initié. ... à un moment donné, il faudra bien qu'ils sachent que tu es là, non ? Je ne pourrais pas nier ta présence jusqu'à la nuit tombée. Je veux bien mais- ça me paraît être un tantinet impossible ...

Bon.
Je me redressais lentement, consciente qu'il ne devait pas avoir faim plus que cela, avec les restants de son corps malmené par les évènements, mais le laisser seul ainsi ... je n'aimais pas cela, sans savoir pourquoi.
Ça me paraissait quelque peu étrange, surtout après ce cauchemar, que de m'évaporer tout en n'étant plus à ses côtés.

- C'est con, c'est totalement idiot et ne me demande pas pourquoi, parce que moi-même je ne le sais pas. Si, je le savais pertinemment. Bien malheureusement. ... mais, je n'ai pas envie de te laisser tout seul. Même si tu me diras, que tu n'as pas besoin d'aide. Et que c'est bon, tu gères.

Et, parce que malgré tout, il était dans le vrai, cet idiot :

- ... je vais descendre. Mais, je reviens tout de suite. Même si, avouons-le, mes mots ne dirigeaient pas mes actes, en cet instant.

A présent que je me trouvais face à ce que j’estimais être une impasse, j’avais la sensation d’être comme pris au piège. Un piège à rat, m’obligeant à me terrer dans une pièce qui faisait certes la taille du salon de ma maison, mais sans réelle échappatoire. J’imaginais que la chambre d’Eurydice était, à minima, situé au premier étage de la demeure, ce qui excluait formellement une sortie par la fenêtre compte tenu de mon état. Quant à la porte… actuellement, c’était bien ce qui se trouvait derrière, le problème.

Or, ma réponse ne semblait pas convenir à la demoiselle face à moi, à en juger ses expressions. Et une partie de moi commençait à se mettre sur la défensive, l’envisageant déjà m’attraper par le col pour me traîner de force hors de cette chambre… mais il n’en fut rien. Une fois encore, la Gaunt se montra relativement coopérante, ce qui ne lui ressemblait pas, admettons-le. En retour, je serrais quelque peu la mâchoire; la perspective de révéler ma présence ne me plaisait absolument pas, mais elle avait raison sur un point : il serait sans doute difficile pour elle de cacher indéfiniment ma présence en ces lieux.

Et cette perspective, elle me nouait l’estomac, plus qu’il ne l’était déjà. Car je craignais les conséquences de cette vérité dévoilée, et n’y voyait aucune bonne réponse possible.

Pendant ce temps, l’héritière des lieux s’était relevée, mais semblait avoir du mal à quitter les lieux. J’en eus finalement la confirmation à ses quelques mots. S’inquiétait-elle à ce point ? Je ne risquais pas grand chose à rester enfermé ici, à part m’endormir…

Moi, je détournai le regard, réprimant un soupir.

B*rdel de m*rde…

« C’est bon, j’te suis… »

Et lentement, non sans mal et en prenant appui sur la chaise, je me relevais.
Parce que je ne savais pas ce qui serait le pire, entre le fait de me dévoiler dès maintenant à ses parents, au risque de me faire jeter dehors sur l’instant, ou retarder ce moment et potentiellement faire croître leur courroux. En outre… la Gaunt ne semblait pas trop s’en inquiéter, et paraissait préférer régler ce “soucis” au plus tôt. Et puisqu’elle était la mieux placée pour connaître ses parents, je choisissais d’essayer de lui faire confiance, une fois de plus.

Dès que j'eus l'aval de mon invité en ses quelques mots lâchés avec bien peu d'engouement, -avouons-le-, je ne pus toutefois réprimer un sourire fugace sur mes lèvres pleines. Parce que malgré nous, nous allions quitter le confort rassurant de ma chambre pour affronter une forme de réalité que je n'appréciais pas vraiment.
Me confronter à ma mère en premier lieu, en faisait partie et ... après, mon père. Mais chaque chose en son temps, n'est-il pas ?

Sur l'instant, j'aidais le Serpentard à se remettre debout et entamer cette marche qui nous conduirait jusqu'à la salle à manger, présente au rez-de-chaussée. Mais pour y parvenir, il nous faudrait dès lors traverser le couloir, descendre les marches du palier, accéder au grand hall pour enfin ... atteindre notre destination.
Or, en tout premier lieu, c'était ouvrir la porte de ma chambre et assister au regard incrédule de ma très chère mère qui serait les prémisses de notre petite expédition au sein du Manoir Gaunt.
Ma mère, qui eut un mouvement de recul manifeste, en découvrant que nous étions deux dans cette pièce auparavant, tout en reconnaissant immanquablement l'identité de celui dont je soutenais le corps.

Yaxley, qui m'avait valu des remontrances de la part de ma génitrice car ce n'était pas ainsi qu'une jeune demoiselle de mon rang, parlait de son camarade. Parce qu'elle savait et connaissait toute l'inimitié que je pouvais lui porter, le retrouver ici, lui était de ce fait incompréhensible.
Cependant, qu'elle puisse se rassurer ... elle n'était pas la seule dans ce cas de figure. Orpheus, tout comme moi, nous n'en avions aucune fichue idée. Néanmoins, ce qui m'importait, c'était de le conduire jusqu'à la salle à manger, à son rythme à lui.

Et-, je le sentais bien le regard quelque peu inquiet de ma mère Alanah, l'œillade inquisitrice je la laissais à Emrys qui lui, n'était pas encore présent en sa demeure. Tout comme je me doutais que ma mère se posait mille et une questions, je serais bien obligée de satisfaire sa curiosité à un moment donné. Car là, elle n'était pas intervenue. N'avait pas prononcé un seul mot, malgré cet étonnement présent dans ses iris bleutés, que j'avais aperçu au moment même où nous étions dans le couloir.
... malgré moi, je n'y échapperais pas.

Avec un sourire que l'on jugerait assez tendre d'un point de vue extérieur, j'encourageais Orpheus, dont chaque pas devait être à la fois une torture et un traumatisme de plus, pour son corps meurtri. Chaque marche d'escalier, une souffrance silencieuse.
Enfin, la dernière marche et les derniers mètres pour qu'il puisse s'asseoir sur une chaise. Épopée que je félicitais par une pression discrète sur son bras, et un hochement de ma tête rousse.

... ma mère, maintenant.

- Eurydice ? Pourrais-je te parler ? En privé ? C'était comme si elle avait anticipé mes pensées et de toute manière, il me serait idiot de m'y soustraire plus longtemps.

Alors ... je lui expliquais tout. N'omettant aucun détail, vis-à-vis de cette fugue qui le ramènerait immanquablement chez ses tuteurs, les Goyle. Si, je n'avais pas peur de son avis en tant que mère, je craignais irrémédiablement celui de mon père. Père, qui était encore présent au Ministère de la Magie et qui n'était pas là, dans l'instant.
Et ... cela allait sans dire que je comptais sur ma mère pour lui faire entendre raison concernant le sort malheureux du Vert et Argent, Alanah étant la seule personne en ce monde qu'Emrys écoute avec diligence. Un exploit.

Je négociais alors, qu'il reste au moins pour cette nuit, parce qu'il n'était pas en état de rejoindre l'extérieur, de toute manière. Ma mère, en était bien consciente et au vu de ce que je lui avais précédemment confessé, elle ne pouvait me donner tort. Du coup, je poussais le vice, jusqu'à ce qu'il puisse rester le lendemain, tout en sachant que mon père n'hésiterait pas une seule seconde à prévenir les Goyle. Se fichant bien peu de son invité indésirable présent sous son toit et surtout de son aspect. Et la dangerosité de sa situation.

Reprenant place à côté d'Orpheus, je lui offrais un sourire rassurant, cherchant toutefois sa main sous la table, pour la serrer. L'espace de quelques secondes.

- Honorine n'a pas préparé quelque chose en suffisance pour le Monsieur ! Notre Elfe, inquiète.
- Orpheus, tu peux lui dire ce que tu veux.

Ma mère, elle, prit place à l'opposé de nous. Interpellant Orpheus d'une voix douce et d'un sourire empli d'une affection propre à sa condition de mère :

- Monsieur Yaxley. J'aurais préféré faire votre connaissance dans d'autres circonstances, croyez-le. À cette réflexion, je ne pus empêcher une grimace contrite de naître sur mes traits. ... mais je serais une bien mauvaise hôtesse, si je vous laissais avec de tels vêtements sur le dos. Ainsi que de vous laisser rejoindre l'extérieur ... mon cœur de mère, ne le supporterait pas. Nullement cette nuit. Soyez assuré de rester.

Je poussais un mince soupir de soulagement. Consciente que convaincre Emrys Gaunt, serait bien plus délicat. Et ô combien fastidieux.

Me retrouver nez à nez avec la mère d’Eurydice me figea, car j’avais espéré qu’elle avait quitté le seuil de la porte, pour attendre dans la salle à manger la venue de sa fille. Or, elle eut un mouvement de recul, de surprise plus que de crainte, mais qui me braqua un peu plus dans ma perspective d’avenir proche. J’allais me faire jeter. Nerveux, je détournais le regard, conscient que j’avais sans doute plus la dégaine d’un malfrat ou d’un clochard que d’un camarade de maison au sein de Poudlard. Il n’y eut nul mot échangé, mais sans doute des regards entre la mère et la fille, afin de s’assurer de la situation et du contrôle relatif de cette dernière. C’était humain.
Moi… j’avais avisé la longueur du couloir, et l’escalier sur lequel il débouchait, et… par Merlin… c’était quoi cette baraque ?! La distance à parcourir me semblait démesurée, et me faisait d’ores et déjà regretté d’avoir accepter de sortir de l’antre de la rouquine.

Mais puisqu’il fallait se lancer, je suivis ma bienfaitrice, du mieux que je le pus, déglutissant à la vue des trop nombreuses marches. Descendre ces dernières fut un véritable calvaire, qui me prit bien trop de temps. Chaque marche supplémentaire tirait un peu plus sur mes nerfs et mes muscles, m’occasionnant des sueurs froides. J’avais beau essayer de me concentrer sur autre chose, que ce n’était que de la douleur et que je pouvais bien passer outre… force était de constater que ce n’était pas vraiment efficace. Parce qu’arrivé dans la salle à manger, j’étais tout bonnement épuisé, blême, et le coeur au bord des lèvres.

C’est le moment que choisit la mère de famille pour s’entretenir avec sa fille, me laissant toutes deux là. J’en profitais pour m’écrouler plus que m’asseoir sur une chaise, et prendre ma tête entre mes mains, le temps de reprendre tant mon souffle que mes esprits. Envolée, l’inquiétude, au moins de manière momentanée… parce que là, j’étais séché !

Au bout de quelques minutes revinrent les Gaunt… et si, pour ma part, je me sentais un peu moins mal, je n’en étais pas moins comme un condamné attendant la sentence. Eurydice m’accorda un sourire qui semblait se vouloir rassurant, tout comme cette main venant se saisir de la mienne. Je lui glissai un bref coup d’oeil, avant de porter mon regard sur l’elfe à la voix stridente qui s’inquiétait de la quantité de nourriture préparée. Si l’héritière des Gaunt m’invita à demander à la créature ce que je voulais, pour ma part je secouais la tête.

« J’veux rien. »

Mais face à nous s’était installée la maîtresse des lieux, qui m’interpella d’une voix étonnamment douce. Je relevais vers elle mes iris fatigués, de façon plus nerveuse que je ne l’aurais voulue. Or, ses quelques mots furent pour le moins rassurants. C’était comme ôter partiellement un poids que j’avais sur l’estomac.

« Merci de me permettre de rester, madame Gaunt. Et croyez bien que j’aurais également préféré vous rencontrer dans d’autres dispositions. »

Mais je ne me leurrais pas, il était clair que sans ce concours de circonstances, je n’aurais jamais rencontrée cette femme. Ou peut-être au détour d’une soirée mondaine, si j’avais fini par céder aux Goyle. Goyle que je devinais sur ma trace, à remuer ciel et terre pour me retrouver, parce que j’étais légalement sous leur responsabilité, et qu’une disparition soudaine et définitive entacherait salement leur réputation, ou attirerait sur eux le regard des autorités, sans doute.

« Concernant les vêtements, ne vous donnez pas cette peine, madame. Un bon sort suffira sans doute à les remettre en état. »

Et je savais les elfes capables de quelques miracles pour ce genre de tâches. En outre, je glissais un coup d’oeil à Eurydice, bref mais intense, en guise de remerciement silencieux.

Sans mentir, j'étais quelque peu soulagée de la tournure que prenait ces évènements singuliers. Surtout lorsque le Yaxley était arrivé, -non sans un certain mal- dans la pièce qui se parait de nombreuses effluves. Toutes plus alléchantes les unes que les autres. Parce qu'Honorine, tout comme Solène, l'Elfe de mon oncle et parrain était une fée du logis, douée dans le fait de concocter des mets délicieux.
Mais soumise à un effroi manifeste, quand il eut fallu compter une bouche à nourrir en plus, ce qui eut tôt fait de l'angoisser. Elle, qui n'avait aucunement prévu cet état de fait.

Et, Orpheus qui ne semblait pas avoir si faim que cela ?! Cela me paraissait quelque peu étrange et inquiétant, étant donné qu'il devait bel et bien reprendre des forces à un moment donné, n'est-ce pas ? Parce que je l'avais bien vu ... quand il s'était mis en mouvement et tout ce que cela avait bien pu lui prendre comme énergie. Tant et si bien, que son visage en avait été plus que blême et son corps agité.
Il fallait qu'il ingère quelque chose ... ma mère le lui rappellera sûrement, j'en étais sûre et certaine.

Honorine se sentant pour le moins démunie et inutile posa devant moi une assiette de mon déjeuner qu'elle estimait être mon préféré. Alors qu'il était présentement celui de mon paternel. Mais, afin d'être la plus courtoise possible, je ne bus qu'une gorgée de jus de citrouille, toujours anxieuse concernant cet invité que ma mère ne chassait pas de chez nous.
Là encore, un énorme apaisement concernant le fait qu'il n'était pas jeté hors de ces murs comme un malpropre et un parvenu. Car le froid ou pire encore, aurait raison de lui. Et ... les Goyle. Goyle, qui devaient être déjà sur le front des recherches.

Mais, je lui avais promis que je ne le laissais pas seul.
Même si, face aux Goyle ... je demeurerais bien malgré moi, plus qu'impuissante.

- Ne me remerciez point, Monsieur Yaxley. Ma mère lui offrit encore un sourire, tout en buvant une gorgée de son thé à l'orange amère. La même odeur qui émanait de cette silhouette assise à côté de moi, par ailleurs. ... je dois avouer qu'il est préférable que vous ne comptiez point sur mes talents en sorts domestiques pour remettre en état vos atours, Monsieur Yaxley. Je laisse le talent d'Honorine officier.

Instinctivement, notre Elfe de Maison vint se placer devant le jeune homme accusant l'état déplorable de ses vêtements mais obéissant sans détour à sa maîtresse. D'un claquement de doigts, Honorine en vint à rendre à Orpheus un aspect décent. Faisant disparaître les nombreuses déchirures présentes sur sa tenue ainsi que ces tâches disgracieuses qui me remémoraient à elles seules, la posture pour le moins mortifère dans laquelle, je l'avais initialement récupéré.

- Voilà. Monsieur est plus présentable. S'inclina Honorine, agrémentant sa révérence de sa voix nasillarde.

Remerciant la Créature d'un sourire fugace, je rencontrais les iris noisette du Yaxley si similaires aux miens, sentant le rosé survenir sur mes joues. Cette fois-ci mon sourire fut plus sincère, alors que je reprenais l'une de ses mains dans l'une des miennes. Caressant sa peau du bout du mon pouce.

- ... essaye de boire un peu. Non ? Je ne le forçais aucunement mais c'était un conseil avisé. Manger, je me doutais que cela s'avèrerait plus compliqué. Parce que j'étais certaine qu'à un moment donné, ma mère prendra son rôle au pied de la lettre, et conversera avec Orpheus.

Avant l'arrivée de mon père. Que j'espérais assez lointaine, pour ce faire.

Je n’en serais pas à prétendre voir la lumière au fond du tunnel, loin de là. Car je savais que j’étais à des lieues d’être tiré d’une quelconque affaire, et n’étais pas même certain de réellement m’en sortir un jour, vu la tournure qu’avait pris ma vie ces derniers temps. Mais avoir l’accord de la maîtresse des lieux pour séjourner ici, ne serait-ce qu’une nuit de plus… ce fut d’un profond soulagement. Car d’une certaine manière, c’était repousser une échéance qui, à elle seule, plongeait ma vie dans l’incertitude.
Par ailleurs, c’était une sensation quelque peu étrange, que d’être ici en cet instant. Car, pour une fois, je n’avais pas l’impression qu’on attendait quoique ce soit de moi en retour. Que je n’étais pas là pour satisfaire un quelconque dessein, ou que sais-je d’autre… et malgré la surprise qu’avait occasionnée à la mère d’Eurydice la découverte de ma présence, elle ne me donnait pas la sensation d’être considéré comme un intru en ces lieux. Et rien que pour ça, j’éprouvais une certaine forme de reconnaissance à son égard.

Ce fut l’elfe de maison, Honorine, qui officia pour remettre mes vêtements en état. Pour certains, dans un état meilleur que ce que j’avais connu d’eux en les récupérant de mon aîné. Et j’étais pour le moins surpris, observant l’une des manches de ma veste, autrefois élimée, et dont il ne paraissait presque plus rien de l’usure. Quel talent ! Certes, ça n’avait pas ravivé les couleurs, mais je n’en demandais déjà pas tant.

« Merci… » soufflais-je, impressionné de la prouesse de l’elfe.

Sans doute n’aurais-je pas été aussi impressionnable, si nous en avions eu nous-même un à la maison. Après tout, on ne voyait pas réellement ceux de Poudlard, et j’avais à peine aperçu celui des Goyle. Une créature aussi servile que grinçante.

Eurydice, elle, semblait rassurée par la tournure des événements, même si je ne la sentais pas encore entièrement sereine. A son geste, aussi doux qu’inhabituel et inattendu, je portais mes iris sur elle, puis acquiesçais légèrement à sa question.

« Juste de l’eau, dans ce cas. »

Et il n’en fallut pas plus pour que mon verre se remplisse instantanément, d’un claquement de doigts elfiques. Je m’en saisis, buvant quelques fines gorgées, dont la fraîcheur salvatrice me fit plus de bien que je ne l’aurais admis.

Honorine avait alors œuvré avec toute son expertise pour prétendre satisfaire à la demande de ma très chère mère, afin de rendre à Orpheus une décence vestimentaire. À cette vision, j'eus un sourire délicat. Témoignage que ce qu'il avait enduré la veille au vu de son habillement n'était plus qu'un détail. Que ses vêtements avaient repris quelque peu de leur superbe et que son visage, grâce au baume et à son efficacité à lui aussi, octroyait au Yaxley un nouveau faciès.
Même si, pour l'heure, son corps était encore à des lieues d'être impeccablement réparé et fonctionnel.

Peut-être qu'ainsi, Alanah lui permettra de rester une journée de plus pour qu'il puisse se rétablir ? J'avais bien vu dans son regard bleuté, l'inquiétude qui était née quand ses iris clairs s'étaient déportés sur la silhouette de notre invité impromptu.
Et, je savais combien ma mère pouvait se faire diriger aisément par ses sentiments. Au contraire de mon père et de moi-même.
Sauf qu'ici ... en sauvant le Serpentard, cela avait bien fait appel à des émotions, n'est-ce pas ?

Les mêmes qui me poussaient à faire ce geste doux que celui d'effleurer sa peau avec mon pouce. Là encore, je n'étais pas sujette à cela. Et encore moins avec lui. Avec Yaxley, et ce, parce que les circonstances étaient somme toute atténuantes et singulières, je me le permettais.
Et ... surtout, j'entrapercevais un autre Vert et Argent. Plus 'docile' et bien moins sur la défensive qu'initialement.

- Avec plaisir, Monsieur. Ce fut Honorine qui me sortit de mes pensées, alors qu'elle offrait une nouvelle révérence et que moi, je m'exhortais à ingérer quelques bouchées, d'une seule main. L'autre restant accrochée à celle de mon interlocuteur, avec un naturel étrangement déconcertant, par ailleurs.

Jetant une œillade noisette à l'énorme horloge présente au-dessus de la cheminée, je prenais conscience que mon père était encore au sein du Ministère de la Magie, pendant une bonne partie de cette journée, reculant de ce fait, la vision du Yaxley chez nous.
J'espérais qu'une réunion de service se greffe au dernier moment et le contraigne de rester.

- Eurydice ? Ne veux-tu point faire visiter à notre invité, notre domaine ? Afin, qu'il puisse prendre l'air ?

Ce fut là encore, comme si elle avait lu dans mes pensées, même si ... elle n'en avait pas le potentiel. Car si nous restions à l'extérieur durant un temps, je m'assurerais qu'elle en vienne à discuter avec Emrys Gaunt, ce dernier ne sera alors pas surpris d'accueillir Orpheus en sa demeure.
Ça me paraissait possible. Encore, fallait-il que mon vis-à-vis accepte de sortir et le puisse, surtout. En cela, rien n'était moins sûr.

- Tu te sentirais de faire quelques pas à l'extérieur pour prendre une goulée d'air ? Le détaillant, je remarquais qu'il n'était pas vêtu assez chaudement pour une expédition à l'extérieur.

Or, ma mère trouverait sûrement une solution adéquate à cet épineux problème. Ou Honorine. Parce que je demeurais convaincue qu'elle pouvait encore faire des prouesses, même pour ... une Créature.

Entre deux gorgées d’eau, je me décidais finalement à picorer quelques miettes de pain. Je ne pouvais pas prétendre avoir grand appétit en agissant ainsi, et il était même assez évident que je me forçais. Mais j’avais conscience du fait que je n’avais rien avalé depuis largement plus de 24h, et que mon précédent repas était loin d’être frugal. Ajouté à celà le fait que mon organisme avait sans doute largement puisé dans mes réserves pour me remettre d’aplomb, et aurait besoin de forces pour la suite, comme l’avait si bien souligné la Gaunt quelques temps auparavant.

Durant ce temps, je restais silencieux, sur la réserve, et l’esprit immanquablement ailleurs. Si une partie de mon attitude était clairement due au fait que je ne connaissais pas les coutumes en ce foyer -certains conversaient beaucoup à table, d’autres non-, l’autre… était clairement prise par des réflexions, et des brides de souvenirs, laissant mon regard dans le vague. Jusqu’à ce que la maîtresse des lieux ne prenne la parole, en une suggestion qui n’en était clairement pas une. Sous couvert de courtoisie, le message était pour le moins clair : faire en sorte que nous quittions les lieux durant un temps que j’étais incapable de déterminer. Mes iris se déportèrent alors sur Eurydice, la détaillant un instant et m’attardant sur son expression. Visiblement, elle n’était pas contre cette idée, tout au contraire. Ce qui me fit dire qu’il y avait en dessous une volontée partagée par la mère et la fille que je ne saisissais pas encore.

« Oui, ça me semble faisable. »

En outre, les considérations de température extérieure ne me vinrent même pas à l’esprit. Tout ce que je voyais, c’était que je n’allais pas faire un marathon, et j’espérais qu’il n’y aurait pas trop de marches à descendre. Car une maison pareille a forcément un péron, non ? En outre, la Gaunt avait parlé de “domaine” ce qui me laissait à penser que celui-ci était hors de la ville, ou assez à l’écart pour rendre totalement inexistante -je l’espérais- la possibilité de croiser un Goyle ou un de leurs comparses.

Décidément, cette promenade à l'extérieur initiée par ma mère me serait vivifiante et parviendrait à m'aérer l'esprit. Ainsi que celui d'Orpheus. Même si, marcher au-dehors serait peut-être embêtant au début pour lui, il s'y habituerait forcément. Et, il lui était tout de même préférable de lui trouver de quoi se vêtir chaudement pour affronter le froid et sûrement l'humidité de cette journée d'hiver.
Je ne savais même pas quelle taille, il faisait prétendument le Yaxley. Je le savais juste plus grand que moi et musclé ?!

C'était la réflexion que je me faisais alors que je lui jetais une œillade à la dérobée. Jaugeant qu'un par-dessus de mon père pourrait lui être prêté le temps de notre escapade. Car, je me rappelais dès lors de son blouson et ce n'était pas avec ce genre de vêtement, qu'il pourrait supporter le gel.
Était-ce une manœuvre des Goyle, pour le faire flancher ? Cela ne serait pas impossible de lui broyer l'âme pour le faire fléchir à leur volonté. Et sa baguette ? Je venais d'y penser parce que je n'avais pas souvenance de l'avoir vue quelque part dans ses affaires.
En avait-il aussi été privé ?

Ça s'annonçait délicat comme futur. Et, pour une fois ... mes visions ne m'aidaient pas. Elles ne se commandaient aucunement et n'intervenaient jamais sur un moment du présent. Peut-être, devrais-je alors quémander de l'aide à ma tante et marraine, de surcroît ? Cela serait une solution envisageable.

Or, ce n'était pas cet état de fait qui m'intéressait sur l'instant mais plutôt le fait d'aider potentiellement Orpheus à se redresser sous le regard de ma génitrice. Orpheus, que je laissais momentanément dans le hall d'entrée afin d'aller chercher non loin de là, accroché au porte-manteau un manteau de mon père. Ainsi qu'une écharpe.
En ce qui me concernait, j'avais déjà revêtu le mien, m'apercevant d'une trace de sang présente sur son col, que je camouflais vite avec mon écharpe aux couleurs de Serpentard. Elle aussi, sensiblement tâchée.

... en rentrant je demanderais à Honorine, l'usage d'un Tergeo pour tout faire disparaître, moi ... cela me faisait bizarre.

- Ça te va ? À dire vrai, je ne lui laissais pas vraiment l'opportunité de s'y refuser. Parce que j'avais besoin de sortir et lui aussi et que descendre les quelques marches du perron et s'éloigner du Manoir Gaunt nous octroyait encore un peu de répit.

Mes bottes à talons s'enfonçant dans la neige, je me calais toutefois sur les pas du Yaxley.

- On va un peu marcher et après, si jamais ... tu veux visiter le Manoir ? Je savais que ma mère n'y était pas contraire, mais il était somme toute interdit de pénétrer dans le bureau personnel de mon père. C'était une règle tacite que j'avais outrepassé étant petite et je me souvenais encore de la cuisante correction qui en avait suivi. ... on a une forêt, non loin. Si tu veux y aller.

Je ne m'étais jamais attardée sur le lieu de vie de mon camarade Serpentard, préférant le molester plutôt que de l'écouter.

- Tu vis à Londres ? Le questionnais-je pour une entame de conversation, tandis que je mettais les mains dans les poches de mon manteau sombre.

Me laissant guider, faute de réellement pouvoir être totalement libre de mes choix dans cet environnement, je quittais la table à la suite de la fille unique des Gaunt, et me retrouvais à l’attendre dans le hall de la demeure. Mains dans les poches, j’observais chaque détail participant au faste de cette demeure, avec un certain détachement. Bien sûr, en d’autres circonstances, j’aurais pu être admiratif ou envieux, mais là… ça me passait au dessus. Si j’avais préféré la rue au luxe de la demeure des Goyle, ce n’était pas pour rien, et j’estimais que ma liberté avait davantage de valeur que toutes ces choses qui ne faisaient pas partie de ma vie.

Me trouvant rapidement affublé d’un manteau long et d’une écharpe, tous deux au parfum assez marqué, je suivis Eurydice d’un pas lent vers l’extérieur. Plus que la gifle glacée de la brise, ce fut la luminosité qui me frappa. Le ciel avait beau être couvert, la blancheur immaculée de la neige fraîche avait de quoi surprendre, et je plissais légèrement les yeux le temps de m’y faire. Ainsi, il avait neigé durant la nuit…?

Mains à présent enfoncées dans les poches du manteau, au fond desquelles mes doigts s’étaient mis à machinalement jouer avec une mornille s’y trouvant, j’évoluais à hauteur de la Gaunt. Quoique l’inverse était plus réaliste, et c’était bien elle qui semblait caler son pas sur le mien. Un pas plutôt lent, car chacun de mes muscles se plaignait dès lors qu’ils étaient sollicités… mais l’air frais, lui, me faisait indéniablement du bien. Mes iris, eux, parcouraient les alentours, alors que la demoiselle à mes côtés reprenait la parole pour émettre quelques propositions concernant la suite de cette excursion. Et à la première, j’haussais simplement une épaule. Pas que je n’étais pas curieux -quoiqu’en cet instant j’avais autre chose à penser, mais autant je me faisais au fait d’évoluer sur un terrain plane, autant je savais que les escaliers seraient une autre paire de manches. Et le manoir possédait un certain nombre de marches. Quant à la seconde…

« Ouais… on peut. »

Aussi étrange que ça pouvait paraître de prime abord, mais j’étais à l’aise dans ce genre d’environnement rural. De part mon style et mon attitude, on m’assimilait aisément aux voyous de la ville, mais c’était bien en campagne que j’avais passé toute mon enfance, à courir les champs et les bois. Aussi, la question vint naturellement à ma comparse.

C’est un bref souffle, quelque peu ironique, qui s’échappa de mes lèvres avant de s’élever en volutes opalines. Sans doute voulait-elle parler de l’endroit où j’aurais dû, théoriquement, passer mes vacances de Noël, n’est ce pas ? Ce lieu où j’aurais dû vivre, et non celui qu’on m’imposait à présent, et où on me ramènerait si je me faisais attraper.

« Nan, près de Manchester. » répondis-je simplement.

Je ne donnais pas plus de précisions sur l’endroit, ni même les qualificatifs ô combien sarcastiques qui me venaient pour décrire l’habitation miteuse. La Gaunt devient bien se douter que je ne vivais pas dans le luxe, mais de là à imaginer la décrépitude et l’étroitesse des lieux ? Etait-ce vraiment nécessaire ? Elle n’avait pas à le savoir après tout.

Il semblerait que le Yaxley n'offrait aucune opposition quant à cette sortie à l'extérieur que je lui imposais. Pourtant, il le pourrait ... si son état ne le lui permettait aucunement. Mais, comme je l'avais initialement pensé, il en avait tout autant besoin que moi. Surtout que moi, j'avais envie de m'extraire de cette bâtisse qui avait été le théâtre de ce quelque chose qui aurait pu être de l'ordre du tragique la nuit précédente.
Je souhaitais temporairement m'en aller. Respirer un air nouveau et glacial qui emplirait momentanément mes poumons, le temps que je juge ce dernier être assez probant.

... parce qu'en plus de cette volonté de m'échapper du Manoir Gaunt, il y avait le fait de voir débarquer à un moment donné entre ses quatre murs, Emrys Gaunt. Et, celui-ci ne serait pas très au fait d'accepter Orpheus, au sein de son foyer. Même si, je savais ma mère persévérante et nullement impressionnée, si par malheur mon père lui tenait tête.
Malgré tout ce que l'on puisse penser de mon père, c'était Alanah Rowle qui le maintenait fermement au creux même de sa main, quand le besoin s'en faisait sentir.
Et, le fait de ne pas laisser à mon camarade Serpentard l'opportunité de mourir de froid était l'exemple même de ce type de bataille que menait ma mère.

À l'extérieur, je jetais des œillades à la dérobée à mon accompagnateur. Me faisant la réflexion qu'il était ma foi, assez élégant, dans l'un des manteaux de mon géniteur. Avec un tel vêtement, Orpheus dégageait ce quelque chose d'encore plus intriguant et fascinant. Alors que l'habillement n'était pourtant qu'un prêt temporaire.

Attendant les réponses à mes interrogations, je fus néanmoins quelque peu surprise qu'il fut plus emballé par la seconde. Celle de découvrir la forêt non loin de ce Manoir immense que mon père avait voulu concurrencer avec ceux d'oncle Percival et de tante Bethsabée. Toujours des envies de grandeur et de mégalomanie, quand il s'agissait du Langue-de-Plomb, par ailleurs ...
Cependant, dans mon inconscient, j'imaginais bien plus Orpheus comme un délinquant venant de la ville de Londres, qu'une âme perdue dans la campagne avoisinante.

Le Yaxley, il avait ces traits-ci.
Que je voyais au grand jour, à la lumière naturelle. Un visage que je n'aurais plus été en mesure de voir, si le Destin ne s'en était pas mêlé outre mesure.
Le guidant à travers les arbres et m'éloignant de ce fait de mon habitation, je l'entraînais à son rythme vers la forêt, écoutant avec un air circonspect l'explication laconique sur l'endroit où il pouvait vivre.
Je me l'étais imaginée avec plus d'emphase, voilà que je me retrouvais face au sarcasme entraîné de mon vis-à-vis.

Tiens donc.

Il était somme toute assez véridique, qu'au vu des déboires encourus par la famille Yaxley depuis des décennies, j'avais bien du mal à me figurer que lui et le restant de sa famille puisse jouir d'un quelconque apparat. L'opulence ayant déserté son nom, depuis des années, maintenant.

- Je vois. Je lui octroyais un sourire, sans pour autant poursuivre ma diatribe, lui désignant de l'index le banc en pierre sculpté face à un étang gelé. ... on peut s'asseoir quelques temps ici ? Avant de s'avancer plus profondément dans la forêt ?

L'excursion ne serait peut-être pas longue, au vu du jour qui n'allait pas tarder à décliner. Mais, en ce qui me concernait, je prenais place sur le siège. L'invitant à faire de même.

- Tu n'as pas froid ? Ça va ? Que je l'interrogeais tout de même, soucieuse de l'état de mon invité pour le moins impromptu. Moi, je resserrais mon écharpe autour de mon cou, frictionnant mes mains l'une contre l'autre, ayant oublié mes gants dans ce dessein de pure et simple échappatoire.

Laissant mes prunelles errer sur les silhouettes longilignes et tordues des arbres dénués de leur parure, j’avais emboîté le pas à la Gaunt dans le sous-bois. Faute de prêter une réelle attention à la beauté naturelle des motifs tracés par la neige sur l’écorce gelée, j’appréciais néanmoins la quiétude des lieux. D’une certaine manière, ça apaisait également mon esprit, et alors que mon regard vagabondait, je pouvais presque prétendre à ne penser à rien. Rien… à part mes pas s’enfonçant dans la neige fraîche, dont l’humidité manifeste traversait le tissu de mes chaussures, ou encore la brise qui faisait par moment tomber quelques flocons des cimes.

Par moments, mes iris se dirigeaient vers la demoiselle évoluant à mes côtés, et je ne pouvais m’empêcher de me questionner à son sujet, et vis-à-vis de ses intentions. Le bref échange que nous avions eu à ce sujet m’avait laissé sur ma faim, et je n’étais pas certain de comprendre vers où me menait ce petit manège. Si une part de ma conscience m’incitait à la méfiance, l’autre s’accommodait de la situation. C’était un répit sur lequel je ne pouvais cracher, avant d’être de nouveau livré à moi-même. Et compte tenu de mon état pour le moins pitoyable, mieux valait que je prenne ce qu’on voulait bien m’offrir, plutôt que cracher dessus. Cette fois j’en avais parfaitement conscience, et si je n’aimais pas inspirer la pitié -ça me faisait horreur- je me devais cependant d’être réaliste.

Arrivant sur les berges d’un lac à la surface gelée, la Gaunt désigna un banc, nous invitant à y faire une pause. Je devais admettre que mes muscles ne seraient pas mécontent d’avoir, eux aussi, un petit répit, alors j’acquiesçai légèrement. Chassant d’un geste de main la neige s’étant accumulée sur l’assise, je pris place à côté de la Serpentard. Maison dont elle revêtait une fois de plus les couleurs, par l’écharpe à son cou. Là, plutôt que m’attarder sur le détail de ces tâches d’un rouge passé qui couvrait la laine par endroit et dont je devinais l’origine, je portais mon regard sur la surface opaline du petit lac. Et innocemment, j’en venais à me demander si elle était assez épaisse pour supporter mon poids. Sans doute pas… et je ne comptais pas particulièrement m’y essayer. Pas aujourd’hui en tout cas.

Mon attention revint cependant à la demoiselle lorsque cette dernière m’interrogea sur mon état, remarquant dans le même temps son geste trahissant une certaine frilosité.

« Ça va. » répondis-je juste.

J’avais une certaine habitude du froid, en l’occurrence, à force de traîner dehors lorsque j’étais gamin, ou durant les vacances, ou avec les entraînements de Quidditch en cette saison pour le moins rude. Ajouté à celà l’isolation quelque peu douteuse de la maison de mes parents, et autant dire que je ne craignais plus vraiment ce type de morsure. Contrairement à celle pour le moins désagréable de l’humidité. Alors je retirais d’un geste l’écharpe qu’on m’avait prêté, pour la lui tendre.

« Contrairement à toi, on dirait. »

S’il y avait une moquerie dans ma voix, elle était légère. Je soulignais davantage un fait, pour y apporter, l’air de rien, une éventuelle solution. Une attitude qu’on m’attribuait rarement, du moins lorsqu’on ne faisait pas partie de mon entourage… mais compte tenu de ce qu’Eurydice avait fait pour moi, je pouvais au moins faire ça, n’est-ce pas ?

« Ça fait partie de votre “domaine”, ces bois ? » demandais-je ensuite, l’air de rien, en reportant mon regard sur les alentours.

Parce qu’en cet instant, c’était pour moi plus simple de reporter mon attention sur ce genre de détails, sur ces choses futiles qui ne me concernaient pas moi. Pas directement. Ainsi, je pouvais prétendre à focaliser mon attention sur des éléments sans grande importance.

Évoluant pour le moins calmement aux côtés de mon homologue Serpentard, je me faisais pourtant la réflexion, que je connaissais chaque élément de cette flore et potentiellement de cette faune, par cœur. Parce qu'il était somme toute assez évident, que ce ne fut pas la première fois que j'y mettais les pieds avec une forme de compagnie. Ce faisant, mes cousins, Nessie et Achlys en faisaient partie.
Et, afin d'être purement et simplement honnête, jamais je n'aurais parié une Noise sur le Yaxley.

Or, il était là. Lui aussi à contempler ce qui pouvait s'étendre devant lui, le poussant à quelques réflexions qui m'étaient inatteignables. À quoi pouvait-il bien penser sur l'instant ? Voilà, que j'en étais curieuse.

Néanmoins, le Vert et Argent n'était aucunement connu pour ses débordements grandiloquents en matière de palabres en tout genre. En revanche, il était reconnu pour ceux qui avaient attrait à une émotion primaire : la colère. Et, en cela, je n'en étais peut-être pas innocente. Car, que pouvait-il bien se cacher dans ce cœur et dans cette âme qui me semblaient avoir été toujours meurtris mais s'étaient toujours relevés ?
Emrys Gaunt, jugerait bon d'étudier cette psyché que, j'en étais certaine, il jugerait fascinante. Mais, rien que cette idée, elle, m'arracha un frisson net. Et désagréable.

Frisson exacerbé quand je me retrouvais sur ce banc de pierre où Orpheus m'avait rejoint. Lui, ne semblait pas outre mesure être dérangé par la morsure du froid qui pourtant, était bel et bien présente en ce lieu. Tout en lui jetant une œillade à la dérobée, j'en avais de ce fait la certitude ... rien ne paraissait le gêner. Ce qui, d'un point de vue purement pragmatique était probablement rassurant, non ?
Alors que je me débattais toujours en frottant dans un geste assez vif mes mains l'une contre l'autre, je vis mon interlocuteur me tendre son écharpe qu'il avait eu auparavant autour de son cou.

... et assortir son geste, d'une boutade à mon envers. Bien évidemment.

Ce ne fut pas sa malice qui me fit perdre pied quelques instants. Ce fut ce geste, que j'aurais attribué plus facilement à Dean, parce qu'il l'avait déjà fait auparavant. Et nullement au Yaxley. Yaxley, qui se permit l'exploit de m'atteindre encore le cœur, s'ajoutant à cela les évènements de la nuit passée.
Fronçant fugacement mes sourcils, je récupérais tout de même l'objet qu'il me tendit pour venir l'enrouler autour de mes mains refroidies. Mais avant ... j'eus envie de lui donner un coup de poing violemment dans l'épaule, histoire d'évacuer cette gêne qui était en train doucement, de me gagner.

Je ne le fis pourtant pas. Suspendant mon geste, au tout dernier moment.
Parce qu'il avait formulé une interrogation, à laquelle, je me devais de répondre. Interrogation qui arriva à point nommé pour dissiper ce singulier embarras que son acte avait provoqué chez ma personne.

- Oui. Exactement. Petite, avec mon cousin Luke, j'adorais aller les explorer. Mon cousin, celui avec lequel, j'étais la plus proche et que je considérais comme un frère au demeurant. ... on s'amusait à se faire peur. En se disant qu'il y avait sûrement un sorcier ermite au fond de ces bois et que s'il nous attrapait ... on lui servirait de prochain repas. À ce souvenir, j'émis un rire flûté. Avant que mes iris noisette ne s'échappent temporairement de la contemplation de ce bois maudit en question, pour se recentrer à nouveau sur la silhouette assise à côté de moi.

Orpheus, que par un effleurement de mon index sur l'une de ses joues, je contraignais à revenir vers moi. Observant alors, comment le baume avait pu faire effet. Comment ce dernier avait fait disparaître les marbrures et les zébrures dont son visage s'était paré à son arrivée.
J'eus un tendre sourire, -inexistant quand on ne faisait aucunement partie de mes accointances proches-, lorsque je détaillais le fils Yaxley. Ce sale rat n'était pas désagréable à contempler, là était le problème.

... de poser de nouveau mes lèvres sur les siennes, était une réflexion silencieuse qui venait de s'insinuer dans mon être. Juste pour ressentir ce quelque chose qui m'avait étreint lors de ce premier baiser partagé dans ma salle de bain.
Appuyant alors l'une de mes mains dans son cou, l'autre sur sa cuisse, je me penchais en avant. Mes lèvres capturant les siennes, dans une symbiose qui n'avait rien de comparable à la première.

Cette fois-ci, c'était plus intense. Plus fiévreux. Bien plus fébrile. Tandis que mes deux mains, dans cette circonstance, s'étaient placées sur son délicat faciès, pour savourer chaque instant vivement, de ce délicieux partage.

Portés par la brise, quelques flocons se détachant par moments des branches sur lesquels ils siégeaient, s’envolaient alors dans un étonnant ballet, pour finalement lentement retomber sur la surface immaculée formée par leur congénères. C’était un spectacle qui avait de quoi laisser contemplatif, s’il n’était pas également le témoin marquant des températures polaires de ces derniers jours. Températures qui atteignait davantage ma comparse que je ne pouvais l’être. On disait les filles plus frileuses que les hommes, et j’en avais vraisemblablement le parfait exemple alors qu’elle récupérait l’étoffe de laine chaude que je lui tendais. Ses traits trahissaient une certaine réserve ou préoccupation, alors qu’elle enroulait le tissu autour de ses mains nues. Moi, j’avais déporté mon attention sur les bois, ce qui ne m’avait pas empêché de remarquer ce poing finalement ressorti de son écrin et prêt à s’abattre, sans jamais aller jusqu’au bout. Or, pour quelqu’un comme la Gaunt, j’avais une petite idée de ce que celà pouvait signifier… parce qu’il est souvent plus aisé de faire montre d’une certaine violence plutôt que d’une quelconque vulnérabilité. Si les rôles avaient été inversés, sans doute aurais-je répondu de manière quelque peu piquante… et cette réflexion ne put que faire naître un infime sourire à mes lèvres.

Eurydice, elle, s’employait à répondre à ma question, attrapant ce changement de sujet à la volée, comme une issue de secours face à ce malaise que nous avions sans doute l’un et l’autre ressenti. Elle évoqua son cousin, que je connaissais surtout comme étant un joueur de l’équipe de Quidditch de Serdaigle, avec lequel elle passait autrefois du temps ici. Puis vinrent ces histoires qu’on aurait pu qualifier de croque-mitaine… et je ne pouvais m’empêcher d’être songeur. Parce que ces environnements avaient de ça fascinant et d’effrayant à la fois. Bois ou forêts, on ne pouvait jamais totalement prétendre les connaître, ni savoir ce qui pouvait s’y terrer… Un loup, un caveau, un monstre, des secrets… Il y avait des centaines, voire des milliers d’années, enfouies sous les racines noueuses des arbres. Et sans m’en rendre compte, je m’étais mis à triturer ce médaillon que je portais à une chaîne enroulée autour de mon poignet.

Mon attention ne fut tirée de cette réflexion qu’au moment où je sentis le contact d’un doigt sur ma joue, m’incitant à tourner la tête vers la demoiselle à mes côtés. Ce que je fis sans réticence. L’observant de mes iris noisettes, je ne pus que remarquer le sourire qui s’était peu à peu dessiné sur ses lèvres pleines. Et mille questions s’éveillaient dans mon esprit, parce que cette fille n’était pas celle que je connaissais. La Gaunt si arrogante arpentant les couloirs millénaires de Poudlard n’avait rien à voir avec la Eurydice que j’avais à présent face à moi, et j’avais l’impression d’errer dans un songe… comme si cette réalité ne pouvait exister, ou n’était pas mienne.

Pourtant, sa main glacée dans mon cou m’arracha un frisson, qui lui était rien réel. Tout comme devait l’être ses lèvres à présent contre les miennes. Je me laissais porter par ce dernier, conscient de la chaleur qu’y mettait Eurydice et qui, peu à peu, me gagnait. Comme un rayon de soleil de printemps, qui faisait doucement fondre la glace. Ma main s’était naturellement placée sur sa taille, et je savourais cet instant que je jugeais comme hors du temps… Jusqu’à ce qu’un craquement de branche, non loin, n’éveille mon attention. Je me détachais alors doucement de la belle, quoiqu’à contre-coeur, mes iris se portant sur les bois avec une certaine attention, avant qu’un oiseau ne s’envole. Ce son pouvait aisément être attribué au poids de la neige, ou au passage d’un animal, mais je sentais malgré tout une certaine tension qui s’était emparée de moi durant de courtes secondes. Évidemment, ma propre situation n’était pas étrangère à ma réaction, et je me devais de me raisonner… aucun Goyle n’allait débarquer ici, n’est ce pas ?

Esquissant alors un bref sourire, faisant office d’excuse silencieuse, je revenais à la demoiselle à mes côtés. Et, jugeant préférable que je ne pose pas trop de questions, ce furent cette fois mes lèvres qui vinrent doucement à la rencontre des siennes.

J'avais fait montre d'une certaine gêne, lorsque le Yaxley s'était permis de m'octroyer le réconfort de son écharpe, -auparavant lovée autour de son cou-, pour pouvoir réchauffer mes mains, bleuies par ce froid environnant. Pourtant, je l'appréciais cette période de l'année, quand cette dernière était partagée avec une compagnie fortement agréable et que je serais agréablement surprise de recroiser au détour d'une ruelle ou bien de ces mêmes bois, que nous empruntions avec Luke quand nous n'étions encore que des enfants.
J'en aimais la quiétude de ces lieux, qui parfois, pouvait se révéler pour le moins inquiétants quand il y avait cette absence totale de bruit qui pouvait dès lors nous englober.

Ici, cela était un peu le cas. Car, assis tous deux sur ce banc en pierre ... c'était de ce fait, comme si nous nous étions coupés du monde, durant un instant que je qualifierais de suspendu. Comme ce geste, qui, ordinairement, ne m'aurait aucunement gênée si je l'avais prolongé dans d'autres circonstances. Mais nullement ici. Pas en ce moment, du moins. En ce moment même, mon regard noisette fut attiré par cette lueur métallique accrochée au poignet gauche de mon camarade Serpentard.
J'aurais pu en être hypnotisée de par ce mouvement de balancier, mais ce furent les lèvres d'Orpheus qui captivèrent ma pleine et entière attention.

Ces lèvres, que je capturais à nouveau. Avec plus d'appétence, mélangée à ce sentiment que je ne saurais encore qualifier. Tout ce que je souhaitais, c'était de partager ce baiser avec le Vert et Argent, et nul autre.
... sa main effleurant ma taille et s'y posant avec une aisance que bien malgré moi j'adorais, j'en éprouvais un réel émoi. Même si ses doigts étaient entravés par mon long manteau sombre, je ne pouvais occulter cette sensation qui venait de m'étreindre.

Détournant mes iris noisette, comme le furent ceux de mon vis-à-vis, j'écoutais les bruits environnants avec une certaine application. Comme le bruissement diffus se manifestant dans les arbres et qui avait interrompu notre échange. Échange qui revint à l'initiative d'Orpheus, qui se permit d'y revenir.
Si mes mains avaient auparavant encerclé son visage avec une certaine douceur, les voilà qui s'invitaient dans ses mèches bouclées dont la texture soyeuse me fit sourire dans notre baiser.

Effleurer mon interlocuteur aussi intimement, cela avait de quoi me déstabiliser profondément. Surtout quand l'une de ses mains, toujours présente sur ma taille, me faisait toujours autant d'effet sans discontinuer. Et, je ne souhaitais pas que cela s'arrête, même si je ne le verbalisais pas à haute voix ou ne le conscientisais pas foncièrement.
L'embrassant encore, je pouvais d'ores et déjà constater que j'avais ressenti bien plus de choses en aussi peu de temps passé avec mon homologue sifflant parmi nos congénères, que du temps supposé charnel en compagnie du Griffith.

... ce qui serait, du point de vue du Préfet-en-Chef, largement problématique.

Je resterais bien à l'embrasser encore assise sur ce même banc, alors que l'envie de venir grignoter l'angle de sa mâchoire parfaite s'insinuait peu à peu dans mon esprit. Pourquoi pas, après tout ? Rien ne m'en empêchait vraisemblablement, de toute manière.
Avec une infime précaution, et ce, pour ne pas lui prodiguer une quelconque douleur, je lui faisais pencher légèrement sa tête sur le côté, mes lèvres s'attardant sur cette zone. L'espace de quelques secondes, afin de jauger de ses réactions.

Si celles-ci m'étaient plaisantes, bien évidemment.
Or, je lui avais promis une visite dans ces bois qui appartenaient à notre famille et je comptais bien honorer mes propos. Me relevant, je lui tendais alors la main, en guise d'invite, alpaguant celle où se trouvait ce bien étrange médaillon qui ornait son poignet. Et qui m'avait interloquée sciemment tout à l'heure.

- Il représente quoi, ce médaillon ? Que je lui demandais, en le saisissant doucement entre mon pouce et mon index, afin d'en sentir les quelques aspérités sous la pulpe de mes doigts.