Fearless child, Broken boy, Tell me what it's like to burn ☀︎ Lucian Sparks

Il faut qu'on se mette d'accord sur un truc. Un truc fon-da-men-tal !
Je suis né 13 minutes et 4 secondes avant Diana. Si vous croyez que ce n'est pas important, c'est que vous n'avez jamais eu de sœur jumelle. L'aîné des Sparks, c'est moi et ce sera toujours moi. Le jour où je voudrai vraiment faire suer Didi, j'en ferai des pins que j'accrocherai sur tous mes vêtements. Je le ferai peut-être même pour le plaisir, juste pour voir sa tête. Et si vous trouvez ça de mauvais goût, je suis désolé de vous annoncer que vous êtes enfant unique. Pas de chance, votre vie doit être un peu moisie… Ne vous fâchez pas, je parle en connaissance de cause ! Exister sans ma sœur, ce serait carrément chiant. Vous savez, ce n’est pas pour rien s’il y a un S à la fin de Sparks. On était faits pour être deux et mes parents ont dû le comprendre assez vite car ils n’ont pas tenté le N°3. Moi, ça me convient très bien comme ça. Toutes les chambres sont déjà prises, de toute façon.

On occupe une maison à Brighton, pas loin du quartier de Kentdown. C’est cool, on est vraiment à côté de la plage ! Je fais du surf, je vous l’ai dit ? Le Sussex, ce n’est pas exactement l’Australie, mais il y a quelques jolies vagues. C’est pas mal du tout, l’Angleterre, et je dirais même que Brighton, c’est super classe !  On a une grande roue en bord de mer et c’est excessivement stylé avec le soleil couchant en arrière-plan. D’autant que je m’en souvienne, on a toujours vécu au même endroit.

Ma mère travaille à Londres mais elle dit qu’elle n’aimerait pas y habiter. Selon elle, je cite : « C’est trop grand, il y a trop de monde et c’est trop sale. » En prime, elle n’aime pas trop ses collègues, et ses collègues vivent tous à Londres. Elle travaille au Ministère en tant que… euh… sous-gestionnaire au département des jeux et sports magiques ? Je crois ? Ne me demandez pas ce qu’elle y fait, je n’en sais fichtre rien… Ce qui est sûr, c’est que les sales rats puristes du Ministère s’amusent à lui sucrer ses promotions – je l’ai entendue en parler avec Papa à plusieurs reprises. Ça les énerve qu’elle ait épousé un né moldu, alors il font tout pour plomber sa carrière, ces gros crevards.

Il faut dire que ma mère est sang pur à 100 %, même si elle s’agace quand on lui fait remarquer. Son nom de naissance, c’est Elsie Beurk. Ses parents l’ont reniée quand elle est partie avec mon père à la fin de leur 7ème année à Poudlard. C’est là-bas qu’ils sont tombés amoureux, paraît-il, quand ils étaient ensemble à Serpentard. Je vous laisse imaginer la tronche des grands-parents quand ils se sont mariés et que ma mère est tombée enceinte…

Choisir Michael Sparks, c’était comme faire un gros doigt d’honneur aux morales puristes neo-fascistes. Non content d’être un né moldu, mon père n’a jamais cherché à viser les hautes sphères du monde sorcier. Il est chef cuistot dans un restaurant magique de Brighton, le White Merrow. On y a travaillé avec Diana, l’été dernier. C’est fou ce que les ménagères de 50 ans sont prêtes à verser comme pourboires… Didi était à la plonge, du coup j’ai pas fait mon niffleur ; j’ai partagé l’argent avec elle.

On ne croule pas sous les galions, mais il n’y a pas de quoi se plaindre non plus. Mamie Jackie et Papi Lenny nous paieraient plus de choses s’ils le pouvaient. Ils en ont les moyens mais les parents ne sont pas toujours à l’aise avec l’idée. Remarquez, je les comprends. Il est évidemment question de mes grands-parents paternels… Whilelmina et Pieter Beurk n’ont pas droit au chapitre. Ces vieux schnocks peuvent se faire piétiner par une armée de centaures, en ce qui me concerne. Ils sont la preuve vivante que le sang ne fait pas la famille.

Ma sœur est ma famille. Elle est toujours énervée, crie beaucoup trop fort et me traite d’abruti, la plupart du temps. Elle se coiffe mal et ça me rend fou, sans parler de son manque total de style vestimentaire. Je manque de mots pour dire à quel point je l’adore. C’est bizarre, tous ces clichés qui traînent sur les jumeaux… ça n’a rien de mystique, je vous jure ! Diana, c’est juste ma sœur, il n’y a rien d’extraordinaire à dire... Nous sommes très différents mais ça a toujours été elle et moi, même dans les moments difficiles. Surtout dans les moments difficiles, quand on ne peut même pas rester l’un à côté de l’autre – non, ce n’est pas une façon de parler. Elle m’a déjà fait du mal en se tenant simplement près de moi, et malheureusement, je dois avouer que la réciproque est vraie. La plupart du temps, je préfère éviter d’y penser… J’imagine que je vais faire une exception, pour une fois.



J’ai eu une enfance plutôt classique, à un ou deux détails près. Les premières années de ma vie sont un épais brouillard. D’après ma mère, je pleurais tout le temps ou presque, un peu comme si j’avais décidé d’entrée de jeu que la vie, c’était un peu nulle, en fin de compte… Décors moyens et qualité d’image  peu convaincante, que des raisons de vouloir s’en aller. Évidemment, la réalité est plus compliquée que ça. Mes parents m’ont emmené voir une jolie poignée de médicomages avant que l’un d’eux se décide à poser un diagnostic certain. Il a été prouvé cliniquement que je ne « détestais pas l’existence » – hallelujah ! Non, non, rassurez-vous, Messieurs-Dames, j’étais juste un bébé empathe avec toutes les complications que ça entraîne. Oh, la routine : hypersensibilité chronique, crises de larmes à répétition – pas grand-chose en comparaison des crises d’angoisse qui m’attendaient au tournant, dans le futur. Chaque interaction sociale représentait un nouveau champ de mines. Vous savez ce que ça fait, de rester enfermé dans votre chambre pendant deux jours parce que votre mère a eu le malheur de se fâcher un peu trop fort ? De se mettre à hurler parce que votre sœur vient de s’entailler toute la paume sur un verre cassé ?  Ou de bouillir de haine en croisant le chihuahua enragé des voisins, au coin de la rue ? Je ne vous le souhaite pas, sincèrement... C’est aussi ridicule que ça en a l’air. Sans parler de Diana. Diana que j’ai envoyée à l’hôpital, un beau jour. On devait avoir 6 ans, tout au plus. Je sais, ce n’était la faute de personne… au final, ce n’est même pas à moi de raconter cette histoire. Je me souviens à peine de ce qui s’est passé. Pour ce que j’en sais, j’ai… surchargé. Didi était trop proche, trop en colère et c’était insupportable… quand la douleur est passée, ma sœur était inconsciente sur le sol. L’image reste gravée dans ma tête, même des années plus tard. Tout s’est bien terminé, c’est ce qu’il faut retenir. J’ai eu la trouille de ma vie, mais tout est bien qui finit bien…

Vous savez, on a tout tenté pour contenir mon don dans les meilleures conditions. Potions à prendre à heures fixes, objets ensorcelés et méditation transcendantalistoboudhiste insupportable… ça a duré des années, cette mascarade. C’était un peu comme mettre un petit pansement rose sur une plaie béante. Mignon, mais ça ne va pas sauver la vie de grand monde. De toute façon, il n’y avait qu’une seule chose à faire pour que mon existence tourne à peu près rond. Mon empathie n’allait pas s’en aller comme un mauvais rhume et moi, j’allais devoir apprendre à la maîtriser. C’est un peu surréel de me dire que je détestais mon don, il y a encore quelques années. Remarquez, j’ai eu le temps d’oublier les dizaines et les dizaines d’heures de cours particuliers. Pour dire les choses grossièrement, j’ai appris à mettre mon empathie en sourdine, ou juste à en baisser l’intensité, selon mon bon vouloir. J’aimerais pouvoir me faire plaindre et dire que ça a été incroyablement difficile et éprouvant, mais je mentirais un peu. Ça m’a paru long et pénible à l’époque, c’est vrai… mais en définitive, j’ai vite appris. C’est fou l’efficacité dont on peut faire preuve pour cesser de souffrir atrocement… Contre toute attente, j’ai peut-être un instinct de survie ! Si seulement ça avait été aussi simple pour Diana… Elle a dû se mettre à l’occlumancie, histoire de nous soulager tous les deux. L’expérience ne l’a pas… hum... enchantée. Elle a eu du mal à apprendre, la pauvre, et mon père dit que je devrais être reconnaissant parce qu’elle s’est donné du mal pour moi. Je serais tenté de répondre que je n’ai rien demandé, mais je ne tiens pas spécialement à subir le jugement du siècle.




À 11 ans, je me suis trouvé prêt à intégrer Poudlard en toute sérénité, sans don incontrôlable pour me pourrir la vie et sans une seule formule de sagesse en tête. Seules m’intéressaient ma future maison et plus encore son équipe de Quidditch. Je me voyais déjà en plus jeune attrapeur de l’école, adulé par les foules, porté en triomphe ! Bizarrement, ce n’est pas exactement ce qui s’est passé ... J’ai rejoint l’équipe, ça oui. En 3ème année. Au poste de gardien. Que voulez-vous que je vous dise ? On s’adapte !

Quoiqu’il en soit, ma première rentrée à Poudlard s’est avérée décisive avant même que je passe les portes de l’école. C’est qu’il est fichtrement long, ce trajet en train, surtout quand la seule personne que vous connaissez à bord se met à piquer un somme une heure après le départ. Je vous peins le tableau : ma sœur qui ronfle, une cabine qui n’accueille que nous et moi, pauvre petit moi, prêt à mourir d’ennui sur ma banquette. Heureusement, j’avais prévu le coup. Mon magnifique crapaud calamite, Zorro, était resté avec moi – et non, Diana ne peut pas prouver que je l’ai caché dans mon slip ! Ni une, ni deux, j’ai remonté le train en quête d’un amateur de courses de batraciens. Une seule personne a accepté de venir jouer avec moi, ce jour-là. C’était un garçon brun, plutôt grand et très sûr des capacités de Charming, son crapaud de conte de fées. Sans me douter de rien, je venais de faire la connaissance de Jacob Hamilton, alias Jake, prince charmant de son état et le meilleur ami dont on puisse rêver. Pour ceux qui se poseraient la question, Zorro a abandonné la course quand il a repéré une mouche sur une vitre. Franchement, je ne lui en ai pas tenu rigueur. C’est un peu grâce à lui si j’ai rencontré Jake… ça vaut bien quelques concessions, vous ne croyez pas ?

La suite des évènements est assez évidente, me semble t-il. Un petit tour de barque pour épater la galerie, puis présentation des quatre maisons… tout le monde connaît la chanson. Je veux dire… il y a littéralement une chanson, mais je grille les étapes. J’ai passé les portes du château fermement collé aux baskets de Diana et Jake. Tout à mon euphorie, je n’ai pas beaucoup réfléchi aux probabilités que nous puissions tomber tous les trois dans la même maison – je ne surprendrai personne en vous apprenant que je n’ai pas fini à Serdaigle. Ma sœur et moi, on se voyait bien à Serpentard. Elle, pour son tempérament abrasif et son ambition, et moi… on a pas trop parlé de moi, maintenant que j’y pense. C’était un signe que je n'ai pas su voir – ou peut-être, que je n’ai pas voulu voir. J’ai fait deux réalisations ce soir-là. Petit un, ma jumelle irait à Serpentard. Petit deux, je n’irais pas. J’étais tétanisé lorsqu’on a enfin appelé mon nom. Diana était déjà assise à la table verte et argent tandis que Jake avait dignement rejoint les rouges et or. Pour une fois dans ma vie, je n’en menais pas large. L’idée d’être séparé de ma sœur me foutait les jetons, voyez-vous ? Et les délibérations ont duré sept longues minutes durant lesquelles Serpentard n’a jamais été une option. Poufsouffle, en revanche… après trois minutes de laïus sur ma loyauté et ma bonté d’âme, c’est à se demander comment j’ai pu finir à Gryffondor. Encore aujourd’hui, je m’interroge sur les chances que ma relation fraîchement formée avec Jake ait influencé le choixpeau.

Qu’est-ce que je pourrais dire de plus, à ce stade ? Je ne suis pas l’élève le plus motivé, ni le plus assidu. J’aime bien la plupart des cours mais il n’empêche que les devoirs et les examens me les brisent violemment. J’ai passé plus de temps à explorer le château et à voler sur un balai qu’à réviser, je l’admets. Okay, j’ai aussi passé un certain temps en retenues pour avoir osé violer les sacro-saintes règles de l’école. Et puis quoi ? On s’amuse comme on peut ! J’ai 15 ans, c’est pas un âge à garder la tête dans les livres… En prime, j’ai quand même des supers notes en vol, ça compte pas pour du flan ! De toute façon, il va falloir m’expliquer comment je suis censé travailler pendant que Poudlard part en sucette. La Nuit Pourpre, ça parle à quelqu’un ?! Parce-que moi, je m’en souviens ! J’avais 13 ans, vous trouvez ça normal de lancer des sorts sur des mages noirs à 13 ans ?! Je n’avais même pas encore eu le temps d’embrasser Kirsten Vogel ! Évidemment, on n’a pas servi à grand-chose avec Didi et Jake. J’ai surtout fait mon possible pour les protéger tous les deux, quitte à faire mon petit chef. Je le referai, d’accord ? C’est moi le plus vieux, c’est à moi de protéger mes proches. Si je dois défier la nouvelle direction pour ça, je le ferai. Je le fais déjà, de toute façon... Qu’ils me renvoient, si ça les amuse. J’aurais pu être à Poufsouffle, mais je suis à Gryffondor, vous comprenez ? C’est pas une bande de fachos qui va me faire plier le genou.