Tu ne pouvais pas te permettre de devenir une mauvaise élève. Bien que tu n'avais pas sur la tête la même angoisse que les élèves boursiers de Poudlard - parce que ta famille avait assez d'argent pour te permettre d'étudier et d'avoir tout le matériel nécessaire pour cela - tu ne pouvais malgré tout pas simplement être mauvaise. Tu étais une Rowle - qu'importe ce que cela signifiait vraiment, la médiocrité n'était pas une qualité acceptable. Alors il te fallait retrouver tes moyens, pouvoir briller comme d'autres le faisaient, pouvoir être meilleure encore.
Tu n'étais pas foncièrement mauvaise - tu savais les choses, tu pouvais écrire des devoirs excellents, et durant les cours tu étais capable de jeter les sortilèges enseignés. Mais sur le terrain, c'était différent. Tu avais fait montrer d'une incapacité terrible à te défendre et à aider les autres durant le dernier examen, ce qui te valait un rôle d'assistante auprès d'un professeur. Tu avais passé la moitié de tes vacances à étudier auprès d'un mécène et l'autre à t'entrainer avec tes amis pour combler tes lacunes. Mais tu ne voulais plus retrouver ce retard.

Alors, une fois la nuit tombée, après le diner - et il y avait encore des élèves dans la Grande salle qui terminait le dessert - tu avais demandé le droit de travailler à la bibliothèque. Il ne s'y trouvait qu'un ou deux élèves de septième années, et la bibliothécaire qui se tenait dans la réserve. Tu l'entendais et devinais sa présence par la lueur qui venait de là.
Pour ta part, tu avais décidé de continuer ton rattraper par une matière que tu ne pouvais pas te permettre de foirer : la métamorphose. Il serait bien malvenu de la part d'une métamorphomage de devenir mauvaise dans une matière si naturelle. Mais tu avais perdu le contrôle de ton don, et tu ne savais pas comment le recouvrer parfaitement. Moins encore comment réussir à l'utiliser à ton avantage. Alors tu te trouvais là, montant les étages pour rejoindre la section Métamorphose. Et une fois sur place, tu réalisais que tu n'étais pas la seule à avoir eut cette idée.

Devant toi se tenait Raven.
Raven c'était une épine dans ton pied, un rappel constant que tu devais te battre, c'était la preuve que la pureté du sang n'était pas une promesse de réussite. Raven était douée, chose que tu ne dirais jamais, sans doute. Raven était aussi calculatrice et sérieuse - du moins le pensais-tu, comme elle te donnait cette impression et que tu étais prompt à la juger ou à te faire un portrait terriblement sombre et détestable d'elle. Tu la détestais. Mais parce qu'elle était là, tu te sentais aussi capable de devenir meilleure - désireuse de faire mieux qu'elle, au moins.
Et ce soir tu n'étais pas là pour te battre alors tu décidais de ne pas lui sauter à la gorge. Manque de chance - elle se tenait exactement devant la collection de Ellis Nima, qui avait théorisé la transformation en animagus et fait d'immenses études sur les métamorphomages. Bonsoir Raven. Tu permets, il me faut le troisième tome. Dis-tu en essayant de te montrer aimable et pas du tout agacée par cette rencontre. Ah, mais je vois que c'est celui que tu as pris. Hum. Evidemment. Tu fais des recherches sur les théories de la métamorphose ?

 Tu n'aimais pas Raven.
Et Raven ne t'aimait pas.
Vous étiez chacune au fait de cela et vous l'acceptiez sans trop de mal. Mais il était des moments dans l'existence où tu n'avais tout simplement pas le choix : elle était juste devant la collection que tu voulais et tu devinais que le livre qu'elle tenait dans les mains en faisait parti. Alors tu allais devoir prendre sur toi et te montrais un peu aimable pour avoir ce que tu étais venue chercher. Tu souriais, bien que le sourire ne venait pas jusqu'à tes yeux. Approchant doucement, tu posais sur une table - il y en avait de partout dans la bibliothèque de Poudlard - tes affaires pour écrire et étudier. Oui et non. J’aime le sujet… Toi ? Tu essaies d’en apprendre plus ? Elle répondait de manière laconique, et évidemment elle n'était pas là pour faire copine-copine avec toi.
Cela aurait été fort étonnant que votre relation s'améliore soudainement. Tu cherchais la meilleure manière de lui répondre sans forcément te montrer trop demandeuse. Tu n'allais pas supplier Raven Greenwood. Jamais. J'essaie pas, je réussis. Répondis-tu, piquée par les mots qu'elle utilise, grimaçant de voir qu'elle ne fait pas le moindre mouvement pour te céder l'ouvrage. Tu soupires lourdement, te permets d'avancer malgré tout pour prendre le deuxième et le quatrième tome et les poser sur la table. Et prendre de l'avance sur le programme. On doit étudier les Métamorphoses complexes à partir de janvier. Sauf qu'en métamorphose complexe j'ai naturellement de l'avance, alors j'crains de m'ennuyer en cours, tu vois ? Dis-tu en montrant tes cheveux dont les couleurs brillent et se modifient avec les mouvements de tes épaules. Je pensais être la seule à être intéressée par les travaux de Ellis Nima. C'était une métamorphomage aussi. Rajoutes-tu parce que clairement t'es pas prête à accepter le silence.

 Tu avais le sentiment étrange de perdre un combat silencieux. Ton regard toujours fixé sur l'ouvrage détenu par Raven, tu te demandais ce que tu pourrais faire pour le lui arracher. Peut être simplement cela - le lui arracher et partir en courant. Mais alors tu risquais fort de te voir mettre à terre par la jeune femme, la bibliothécaire ou par des sortilèges cachés qui empêcheraient les élèves de commettre le moindre larcin (tu ne doutais pas de la présence de tels sortilèges dans la bibliothèque). Alors tu te contentais de faire la conversation, de parler parler et parler jusqu'à ce que Raven baisse les armes.
Mais cette dernière te suivait, écoutait tes plaintes avec un sourire moqueur qui t'agaçait et répondait uniquement pour te renvoyer dans tes buts. Tu commençais à sentir la frustration - et sans doute la vexation - poindre le bout de leurs nez. Ce qui n'était pas jamais une bonne chose chez toi. Oui, je sais, comme tu peux voir j’suis rendu au troisième tome. Tu dois pas être aussi spécial que tu crois, puisque non, t’es pas la seule à t'intéresser à son travail. Perso, c’est juste un sujet que j’aime, donc quand j’ai du temps libre, j’aime ça lire sur le sujet. Tu croises les bras, essayant de conserver un sourire aimable - mais rapidement trahit par la coloration de tes cheveux, qui perdirent leur noir sombre pour des touches de violets marqués. Tu perdais souvent le contrôle de ton don, depuis la rentrée, parce que tes émotions prenaient le pas sur ta raison et qu'il n'était plus en tes capacités de les ravaler. Je vois, je vois. Et t'as appris quoi dans ce troisième tome ? demandes-tu d'une voix plus aigue.

Qui, à l'instar de tes cheveux, trahissait de ton agacement. Tu étais là pour apprendre à te contrôler, au-delà du fait de pouvoir prendre de l'avance sur tes cours. Tu savais que tu ne pouvais plus cacher tes émotions, et il n'était rien de pire pour une adolescente. Surtout pas une adolescente en prise avec des sentiments contradictoires comme toi. Tu ne pouvais pas simplement être aussi transparente aux yeux du reste du monde - mais là tu ne pouvais pas plus ravaler l'agacement que tu ressentais. Dans un mouvement de tête frustré, tu tournais vers le côté, faisant voler des mèches qui vinrent devant tes yeux. Tu réalisais alors la couleur qu'ils avaient pris sans que tu ne t'en rende compte, la gêne prenant le pas sur la contrariété pour les préférer rose pâle - la couleur changeait presque trop rapidement, te faisant tourner le palpitant et t'empêchant de trouver la moindre parole sensée à dire.