Mercenaires || Aramis & Barty

Tuer le type.
C'est toujours la mission qui te rapporte le plus, et c'est pas plus mal - parce qu'il semblerait que le nombre de sales types qui méritent la mort soit exponentiel avec la fin de la guerre. Le type doit mourir - tu demandes même plus pourquoi, alors qu'au début cela te semblait important. Parce qu'il a été violent, parce qu'il a été un mangemort, parce qu'il est l'amant, parce qu'il est un traitre, parce qu'il est lâche - tant de raison qui n'en sont pas, tant de raison qui t'apporte de l'argent. Alors pourquoi tu t'en fais, finalement ? Tu aimes mieux briser ton âme et ramener de quoi bouffer pour le lendemain - la vie se fait comme ça pour toi. Elle est morcelée entre l'argent et l'immoralité - t'as rien d'autre pour te définir. Ca et tes amitiés folles qui t'accordent encore un semblant d'humanité.
Est-ce de ta faute si t'es doué pour traquer les ordures et pour les tuer sans te faire soupçonner ? Personne te recherche parce que t'es un fantôme dans le monde magique. Tu n'expliques plus en tant que toi - tu existe par les remords et les regrets de ton père auquel t'as pas parlé depuis des années.

Alors tu te contentes de continuer à exister comme ça. A trainer dans des endroits pourris pour te faire remarquer par les mecs pourris qui veulent faire la peau à d'autres mecs pourris. Le type doit mourir, et c'est toi qui va le tuer. C'est comme ça que tu obtiens la prime en fin de partie. Les règles de cette existence sont simples et ça te convient parfaitement. Alors tu traines ta carcasses hors de Londres, hors de l'Angleterre parfois et tu traques la proie. Celle-ci a été au Nord. Le plus au Nord possible. T'es dans une forêt emplis de neige, à suivre les marques et les traces que tu crois deviner de lui. Tu sais pas où tu vas arriver, mais t'es certain que tu finiras par l'attraper.
Tu finis par repérer une cabane, où de la fumée s'élève. Preuve, s'il en faut, qu'il y a quelque qui veut se tenir chaud là-dedans. Alors tu continues, t'avances, et avec une  baguette que t'as piqué il y a plus de deux mois, tu t'apprêtes à lancer un sortilège - un pour ouvrir la porte, un autre pour la fermer une fois dedans, et un dernier pour figer le type.
Ce que tu aurais pu faire sans difficulté. Si ce n'était de la personne qui se trouve pas loin.

Tu as du mal à l'entendre - c'est juste une trace dans la neige qui te fait croire que t'es pas seul. La pointure est pas la même. Et les pas sont plus grands. Alors tu tournes, tu te détournes, et tu suis cette trace-là. Le type dans la cabane va pas partir soudainement. Hé ! Pas de raison de te cacher, j'suis juste un type curieux : t'es qui ? Demandas-tu, parce que la curiosité a raison de ta discrétion - c'est souvent le cas avec toi.

L’avantage de ce métier, c’est que si les consignes ne varient généralement pas – excepté lorsqu’il est question de passer d’un meurtre à une capture, variante pour laquelle Aramis est moins doué –, les traques, quant à elles, ne sont jamais les mêmes. Elles l’emmènent d’un bout à l’autre du Royaume-Uni et, en de rares occasions, il peut arriver qu’il soit obligé de se rendre dans un autre pays ou – plus rare encore – sur un autre continent. Fait qu’il a toujours accepté, ayant très vite adopté une image sportive de la chasse. Parce que c’est ce dont il s’agit pour Aramis : de la chasse. On lui donne du gibier qu’il doit traquer, il s’exécute en récompense d’une paye intéressante. Immoral, condamnable, bien sûr que ça l’est… mais Aramis ne connaît pas d’autre vie que celle-ci. Ne veut probablement pas en connaître d’autre. Que pourrait-il bien faire de ses dix doigts quand ceux-ci sont habitués à prendre des vies depuis des années ? Pourrait-il être autre chose qu’un habile tueur quand il a été élevé dans cette optique par son paternel ? Ce n’est pas un futur qu’il désire pour son petit-frère – encore aujourd’hui malgré sa disparition – mais pour lui, son propre avenir se dessine dans le sang de ceux à qui il retire ce privilège.

Parce qu’il n’a rien à perdre, rien de mieux à faire que de traîner dans les quartiers les plus glauques et lugubres des villes et villages. Des bas-fonds, comme certains les nomment dédaigneusement. Des endroits où les contrats sont aussi légions que les mecs avec des casiers judiciaires. Des endroits bourrés de travail pour la vermine qu’il est. Il suffit de tendre l’oreille et de signaler son intérêt… ou parfois, de laisser ceux dans le besoin venir à soi. C’est comme ça que, cette fois encore, Aramis repart, telle une ombre, un nouveau contrat scellé. Des semaines de traque le mènent au Nord, au-delà de l’Angleterre et à l’extrême Nord de l’Écosse. La cible semble ne pas craindre les températures basses tandis qu’Aramis grommelle lorsqu’il sent la neige craquer sous ses pas. Il aurait pu faire cette partie du trajet sur le dos de Sekhmet… mais si proche et au-dessus d’une forêt enneigée ? L’intérêt aurait été plus que limité.

Difficile de dire depuis combien de temps il progresse dans cette météo décidée à ne pas l’aider. Toutefois, il finit par arriver à une cabane, d’où de la fumée s’élève du trou percé dans le toit. Ni une, ni deux, le semi-vampire s’élance, ouvrant la porte à la volée avant de… se stopper net. Il pensait surprendre sa proie, la cueillir pendant qu’elle se prélassait devant son feu de cheminée, persuadée à tort d’être à l’abri de tout danger. Précautionneux, Aramis fouille la maison en long, en large et en travers avant de se résigner : il est arrivé trop tard. Cet troll cramoisi s’est déjà fait la malle, probablement en urgence ayant laissé ses affaires traîner et le feu brûlant dans l’âtre. Si c’est le cas et qu’il a compris qu’il est poursuivi… soudain, un bruit vers la porte indique que quelqu’un va entrer. Le premier réflexe du Dragomir est de se cacher, de se mettre hors de vue de l’arrivant. Puis… à la phrase prononcée, il est évident que sa présence est démasquée. Alors même s’il ne peut s’empêcher de penser que ce mec est bien idiot de ne pas profiter autrement de l’avantage qui était le sien en ayant conscience de la présence d’Aramis sans qu’il le sache… le mercenaire se montre, faisant face à l’inconnu. « Bordel… toi, t’es qui ? », clairement pas le type qu’il recherche. Il correspond pas à la gueule qu’on lui a décrite – quoi qu’il ne faut jamais présumer de rien, pour peu que sa cible soit suffisamment intelligente pour se procurer et utiliser une potion de polynectar. Mais dans ce cas, ce serait également bien idiot de revenir à cette planque au lieu de simplement… profiter de l’anonymat pour partir encore plus loin.