L’amphithéâtre avait beau être grand, son côté cosy lui donnait un charme rassurant. Bien plus silencieux et intime que la bibliothèque entre les heures de cours, les coussins moelleux pouvaient aisément accueillir ceux voulant s’isoler pour lire confortablement. Geoffrey s’était installé ici après le cours de potions, tandis que son emploi du temps n’avait rien de prévu pour l’après-midi, gardant ce temps consacré aux joueurs de Quidditch ou aux clubs. Il aurait aussi pu gagner sa salle commune, possédant des coussins tout aussi confortables. L’amphithéâtre avait un air de nostalgie. Celui où les souvenirs s’entremêlent aux odeurs familières, où il peut parfaitement visualiser un groupe d’adolescents riant et se charriant, chacun assis sur un coussin. Roseann souriait en discutant de diverses choses auprès de Nolwen. Sloane et Katya totalement absorbées par un débat tandis que Castiel leur apportait des contre-arguments, tout en faisant voler des oiseaux de papier. Plus loin se tenait Rémi, accompagnée de son acolyte au nom de Lyra. La classe était vivante, pleine d’énergie et avançait au rythme des mœurs adolescentes.

Geoffrey lâche un soupir tout en fermant son livre bruyamment. Cette simple pensée allait encore une fois rallumer la machine maudite de ses pensées. Alors, il se redresse en dépliant douloureusement son corps ankylosé par la position assise prolongée. Son sac suit derechef le mouvement, tandis que son livre reprend sa place au travers des cahiers de notes et sa plume enroulée dans un tissu. D’un geste mécanique, il remonte ses lunettes sur l’arche de son nez, se donnant le petit plus pour continuer d’avancer. Néanmoins, alors que ses jambes s'apprêtaient à entamer la marche, il vit une tête rousse aux couleurs des lions passer devant l’encadrement de la porte. Pendant un instant, il pense à Aisleen, mais il se rappelle que les cheveux qu’il venait de voir étaient raides. Secouant sa tête afin de replacer ses idées, il finit par reconnaître la personne en question qui marchait seule. Rémi !

Épris d’une montée d’adrénaline dont il ne soupçonnait même pas l’existence, Geoffrey part en marche rapide après elle. Depuis le temps qu’il cherchait un moyen de pouvoir lui parler... N’était-ce pas une occasion en or qui se présentait ? Il avait réussi à affronter la lionne sauvage et le prince des serpents... Il pouvait bien réussir ce coup-là ! Et il lui devait surtout bien ça...

- Rémi ! Rémi, attends !

Sa main se pose sur l’épaule de son ancienne camarade de classe et amie. Ou du moins, pouvait-il encore seulement prétendre à ce statut auprès d’elle ? Il ne lui avait pas adressé un mois depuis pâques dernier... Tout comme il n’avait plus parlé à personne. Évitant ses deux amis les plus proches comme la peste, à cause de sa culpabilité, il avait finalement évité tout le monde. Quand son regard s’était finalement détaché de ses chaussures et qu’il reprenait une vision de ce qu’il l’entourait, il avait fini par remarquer plusieurs de ses anciens camarades de classe. Dont Rémi. Étrangement seule...

- Je..., commence-t-il la bouche ouverte tandis qu’il perdait toute l’assurance dont il venait de faire preuve.

Quelques longues secondes s’écoulent, tandis que son regard était toujours accroché au sien, coupable.

- Je voulais m’excuser... J’ai été vraiment nul, j’ai complètement arrêté de te parler ou de venir te voir... C’était pas une période facile, mais tu méritais pas que je m’éloigne sans un mot. J’ai pas été le meilleur des amis depuis quelques mois... Désolé.

Son regard s’abaissait tandis que sa main, elle, avait quitté son épaule. Il n’arrivait pas à appréhender comment la jeune fille allait prendre le sujet. Ni même comment tout ça allait finir. Il n’en avait aucune idée et son imagination prenait le relais pour établir des scénarios catastrophes.

Le cœur tambourinant intensément dans sa poitrine, Geoffrey se fait violence en cet instant pour oser affronter la situation. Le plus difficile était passé, il avait compris qu’il pouvait enfin se pardonner d’une erreur que n’importe qui aurait pu faire. D’un fardeau qu’il partageait malheureusement avec ses deux amies défuntes. Le temps était venu pour lui de faire face à ses peurs, à ses maladresses, à ses autres erreurs qu’il a commit en pensant ne plus rien mériter.

- T’as raison.

Sa simple phrase ponctue sa sincérité. Il avait été un idiot de première avec des oeillets sur les deux yeux.

- J’ai totalement merdé. J’écoutais plus rien tellement j’avais peur... Pourtant t’as essayé, je sais...

À nouveau la gorge nouée, il soupire, las. Il se demande quand est-ce qu’enfin, il allait prendre les bonnes décisions dans sa vie. Chaque occasion manquée revenait le hanter durant ses nuits... trahissant tout ce qu’il aurait pu faire. Tout ce qu’il aurait voulu faire, mais était resté coi.

- Est-ce que tu t’en allais vers la salle commune ? On peut y aller ensemble, si tu veux.

Déduisant grâce à la direction qu’elle prenait, Geoffrey tenta de deviner vers où elle se dirigeait. Il espérait que sa supposition soit adéquate, lui permettant de pouvoir rester plus longtemps avec elle. D’éventuellement discuter de tout ce qui s’était passé.

- Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire pour me faire pardonner...? Enfin, si tu le veux ! Si tu ne veux pas, je peux comprendre aussi... Je n’ai pas été très cool en t’ignorant comme ça alors que t’essayais de m’aider...

Comment avait-il fait pour ne pas se rendre compte qu’autour de lui, des gens essayaient encore, alors que lui avait tout lâchement abandonné ? Même Caleb avait tenté de l’atteindre, tandis qu’il fuyait comme une proie chassée. Sa peur avait littéralement tout envahi, l’isolant outre mesure. Et il se rendit compte que le seul responsable, au travers de tout ça, n’était autre que lui-même. Le Gryffondor n’était après tout qu’un enfant, un petit lion encore bien poltron. Tout son monde s’était à nouveau effondré en une seule soirée, tandis que la pureté du sang en était toujours la cause. Il avait eu peur de tellement de choses qu’il était presque incapable de tout citer en une liste. La crainte de perdre à nouveau un être cher, la peur d’avoir frôlé la mort de si près, la peur de décevoir et d’avoir blessé les gens qui comptaient le plus pour lui… Et tant d’autres pensées qui virevoltent sans cesse dans son esprit d’adolescent tourmenté.
La gratitude illumine son regard, tandis que Rémi lui propose des solutions. Geoffrey n’en attendait pas tant, pensant qu’il allait devoir réfléchir par lui-même sur comment réparer cette amitié délaissée. Un sourire se dessine sur ses lèvres, reconnaissant de la bonté dont la Gryffondor faisait preuve.

- Merci...

Il soupire, ses épaules relâchant toute la pression coincée depuis ce mois de mai. Alors qu’il baisse la tête, Geoffrey remonte derechef ses lunettes de son index. Il ne voulait pas qu’elle pense être quelqu’un en qui on ne peut pas avoir confiance. Bien au contraire, elle lui avait de maintes fois prouvé. Il ne savait juste pas comment lui exprimer, ainsi, il mit ces pensées dans un coin de son esprit, espérant que ce n’était pas ce qu’elle ressentait.

- Tu sais... Ça fait vraiment bizarre, de plus être dans la même classe avec tout le monde. Là, j'en connais quelques-uns de noms. Et Niamh, avec qui j'ai eu des cours optionnels. C'est pas mal ça.

Il se tourne vers elle tout en disant, tandis que la marche continue en direction des dortoirs. Sa nouvelle classe était… différente. En tout point. Il s’était trouvé au milieu de nombreuses dynamiques relationnelles qu’il ne comprenait pas encore. Le sourire de Nolwen, les persiflements de Castiel, la bonne humeur de Sloane, la complicité de Roseann, les regards remplis de jugement de Katya, la bonté de Rémi et l'énergie de Lyra. Toutes ces petites choses quotidiennes qui lui manquaient terriblement, qu'ils ne vivraient plus jamais. Son cœur et sa gorge se serrent à cette pensée. Sortant du gouffre de son mental, il accroche à nouveau son regard sur la rousse, décidant de se concentrer sur elle. Sur le présent. Sur ce qui lui restait.

- Comment ça va, toi ?

- Oui..., commence-t-il en hésitant sur la suite de ses mots. Je me sens quand même beaucoup seul, malgré ça. J’imagine que c’est le temps de s’habituer aux nouvelles personnes.

Il devait porter la moitié de la responsabilité concernant ce fait. Il s’était isolé de tous, de ses amis, et n’avait pas essayé de se rapprocher de quiconque dans la classe pour le moment. Il n’y avait que Niamh, qui venait régulièrement s’asseoir à côté de lui et lui parler sans qu’il n’ait rien à initier. Il lui était si étrange de ne plus alterner avec toutes les personnes de du groupe d’amis qu’ils avaient été l’année dernière. La seule personne qui ne lui manquait pas comme voisin de table était certainement Castiel.

- En dehors de ça... Je pense que ça va ? Enfin, ça va mieux. J’ai continué la thérapie avec la psychomage.

Les sessions n’avaient jamais cessé, Geoffrey en était reconnaissant. Il ne sait pas comment il aurait pu passer au travers sans Mlle Acker. Elle l’avait encouragé à passer au travers de ses peurs pour renouer avec les gens qui lui étaient proches. Bien trop insécure après ces grosses pertes, le Russe avait simplement eu peur de constamment perdre ses proches. Beaucoup de choses l’effrayait constamment, le rendant prisonnier de son anxiété.

- Je te vois moins avec Lyra, depuis la rentrée... Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ?

Les deux avaient été inséparables dès la première année. Pourtant, Geoffrey ne les avait pas vus ensemble une seule fois depuis la rentrée. Ou peut-être ne faisait-il plus assez attention à ce qui l'entourait, plongé dans ses propres préoccupations.

Il y avait beaucoup de ressemblance dans sa propre histoire et celle de Rémi Dawson. Tous deux étaient arrivées en cours de route à l'école de Poudlard. Tous deux avaient un parent moldu et tous deux vivaient désormais avec ce dit parent, à la suite du décès de l'autre. Il n'avait pas été bien compliqué pour eux de se comprendre et de s'entendre. Peut-être un peu trop, d'ailleurs... Leur gentillesse et l'envie de ne pas s'exposer trop avait créé une barrière entre eux. Néanmoins, lorsque Rémi qu'il est toujours le bienvenue pour venir lui parler, qu'il reste son ami, son cœur se réchauffe. Un large sourire fend son visage, alors qu'il attrape la rousse dans ses bras dans une étreinte.

- Merci. Vraiment. Et c'est pareil pour toi, tu peux me retrouver quand tu le veux. Je te promets de ne plus fuir comme au début d'année...

Relâchant sa prise autour des épaules de la Gryffondor, il se recule d'un pas. Bien que sa nature chaleureuse et sa culture russe fassent de lui un être très tactile, il était toujours surpris de voir la réserve des autres face à la proximité. Avec le temps, ses proches s'étaient fait à l'idée : Geoffrey Loskoutrov allait les câliner.

- Je trouve pas que ça soit facile de parler à des inconnus... C'est plutôt que c'est une professionnelle, elle a des plans et des stratégies pour arriver à passer au travers des difficultés, de ce qu'on a vécu. En plus, elle est douce, c'est agréable de pas se sentir juger, aussi.

Il y avait eu plusieurs psychomages présents dans l'école après la nuit pourpre, après le Tournois des Trois Sorciers. Mais il n'avait jamais autant avancé qu'en présence de @Cassandre Acker. Peut-être avait-il plus de recul ? Peut-être était-il plus mature ? Il ne saurait le dire.

- Attends, quoi ? s'insurge Geoffrey, essayer de coller tous les morceaux d'informations afin d'être sûr d'avoir compris. Il s'est passé quelque chose, mais tu sais pas quoi ? Vous étiez tout le temps ensemble ! Est-ce que vous vous êtes disputées...?

Revigoré par cette discussion qui se déroule sans accroche, le brun se tient droit et fier, d'une bonne humeur éclatante. Ou peut-être était-ce l'effet de l'étreinte... Il n'avait pas eu l'occasion d'en prodiguer des vraies depuis plus de cinq mois. Cette pensée éteint son sourire, son visage fermé et sérieux. Déjà cinq mois que Nolwen et Katya étaient décédées. Le temps passe si vite, qu'il a souvent l'impression qu'il lui échappe.

- Non, promis, j'arrête de fuir maintenant.

Léger sourire, presque forcé, il tente de chasser ces terribles images de son esprit, les cris, les pleurs, la peur... Sa mâchoire se serre, tout comme ses poings, tandis qu'il prend une grande respiration silencieuse pour garder contenance. Esprit tournant à vive allure, il récite les enseignements de Mlle Acker, cherchant à s'ancrer le plus rapidement et à éviter une crise de panique alors que tout se déroulait si naturellement... Il choisit de concentrer son audition sur le rythme de leurs pas frappant la vieille pierre, le gardant calme.

Il décide donc de se concentrer sur le moment présent, imprimant dans son esprit que Rémi était là pour lui, qu'il pouvait compter sur elle. Un petit rien, mais hautement rassurant, de savoir qu'il n'était peut-être pas complètement seul. Isolation dont il était le seul coupable, par ailleurs.

- Ah non, pour moi, comme je viens juste de te dire, c'est impensable. J'ai bien trop peur du jugement des autres, surtout quand je ne les connais pas et qu'ils peuvent se faire un million de fausses idées sur moi...

Mimant un frisson de dégoût, un sourire finit quand même par allumer son visage. Sourire qui disparut tout aussi tôt, remplacé par deux sourcils froncés et consternés.

- Est-ce qu'il s'est passé quelque chose, de son côté ? Qui pourrait expliquer qu'elle s'éloigne... Est-ce qu'elle évite tout le monde, ou juste toi ?

Il ne connaissait pas si bien Lyra, malgré les nombreuses années dans la même classe. L'envie de soutenir le point de vue de la rousse lui brûlait les tripes, mais la culpabilité d'avoir fait exactement la même chose que la Gryffonne lui tordait quant à elle les tripes. Il n'eut pas bien le temps de réfléchir plus à diverses théories sur l'éloignement de sa meilleure amie qu'une question vient le transpercer en flèche.

- Ah, ben, euh... C'est... C'est le calme plat, ah ah !, rit-il à contrecœur, d'un petit mensonge blanc. Depuis Sloane, j'ai jamais eu personne.

Mais peut-être un peu trop de coups de foudre par-ci et là, cœur d'artichaut tout mou à blâmer. Sa dernière victime en date était une belle blonde à l'allure sauvage, dont la spontanéité l'avait immédiatement charmé.

Et de ton côté ? Toujours avec Yanis ?