Allongé sur son lit, Cináed s'amuse à lancer une balle contre le plafond pour la rattraper. Il s'ennuie. Profondément. Il voudrait repartir rapidement vers l'hémisphère sud, l'Afrique peut-être, mais Tairn refuse catégoriquement. Cet animal infernal s'est épris d'une dragonne. Et voilà son dragonnier enchainé à cet hôtel et à Londres malgré lui. Il soupire. La vie de sédentaire ce n'est pas pour lui. Lui, il veut voir le monde, voyager, voir mille et une choses et surtout, surtout, ne jamais rester trop longtemps au Royaume-Uni. Il sait que, bientôt, la rumeur de son retour va se propager et que son père va chercher à le voir. Mais, lâche, il refuse de lui parler, de lui expliquer pourquoi il est parti sans rien dire. Il ne veut pas reprendre la tête du clan, il ne veut pas vivre sur cette île où le brouillard ne se lève jamais. La balle retombe au sol sans qu'il ne réussisse à la rattraper et il se met à fixer le vide. Il ne sait pas quoi faire. Mais soudainement, il sent que Tairn a un problème. Et il sent qu'il est contrarié. Flamine lui aurait-elle mis un vent ? Il se lève, dans sa tenue de dragonnier, et décide de partir dans la forêt.

Plus il s'approche, plus il peut sentir que Tairn est en colère. Cin presse le pas, il a peur qu'un humain se fasse cramer sans avertissement, ni ménagement par son bougon de dragon. Il voit rapidement sa forme se dessiner et lorsqu'il s'approche davantage, il remarque effectivement un homme, contre un arbre, qui a l'air de s'être fait balayer. Tairn souffle de la vapeur par ses naseaux, peu content d'avoir été dérangé.

"Eh espèce de lézard mal léché, je t'ai déjà dit de ne pas faire peur aux humains." Tairn souffle plus, mais semble s'apaiser au contact de son dragonnier qui passe une main sur ses écailles. Cin se met devant lui et il sait que son dragon ferait tout pour le protéger. "Tu ne brûleras personne aujourd'hui."

Cin pointe un doigt accusateur sur Tairn avant de se retourner vers le blond, contre un arbre. Il arque un sourcil.

"Alors toi, tu n'as pas peur de t'approcher de lui. Il est très caractériel. Et il n'aime pas qu'on lui parle, il est asocial." Il s'avance vers lui, et lui tend une main pour l'aider à se relever. "Rien de casser ? Tu lui as fait quoi pour qu'il s'énerve ?"

Tairn reste à proximité, surveillant d'un air méfiant la scène, se tenant prêt pour aider Cináed si besoin.

"Moi c'est Cináed, je suis le dragonnier de ce dragon, Tairn. Et tu es ?"

Cinaed est conscient que les dragons fascinent, attirent, émerveillent. Il est aussi conscient de la débilité et de l’inconscience de certains, comme de ce gars qui a voulu s’approche de Tairn en pensant que ça allait bien se passer. Surtout que le noir des Hébrides n’est pas un dragon facile, ni social. Il est très caractériel et Cin s’estime heureux de chanceux de l’avoir en dragon, d’être lié à lui. « J'ai cru remarquer oui ! » Cin hausse les épaules. Mieux vaut qu’il le remarquer comme ça plutôt qu’il soit cramé après tout. Il aura quelques courbatures et c’est tout. Le dragonnier aide le blond à se relever, ayant un peu d’empathie. « J'ai juste essayé de m'approcher, pensant qu'il était abandonné et peut-être souffrant. Je suis magizoologue. » Cin rit doucement.

« Ah je comprends mieux, le syndrome du sauveur. Un dragon blessé se mettra plutôt loin de toute vie humaine, si tu veux un conseil. »

Il se frotte les vêtements, pendant que Cin se présente. Tairn garde son air mauvais et méfiant. « Cassian. Et vraiment je ne voulais rien faire à ton dragon, simplement m'assurer qu'il allait bien. Cela lui arrive souvent de réagir ainsi ? » Flamine choisit ce moment pour arriver et Tairn se met aussitôt devant elle pour la protéger, faisant doucement trembler le sol sous leurs pieds. « Je comprends donc pourquoi il a réagi ainsi. J'ai dû l'embêter pendant sa lune de miel c'est ça ? Pardon donc mon grand, je ne voulais pas te déranger. »

« Ca lui arrive de plus en plus souvent. C’est une sale bête. Mais c’est la moitié de mon âme, alors c’est peut-être aussi un peu de ma faute. »

Tairn semble acquiescer en s’ébrouant avant que les deux animaux ne retournent dans les bois, cachés des humains pour profiter de leurs nouveaux sentiments. « J'espère que tu n'étais pas occupé et que tu ne t'es pas trop inquiété, mais vraiment je ne lui voulais aucun mal. »

« Non, ne t’en fais pas, je me faisais déféquer alors ça anime un peu ma journée. J’ai pas l’habitude d’être sédentaire, j’ai vécu une dizaine d’années dans les airs à parcourir le monde alors je ne sais pas comment les gens normaux vivent. »

Il rit doucement, avant de faire signe à Cassian de le suivre jusqu’à l’hôtel, où se trouve un petit bar et surtout, où il fait plus chaud.

« J’habite ici du coup, en attendant que Tairn daigne vouloir repartir, mais je doute que ça arrive. » Il ouvre la porte et la maintient pour que Cassian le suive. « Mais bon, l’hôtel est vraiment cool et le pur feu est pas trop mal. On boit un verre ? »

« Oui sauf s'il ne peut pas marcher. » Cin grimace en haussant les épaules. Certes, en effet, sauf s'il ne peut pas marcher. Ce gars semble s'y connaitre, ce qui le rassure en un peu. Il est juste tombé sur un dragon un peu trop grognon, et caractériel. « Tu es donc à moitié une sale bête aussi si je comprends bien ? » Il rit en secouant la tête.

"Disons que j'ai mes jours. Mais oui, la plupart du temps."

Les deux dragons retournent dans les bois, là où ils ne pourront pas être dérangés, loin des humains qu'ils doivent trouver ennuyeux et chiants. Cin parle de sa vie de nomade, de son retour à la normale qui l'effraie un peu, parce qu'il ne plus être sédentaire. Il a oublié comment est la vie, et il est clair qu'il va avoir besoin d'aide. « Je comprends, cela ne doit pas être simple. Mais si jamais tu as besoin de conseil, n'hésite pas. J'ai moi aussi voyagé pendant de nombreux mois, je sais donc ce que ça fait de retourner à une vie dite normale. »

"Ca nous fait déjà un point commun, c'est incroyable." dit-il en riant doucement avant de reprendre : "Mais j'accepte ton aide avec plaisir. On pourra s'entraider, et on paraitra bizarres à deux."

Parce que le monde avance trop vite et que lui, préfère cent fois être dans les airs que sur terre. « S'il a trouvé son âme sœur, en effet, je crains que tu sois bloqué ici. A moins que tu ne souhaites partir sans lui, chose que je ne pense pas. » Offusqué, Cin porte la main à son coeur.

"Jamais je ne partirai sans lui ! Je serais mort sans lui, je peux clairement pas."

Rien que de l'imaginer, il se sent déjà mal. L'invitation à boire un verre est acceptée, ils se dirigent vers l'hôtel afin de se réchauffer, et d'apprécier une bonne boisson. « Et tu sais à qui appartient cette dragonne ? Peut-être qu'elle accepterait de partir un peu avec toi, histoire que tu puisses revivre un peu dans les airs. » Ils marchent dans le hall désert, et Cin s'installe sur un mange debout au bar, avant que le barman apparaisse de nulle part.

"A la gérante de l'hôtel, justement. Je doute qu'elle veuille venir, elle a son business, et son clan, alors ..." Il hausse les épaules. Il restera ici, avant de se trouver un endroit à plus long terme. "Un purfeu. Et écossais, s'il vous plait. Et toi ?"

Il se tourne vers Cassian, et le barman s'occupe de tout préparer une fois les deux commandes prises. Il pose les deux verres et un bol de cacahuètes l'instant d'après.

"Alors tu reviens de voyage, hm ? C'est quoi ton histoire ?"

Cin lève son verre vers lui pour trinquer, avant de profiter de l'alcool qui descend le long de sa gorge.

Cela fait du bien à Cin de rencontrer de nouvelles personnes et de se sentir social de nouveau. Parler seul avec un dragon, ça va un temps, mais il se rend compte avec Cassian qu'il avait besoin de contact humain, et de réelles conversations. Alors il accueille cette rencontre avec plaisir, et boire un verre avec lui l'enchante plus qu'il ne veuille bien l'admettre. Les pur-feu écossais sont commandés, et servis dans la foulée. De quoi faire connaissance, autour de la boisson préférée de Cin. Être bizarres à deux, ça lui va, au moins il ne paraitra pas étrange pour tout le monde. « Je te la raconte si tu me racontes la tienne. » Le dragonnier lève son verre pour sceller ce deal. Ca lui va, il aime raconter son histoire et il est fier de ce qu'il est. Fierté écossais souvent mal placée, d'ailleurs. « Je suis parti voyager pour mon boulot. Je voulais découvrir un maximum de créatures, afin de pouvoir les soigner au mieux. Et pendant mon voyage, j'ai rencontré une fille. Mais quand j'ai vu sa sœur, je suis tombé sous le charme ; c'était mon âme sœur, une évidence. Et puis, je l'ai demandé en mariage. Chose qu'elle a accepté bien évidemment. Mais le soir même, alors qu'on rentrait en voiture, sa sœur qui était pire que jalouse, a lancé un sortilège. On a eu un accident de voiture et Victoria a perdu la vie ce soir-là. Tout porte à croire que c'est moi le fautif, alors que ce n'est pas vrai. Et j'ai fini par rentrer. »

Cin l'écoute, attentivement, et ne peut s'empêcher d'ouvrir la bouche, choqué par la tournure qu'a pris son récit. Il ne s'attendait pas à ça, clairement pas. Les humains le répugnent, il fait tellement plus confiance au dragon. Il boit une gorgée de whisky pour suivre son camarade, tout en réfléchissant à ses mots. C'est délicat, c'est une situation horrible. Et il a envie de cramer la réelle fautive de l'histoire.

"Wow. Je ne m'attendais pas à ça. Je suis désolé pour toi, la plupart des humains sont vraiment infectes. J'espère que Victoria est en paix, où elle est. Qu'en est-il de l'autre ? Elle n'a rien eu en conséquence ? C'est dégueulasse." Il avale une autre gorgée de pur-feu. "Si jamais tu veux te venger par le feu, je suis là."

Désolé, il l'est. Personne ne mérite de vivre une tragédie pareille. Et même s'il n'a jamais connu l'amour, seulement des aventures d'un soir, avant de repartir dans les cieux, il ne peut que compatir.

"Je suis fils d'un chef de clan écossais, les Fraser. Mais il me manque une partie de mon histoire, puisque ma mère est pirate, et que je ne l'ai jamais connue, ni vue. après mes études en dragonnologie, je suis partie pour la trouver, sans prévenir personne. J'ai sillonné le monde pendant dix ans, je me suis perdu dans des centaines de lits pour trouver du réconfort humain. Dix ans sans jamais m'attarder quelque part, et je suis revenu dans l'idée de renouer avec mon père. Mais je n'ai pas encore eu le cran de retourner au clan. Je comptais repartir mais mon reptile a préféré s'amouracher d'une dragonne."

Il rit doucement, en repensant à la vrille que Tairn a fait pour trouver Flamine.

« Non mais un jour, elle aura ce qu’elle mérite. » C'est tout ce que Cináed espère pour lui. C'est horrible ce qui lui est arrivé, tragique même, et il espère que la justice fera son oeuvre tôt ou tard. Il trouve que Cassian est un bon gars, rien qu'en lui parlant depuis peu il a su deviner que c'était quelqu'un de bien, à qui il est arrivé de mauvaises choses. Ca le rend un peu triste, c'est pour ça qu'il lui propose une vengeance par le feu s'il en a envie. Pourquoi pas, après tout. « Je retiens, merci. » C'est ensuite au tour du dragonnier de parler de lui, de son voyage, de son clan. Il n'a aucun secret, pour personne. « Et tu comptes retourner vers ton clan quand même, malgré qu’il se soit amouraché ? » Il grimace, puis boit une gorgée de whisky.

"Je ne sais pas trop si j'ai envie d'y retourner. Et les dragons accouplés ne peuvent pas restés loin l'un de l'autre trop longtemps alors ... mystère."

« Peut-être que la patronne de l’hôtel acceptera de venir avec toi ? Un peu comme des vacances tu vois. » Cin rit en secouant la tête.

"Je sais pas si je peux lui imposer ça, en réalité. Elle a son business et ses proches ici, alors ... Enfin on verra, pour l'instant j'ai pas les boursoufflets de confronter mon clan."

Il avale une nouvelle gorgée de son whisky, pour espérer oublier ses responsabilités. « Elle est sexy et jolie au moins ? Histoire que tu sois pas obligé de passer ta vie avec une vieille grand-mère, tu vois ? » Il acquiesce rapidement, un peu trop vite même.

"Je crois que c'est l'une des plus belles femmes que j'ai jamais vue, et j'ai parcouru tous les continents. Alors oui, elle est carrément sexy, mais j'ai pas envie de faire le gros lourdaud en la draguant tu vois ?"

C'est surtout qu'il est nulle avec les femmes, et qu'il ne sait que les mettre dans son lit pour une histoire sans lendemain. Mais il sent une certaine fragilité avec Aléa qu'il n'a pas envie de briser.

"Enfin bon, je verrais bien je suppose. Au futur."

Dit-il en levant son verre vers lui, en espérant bien qu'il devienne son ami, et qu'il ait quelqu'un qui compte ici, à Londres.