Tu n'as pas revu ton frère depuis la dernière fois, il faut dire que tu évites soigneusement de tomber sur lui ou de le croiser car tu ne veux pas le mettre en danger, tu ne veux pas révéler à quelques regards indiscrets sa planque qui contrairement à toi, n'est pas temporaire. Sauf qu'à cause de cela tu n'as aucune nouvelle, tu sais qu'il n'a pas été arrêté sinon la gazette aurait déjà mis en avant ce fait en se gargarisant de la nouvelle comme si il n'y avait que cela comme découverte, celle d'avoir enfin trouvé un mangemort, un criminel recherché, un sorcier de la pire espèce. Bref tous les noms d'oiseaux pour vous nommer ton frère et toi, car évidemment la cavale fait de vous les pires êtres de ce monde et vous n'existez plus qu'à travers les insultes diverses et variées qu'on écrit sur vous dans les nouvelles. Cependant parce que ça fait un moment, que tu peines à être prudent et que ton cœur papillonne d'une joie simple et sincère, tu décides d'aller le voir ce soir pour la première fois depuis quelques semaines. Lux ne sera pas à l'hôtel c'est son jour de repos, ce qui te donne l'occasion de quitter l'endroit sans culpabiliser des heures perdues avec la belle. Petite amie ? Amante ? Tout ça à la fois c'est certain, tu ne sais pas encore la définir pourtant tu veux vivre cette histoire même si elle vous met en danger tous les deux, surtout elle car tu ne veux pas qu'elle soit accusée d'une quelconque complicité si tu venais à être attrapé. Mais elle refuse de mettre le point final à ce que vous vivez et toi... Toi tu n'es pas si fort que cela, pas assez pour te passer d'elle.
Ainsi tu quittes l'hôtel une fois le soir venu, rejoignant l'allée des embrumes en transplanant dans une ruelle que tu sais tranquille et justement c'est une bonne pioche pour ce soir car il n'y a personne si ce n'est le bruit d'une chauve souris qui s'envole quand tu apparais sous ta capuche. Elle disparaît dans les airs alors que tu marches vers la planque de ton petit frère, espérant qu'il sera bien là ce soir et pas occupé à sauver quelques vies. Le lieu est comme toujours vide, son immeuble presque abandonné si ce n'est le petit couple qui vit au second étage, composé de ton frère et de celle que tu as rencontré et qui a un caractère explosif mais un visage de poupée, tu comprends pourquoi elle lui plaît d'ailleurs. Rapidement et sans faire de bruit, tu montes les marches avant de t'arrêter devant la porte de son appartement et de donner trois coups suivi d'un seul, un dernier sec comme lorsque vous étiez enfant et que tu voulais le rejoindre dans sa chambre pour dormir les soirs d'orage. Père détestait cela mais l'un comme l'autre, vous en aviez besoin. Là, tu attends avant que la porte s'ouvre sur la belle gueule en biais de ton frère. « B'soir p'tite tête ! » Dis-tu tout sourire sous ta capuche, sincèrement heureux de le retrouver enfin.
Abélard vient de repartir, et Rabastan se sent vider de toute énergie. Cet échange a été éprouvant, et il ne sait pas vraiment quoi penser, ou quoi faire à présent. Il doit continuer à se terrer, à se planquer, en attendant qu'Abélard fasse son œuvre et récupère des preuves pour l'innocenter. Grace n'est encore pas rentrée, il la sait à un rendez-vous, ainsi il ne s'inquiète pas malgré la nuit qui est déjà tombée. Il fixe le vide, se sentant perdu, et se demandant vraiment si Abélard pourra le sauver, ou du moins l'aider s'il venait à aller à un procès. Il soupire, et rejette la tête en arrière. Il ferme les yeux, et tente de se détendre. En vain. La cavale commence à lui peser, lourdement, et il veut vraiment le meilleur pour Grace, pour leur petite fille, pour la vie qui se dessine devant eux. Elles ne méritent pas ça, elles ne le méritent pas lui, et il commence à douter sérieusement. Devrait-il se rendre ? Est-ce que ça serait pas mieux pour tout le monde ?
Ses réflexions sont interrompues par des coups à la porte, mais il se détend quand il reconnait le code que Rodolphus et lui emploient depuis leur enfance. Ainsi il se lève, et se dirige vers la porte, qu'il ouvre, un sourire sur la gueule en voyant bel et bien son frère derrière celle-ci, caché sous une capuche. « B'soir p'tite tête ! » Il s'écarte afin qu'il rentre.
"Je m'attendais pas à te voir vieille branche. Entre je t'en prie, fais comme chez toi."
Une fois son aîné entré, il referme la porte, qu'il verrouille, avant de se retrouver vers son frère.
"Tu veux boire un truc ? J'ai eu une bouteille de purfeu au troc cette semaine, il est pas si mal."
Il ricane, et une fois que le choix de la boisson est décidé, Rabastan invite son frère à s'installer sur un fauteuil, et lui prend l'autre, les verres sur la table basse de fortune.
"Alors comme ça, tu as rencontré mon épouse ? C'est fou ça, on peut pas se marier tranquille !" Il rit, avant qu'un sourire triste n'étire ses lèvres. "Désolé de ne pas te l'avoir dit. Je me dois de ne pas l'ébruiter, afin qu'elle ne tombe pas avec moi."